De l'air pour les théâtres! (20/05/2009)

par Pascal Rebetez

En ces périodes où les acteurs culturels genevois se retroussent les manches et planchent sur les conditions de leur avenir, j'ai plaisir à rajouter au débat l'éditorial impertinent de notre confrère Alexandre Friedrich, texte paru sur le site des écrivains associés du théâtre en Suisse (eat).

Des mots galvaudés tels que catastrophe, drame, crise ont leur sens, parfois leur origine dans le théâtre. Ils rappellent que le théâtre est un art dépendant qui représente ce qu'il nous est donné de vivre, qui crée par la déformation d'un modèle.
Il accompagne la société, fait son exégèse, à l'occasion la précède.
Cette qualité en fait un art mineur, loin de la poésie ou de la musique, ignorant le beau des esthétiques classiques, à commencer par celle de Kant pour qui le beau suscite un jugement universel et subjectif.
Mais cette qualité en fait aussi un art responsable, un art qui exhibe ce qui est caché, révèle des secrets, dénonce, explique – un art aux vertus de carnaval.
Et c'est le problème.
Catastrophe, drames et crises se déroulent sur la grande scène, celle qui fait partie intégrante de notre réalité, la réalité rapportée, la réalité que l'on nomme « actualités .» Ses moyens technologiques sont convaincants, plus en phase et, dans la mesure où ils servent un programme politique d'Etat, souvent gratuits.
Conséquence immédiate le spectacle théâtral n'intéresse qu'un public de professionnels: c'est ce que les Français appellent le « retour d'ascenseur »: je verrai ta pièce si tu vois ma pièce.
Le système peut perdurer sur ce mode dès lors que l'Etat subventionne les théâtres et les comédiens. Il crée un sous-fonctionnariat ainsi réparti: des animateurs socio-culturels chargés de limiter l'impact négatif des politiques et un personnel distingué dont l'activité consiste à défendre son statut au prétexte de choix esthétiques éclairés.
La question est de savoir à quelle société les spectacles représentés dans les théâtres renvoient, de quoi ils s'emparent pour le déformer et sous quelle forme ils le rendent.
Soit d'une part des vieilles idéologies qui ne rajeunissent pas leur auteurs (comment leur en vouloir d'être nés au XXème?) et d'autre part des postmodernes illettrés (comment leur en vouloir d'aimer le XXIème?).
Et puis le troisième voie, celle des optimistes. Ceux-là ont compris qu'il y avait un roi à détrôner, les actualités. Ce n'est pas dans le vaudeville qu'ils donnent (caricature d'une société avérée). Ils remplacent en dupes la société par les actualités et s'y attaquent frontalement, à la façon de la télévision, c'est à dire de la façon la plus bête (comment leur en vouloir de priser la gloriole.)
Ce qui est embêtant là-dedans, c'est que dans une société qui ne parle que d'une voix (le politiquement correct), si le théâtre ne répond plus il y a danger (...) Pour remédier à cette situation de théâtres enfermés à la fois dans les idéologies caduques, les élitismes de pacotille et les accointances de télévision, le mieux sera de déprofessionaliser dans toute sa hiérarchie le milieu théâtral (qui serait ramené au statut de l'écrivain dramaturge dont les seuls combustibles sont le talent et le travail)...

La suite sur le site des eat  http://www.eat-ch.org/EAT-CH%20accueil.php3?Q=Edito&Qui=&

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