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  • Violence des jeunes: des solutions

    Par Alain Bagnoud

    Graffiti1.jpgDonc, Sarkozy va fouiller les cartables. Ah, ça va y aller! Vous allez voir ça! Ceux qui auront des trucs dangereux, des compas et des ciseaux et des crayons trop bien taillés, tout de suite en garde à vue!

    Et ce n'est pas la seule mesure du président qui sort toujours la même panoplie quand il veut gagner une élection (cette fois, c'est les européennes): il va te me les nettoyer, les banlieues! Il en a 25 sous les yeux, et ça va chauffer. « Aucune rue, aucune cave, aucune cage d'escalier ne doit être abandonnée aux petits voyous cupides. Nous ne les laisserons pas persécuter les travailleurs honnêtes et courageux. »

    Le Kärcher n'est plus de mise, ça n'a pas marché. Ce qui va se passer, c'est que des agents du fisc vont repérer les signes de richesse anormaux qui vont les mener directement aux trafiquants. Si tu as une Rolex en banlieue, tu es foutu.

    Bon, c'est de la gesticulation, d'accord. Mais il y a quand même une question intéressante derrière tout ça: la violence des jeunes. Il est indéniable qu'elle a augmenté. C'est ce que dit en tout cas le prudent Département fédéral de justice et police suisse: « Les statistiques ne permettent pas aujourd’hui de tirer des conclusions exactes quant à l’ampleur de ce phénomène, car elles ne révèlent pas le "chiffre noir" de la criminalité juvénile. Mais elles laissent néanmoins apparaître que la propension des jeunes à la violence s’est effectivement amplifiée. »

    La faute évidemment à un quart de siècle de libéralisme, dont le message est clair: dans une société régie par ses règles, seuls les plus forts peuvent réussir, et c'est en écrasant les faibles.

    Que voulez-vous? Quand tout, et jusqu'à l'hyperprésident cité plus haut vous le proclame et vous le répète sans cesse, vous finissez par agir en conséquence.

    Il est temps, donc, de rappeler une vérité essentielle, qu'avait développée dans un livre Philippe Cotter, docteur en relations internationales. Ce qui suscite la violence est une chose simple et bien définie: le sentiment d'être humilié.

    Et je ne suis pas sûr que Sarkozy et tous les va-t-en-guerre sécuritaires soient en train d'en diminuer les causes.

     

    Philippe Cotter, Gilbert Holleufer, La vengeance des humiliés, Editions Eclectica

     

    (Publié aussi dans Le blog d'Alain Bagnoud.)

  • Liens de sang

    par Pascal Rebetez

    Trois ans de tournage, quatre familles qui acceptent la caméra et le micro pour ce laboratoire de l’altérité, un quartier divorcé : celui des Grottes où trônent les immeubles des Schtroumpfs. Une recette que Fabienne Abramovitch a mis en pratique pour réaliser un documentaire en dentelle et tout en tensions. Je l’ai vu hier soir dans la petite salle vidéo du Bio à Carouge. « Liens de sang » fait penser au meilleur de l’émission belge Strip Tease. Il s’agit ici d’une immersion dans ce qui se joue en ce début de XXIème siècle dans les rapports familiaux de ce coin de pays. Trois des familles sur quatre sont monoparentales, avec leur Mère Courage respective. Toutes tentent de créer et de préserver des liens. Toutes et tous tentent d’éduquer. C’est complexe, bordélique parfois, émouvant souvent. Personnellement, ça ne m’a pas donné envie de remettre le couvert en matière familiale. Mais l’alternance des points de vue et du montage font de ce document une pépinière de témoignages très humains, très vrais, très vécus. Bon sang, quelle drôle d'affaire que la famille!

  • QUI PARLE ICI???

    Par Antonin Moeri

     



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    Quand Tchékhov écrit, au début de “La Salle n°6”: ”J’aime son visage large aux pommettes saillantes...”, le lecteur est surpris. Il se demande qui prend, ici, la parole. Le docteur Raguine raconterait-il sa propre histoire? Le lecteur tombe, un peu plus loin, sur une digression: l’erreur judiciaire est plus répandue qu’on ne croit, surtout dans une ”petite bourgade crasseuse, à deux cents verstes du chemin de fer”. Thomas Bernhard dit la même chose sur l’aveuglement et la brutalité des juges qui, ”par la force de l’habitude, s’endurcissent tellement qu’ils ne peuvent avoir avec leur clientèle d’autres rapports que formels”. On en déduit que le docteur Tchékhov laisse libre cours, dans ce passage, à des considérations personnelles sur la société russe de son époque. Mais que faire avec ce “J’aime son visage large aux pommettes saillantes...”?
    Un professeur de collège me disait un soir sous une tonnelle que le problème du narrateur l’intéressait beaucoup et qu’il s’efforçait, tout au long de l’année, d’attirer l’attention de ses élèves sur le degré de présence du narrateur dans une histoire. Ainsi leur apprend-il la différence entre un narrateur omniscient, un narrateur-témoin et un narrateur-conteur. Imaginons un de ses étudiants lisant cette déclaration “J’aime son visage large aux pommettes saillantes...” Il se dira: ”C’est un narrateur-témoin qui parle. C’est un personnage qui doit se trouver à l’intérieur de l’hôpital. Sans doute un infirmier, un garde (Nikita), un compagnon de Gromov, peut-être le docteur Raguine”. Il se rendra compte, au fil de la lecture, qu’il n’y a pas de narrateur-témoin dans “La Salle n°6”. S’agirait-il d’un narrateur extérieur à l’histoire?
    En effet, celui qui présente le vieux Nikita au visage ravagé par l’alcool, le bouffon Moïsseïka qui a l’autorisation d’aller mendier dans les rues, le parano Gromov, un huissier cultivé et fin qui a sombré dans un délire de persécution, le docteur Raguine qui étudia la médecine contre son gré, qui manque de confiance en ses droits, qui ne sait donner des ordres et se met à pleurer lorsqu’un enfant, à qui il doit examiner la gorge, pousse des cris de détresse, qui ”lit énormément et toujours avec grand plaisir” (en sirotant un verre de vodka), qui souffre de ne pouvoir tenir une conversation intéressante avec des gens éclairés, celui qui présente ces personnages avec empathie, avec un immense amour des êtres humains, ce présentateur n’est ni le docteur Tchékhov (quoique...) ni un personnage de la nouvelle (quoique...), c’est un Mensch aus Papier indéfinissable qui met nos émotions à nu et qui devait nous dire combien il aimait cet homme de trente-trois ans. “Je l’aime pour lui-même, c’est un homme bien élevé, serviable et d’une délicatesse exceptionnelle avec tous(...) Quand il parle, on reconnaît à la fois en lui un fou et un homme”.
    Je me demande si cette petite incursion dans le récit n’annonce pas la ronde des points de vue qui caractérisera les aventures littéraires du XX ème siècle.


    Anton Tchékhov: Oeuvres III, Pléiade 1971

  • Toutes les fins de siècle se ressemblent

    Par Pierre Béguin

     

    J’avais oublié cette phrase. Probablement s’était-elle incrustée dans mon inconscient. Car depuis le temps que je présente l’histoire littéraire française de la Renaissance au XXe siècle, j’avais moi aussi développé cette conviction – que je croyais toute personnelle – et répertorié une liste d’exemples propres à étayer ma chère théorie sur les fins de siècle qui se ressemblent. Peut-être même l’idée d’en faire un livre m’avait-elle traversé l’esprit, comme il en passe des dizaines mensuellement dans le cerveau de ceux qui cèdent à cette manie de l’échuysmans[1].jpgriture. Fugace. Météorite. Heureusement! Elle n’était pas de moi, cette idée. J’aurais eu l’air de quoi?

    Pourquoi me suis-je replongé dans l’œuvre de J.K. Huysmans que, sans regret, je n’avais plus lue depuis l’Université? Là-bas… Au fil d’une page, je redécouvre, dans une explosion de mémoire, la fameuse phrase: «Toutes les fins de siècle se ressemblent». Et dans A vau-l’eau, sa sœur jumelle, ce De profundis schopenhauerien «Seul le pire arrive», l’une appelant l’autre comme si l’ambiance crépusculaire se mariait naturellement avec le pire pour dessiner le traditionnel tableau des névroses «fin de siècle». Après tout, la mélancolie de Rodolphe II, dans son château de Prague, au milieu d’une clique d’artistes, d’alchimistes et d’astrologues, n’est pas sans rappeler celle de Louis II à Neuschwanstein, voire celle de Louis XIV à Versailles, où il réside depuis 1682 coupé des réalités, entouré d’une foule de courtisans et empêtré dans un cérémonial rigoureux. Huysmans a très bien perçu cette correspondance entre le climat «fin de siècle», dont des Esseintes, le héros de A rebours, est le témoin, et le teadium vitae – l’ennui métaphysique, qualifié de «névrose» par le diagnostic de Zola – des contemporains de Cervantès. Et malgré le néo-classicisme de l’entre-deux guerre, NRF en tête, ou les efforts parfois grotesques des surréalistes pour farder la charogne fin de siècle, la seconde moitié du XXe en a subi toutes les contagions (il est vrai que Bardamu en avait assuré le lien). Genet a relevé l’héritage de Baudelaire, Malraux celui de Barrès et Sartre celui de Schopenhauer (et, donc, de Huysmans). Entre Jean Folantin, le héros de A vau-l’eau, petit employé souffreteux et misogyne assaisonné de spleen baudelairien, et l’Antoine Roquentin de La Nausée, la phonétique à elle seule appelle la comparaison. Et si, d’A vau-l’eau à A rebours, on passe de la roture à la noblesse, si le duc Jean de Floressas des Esseintes possède tout ce qui fait défaut à Jean Folantin, tous les deux parcourent, sous le soleil de Saturne, le même chemin envasé, contraints de refaire sans cesse leur addition de négations, avec cet ennui métaphysique qui corrompt tout, dans cette sainte solitude qui est un autre nom de l’absolu désespoir. Ni le cynisme ou la curiosité sardonique de Bardamu, ni la dignité philosophique de Roquentin n’y changeront rien: le fond de l’existence est la neutralité gluante, incolore, inodore, insonore de la matière, dont la conscience, en dépit de vains efforts pour se duper, n’est qu’un effet de surface. Personne n’aura pu réfuter l’implacable analyse de Pascal. Et les teintes crépusculaires des fins de siècle semblent jeter sur cette évidence un éclairage aussi cruel qu’impitoyable.

    Bonne nouvelle, au fond! Si cette théorie est avérée, il nous reste plusieurs dizaines d’années avant le prochain crépuscule. Et moi qui ai déjà vécu ma fin de siècle et qui me sens toujours à l’aurore de ma vie … Oh les beaux jours! 

  • De l'air pour les théâtres!

    par Pascal Rebetez

    En ces périodes où les acteurs culturels genevois se retroussent les manches et planchent sur les conditions de leur avenir, j'ai plaisir à rajouter au débat l'éditorial impertinent de notre confrère Alexandre Friedrich, texte paru sur le site des écrivains associés du théâtre en Suisse (eat).

    Des mots galvaudés tels que catastrophe, drame, crise ont leur sens, parfois leur origine dans le théâtre. Ils rappellent que le théâtre est un art dépendant qui représente ce qu'il nous est donné de vivre, qui crée par la déformation d'un modèle.
    Il accompagne la société, fait son exégèse, à l'occasion la précède.
    Cette qualité en fait un art mineur, loin de la poésie ou de la musique, ignorant le beau des esthétiques classiques, à commencer par celle de Kant pour qui le beau suscite un jugement universel et subjectif.
    Mais cette qualité en fait aussi un art responsable, un art qui exhibe ce qui est caché, révèle des secrets, dénonce, explique – un art aux vertus de carnaval.
    Et c'est le problème.
    Catastrophe, drames et crises se déroulent sur la grande scène, celle qui fait partie intégrante de notre réalité, la réalité rapportée, la réalité que l'on nomme « actualités .» Ses moyens technologiques sont convaincants, plus en phase et, dans la mesure où ils servent un programme politique d'Etat, souvent gratuits.
    Conséquence immédiate le spectacle théâtral n'intéresse qu'un public de professionnels: c'est ce que les Français appellent le « retour d'ascenseur »: je verrai ta pièce si tu vois ma pièce.
    Le système peut perdurer sur ce mode dès lors que l'Etat subventionne les théâtres et les comédiens. Il crée un sous-fonctionnariat ainsi réparti: des animateurs socio-culturels chargés de limiter l'impact négatif des politiques et un personnel distingué dont l'activité consiste à défendre son statut au prétexte de choix esthétiques éclairés.
    La question est de savoir à quelle société les spectacles représentés dans les théâtres renvoient, de quoi ils s'emparent pour le déformer et sous quelle forme ils le rendent.
    Soit d'une part des vieilles idéologies qui ne rajeunissent pas leur auteurs (comment leur en vouloir d'être nés au XXème?) et d'autre part des postmodernes illettrés (comment leur en vouloir d'aimer le XXIème?).
    Et puis le troisième voie, celle des optimistes. Ceux-là ont compris qu'il y avait un roi à détrôner, les actualités. Ce n'est pas dans le vaudeville qu'ils donnent (caricature d'une société avérée). Ils remplacent en dupes la société par les actualités et s'y attaquent frontalement, à la façon de la télévision, c'est à dire de la façon la plus bête (comment leur en vouloir de priser la gloriole.)
    Ce qui est embêtant là-dedans, c'est que dans une société qui ne parle que d'une voix (le politiquement correct), si le théâtre ne répond plus il y a danger (...) Pour remédier à cette situation de théâtres enfermés à la fois dans les idéologies caduques, les élitismes de pacotille et les accointances de télévision, le mieux sera de déprofessionaliser dans toute sa hiérarchie le milieu théâtral (qui serait ramené au statut de l'écrivain dramaturge dont les seuls combustibles sont le talent et le travail)...

    La suite sur le site des eat  http://www.eat-ch.org/EAT-CH%20accueil.php3?Q=Edito&Qui=&

  • Simplifier le français


    Par ANTONIN MOERI

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    Professeur de sociolinguistique à l’université de Grenoble, Marinette Matthey vient de sortir aux éditions de l’Aire un livre très intéressant. Ce livre rassemble les chroniques que Marinette Matthey envoie chaque semaine au journal pipole “Le Matin” et une série d’articles parus dans diverses revues genre “L’Educateur” ou “Bulletin de la Haute École Pédagogique”.
    L’auteur revendique clairement cette posture à la frontière entre l’université et les médias, d’abord parce qu’elle aime écrire et qu’elle préfère être lue par le plus grand nombre, ensuite et surtout parce que “les chercheurs en sciences humaines ont besoin d’atteindre le grand public depuis que le financement de la recherche est lié à la visibilité des résultats, autrement dit à leur reprise dans les médias”. Jean Kaempfer, prof à l’université de Lausanne, est du même avis en ce qui concerne la recherche dite littéraire.
    Que ce soit à propos de la féminisation des noms de titre ou de fonction, de la droite décomplexée, des gros mots de Fadela Amara, des termes en -isme, de la langue comme condition d’intégration, de l’enseignement de l’orthographe dans les écoles publiques, du savoir populaire, de l’étymologie de certaines expressions, du langage SMS ou des langages suisses romands, Marinette Matthey se montre agile (souci didactique tout en parlant au lecteur de manière claire et détendue), exigeante, parfois cocasse, compréhensive, subtile, convaincante. Son rapport à la langue française (que Céline qualifiait d’impériale) est fait de distance, de réflexion, d’attirance, de tendresse. On sent que l’auteur aime cette langue. Elle pense que sa syntaxe et son orthographe devraient être simplifiées pour que chacune et chacun puisse se l’approprier à moindre coût. C’est sans doute ce “moindre coût” qui déterminera, dans les années à venir, l’évolution d’une langue qu’on ne peut plus réserver aux héritiers ni figer dans un irrespirable carcan.
    Ce rapport à la langue implique une prise de position sur l’échiquier politique (les allusions à Rocard, Meirieu, Nina Catach et Ségolène Royal l’expriment clairement). Rapport à la langue exactement opposé à celui d’un Renaud Camus pour qui la soumission aux lois du langage et le respect des nuances syntaxiques sont une manière de réserver un espace à l’Autre. Peut-être Renaud Camus s’intéresse-t-il davantage à la langue pour elle-même (encore que...) et que Marinette Matthey s’intéresse davantage aux “gens qui parlent” (encore que...).

    Une dernière chose. Le préambule m'a touché. Les saisonniers qui parlent l'italien dans l'immeuble où grandit la petite Marinette. Eclats de voix. Rires.  Buongiorno. Porca miseria! Première prise de conscience. L'ordre de la langue n'est pas celui des choses. Les mots-souvenirs dans le cercle familial. La lecture qui devient une addiction, et puis l'université. C'est raconté avec pudeur, sans effets oratoires. On interroge ses racines, si j'ose dire. Histoire d'une fillette qui a retroussé ses manches, qui construira une vie à elle, alors que le papa aurait tellement voulu un garçon.

     

  • Santé

    Par Alain Bagnoud

     

    Cendrars.jpgRégime de Blaise Cendrars à La Redonne, dans le Midi. Nous sommes en 1927.

    Le matin, il se promène et observe les bateaux. Arrive midi. Il mange à l'auberge du village.

    « Les fromages, les fruits étaient quelconques, mais le café était bon et la blanche de la maison râpeuse, juste comme je l'aime. J'arrosais mes repas de deux, trois bouteilles de ce fameux vin d'Ensuès que l'on ne récoltera bientôt plus, les vignes en balcon dans les rochers environnants étant trop difficiles d'accès et trop pénibles à travailler, vin riche que je ne puis comparer qu'au vin de Samos tant par son goût fruité que par sa bonté en alcool, et je me levais de table chargé comme une cartouche de dynamite. »

    C'est l'après-midi. Il s'agit de jouer au boules et le perdant paie la tournée: « … le soir, j'avais bu mes quarante, j'avais bu mes soixante verres de pastisse avec tous ces bon bougres, selon le nombre de parties que j'avais faites dans mon après-midi et le nombre de tournées de politesse que les uns ou les autres m'avaient rendues. »

    Enfin, il faut rentrer.

    «... je remontais le soir au « château, chargé d'un diner froid et d'autant de bouteilles de vin que je pouvais en fourrer dan mon havresac... J'allais, je venais j'entrais dans la cuisine, j'en ressortais, je faisais le tour de la maison, je revenais m'installer sur la terrasse, je débouchais une bouteille, je bourrais ma pipe, je cassais lentement la croûte. »

    Rappel:

    La consommation à risque est définie selon les critères suivants :

    Hommes (<65 ans):

     

    > 14 verres par semaine ou

     

     

    > 4 verres par occasion

    Centre de Traitement en Alcoologie.

    Santé!

     

    Cemdrars, L'homme foudroyé, Folio

  • L’odeur de la racaille

    par Pascal Rebetez

    Dans la TdG de lundi, Thierry Mertenat conclut son reportage sur les zizous des Pâquis par cette vérité ressentie in vivo que 38 jeunes adultes rassemblés quelques heures dans une pièce sans aération laissaient dans les lieux une vague odeur de transpiration...

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  • La politique culturelle baigne dans le sang

    PAR SERGE BIMPAGE

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    C’est l’énigme de l’année : comment diable un prince de la culture a-t-il pu se transformer en assassin ? Aurait-il soudain révélé sa vraie nature meurtrière, ou celle-ci s’est-elle forgée à l’aune de la fascination du pouvoir ?
    On l’avait connu journaliste dynamique et enthousiaste, prêt à défendre la veuve et l’orphelin, doué d’une rare générosité dans la profession. Devenu politicien, il semblait poursuivre, volant au secours de tel ou tel service sinistré de son département. Quelque chose de christique en lui…
    Et voilà que l’une après l’autre, les têtes se sont mises à tomber ! D’abord les petites, puis les moyennes, jusqu’aux grandes : le glaive a frappé, brandi d’abord par la propre main du Christ devenu Machiavel puis tenu en renfort par d’autres mains qui sont celles des audits.
    Tel ami des Verts, père de famille qui avait quitté son emploi pour rejoindre le prince : renvoyé pour incompatibilité. Tel ancien confrère et ami qui fit de même, séduit : poussé dehors pour divergence de vues. La suite, on connaît. Complot pour promouvoir la princesse à la direction du Musée des sciences. Association avec les employés pour déstabiliser la direction du Grand Théâtre. Eviction du directeur du Musée d’ethnographie. Limogeage de celui du Musée d’art et d’histoire…
    Tandis que la politique culturelle genevoise baigne dans le sang, on s’interroge en silence. Faut-il que notre magistrat se déteste pour déployer tant de haine et qu’il méprise la culture pour la torturer ainsi. Mais courage, camarades. Un jour, c’est sûr, le peuple moribond se lèvera d’un bond et réclamera un audit du Département.

     

     

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  • Une Bovary américaine





    Par ANTONIN MOERI





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    Dans une nouvelle de John Cheever (1912-1982), celle qui raconte l’histoire doit être une vague connaissance de la protagoniste. Pourtant, elle connaît une foule de détails concernant la mère, l’enfance et la vie de Jill Madison. Elle n’intervient pas dans le récit, sinon à la toute fin quand elle écrit: “La dernière fois que j’eus de ses nouvelles, ce fut par l’intermédiaire de Georgie qui me téléphona un soir...”
    Après avoir étudié la littérature française à l’université de Columbia, Jill dirige une agence de voyage, fait de la politique, écrit un essai sur Flaubert. Elle épouse Georgie Madison, petit cadre dans un chantier naval. Elle organise un voyage de groupe en Europe. À Venise, où son mari viendra la retrouver, elle arpentera les rues de façon éreintante, traînant son Georgie d’un monument l’autre, d’un musée l’autre.
    Georgie nous est présenté comme un homme qui voue un amour passionné pour leur fils Bibber, qui pense que Thackeray est le nom d’une pâtisserie, qui prépare les cocktails, découpe le rôti, verse le vin, polit les meubles, astique les cuivres, les chenets et les fourchettes. Activités qui instillent le doute dans l’esprit de Jill: “Est-ce réellement un homme?” Doute qu’elle surmonte aussitôt en imaginant “le marin velu et ivre qui l’aurait obligée à frotter le sol à quatre pattes” et qu’elle aurait pu ou dû épouser. Avant d’accepter les caresses de son gentil mari, elle lui déclame en français un passage de Madame Bovary. Elle veut lui prouver qu’une femme intelligente peut aussi être séduisante (le mari va se coucher au salon et trouvera bientôt une autre femme à la sortie d’un magasin pour satisfaire ses pulsions).
    Après la mort de Bibber, Georgie demande le divorce. Jill trouve du travail chez un éditeur de manuels scolaires. La narratrice nous apprend que Georgie ne s’est pas remarié, qu’il devait être soûl au moment du téléphone et qu’il voulait absolument déjeuner avec elle. Elle écrit tous les numéros de téléphone de Georgie sur un bout de papier qu’elle jettera aussitôt à la corbeille. Dans cette nouvelle, Jill n’est pas une simple rêveuse. C’est une femme entreprenante, énergique et talentueuse. Elle semble pourtant avoir un défaut: elle refuse de prendre en compte le réel (les nombreux soldats avec lesquels sa mère a couché, la femme de médecin avec laquelle couche son gentil mari). Défaut qu’elle partage avec Madame Bovary.
    Cet hommage à Flaubert est un bijou. Courez l’acheter (2 euros)!

     



    John Cheever: “Une Américaine instruite”, Folio