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Blogres - Page 86

  • Un tour du monde en 1158 jours

    Par Pierre Béguin

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    Le 7 janvier 2012, le navigateur breton Loïck Peyron s’adjugeait le trophée Jules Verne en bouclant un tour du monde sans escale en 45 jours. Son bateau mesure 40 mètres de long, 47 mètres à hauteur de mât, et embarque 13 membres d’équipage. Son arrivée à Brest, couverte par tous les médias, fut triomphale…

    Le 27 juin 1898, à une heure du matin, un voilier de 11 mètres mouille l’ancre à Newport, Rhode Island, où un violent ouragan l’a forcé à se réfugier. A son bord, un marin de cinquante-quatre ans vient de réaliser, après un périple de quarante-six mille milles (plus de quatre-vingt cinq mille kilomètres), le premier tour du monde à la voile en solitaire. Le voyage aura duré trois ans, deux mois et deux jours…

    Le bateau se nomme le Spray et son marin Joshua Slocum, un Canadien en quête de gloire né à Wilmot le 20 février 1844. Tous les deux s’attendent à entrer dans l’histoire maritime. Il n’en sera rien. A cause d’une guerre, l’exploit passe inaperçu en Amérique. Ni gloire, ni reconnaissance. Au mieux un accueil poli et un retour à la précarité pour cet aventurier écrivain, inlassable baroudeur des mers au caractère endurant et à la volonté bien forgée qui a fui, à peine adolescent, l’autorité et les sévices paternels.

    Pour vivre, il renoue avec l’écriture et les conférences. Le récit de son périple, publié d’abord en feuilleton, sort en volume le 24 mars 1900 sous le titre Sailing Alone Around the World (traduit en français par Seul autour du monde sur un voilier de onze mètres). Il sera régulièrement réédité et deviendra un livre culte. Un siècle plus tard, il l’est toujours.

    Le Spray est un dragueur d’huîtres à l’abandon depuis sept ans dans une prairie de Fairhaven. Un ami lui en fait don. Joshua Slocum est alors en creux de la vague. Il a perdu sa femme Victoria qu’il adorait, son bateau Liberdade qu’il aimait, son livre Voyage du Liberdade est un échec et ses poches sont vides. Pendant plus d’une année, il reconstruit la coque de l’épave avec un chêne de prairie qu’il abat lui-même. Il lui en coûtera 553,62 dollars pour remettre le Spray en état de navigation.

    Le premier juillet 1895, il appareille de Boston avec 1,86 dollar, cap sur les Açores, puis Gibraltar. Il tombe malade, il délire. La présence de pirates le dissuade d’emprunter le canal de Suez. Il décide de faire demi-tour et de rejoindre l’Atlantique pour atteindre le Brésil. Une felouque arabe le prend en chasse. Slocum empoigne son fusil pour un combat aussi inégal que désespéré. Au moment où les pillards s’apprêtent à aborder cette proie solitaire et facile, un coup de vent salvateur démâte leur embarcation…

    Canaries. Cap-Vert. Puis, fin octobre 1895, Pernambuco (aujourd’hui Recife). En serrant de trop près la côte, le voilier s’échoue sur un haut fond. Slocum, qui ne sait pas nager, manque se noyer.

    Trois mois plus tard, il embouque le détroit de Magellan où il affronte pendant deux jours une violente tempête qui le laisse exsangue de toute force. Dans les redoutables canaux de Patagonie, il fait face aux williwaws – de furieux coups de vent de l’océan – et des sauvages renégats qu’il met en fuite en semant des clous de tapissier sur le pont du Spray.

    Le 3 mars 1896, il débouche sur le Pacifique où un violent ouragan le fait dériver pendant plusieurs jours le long de la Terre de feu et du cap Horn. Le 26 avril, il atteint les Îles San Fernandez (l’île de Robinson Crusoe), avant de mettre le cap sur les Marquises, où Gauguin s’apprête à débarquer, puis sur les Îles Samoa où, très ému, il rencontre Fanny Stevenson qui lui offre des Instructions nautiques de son célèbre époux défunt.

    Le 10 octobre, c’est l’Australie. Pour se renflouer financièrement, il donne plusieurs conférences à Sydney, Melbourne et en Tasmanie. Il reprend la mer, cap sur l’Afrique du Sud. Voici le détroit de Torres, l’océan Indien, Coco Keeling, Christmas, l’Île Maurice. Au large de Bonne-Espérance, comme il se doit, c’est une alternance d’enfer et de calmes plats. Voici encore l’Île Sainte Hélène, terre d’exil de Napoléon, puis l Île de l’Ascension. Au large des Antilles, il faut se méfier des courants et des vents. Il multiplie les conférences d’une île à l’autre, avant l’ultime tempête au large de Newport, après 1158 jours de navigation autour du monde.

    Il lui reste 11 ans à vivre. Il en passe 10 à se morfondre à terre dans une plantation d’arbres fruitiers avant d’appareiller une dernière fois, en décembre 1909, sur le Spray vieillissant pour rejoindre les Îles Caïmans. Le voilier, dans un état lamentable après de longues années d’inactivité, ne résiste pas à la première tempête soufflant de l’Est. Il sombre avec son navigateur au large du cap Hatteras. On ne reverra ni l’un ni l’autre…

    Il nous reste de cette vie fabuleuse son fameux livre Sailing Alone Around the World, qui continue d’illuminer les âmes aventureuses et d’éveiller – de Bernard Moitessier à Titouan Lamazou – de nombreuses vocations d’écrivains et de marins.

    Joshua Slocum, Seul autour du monde sur un voilier de onze mètres, Ed. Vent d’Ouest, 1997

    Seul autour du monde à la voile, Ed. La Decouvrance, 2010

     

  • Un écrivain est né !

    images.jpegpar Jean-Michel Olivier

    Souvent, dans la littérature romande, on respire mal. L’air y est rare. Quelquefois on étouffe. Il y a des barreaux aux fenêtres. Des murs partout. La porte est verrouillée de l’intérieur. Et même, parfois, une corde est préparée au salon pour se pendre. Le monde entier se limite à une chambre. Pourquoi écrire ? Comment sortir de sa prison ?

    Heureusement, de temps en temps, il y a des livres qui donnent le goût du large. L’aventure. Les rencontres. Les bagarres amoureuses. La vie, quoi. L’auteur est inconnu. Normal. C’est son premier livre. Il s’appelle Quentin Mouron. Retenez ce nom. Il a à peine vingt-deux ans. Il vit entre Bex et Lausanne. Il n’est pas seulement suisse, mais canadien aussi. Et ça se sent à chaque page. Le goût du large, on vous disait. Les grands espaces. L'Amérique. Le bruit de l’océan qui vous réveille après une nuit alcoolisée.

    Bien sûr, il faut passer l’écueil du titre, Au point d’effusion des égouts*, qui est une citation du poète français Antonin Artaud. Il ne rend pas totalement justice au souffle, à la verve, à l’énergie singulière de l’écriture de Quentin Mouron, si rares sous nos contrées moroses et renfermées sur elles-mêmes.

    De quoi s’agit-il dans ce roman qui sort de l’ordinaire ?

    D’une longue errance, à travers l’Amérique, d’un jeune homme en rupture de ban et de famille. Il a quitté la Suisse et, comme tant d’autres, il est parti à la conquête de l’Amérique. Son voyage le mènera de la Cité des Anges (Los Angeles) à la Cité du Jeu (Las Vegas). C’est une quête d’identité ponctuée de rencontres tout à fait surprenantes. Il y a d’abord Paul, le cousin flic, qui accueille le narrateur pour quelque temps. Puis l’inénarrable Clara, trop grosse, trop névrosée, trop accro aux neuroleptiques. Mais combien attachante (un vrai sparadrap !). Portrait haut en couleur d’une femme qui semble droit sortie des romans de l’affreux Bukowski. Ensuite, il y aura Laura, trop maigre, trop pâle, trop versatile, qui laissera dans le cœur de Quentin une blessure incurable. Puis un soldat à la retraite, rescapé du Viet Nam, l’accueillera quelques jours dans la mythique Vallée de la Mort, aux confins de la Californie et du Nevada. Autre rencontre marquante, ressuscitée par la langue énergique, inventive et précise de Mouron.

    Il est rare, dans le petit monde de l’édition romande, on ne peut plus plan-plan, de découvrir un tel talent, non pas à l’état brut, mais à l’écriture déjà affirmée, nerveuse et personnelle. Il faut donc lire de toute urgence Quentin Mouron.

    Si vous ne me croyez pas, allez-y voir vous-même !

    * Quentin Mouron, Au point d'effusion des égoûts, Olivier Morattel éditeur, 2012.

  • 121 curriculum

     

     

     

    par ANTONIN MOERI

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    «121 curriculum vitae pour un tombeau» est un titre mystérieux. L’auteur en explique le sens. Dans la musique occidentale, le tombeau est un genre en usage dans la période baroque. Il est composé en hommage à un grand personnage. C’est une pièce de rythme lent et de caractère méditatif. Voilà exactement ce qu’a voulu faire Pierre Lamalattie: un tombeau des hommes et des femmes de notre temps.

    Ne s’intéressant plus à son avenir professionnel, le narrateur est relégué, à l’Institut supérieur du vivant, dans un bureau où il «travaille» comme conseiller d’orientation pour les étudiants. Situation idéale pour observer les gens de notre temps. Ainsi surgit un jour Marylou, une fille sensible qui en veut à tout le monde. Elle aurait voulu que ses petits amis et ses profs la comprennent. Elle ne peut guère envisager son avenir car elle est obsédée par son passé. Elle préfère rater sa vie pour avoir le droit de culpabiliser ses proches.

    La vie dans l’Institut est savoureusement décrite, c’est-à-dire les nouvelles méthodes de gestion, les nouvelles stratégies pour gagner la guerre économique, pour ternir l’image des indésirables avant de les virer avec le sourire, pour remplacer les supérieurs agréables et cultivés par des brutes sans états d’âme qui n’ont à la bouche que les mots «valeurs humaines» et «challenge», qui reprennent les termes de l’éloge funèbre de Pierre Bérégovoy pour célébrer le départ à la retraite de Nadine, des types à problèmes dont l’idée fixe est de trouver le maillon faible, de repérer les santés fragiles et de signaler les tire-au-cul.

    Se sentant dans le collimateur d’un dénommé Le Goff, parfaite incarnation du zélé manager à oeillères, le narrateur cherche à réaliser un projet d’exposition de ses 121 portraits et à retrouver une amie, mariée à un cadre qui ne pense qu’à sa carrière et à ses potes et qui n’a pas offert à Claire la vie dont elle rêvait. Une femme éternellement déçue mais qui a la cinquantaine nostalgique. Rendez-vous est donc pris à Brive. Une main descend sur les fesses. Comme c’est bon! Au bord de la Corrèze, sur un petit talus: «Ses seins, en suspension au-dessus de moi, dansaient souplement». Scène délicatement évoquée qui amène un souvenir d’adolescent pêchant la truite. Cette page de toute beauté annonce une longue réflexion sur l’idéalisme qui a le visage du dévouement et qui recèle une violence sans limites.

    Pour célébrer leurs retrouvailles, Claire propose au narrateur d’assister au mariage de Gigi et Fred. Le narrateur découvre avec horreur qu’il s’agit d’un mariage participatif. Les invités sont priés de préparer le vin d’honneur, les salades, les cakes, de mettre en place les ateliers. Tout ça, sous la houlette du futur marié, un ingénieur commercial exemplaire, musclé et très poilu, qui sait insuffler à tout le monde le sens du travail collectif, genre moniteur de colo. Le riz qu’on jettera sur les mariés le lendemain sera du riz issu du commerce équitable. Un riz jeté par des amis de la nature et des animaux qui veulent préserver la biodiversité et qui s’adonnent volontiers aux activités proposées: badminton, volley, pétanque, tir à l’arc, VTT, escalade, canoë, deltaplane, et qui montent volontiers sur l’estrade pour improviser des saynètes qui se veulent comiques, bref des gens qui ont le sens de la fête, qui respectent les «valeurs» et qui, au moment du rangement, ne fuient pas leurs responsabilités.

    Si la convivialité obligatoire et le festivisme citoyen sont épinglés avec humour et férocité, les prouesses de l’art contemporain donnent lieu à des pages d’un comique irrésistible. Par exemple cette exposition dans une chapelle. Des serpillières y sont suspendues et, à l’entrée, les piles de dépliants sont là pour expliquer la démarche. Le lieu est presque toujours vide, sauf les jours où déboulent les groupes scolaires qui y restent longtemps, à écouter les explications scabreuses des enseignants enthousiastes.

    Ce qui fait la force de ce roman, ce sont le détachement, l’ironie, la clarté du style et cette faculté qu’a Lamlattie de s’identifier à ses personnages pathétiques, de ressentir ce qu’ils ressentent. C’est la force critique de ce texte, vision d’un écrivain réaliste, effaré par l’esprit du nouveau capitalisme et qui veut regarder «ce monde comme s’il exprimait quelque chose.» Lamalattie eut envie de recueillir son message, sa poésie. Si ce livre est une parfaite réussite littéraire, c’est que son auteur n’a pas craint «d’affronter le coeur prétendument aimable du nouveau monde».

    Pierre Lamalattie: 121 curriculum vitae pour un tombeau,  L’Éditeur 2011

     

  • Horizons lointains

    Par Pierre Béguin

    horizons lointains.PNGDe la passerelle du Patna, Jim, qui n’est pas encore Lord Jim, scrute le large. C’est le début du voyage. Le crépuscule de l’océan le bouleverse et son âme se perd en des horizons lointains d’où nul cabestan ne pourrait l’extraire…

    Cette œuvre maîtresse de Joseph Conrad (1900), classée dans la liste des cent meilleurs romans anglais du vingtième siècle, est inspirée d’un fait divers lu dans le Times vingt ans plus tôt: l’abandon en pleine tempête par ses officiers du Jeddah, qui deviendra le Patna dans le roman, un navire chargé de pèlerins faisant route vers la Mecque (on retrouve le même épisode dans le Tintin Coke en Stock).

    Or donc, Lord Jim scrute le large, inconscient du drame sur le point de se jouer sous ses yeux et qui le concerne pleinement: «Son regard, balayant la ligne d’horizon, contemplait avidement l’inaccessible, mais ne voyait pas l’ombre de l’événement proche».

    Tout est dit du travers des hommes dans cette phrase. Incorrigibles et désespérants Don Quichotte dont l’avidité pousse les regards bien au-delà des dangers qui guettent leurs pas! Chaque début d’année me remet cette phrase en mémoire à la lecture des vœux et des inévitables prévisions de nos ridicules Cassandre de la bourse, de l’économie, de la politique, de l’astrologie ou du «monde comme il va» mal.

    La Fontaine, bien évidemment, en a fait une fable, L’Astrologue qui se laisse tomber dans un puits: «Pauvre bête, Tandis qu’à peine à tes pieds tu peux voir, Penses-tu lire au-dessus de ta tête ? (…) C’est l’image de ceux qui bâillent aux chimères, Cependant qu’ils sont en danger, Soit pour eux, soit pour leurs affaires».

    Moi, j’ai parfois l’impression que nous sommes comme ces personnages de dessins animés qui continuent de marcher dans le vide tant qu’ils n’ont pas pris conscience de l’absence de sol sous leurs pas. Et c’est sûrement pour cela, parce que nous marchons dans le vide, que nos regards se perdent dans des horizons lointains. Jusque dans nos comportements altruistes ou humanitaires.

    Ce concept de philanthropie télescopique est développé par Charles Dickens, au travers du portrait de la truculente Mrs Jellyby, dans un roman fleuve, Bleak House, paru en 1853. Mrs Jellyby est une femme de caractère entièrement dévouée à toutes sortes d’intérêts publics pour autant que ceux-ci prennent naissance le plus loin possible de sa personne physique. Son regard, comme celui de Lord Jim, balaye la ligne d’horizon humanitaire sans voir l'ombre des malheurs qui accablent ses proches. Au moment du récit, c’est le continent africain qui remue sa fibre philanthropique, à tel point que «ses yeux ne distinguent rien de plus proche que l’Afrique» (jusqu’à ce qu’un autre problème d’intérêt public, si possible encore plus éloigné, l’attire davantage, précise ironiquement le narrateur).

    On l’a compris, la philanthropie télescopique, pour le narrateur, n’est qu’une manière de souligner le manque d’empathie de Mrs Jellyby qui néglige les personnes autour d’elle pour des causes aussi lointaines qu’abstraites et, pour Mrs Jellyby elle-même, qu’un moyen de donner bonne conscience à son égoïsme, à son désintérêt de l’humain ou à son incapacité à regarder les malheurs de près. La règle ainsi posée par Dickens est simple: plus une personne exerce sa philanthropie dans la distance, plus elle ne fait que révéler son manque de philanthropie. L’amour pour son prochain, ce devrait être d’abord, et surtout, l’amour pour ses proches.

    Je connais une ou deux personnes très impliquées dans des ONG qui me font furieusement penser à Mrs Jelleby. Et beaucoup d’autres à Lord Jim. Moi-même, au moment d’écrire ces lignes, je ne suis pas certain de m’extraire du nombre...

     

  • holder bis

     

     

    par antonin moeri

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    J’aimerais revenir sur le dernier livre de Holder qui m’a enchanté. C’est aussi le système narratif mis place par l’auteur qui est épatant. Ainsi, dans «Farid et les Viennois», un narrateur se souvient-il. Il avait 19 ans, il étudiait à Aix, quand il fit la connaissance de Farid, serveur dans un bouiboui de cette ville. Le narrateur donne des coups de main au beau Tunisien et, en été, il trouve un job dans une galerie d’art. Ils vont voir des opéras et, un soir, ils commandent des salades dans une gargote. Farid raconte.

    L’année précédente, il fait la connaissance de trois Viennois, Heinz, deux mètres, centre trente kilos, Markus qui porte des manteaux en cuir et Brigit qui voue un culte à la santé. Brigit suit des cours d’histoire de l’art, elle maîtrise le français, le russe et l’anglais. Elle adore le théâtre autant que la piscine. Elle aime Heinz. Avec eux Farid a l’impression de frôler continûment le danger. Il sort avec eux dans les boîtes et, un jour, il se rend dans l’appartement des Viennois. Brigit montre des livres d’art au Moricaud qui, sentant sa jambe contre la sienne et respirant son odeur, se met à bander. Un autre jour, Brigit vient de s’engueuler avec Markus qui part avec Heinz en claquant la porte. Elle pleure.

    Tout ça, Farid le raconte au narrateur (ils sont assis dans la gargote). Il la prend dans ses bras puis la retourne contre le mur, lui ôte sa culotte. Elle n’est pas très entreprenante. Il lui graisse le trou du cul. «Je filai tout de suite au fond». Trois jours plus tard, Farid retourne chez les Viennois et tombe sur Heinz et Markus qui le jettent à terre. Alors, on a violé Brigit? Le gros Heinz pose son énorme postérieur sur la face du rat, dont le slip a été baissé. «Nous arrachons ou nous coupons?» Ils enduisent le sexe du malheureux d’une sorte de cirage pour le rendre impuissant.

    Pendant des mois, Farid ne parvient plus à bander. Le narrateur le rassure. Ce n’était pas une sorte de cirage, c’était du cirage. «Tu t’es fait bizuter au cirage». Et un matin, Farid a retrouvé le sourire. Il vient de passer une nuit torride avec une prof d’anglais. Ce sont donc les confidences de Farid que le narrateur rapporte, trente ans après les faits. Cette histoire, il ne l’avait jamais racontée à personne. Il remercie le lecteur de l’en avoir débarrassé.

    Le choix d’un récit enchâssé est bienvenu. Sans doute Holder a-t-il lu attentivement les récits de Maupassant. Mais la réussite de cette nouvelle tient également à l’ambiance des années septante que l’auteur recrée: Aix-en-Provence, la vie d’étudiant, l‘amitié pour Farid, l’irrésistible beauté de ce dernier, les soirées à l’opéra en sa compagnie. L’envie de mordiller les lèvres fuchsia de l’Arabe, d’effleurer ses grands cils courbes. Et puis, le repas dans la gargote. Alors seulement commence l’histoire de l’insoutenable violence. Et puis, retour au récit-cadre, où brille un être pour lequel l’auteur a ressenti une immense tendresse. Il y a certes la maîtrise technique dans ce récit, il y a surtout un élan vers ces gens de peu qui n’ont pas leur place sous les sunlights de l’Histoire, ces gens humbles et avisés qu’on a vite fait de classer dans la catégorie des sots.

    Eric Holder: Embrasez-moi. Edition Le Dilettante, 2011

     

  • Deux romans de Gilbert Pingeon

    Par Alain Bagnoud

    Décidément fertile, l’écrivain neuchâtelois Gilbert Pingeon publie deux romans d’un coup. Léa, aux Editions d’Autre Part, et La Cavale du banquier, aux Editions de L’Aire.

    Pour l'amateur qui, comme moi, les lit l’un après l’autre, des points communs s’imposent, de sorte que la tentation est grande de les comparer. Ressemblances et différences.

    La matrice des romans semble la même. Leurs deux personnages principaux sont des bourgeois quinquagénaires aisés (un banquier, un ancien homme politique). Tous deux sont solitaires, narcissiques, à la recherche d’un sens à leur vie qu’une activité professionnelle ne peut leur donner.

    Chacun traque une femme exotique qui a vingt ou vingt-cinq ans de moins que lui. La conclusion du livre est tragique pour elles: l’une tente d’étouffer ses enfants et de se suicider, l’autre meurt étranglée. A la fin, tout rentre dans l’ordre pour le personnage principal qui retrouve son train-train quotidien.

    Les différences maintenant. Dans un cas, c’est un essai de séduction qui échoue. Dans l’autre une histoire de passion charnelle, de picole, de déglingue qui mène à la mort.

    La Cavale du banquier ouvre en plus un Dossier Kevin Kovac qui propose au lecteur la vie d’un jeune délinquant. Son destin croisera celui des personnages principaux. Ces deux histoires parallèles se nouent finalement de façon tragique.

    Léa, que l’auteur annonce comme un remake d’Adolphe, le fameux roman de Benjamin Constant, est une sorte de jeu du chat et de la souris entre les deux personnages principaux. Les êtres qui tournent autour d’eux (les deux filles de Léa, son ex-mari...), sont de simples pions dans ce jeu d’échec de la conquête et du refus.

    Comme on le voit, au-delà des ressemblances, Léa et LGilbert Pingeona Cavale du banquier ne sont pas de simples variations sur le même modèle. Ces romans ont des personnalités propres. Gilbert Pingeon sait diversifier ses effets. Son écriture est précise, rythmée, souvent ironique, sarcastique, apte à suggérer l’intériorité par la description des actes.

    Tels qu’ils sont, Léa et La Cavale du banquier présentent des facettes différentes du talent de cet écrivain dont on avait déjà apprécié un livre autour des animaux et un roman sur l'aventure intérieure.

     

    Gilbert Pingeon, Léa, Editions d’Autre Part

    Gilbert Pingeon, La Cavale du banquier, L’Aire

  • l'art du bref

     

     

    par antonin moeri

     

     

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    Un JE se demande pourquoi il est enfermé là, dans un endroit à l’autre bout du monde, où il n’y a «que du béton, et puis une table une chaise et une étroite couchette». Celle qui dit JE est une femme élevée en Bretagne. Elle revoit une grosse fille serrée dans un short rouge qui la boudine. «Mais qui êtes-vous?» Elle se demande à qui elle parle. «Nina viendra me rejoindre». Or Nina est l’objet d’examens. Un enterrement est évoqué. Supposons que la narratrice ait rencontré Nina à l’aéroport. Serait-ce Nina la grosse fille sur la plage? L’a-t-elle vue dans un rêve? Une pandémie a peut-être ravagé les populations, nécessitant la mise en quarantaine de la narratrice. C’est ce qu’imagine celle qui parle à quelqu’un, peut-être mort lui aussi. En attendant, des gens en uniforme viennent régulièrement lui donner à manger, la conduire aux toilettes. Elle n’a pas peur. Serait-elle responsable de la mort d’une jeune fille qu’elle prétend ne pas connaître, qui s’est noyée au plus fort d’un orage qui a sévi une semaine plus tôt, sur une plage de Nouvelle-Zélande?

    Pas d’intrigue ni de chronologie dans les nouvelles d’Annie Saumont, pas de péripéties ni de rebondissements, mais un flash et une forte intensité dramatique. Seules quelques bribes d’un récit possible (le vent violent sur la plage de Paekariki, l’énorme fille en short rouge, le pâté de poisson dans le Tupperware, l’homme en uniforme qui interroge la présumée coupable, les cloches qui sonnent le glas, la rencontre de Nina à l’aéroport, la décision du délégué aux Affaires criminelles), seules ces bribes sont proposées au lecteur pour qu’il crée son propre fil. L’ellipse compte plus que ce qui est écrit. Mais à lui seul, ce style elliptique ne suffirait pas à faire d’Annie Saumont, traductrice de Salinger et de Naipaul, une des nouvellistes de langue française les plus talentueuses. C’est la recherche d’une langue dans la langue qui donne à ses textes un singulier pouvoir de fascination. Par un jeu hyper sophistiqué d’écriture, elle parvient à nous faire croire que le violeur ou le tueur, le mercenaire ou l’élève de ZEP qui voudrait réciter un poème, l’ado qui donne à boire à un cadavre, le saisonnier illettré, le squatteur ou la jeune délinquante sont les personnages qui prennent la parole, relatent, racontent.

    Les phrases, que ces personnages forment dans un moment d’abandon, de désespoir ou de crise, sont brèves, hachées, slammées, frappées au rythme du parler des exclus, des marginaux, de ces êtres interdits de parole qu’on croise autour des stades et des gares, au pied des barres d’immeubles, dans les collèges ZEP et ces quartiers qu’on craint de traverser au bord de la nuit.

     

     

     

    Annie Saumont: Les croissants du dimanche,  Pocket, 2008

     

  • Joyeux Noël et mangez des pommes!

    Par Pierre Béguin

    Pommes.jpgAinsi donc la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de rendre l’argent moins cher en réduisant son principal taux directeur à 1%, le plus bas jamais atteint historiquement. Comme, dans le même temps, les agences de notation (américaines) s’efforcent d’abaisser la note des pays européens (même celle de l’Allemagne!), c’est donc une excellente nouvelle pour le système bancaire privé qui pourra emprunter moins cher et prêter plus cher. Il est vrai qu’après tous leurs excès et leurs âneries, leurs nécessités en recapitalisation sont (sous?) estimées à 114 milliards d’euro. Il faut bien aider les plus riches!

    Mais c’est surtout une très mauvaise nouvelle pour le citoyen lambda qui doit donc s’attendre à travailler plus, à gagner moins, à voir sa retraite diminuée et ses aides supprimées (que voulez-vous mon bon Monsieur, c’est le naufrage, les banques et la finance d’abord!) Voilà pourquoi, toujours dans le même temps, les chefs d’Etat européens s’agitent en de multiples réunions de la dernière chance, non pas pour faire contrepoids, mais pour accréditer dans l’esprit du citoyen sa pauvreté galopante.

    Y pas à dire, c’est vachement bien rôdé comme système! Parvenir à faire croire que, pour soigner les excès du libéralisme, il faut encore plus de libéralisme, c’est un peu comme prescrire une bouteille de whisky au déjeuner à un patient auquel on aurait diagnostiqué une cirrhose. Et parvenir à faire croire aussi que la crise est une fatalité, c’est pas mal non plus, alors qu’une once de bon sens commanderait que la Banque centrale intervienne directement et massivement sur le marché de la dette publique au lieu d’engraisser des intermédiaires qui ne contribuent qu’à aggraver le problème. Il faudrait changer un règlement, nous rétorque-t-on. Comme si les gens en charge des règlements n’en promulguait ou n’en modifiait aucun quand cela les arrange! On le sait pourtant depuis très longtemps. Voyez par exemple William Lyon MacKenzie King (premier ministre du Canada de 1921 à 1930, puis de 1935 à 1948) que je citais déjà dans un blog précédent: «Jusqu’à ce que le contrôle de l’émission des devises et du crédit soit restauré au gouvernement comme sa responsabilité la plus évidente et sacrée, toute référence à la souveraineté du parlement ou de la démocratie est inutile et futile (…) Une fois qu’une nation s’est séparée du contrôle de son crédit, les gens qui font la loi importent peu (…) les usuriers, une fois au pouvoir, détruiront la nation.» C’est exactement ce qui est en train de se passer!

    Bon, me direz-vous, on peut toujours s’indigner! Mais pour cela, il faudrait faire semblant d’ignorer que la notion de citoyen n’est plus qu’un leurre, qu’elle a été depuis belle lurette réquisitionnée par la finance. Nous ne sommes plus que des animaux machines programmés pour consommer, des «ressorts» disait la Fontaine du courtisan. Alors à quand l’Internationale du consommateur, notre unique planche de salut?

    En attendant, on peut toujours manger des pommes ou lire en Livre de Poche, voire les deux pour les moins démunis. Alors joyeux Noël et bonne année!

     

  • Scènes de la vie de bohème

    Par Pierre Béguin

     

    Bohème.PNGAu théâtre Les Salons, du 9 au 21 décembre, se joue des Scènes de la vie de bohème sur une idée de Christof Loy. Scènes chantées en italien, sur un accompagnement au piano, avec des textes en français, et qui constituent une introduction idéale à l’œuvre de Puccini, et à celle d’Henry Murger par la même occasion.

    Pour inciter à aller voir ce spectacle et en savoir un peu plus sur le texte qui a inspiré Puccini, je me permets, une fois n’est pas coutume, de ressortir un article écrit par mes soins sur le sujet et paru dans Blogres en avril 2009:

    Le roman d’Henry Murger Scènes de la vie de bohème (1851) – qui n’est pas un roman, précise l’auteur, mais de petites histoires, des scènes – malgré le succès qu’il connut à sa parution, dans les journaux d’abord, puis en recueil, est largement oublié de nos jours, éclipsé dès la fin du dix-neuvième siècle par l’opéra de Puccini, La Bohème (1896), qui s’est alors approprié à lui seul ce répertoire emblématique du romantisme. Oubli regrettable à plus d’un titre. Non seulement parce que l’opéra en est l’adaptation – ou plutôt l’adaptation de l’adaptation, puisque le livret s’inspire non du texte original de Murger mais de la pièce, La Vie de bohème, que ce dernier en a tirée en collaboration avec Théodore Barrière. Non seulement parce que sa préface, prolégomènes semés de noms célèbres, des ménestrels en passant par Villon, Marot, Rabelais, Shakespeare et Molière, tous illustres bohémiens, nous fait mieux comprendre la genèse de la bohème et son importance historique et artistique. Mais surtout parce que, même à notre époque où la bohème délaisse la mansarde pour le squat, le charme de ces petites scènes opère toujours avec cette magie qui leur avait valu l’admiration de tous les écrivains contemporains, et la reconnaissance de Victor Hugo.

    Si les quatre personnages principaux, sortes de mousquetaires des arts, Rodolphe le poète, Schaunard le musicien, Marcel le peintre et Gustave Colline le philosophe, ressemblent davantage à des caricatures qu’à des constructions psychologiques réalistes (ils pourraient être en ce sens les ancêtres des Pieds Nickelés ou de Bibi Fricotin), les véritables protagonistes sont surtout les instances sociales emblématiques de la vie de bohème à l’intérieur desquelles se meuvent les personnages: la mansarde, le café, l’atelier, la rue, l’hôpital…

    Et Murger, avec une lucidité clinique derrière le masque de l’humour et de la légèreté qui enrobe plaisamment le désespoir, montre superbement comment, d’une génération l’autre, la notion même de bohème a évolué entre 1830 et 1850. Si les Dumas, Nodier, Petrus Borel, Gautier, Nerval donnaient au romantisme un souffle nouveau dans l’atmosphère fervente de l’impasse du Doyenné (où habitaient Gautier et Nerval), un souffle qui trouvait dans la bataille d’Hernani son sens et sa légitimation, la génération suivante, celle décrite par Murger, s’est retrouvée aliénée par une morale publique qui a envoyé Baudelaire et Flaubert devant le tribunaux, livrée à elle-même, sans convictions ni croyances, sans autres horizons qu’un ciel désespérément vide au dessus d’une bohème menant inéluctablement en enfer pour peu que la Muse de l’artiste ne se pliât aux exigences du marché. Pas de liberté ni de bonheur dans cette bohème mais une errance subie qui n’offre d’autres issues pour sortir de la jeunesse que la mort prématurée ou l’embourgeoisement. Soit le destin de Jacques, le sculpteur, qui meurt avant trente ans, inconnu et solitaire, à l’hôpital, soit celui de Rodolphe qui se sauve de la bohème parce qu’il a compris, comme Rastignac, qu’il fallait impérativement, pour survivre, trahir sa jeunesse et perdre ses illusions.

    Bien plus que la chronique humoristique d’une époque, Henry Murger a écrit une profonde méditation sur la jeunesse et la fin de la jeunesse. Sur un mode mineur certes, Scènes de la vie de bohème rejoint les grands romans d’apprentissage du 19e siècle et vaut largement qu’on le lise. Et qu’on découvre – ou redécouvre – dans la foulée tous ceux qui, dans le siècle de la bourgeoisie, ont chanté la bohème avec Henry Murger, entre autres Charles Nodier (Histoire du roi de Bohème et de ses sept châteaux), Balzac (Un prince de la bohème), Rimbaud (Ma Bohème), Huysmans (A rebours). On comprendra mieux alors – ou l’on se rappellera – ce qu’est vraiment la bohème et pourquoi elle est étape essentielle de notre vie, comme l’a si bien chanté Charles Aznavour qui, dans sa fameuse et très belle chanson, en a repris tous les stéréotypes:

    La bohème, c’est la jeunesse, pas moins de vingt ans, pas plus de trente ans…

    La bohème, c’est la vie d’artiste…

    La bohème, c’est l’art comme religion et non comme moyen…

    La bohème, c’est vivre la nuit et manger à la table du hasard…

    La bohème, c’est la poésie, la peinture, la musique…

    La bohème, c’est la mansarde, l’atelier, le bistrot…

    La bohème, c’est l’amour, l’eau fraîche, la liberté…

    La bohème, c’est l’insouciance, l’imprévu, le bonheur…

    La bohème, c’est l’errance, la marginalité, le refus des règles…

    La bohème, c’est l’inconscience, l’illusion, l’opportunisme…

    La bohème, c’est l’aliénation, le vide, le désespoir…

    La bohème, c’est la misère, le froid, la famine…

    La bohème, c’est la contrainte, la prison, la mort…

    La bohème, c’est l’encanaillement avant l’embourgeoisement…

    La bohème, c’est refuser d’être notaire toute sa vie pour mieux supporter l’idée d’être notaire toute sa vie…

    La bohème, c’est avoir la nostalgie de la bohème…

    La bohème, c’est raconter à ses enfants, le soir, au coin d’un feu, après un bon repas, sa vie d’artiste miséreux ou de jeune marginal qui a fini par comprendre les nécessités de l’existence…

    La bohème, c’est l’essence même du romantisme, le romantisme l’essence même de la jeunesse, la jeunesse l’essence même de la vie…

    La bohème, c’est donc la vie… La vie de bohème

     

  • Le Pré ou les poèmes skilistiks, de la Compagnie Corsaire-Sanglot, au Théâtre du Loup

    Par Alain Bagnoud

    Le Pré ou les poèmes skilistiks

    Pierre-Isaïe Duc crée un univers très personnel dans les spectacles qu’il joue ou met en scène. Ceux qui se souviennent de son excellent one man show Le Chant du Bouquetin retrouveront son écriture drôle, allusive et poétique dans Le Pré ou les poèmes skilistiks, joué par la Compagnie Corsaire-Sanglot au Théâtre du Loup.

    Soutenus par le travail sonore de Christophe Ryser, présent sur scène avec un autre musicien (Alexis Tremblay), les comédiens Vincent Fontannaz, Valérie Liengme, Léonard Betholet et Vincent Rime s’en donnent à cœur joie sur une partition chorale, libre et fertile.

    Comme le titre l’indique, le fil rouge de la pièce, c’est un pré en montagne. Le lieu est d’abord une sorte d’Eden où les enfants apprennent à skier en tapant la piste. L’exercice est exigeant: une longue montée, quelques secondes de descente.

    Puis les clients arrivent, et les infrastructures pour les accueillir se développent. Golf en été, ski en hiver. Télésiège où on drague.

    Le ski prend une autre dimension. Les marques, le fart. Les compétitions de descente qu’on suit à la télévision. Roland Collombin, les centièmes d’avances aux temps intermédiaires, les jeux olympiques...

    Le monde change, la montagne se bétonne. Des promoteurs avides achètent, construisent, vendent, se font élire, les billets de mille tombent. Les paysans laissent d’abord partir les prés d’en haut, qui ne valent rien, puis ceux d’en bas, puis le mayen, et ils se retrouvent finalement concierges de bâtiments luxueux vides toute l’année.

    La charge est précise, renforcée par une exposition dans le hall du théâtre qui explique le mitage progressif du territoire montagnard. Précise mais pas ennuyeuse. Pour dénoncer, Pierre-Isaïe Duc utilise l’arme de l’humour. On rit beaucoup en assistant à cette suite de sketches déjantés qui résument l’histoire du Valais dans les cinquante dernières années.

     

    Le Pré ou les poèmes skilistiks, de Pierre-Isaïe Duc. Compagnie Corsaire-Sanglot, création. Du 2 au 18 décembre 201. Théâtre du Loup, 10, chemin de la Gravière - 1227 Les Acacias, Genève, Suisse. Réservations : tél. +41 22 301 31 00