ah si seulement...
par antonin moeri

Une femme très vive, portant de longues jupes, membre d’un jury littéraire et aimant donner son avis sur les livres qui paraissent tout au long de l’année, aurait émis des réserves à propos d’un de mes livres. “La scène d’exposition est ratée, je m’excuse, le lecteur n’a qu’une envie, jeter le bouquin au panier et puis, surtout, il y a ce subjonctif imparfait dans la bouche d’un serveur portugais, ça écorche l’oreille, c’est invraisemblable!”. La femme très vive aurait dit: “Il ferait mieux de relire Tchékhov avec un esprit critique».
Dans “Récit d’un inconnu”, l’auteur russe donne la parole à un valet de chambre: “J’étais entré au service d’Orlov à cause de son père, un homme d’Etat célèbre que je considérais comme un ennemi sérieux de ma cause”. La femme vive d'esprit aurait froncé le sourcil: ”Mais enfin! Comment un valet russe de la fin du XIXè aurait-il pu écrire de cette façon? C’est tout simplement invraisemblable!” A quoi j’aurais ajouté: “Un valet se décrivant lui-même en train de regarder, avec la femme de chambre, leur maître en train de boire son café et de grignoter des biscuits secs, un tel valet n’est effectivement pas vraisemblable. Mais ce valet-là est spécial: il est instruit, il scrute les visages avec la curiosité d’un enfant, il est rêveur. Il rêve de faire des études, d’entreprendre le tour du monde sur une corvette, de contempler un coucher de soleil sur le golfe du Bengale”.
Au comble du bonheur, la femme vive d'esprit me signalerait une autre incongruité: ”Peut-on raisonnablement imaginer un valet de chambre, à la fin du XIXè, utilisant au moins trois cents mots pour décrire l’aspect physique de son maître: ”épaules étroites, buste long, tempes creuses, yeux d’une couleur indéterminée, sur la tête, les joues et les lèvres une maigre végétation de teinte terne”? Non, c’est tout simplement extravagant!” Tirant nerveusement sur sa longue mèche taillée par un grand coiffeur de la place, elle déclarerait d’une voix haletante: ”Et je te passe la description de la femme de chambre, digne de Maupassant ou plutôt de Balzac, tout ça dans la bouche d’un valet, certes instruit mais tout de même! On ne peut guère y croire à cette fiction, je regrette, même si l’auteur laisse entendre que son valet est un individu qui cherche à assouvir une vengeance. Or Tchekhov nous dit plus loin que son “inconnu” n’est pas un valet mais qu’il se fait passer pour un valet. Il a besoin de ce subterfuge pour dérouler son histoire qui entraînera le lecteur dans des péripéties romanesques peu originales. Ce qui prouve, une fois de plus, qu’un auteur de fiction rencontre toujours des problèmes techniques précis et que l’invention n’était pas la qualité principale de Tchekhov. Pour ce qui est du “Récit d’un inconnu”, il ne faut pas oublier qu’il fut rédigé en 1893. Les lecteurs étaient alors plus indulgents”.
C’est avec beaucoup d’attention que j’aurais écouté les propos de cette femme, en me disant: “Quelle chance elle a de savoir ce qui est juste et bon en littérature! Et quelle chance j’aurais, si je connaissais personnellement cette femme!”


Le roman d’Olivier Rolin, Un Chasseur de lion, appartient à un pan important de la littérature moderne depuis trois décennies: la fiction biographique, ensemble qui repose sur un personnage historique avéré, en l’occurrence «le vaste et rubicond Pertuiset», tour à tour et à la fois chasseur de lions, trafiquant d’armes, aventurier et, accessoirement, ami du peintre Manet. Ces caractéristiques très composites du héros Pertuiset ouvrent les multiples dimensions et registres de ce récit baroque qui se mélangent et se font écho.
Carrère (1957- ) écrit sur Limonov (1943- ).
compassion, plutôt par une sorte de haine contre ceux qui sont au-dessus de lui, qui lui bouchent le passage, lui qui voudrait être tout en haut. Carrère lui-même montre de la fascination et une sorte de jalousie pour ce destin, sentiments qui refluent parfois devant une horreur de bien-pensant pour les positions et les actes de son héros. Mais de manière générale, il suspend son jugement, dit-il, ne tranche pas la question de savoir si Edouard est un salaud ou un type admirable. Malgré tout, on est amené globalement à trouver que Limonov est un grand homme.
Le dieu Pan, le saviez-vous, n’est pas mort.
A cette histoire s’en mêle une autre.
« Au bord de lui-même. Ne se penchant sur son moi que par incidences hasardeuses et dans la crainte d'y tomber. » Le récit nostalgique vire alors au voyage intérieur. Et l'on n'est pas surpris, dans cette odyssée amoureuse, de retrouver la figure familière d'Ulysse. Se consolant, ici, du départ de Nomia dans les bras de la belle Calypso. Ou, là, cherchant à échapper au charme des sirènes ou à l'appel de Circé.