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Amis - Amies

  • Julien Sansonnens, Prix Rod 2019

    Le samedi 14 septembre, à 11 heures, à la Fondation de l'Estrée, à Ropraz, on fêtera les vingt-trois ans du Prix Édouard-Rod. Ce Prix littéraire — un des rares et des plus importants en Suisse romande — a été fondé en 1996 par Jacques Chessex. Il vise à promouvoir le travail d’écrivains de qualité. Il peut récompenser soit une écriture neuve et inventive, à travers une première œuvre forte, soit une œuvre déjà confirmée, mais de haute exigence.

    images-1.jpegCette année, le Prix Rod récompense un roman de Julien Sansonnens (né en 1979), L'Enfant aux étoiles (éditions de l'Aire). Inspiré par le tristement célèbre massacre de l'Ordre du Temple Solaire, ce roman est une enquête minutieuse et sans compromis sur cet épisode toujours énigmatique de notre histoire. Avec finesse et précision, Sansonnens sonde l'âme des victimes de cette sombre affaire (en particulier « l'enfant cosmique », fille de Jo di Mambro, assassinée à Salvan) qui défraya la chronique en 1994 et 1995 (voir ici l'émission Zone d'ombre de la RTS consacrée à l'OTS).

    A l'Estrée, à Ropraz VD), les festivités commenceront à 11 heures.

    L'entrée est libre.

    Venez nombreux !

  • Trois souvenirs de Michel Butor

    par Jean-Michel Olivier

    images-2.jpegTrois souvenirs, encore vivaces, à propos de Michel Butor, qui fut mon professeur et mon ami, et qui vient de nous quitter.

    1. Le souvenir le plus ancien n'est pas le plus glorieux. Il remonte à l'autre siècle. Fin des années 70. Avec quelques amis (une quinzaine), nous avions décidé d'assister au séminaire de Michel Butor, nouvelle vedette de l'Université de Genève, qui venait d'être nommé professeur ordinaire. Cette année-là, le séminaire portait sur un écrivain français peu connu (mais célébré par Michel Foucauld), qui avait inspiré Michel Leiris et des surréalistes : Raymond Roussel. images-5.jpegForts de nos certitudes dogmatiques, nous avons donc investi la grande salle de cours de l'aile Jura. Comme à son habitude, Butor est arrivé en salopettes, un livre sous le bras, sans notes, ni cahier. Il a organisé les exposés. Nous les avons réclamés tous. Il ne s'est douté de rien. Nous étions ravis : chaque semaine, dorénavant, l'un de nous prendrait la parole pour éclairer Roussel à sa manière, c'est-à-dire à la nôtre — à la lumière des grands théoriciens que nous lisions alors (Barthes, Derrida, Foucauld, Deleuze, etc.). Après le premier exposé, Butor, qui n'était pas tombé de la dernière pluie, a eu la puce à l'oreille. Il a convoqué le second conférencier (mon ami Alain F., pour ne pas le nommer !). La discussion a vite tourné à l'aigre. Et Butor a mis son veto à l'exposé d'Alain. Le lendemain, dans un grand mouvement théâtral, tout le groupe, comme un seul homme, a quitté le séminaire en dénonçant la censure du professeur Butor ! Celui-ci a été abasourdi. Et, pour une fois, lui d'ordinaire si bavard n'a rien dit ! Le petit groupe de terroristes de salon (dont je faisais partie) est parti en claquant la porte, très fiers de leur effet. Et il n'est plus resté que trois étudiants dans la salle ! C'est avec eux que l'imperturbable auteur de La Modification a terminé son séminaire. Bien sûr, l'événement a fait des gorges chaudes à l'Université.

    — Quoi ? L'illustre Michel Butor tient séminaire devant trois étudiants ?

    Il dut subir (on me l'a raconté) les quolibets de ses collègues, qui riaient sous cape. Ce petit coup d'État, par ailleurs, n'est pas resté sans conséquence, puisque Butor, quelques années plus tard, a raconté cette péripétie, à sa manière, dans la préface qu'il a écrite pour son ami, images-6.jpegle poète Vahé Godel (« Petit rêve du lac », in Du même désert à la même nuit). Dans ce petit récit, Butor raconte qu'un groupe d'extraterrestres débarque un jour dans son séminaire et qu'il a toutes les peines du monde à s'en débarrasser…

    2.  Je ne pensais plus jamais revoir Michel Butor, dont les livres (après les cinq fameux romans) me laissaient froid. Je n'ai jamais été sensible à ses Matières de rêve (Gallimard), ni à ses livres « expérimentaux ». Mais la vie a voulu que nous nous retrouvions. En 1986, Michel Butor a travaillé avec Marc Jurt, un peintre et graveur d'exception, qui était un grand ami. Marc aimait collaborer avec des écrivains (Butor, Chessex) pour que ceux-ci déposent leurs mots sur ses gravures ou ses toiles. Ce travail s'appelle Apesanteur. Et à cette occasion, Marc m'a demandé de présenter cette œuvre à quatre mains. images-4.jpegCe que j'ai fait (voir ici) J'ai retrouvé Butor, qui avait tout oublié, semble-t-il, des petites conspirations universitaires, et j'ai découvert un homme simple et généreux, d'une curiosité extraordinaire, qui cherchait dans la peinture ou la gravure des réponses à ses propres questions (la peinture a sans doute été son plus grand sujet d'inspiration). 

    3. Le dernier souvenir est le plus vivace et le plus attachant.

    En 2012, année du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau, j'ai eu la chance et le plaisir d'être invité à New York avec une petite délégation genevoise (Roger Mayou, Michèle et Michel Auer, François Jacob, Marc Perrenoud, Footwa, alias Frédéric Gafner). images-7.jpegL'excellent Olivier Delhoume a supervisé le tout et Michel Butor a été du voyage. Nous avons passé des heures délicieuses à parler de littérature, du Nouveau Roman (qu'il avait abandonné depuis longtemps), des auteurs à la mode et bien sûr des prix littéraires (il a reçu le Prix Renaudod pour La Modification en 1956 et je venais de recevoir le Prix Interallié pour L'Amour nègre). Nous avons beaucoup ri de la comédie littéraire. Et parlé aussi de Rousseau (qu'il connaissait admirablement bien), de Roussel et de Marc Jurt, qu'il aimait beaucoup. Il avait l'habitude de dire qu'il était « à part » (« I'm off »), « à la frontière », « à la lisière » des genres. Il a exploré la littérature comme on explore le monde en espérant toujours découvrir des continents perdus. C'était un arpenteur et un poète. Un homme-livre comme on en rencontre très peu dans sa vie.

  • Présence de Marc Jurt (1955-2006)

    par Jean-Michel Olivier

    772533361.5.jpgIl a y dix ans, le 15 mai 2006, nous quittait Marc Jurt, artiste aux multiples talents, peintre et graveur, sculpteur et photographe, professeur au Collège de Saussure, à Genève, et grand voyageur. Marc Jurt, c’était aussi l’ami incomparable, toujours curieux des autres, généreux dans sa vie comme dans son œuvre, profond et drôle, en quête perpétuelle de beauté et de vérité (qui s’associent toujours dans son travail).

    Marc Jurt est mort il y a dix ans, vaincu par une maladie contre laquelle il se battait depuis l’adolescence (et qu’il croyait avoir terrassé définitivement). Il laisse derrière lui une œuvre exceptionnelle par sa richesse et sa diversité : dessins, estampes, peintures, sculptures, photographies. Pour ceux qui l’ont connu, Marc avait tous les talents : il cultivait la création sous toutes ses formes, mais aussi l’amitié, la fantaisie, la douceur et la fidélité. Il bouillonnait de projets (que certains considéraient comme fous) : réaliser chaque semaine, pendant toute une année, par exemple, une gravure originale. Cela donne la série de 52 gravures de « Pas une semaine sans traces ».

    Pari génial — pari tenu.

    Autre défi, quelques années plus tard, l’immense chantier de Géographie parallèle, réalisé en collaboration avec l’écrivain Michel Butor : 349057970.25.jpegune suite unique de 50 travaux, que Marc considérait comme un sommet de son œuvre. Le peintre y multiplie les interventions et les strates, peinture, gravure, griffures, papiers collés, rehauts de plume et de crayon, tandis que l’écrivain y dépose ses mots. Dans cette œuvre à deux voix, exceptionnelle par son ampleur et son inspiration, les mots et les images se mêlent sans jamais se confondre : une galerie et une graphie qui l’une l’autre se gardent et se perdent de vue dans un jeu de miroir qui donne le vertige. Les tableaux sont écrits, comme les poèmes sont peints. Pourtant, on dirait qu’ils font corps, qu’ils sont faits de la même chair ou de la même pâte. Chacun accueille l’autre pour lui prêter sa voix, son souffle, sa matière.

     Au fil du temps — trente années de dessin, de gravure, de peinture — le trait de l’artiste a changé.

    De l’hyperréalisme symbolique des premières gravures (on se souvient des tours de Manhattan dévorées par le lierre) à l’abstraction lyrique des dernières grandes toiles, le trait s’est à la fois dépouillé de l’inessentiel et enrichi de nouvelles expériences, de nouvelles sensations. 3371511979.jpgGrâce aux voyages, aux rencontres, aux aventures de la vie. Mais toujours il a gardé en point de mire son objectif : tracer l’élan, donner une forme visible à la force. Et cette force explose, irrépressible, dans les derniers tableaux réalisés alors que Marc luttait contre la maladie.

     Peindre la force, oui, sans jamais se laisser arrêter, emprisonner, réduire au silence.

     L’œuvre de Marc Jurt n’est jamais fermée : c’est une maison ouverte au monde. Elle est à la fois singulière (on reconnaît son trait, sa griffe, au premier coup d’œil) et universelle. Les Orientaux comme les Occidentaux s’y retrouvent chez eux, tant Marc aime à jouer avec les matières (tissus, écorces d’arbres, papiers de riz ou de coton), à faire des clins d’œil, à tracer des passerelles entre les peuples et les civilisations.

    images.jpegChaque tableau est une invitation à partager, à voyager. Il explore de nouveaux territoires, corrige nos vieilles mappemondes, revisite les cartes de géographie, de météorologie et d’aviation en les modifiant, par le trait et par la couleur, afin qu’ils coïncident, sans doute, avec cette géographie secrète qui est la sienne. Je ne peux m’empêcher de voir dans ce geste une sorte de magie blanche destinée à éloigner du corps, de son propre corps, les menaces invisibles de la maladie.

    13139104_1736725213241346_3899861434588045104_n.jpgPas un jour, depuis dix ans, sans que je pense à Marc, son rire, sa curiosité, sa gentillesse, son amitié — son amour de la création. Il n’est plus là, mais ses œuvres nous parlent de lui. Le dialogue initié il y a trente ans se poursuit au-delà de la mort.

    Car « la mort n’existe pas, écrivait le poète Tsernanski, il n’y a que des migrations. »

     

    Pour celles et ceux qui s'intéressent à l'œuvre de notre ami, consultez le site de la Fondation Marc Jurt : http://www.fondationmarcjurt.ch

  • La Compagnie des Mots à Carouge

    Par Alain Bagnoud

    compagnie_logo.gifHier au soir, tout Blogres était en sortie.Cinq fiers gaillards. Pierre Béguin, Serge Bimpage, Antonin Moeri, Pascal Rebetez et votre serviteur.
    Nous sortions du Qu'importe à Carouge, un bar à vins branché, enfumé et bruyant,
    avec des clients du genre cadres dynamiques qui veulent montrer que malgré tout, les affaires continuent. Nous nous dirigions vers L'Aigle d'Or (une bonne adresse)  en longeant la rue Vautier. Là où se trouve l'arcade Au bonheur des Mots. Un endroit où plusieurs d'entre nous avaient lu leurs textes.
    Et là, justement, dans l'arcade, plein de gens. On nous a fait signe, nous sommes entrés. C'était la fête. Beaucoup de femmes. Quel accueil! Une ambiance explosive. Tout le monde célébrait la fin de deux séminaires d'écriture.
    Lectures de poèmes, accordéon, conversations, vin. On a eu tout ça, et en plus le sujet de ce papier. Sur La Compagnie des Mots.
    C'est une association dont la responsable est Denise Martin, une grande dame. Depuis 2005, elle œuvre en faveur de la promotion des écrivains romands et encourage l'expression écrite dans la vie personnelle et professionnelle. Elle a organisé de nombreuses lectures d'écrivains (66 à ce jour), des conférences littéraires, des ateliers d'écritures... L'arcade a déjà accueilli 1600 personnes.
    Dans les prochaines activités, on trouve des séminaires. Ecrire une pièce de théâtre, avec le dramaturge et chroniqueur Eugène. Ecrire à Carouge, avec Isabelle Guisan . Qu'ai-je appris dans ma vie? Avec Denise Martin. D'autres encore.
    Les Dimanches des Auteurs, eux, accueilleront Françoise Lieberherr Gardiol, Etienne Barilier, Nicolas Buri ou Silvia Ricci Lempen..
    Donc, on y court.
    Pour tout renseignement, 078 665 64 96, ou www.lacompagniedesmots.ch, ou info@lacompagniedesmots.ch.

    Arcade « Au bonheur des mots », 33 rue Vautier, Carouge

  • Adieux à sec

    par Pascal Rebetez

     

     

     

    Pas de larmes ni de cris. Encore moins de haine. Une accolade quasi amicale et des souhaits pour le voyage. On se serait cru dans un film de Rohmer tant la partition (ce qui sépare et ce qui se joue) fut limpide, sans accroc, acratopège.

     

    Ils étaient pourtant unis comme les deux doigts d’une main de scieur, quand il ne lui reste que le majeur et l’annulaire. Le majeur cependant s’est levé comme un vulgaire tifosi atrabilaire, tandis que l’anneau roulait, roulait pour finir (ou continuer sa course en souterrain) dans le premier caniveau venu.

     

    Les voisins peuvent témoigner qu’ils ne manquaient pas de passion, souvent amoureuse, parfois nerveuse.

     

    Et pourtant, tout s’en est allé en quenouille. Du jour d’avant au lendemain, les liens tissés au fil des mots et des humeurs partagés, cette bonne serpillère du cœur vous lâche sans prévenir, paf ! il n’y a plus que des lambeaux, un livre à renvoyer, des outils à partager.

     

    Plus besoin de serpillère d’ailleurs, puisque le ménage est fait.

     

     

     

    Ce qui est ennuyeux dans les séparations, c’est de ne plus pouvoir dire à l’autre à quel point on est bien sans lui, sans elle. C’est de ne plus pouvoir dire. C’est de ne plus pouvoir. C’est de ne plus.
  • Les auteurs associés

     

     par Pascal Rebetez

    Ca va ça vient. Et je ne parle pas de la sexualité des Françaises, qui sont devenues, les pestes, fort lestes, il faut en convenir. Non, dans la position des missionnaires, je pense davantage à ces gens de lettres, ces écrivains, ces auteurs qui, ne se contentant plus de leur tour d'ivoire, de leur scriptorium individuel, s'affichent désormais en tir groupé, dans un joyeux fouillis de corps de lettres, lâchant pour un temps l'onanistique pratique pour s'ébrouer - et en public s'il vous plaît - en faisceau, en gerbe, en veux-tu en voilà.

    Qu'est-ce que la littérature gagne à ce joyeux bordel ? De la chair, sans aucun doute, et du sang, des nervures, des échanges essentiels. Sinon, ce ne sont que pertes, ardoises bistrotières astronomiques, épouses accablées par les rentrées tardives et foies en capilotade.

    Plus curieusement, le côté Club des Cinq, petite coterie, groupuscule agissant, boîte à échoteries et radio-vipères forme une alternative attirante à la froideur engoncée de la simple page blanche. Partager de sa solitude, c'est déjà être moins seuls.

    Bienvenue pour ceci et cela à Antonin et Serge et bonne plume à Olivier.