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Blogres - Page 133

  • Palais mascotte

    Palais mascottePar Alain Bagnoud

    Il y avait, hier, un cocktail littéraire au Palais Mascotte pour le lancement de Pierre de scandale (Editions d'Autre Part). Un roman de Nicolas Buri qui raconte l'histoire d'un jeune Français arrivant en 1536 à Genève, ville « la plus sale et la plus paillarde d'Europe ». Il s'appelle Jean Calvin et il va devenir le maître de la ville. L'excellent Michel Barras en a lu des extrait. C'est un livre dont vous allez entendre parler...
    La conjonction était inattendue. Calvin et le Palais Mascotte. L'austère prédicateur dans  l'ancien temple des nuit genevoises. Celui, vous savez bien, où tous les fêtards de Genève ont fini leurs nuits, quand le fameux Trio Paradisio composé de deux musiciens interprétait ses tangos pour un public mêlé où on trouvait toujours quelques étudiants, les comédiens en queue de spectacle et une ou deux entraîneuses d'âge canonique. Celui qui a été décrit dans des quantités d'articles, de romans, célébré dans des chansons, notamment par Charlélie Couture.
    Il avait fermé en 1999, il est rouvert. Transformé mais conservant une ambiance.
    Au rez-de-chaussée, le cabaret où on retrouve l'animation et le public varié de jadis, qui prend son envol à une heure du matin pour ne plus se calmer avant cinq heures. Au sous-sol, le Zazou club où on pouvait entendre hier de la « musique tsigane festive ». Effectivement, ça déménageait. Au premier étage le restaurant Le Duc avec dîner-spectacle.
    Il accueillait Jo-Johnny notamment, une autre institution genevoise, qui nous fera Maurice Chevalier et le voyou de Ménilmontant jusqu'au 20 juin. Jo-Johnny, pour la petite histoire, s'est déjà produit au Palais Mascotte. C'était pendant la deuxième guerre mondiale.
    Et, parcourant les salles, une meneuse de revue excentrique et un peu fofolle, mignonne comme un cœur, et sa copine danseuse.
    Si vous vous sentez en humeur de sortir, tous les renseignements sont ici.

  • Contre CEVA

    Par Pierre Béguin

    Dans son blog du 5 juin, Philippe Souaille soutient CEVA. C’est son droit le plus strict. J’aurais aimé être convaincu. C’est raté. Aucun argument, aucun développement. Que les professions de foi habituelles du genre «le barreau sud ne répond pas aux besoins d’irrigation de la région genevoise» (ah bon? première nouvelle! et pourquoi donc? Qu’en pensent les habitants de Plan-les-Ouates?) «C’est le CEVA qui est la bonne solution» (donnez au moins un argument!) «relier CEVA à Etrembière» (comment? demander aux Français? et pourquoi pas à Bardonnex alors?) «Construire un tram entre la Praille et Bardonnex » (et le faire passer où? A la place des voitures? Excellent! On va donc fermer le village, enfin… et Plan-les-Ouates va devenir le Zermatt genevois? Pourquoi pas, au fond?) Ah si! Tout de même un argument développé: «le CEVA fera la valeur des appartements de Champel (…) au lieu de s’effondrer…» Là, je suis soulagé, le CEVA va donc servir à quelque chose: maintenir le statut immobilier de Champel. Si l’on pouvait me présenter des arguments un peu moins débiles en faveur du CEVA, cela m’intéresserait? J’en cherche depuis longtemps…

    Plus sérieusement, si le CEVA était conçu comme un métro circulaire avec plusieurs arrêts entre la Praille et les Eaux-Vives (au lieu d’un seul, pas forcément le plus utile, à Champel), et ensuite relié à Cornavin par une traversée de la Rade, il aurait toute son importance et sa pertinence, je vous l’accorde, et je soutiendrais ce projet mordicus (sous lacustre, la traversée, si possible...) Mais CEVA, rappelons-le, est un projet des CFF qui a pour but de relier le réseau nord au réseau sud et sur lequel Genève croit pouvoir se greffer à bon compte pour résoudre son problème de trafic, transfrontalier entre autres. Association d’intérêt où seuls les CFF sont gagnants. Car Genève se trompe sur deux plans: d’abord, le projet sera au moins deux fois plus coûteux qu’annoncé, tant dans sa réalisation que dans son exploitation, déjà prévue déficitaire – Genève s’est engagée à combler les déficits annuels d’exploitation (les citoyens en sont-ils informés?), preuve que le CEVA ne résoudra rien et que les autorités le savent; ensuite, le projet est inefficace à remplir les objectifs pour lesquels il a été conçu. Qui m’expliquera clairement comment le fait de relier la Praille aux Eaux-Vives pourrait régler le problème du trafic transfrontalier alors que ledit problème se situe essentiellement aux entrées du canton, à Bardonnex et à Meyrin principalement, mais aussi à Thônex, et à tous les petits villages en bordure du territoire. Demandez aux habitants de Soral, de Chancy, et je ne parle pas de ceux de Plan-les-Ouates, ou expliquez-leur comment le CEVA va améliorer leur situation! Mais justement, on ne veut surtout pas leur demander, comme on ne veut pas faire voter les Genevois de peur qu’ils ne découvrent l’inanité du projet. Relier la Praille à Bardonnex avec un P+R (d’autant plus avec la construction de l’autoroute d’Annecy) relève de l’évidence  pour celui qui dispose de trois neurones et d’une once de bon sens, et qui connaît bien la région Perly Plan-les-Ouates. Je me demande comment les défenseurs du CEVA expliqueront aux Genevois, si le projet se réalise, son coût réel astronomique (et non pas celui budgété) et, surtout, son incapacité à remplir les objectifs pour lesquels il a été déterré là où il dormait depuis un siècle – il pourrait au contraire péjorer la situation par un encouragement au trafic à la Praille, par Perly, via Plan-les-ouates, ou par Troinex, et aux Eaux-Vives par Thônex Chêne-Bourg –; de la même manière, et pour les mêmes raisons, que l’autoroute de contournement de Plan-les-Ouates n’a pas résolu les problèmes de trafic dans le village-même, comme cela avait été pourtant annoncé à grands coups de prophéties ridicules par quelques Philippe Souaille de service...

    Enfin, notre blogueur prétend que les adversaires de CEVA «sont décidés à tout faire pour déclencher (!) son avortement». Ne confondons pas! D’un côté, il y a ceux qui sont décidés à tout faire pour que le projet passe en force sans consultation par les urnes; de l’autre, il y a ceux qui sont décidés à tout faire pour que la discussion vienne sur la place publique et que la question soit tranchée en votation. De quel côté placez-vous les fossoyeurs, de quel côté les garants des fonctionnements démocratiques élémentaires? Une décision aussi importante, et qui engage la politique des transports du canton pour des décennies, mériterait bien un débat public. Non? Expliquez-moi alors pourquoi les partisans politiques (Robert Cramer en tête) et économiques du projet font tout pour l’éviter. Poser la question, c’est aussi y répondre…

    Je précise que j’écris en citoyen franc-tireur, que je ne fais partie d’aucune association en relation avec CEVA et que, si je suis né à Plan-les-Ouates, je n’y habite plus depuis dix ans…

  • Adieux à sec

    par Pascal Rebetez

     

     

     

    Pas de larmes ni de cris. Encore moins de haine. Une accolade quasi amicale et des souhaits pour le voyage. On se serait cru dans un film de Rohmer tant la partition (ce qui sépare et ce qui se joue) fut limpide, sans accroc, acratopège.

     

    Ils étaient pourtant unis comme les deux doigts d’une main de scieur, quand il ne lui reste que le majeur et l’annulaire. Le majeur cependant s’est levé comme un vulgaire tifosi atrabilaire, tandis que l’anneau roulait, roulait pour finir (ou continuer sa course en souterrain) dans le premier caniveau venu.

     

    Les voisins peuvent témoigner qu’ils ne manquaient pas de passion, souvent amoureuse, parfois nerveuse.

     

    Et pourtant, tout s’en est allé en quenouille. Du jour d’avant au lendemain, les liens tissés au fil des mots et des humeurs partagés, cette bonne serpillère du cœur vous lâche sans prévenir, paf ! il n’y a plus que des lambeaux, un livre à renvoyer, des outils à partager.

     

    Plus besoin de serpillère d’ailleurs, puisque le ménage est fait.

     

     

     

    Ce qui est ennuyeux dans les séparations, c’est de ne plus pouvoir dire à l’autre à quel point on est bien sans lui, sans elle. C’est de ne plus pouvoir dire. C’est de ne plus pouvoir. C’est de ne plus.
  • L'éclat de l'absence

     par Serge Bimpage

    1233928044.jpgC’est un livre éclatant en dépit de la douleur du sujet, où il est question de la très ambivalente filiation mère-fille, tissée dans l’amour et la haine, cependant que le père est le grand absent du récit.

    Dans une somptueuse demeure anglaise, garnie d’un jardin extraordinaire, le personnage central de Jusqu’à pareil éclat, Jade Chichester, évoque son enfance près de Grace, mère recluse qui n’a pour tendresse que des phrases visant à se débarrasser de sa progéniture.

    On comprend pourquoi la photographe Jade Chichester rechigne à rencontrer son admiratrice de narratrice et lui raconter son passé. La rencontre aura cependant lieu, grâce à une question sésame : celle concernant la toute première photo qu’elle ait prise… Dès lors, le livre peut se dérouler non sans malice, tantôt sur le mode du « elle » utilisé par la narratrice, tantôt sur celui du « je » figurant la photographe.

    Anne-Lise Grobéty dresse d’une plume confondante le portrait de cette solitude dans ce manoir métaphorique coupé du monde et labyrinthique. Les vibrations animales du parc seront de piètre recours pour la sublimer. En revanche, la découverte, dans la bibliothèque, de la poésie de Keats, de la puissance érotique de la langue, des boiseries et des greniers agiront sur la fillette de manière décisive, de même que le débarquement inopiné d’une tante aventurière, globe-trotter, photographe et homosexuelle.

    Avec une trame simple, l’écrivaine neuchâteloise parvient non seulement à décliner ses thèmes favoris (rapport mère-fille, privation de la parole, manque intérieur et libération féminine) mais aussi à en découdre savoureusement avec le statut ambigu de la première personne en littérature.

     

     "Jusqu’à pareil éclat", par Anne-Lise Grobéty. Editions Bernard Campiche, 129 pages.

     

  • Le français bubble gum

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    PAR ANTONIN MOERI


    Les Editions Milan eurent l’excellente idée de publier en 2005 un livre que j’adore : Le nouveau charabia. De quoi s’agit-il ? Dans une première partie rédigée avec un humour gaulois, Pierre Merle s’amuse à décrire l’esbroufe langagière qui sévit depuis une vingtaine d’années dans les différentes couches des sociétés francophones. Ainsi y découvre-t-on que le petit fonctionnaire en mal d’amour ne va pas aux « putes » (terme trop cru, trop brutal, véhiculant l’abominable vision machiste), mais que notre sympathique représentant de commerce « assume sa sexualité sans passer par l’affectif ». Utilise-t-on cette exquise périphrase pour désigner plus clairement une réalité ou pour donner plus de prix à sa propre personne, pour signaler la conformité et la rectitude de sa « propre »pensée ? Balzac pensait, à son époque déjà, que cette posture langagière prêtait à celui qui l’adoptait « je ne sais quoi d’amphigourique qui lui donne une supériorité soudaine ».
    Ne pas nommer les choses est un vieux réflexe mais, en ce début de XXIe siècle, il s’est répandu de manière significative. Revenons au petit fonctionnaire en mal d’amour. Il ne choisira pas telle ou telle prostituée pour découvrir l’obscur objet de son désir, réaliser ses fantasmes, calmer momentanément une faim dévorante, il ne s’attardera pas sur les formes enchanteresses de celle qu’on appelle Nikki, sur la couleur, la longueur et la souplesse des cheveux de celle qu’on appelle Ondine, il devra monter à l’étage avec une « travailleuse du sexe ». Si, selon le Robert, « la prostituée se livre au désir sexuel d’autrui pour des motifs d’intérêt », je me demande ce que pourra bien offrir la travailleuse ? Je dois avouer que mon désir s’étiolerait. Mais c’est peut-être à l’abolition du désir qu’oeuvrent la « travailleuse du sexe » et l’horrible expression qui la désigne.
    La seconde partie du livre est constituée d’un savoureux lexique. Je vous conseille cette petite croisière. Vous naviguez de l’altérité constructive à l’internat de proximité, des emplois dormants aux règles du vivre ensemble, du révisionnisme domestique au relationnel d’enfer, des polars sociopathiques aux constructions innovantes. On y trouve également de succulentes formes verbales : fédérer des mécontentements, désinventer, développer son exponentiel de jouissance, mettre en œuvre un savoir-être, gérer l’après sans oublier l’incontournable  « gérer en interne » très répandu dans les écoles publiques genevoises, où la « culture de bâtiment », c’est-à-dire la culture d’entreprise, est vivement encouragée par l’actuel ministre dit de l’Instruction Publique. On est effectivement loin du « parler simple et naïf, tel sur le papier qu’à la bouche », dont parlait Montaigne.

  • L'impossibilité d'une île

    Par Pierre Béguin

     

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    Au-delà des dangers naturels qui la menacent, l’île reste la plus grande usine à rêves. De l’enfant qui s’imagine l’île déserte comme la quintessence de l’aventure, à l’adulte qui y projette la fin de ses tourments ou son envie de tout recommencer à neuf, jusqu’au milliardaire qui y concrétise un monde protecteur et préservé à l’unique reflet de sa richesse. L’île répond à ce fantasme absolu: tout effacer, tout imaginer, tout recommencer à partir de rien. De rien? Pas tout à fait. Car une virtualité lui reste indissociable: la possibilité d’un trésor enfoui. Réponse symbolique à cette douloureuse certitude que, dans la routine de notre vie, nous sommes condamnés à la répétition, à la monotonie, à la médiocrité, et qu’aucun trésor – à part l’amour fou, l’oncle d’Amérique ou un billet de loterie – ne peut magnifier, voire transformer notre quotidien. A moins d’une prise de risque absolue, du courage de faire table rase des habitudes, du confort, de la sécurité, bref de tout ce qu’on ne trouve pas dans une île et qui conditionne la possibilité du trésor. Oui! Pour transformer notre citrouille de vie en carrosse, il nous faudrait oser les conditions d’une île. Sinon, pas de trésor. Mais qui tente vraiment sa chance?

    La littérature moderne a très bien su s’emparer de ce mécanisme: de l’île de Robinson à celle de Monte-Cristo jusqu’à l’admirable Ile au trésor de Stevenson – la perfection même du roman d’aventures – l’île est le lieu par excellence de mutation de la chrysalide. D’où le trésor… Sauf pour Hergé. Et cette exception est assez curieuse de la part de celui qui a su, avec un art consommé de l’opportunisme, s’approprier tous les stéréotypes et clichés qui rôdaient à sa portée. Chez lui, nul attrait de l’île, nul trésor dans ses entrailles, nulle métamorphose du naufragé. Mais des lieux inhospitaliers, sinistres, noirs et peuplés d’animaux féroces ou inquiétants (un gorille, une araignée géante, des singes qui tirent à la carabine ou un énorme varan). Et, surtout, pas de miroitement d’or mythique caché sous la terre, si ce n’est, le cas échéant, les comptes bancaires d’un milliardaire vidés sous la contrainte ou des faux billets fabriqués en série. De la fausse mo1676923759.jpgnnaie, une île! Au fond de ses entrailles, rien d’autre que de la fausse monnaie! Si l’on peut deviner aisém1586756319.jpgent l’influence du Stevenson de L’île au trésor dans l’épopée flibustière, les horizons lointains, les trésors enfouis et les exils insulaires du Secret de la Licorne; si le rythme et l’émerveillement produit par les récits de piraterie sont habilement métaphorisés par les réactions de Tintin et du capitaine Haddock, Hergé, à l’inverse d’Ulysse découvrant la jeune Nausicaa, n’en reste pas moins sourd aux chants des sirènes insulaires: on ne peut qu’y compter les jours sur une croix comme l’ancêtre de Haddock, creuser la terre en vain et mourir de solitude. Inutile de s’énerver, de forcer votre destin, tout finira par vous retomber sur le crâne en pluie d’objets, de noix de coco ou de lave en fusion. Le ton est donné d’emblée par l’accueil: le sable vierge des plages paradisiaques cache un morceau d’épaves sur lequel trébuche douloureusement le capitaine et un crabe pinçant rageusement les orteils des Dupondt. Par la suite, ce ne seront que squelettes éparpillés, perroquets insultants et singes vous transperçant la casquette à coup de carabine. On ne se rend sur une île, lieu stérile parsemé de signes de mort, que par accident ou nécessité, ou par détournement d’avion1270396349.jpg. On n'y est jamais la bienvenue et l’on en repart dès que possible, pour autant qu’on en ait les moyens. Sinon, comme pour François de Hadoque, l’île devient prison. Ou se désintégrera dans une explosion volcanique.

    Anecdote significative: quand il fallut redessiner Le Trésor de Rackham le Rouge, Hergé tenait mordicus à un îlot, comme pour en souligner l’aspect dérisoire et le vide sémantique. E.P. Jacobs, qui voulait une véritable île, finit par l’emporter mais l’auteur de Tintin lui tint longtemps rigueur de ce choix. Peu importe, au fond, puisque le trésor, cherché en vain sur l’île, se trouve à Moulinsart, lieu de la sédentarisation et de l’embourgeoisement, où les personnages vont s’installer pour l’éternité. A cette même époque, Hergé s’achète une propriété à Céroux-Mousty, près de Bruxelles. Pour nécessaire que fut le passage sur l’île, il n’en reste pas moins un fantasme, une impossibilité, une illusion à laquelle il faut renoncer rapidement. La sagesse – ou la prudence – bourgeoise est à ce prix…

     

  • Fan zone

    Par Alain Bagnoud

     

    Donc, ce grand terrain vague en losange qu'est la Plaine de Plainpalais, au milieu de Supporters de footGenève, accueillera une Fan zone pendant l'Euro 2008. Ce qui ne peut que réjouir les voisins dont je suis. Déjà le nom. Fan zone. 
    Quelques chiffres pour se rendre compte. Deux écrans géants de 60 mètres carrés. 5 événements musicaux... 40 lieux de restauration. Une zone VIP sur deux étages en dur. Multiples stands des sponsors. Un grand restaurant de supermarché avec 320 sièges.  35'000 à 40'000 places debout. La bière à cinq francs. Les supporters avec drapeaux qui défilent en beuglant les noms des pays et les klaxons autour de la Plaine jusqu'à trois ou quatre heures du matin
    Et puis l'aménagement. Des cailloux par terre.  Des barrières. Un poste de police. Une fouille à l'entrée. Tout ça, nous assure l'organisateur, provoquera une ambiance très «fête de village».
    On s'en serait douté.
    Tiens, je vais m'écouter une petite chanson de Brassens pour me préparer à tout ça. Ça s'appelle Le Pluriel. Avec un joli refrain. Vous vous en souvenez ?:
    Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on
    Est plus de quatre on est une bande de cons...

  • Requiem pour une révolution...

    Par Serge Bimpage916782172.jpg

    Pas plus tard qu’hier j’ai rencontré Paul, un de mes vieux potes de 68. Je veux dire un type de ma génération, un mec bien : cadre, créatif et fumeur. Justement, il en grillait une sur le trottoir mais il avait vraiment pas l’air cool. Ca va pas, brother ? je lui ai lancé jovial, ayant abaissé ma vitre. Plaisante pas, il a dit, tu ne sais pas ce qui m’arrive : comme directeur j’ai été contraint de voter une directive pour interdire aux employés de fumer ! J’ai compati en souriant. Alors, il a ajouté : On est cernés, mon vieux. Et ça n’est encore rien. Ah bon, quoi d’autre, Paul ? Il s’est penché vers moi, et en aparté : J’ai été dénoncé à la police par un cinglé qui estimait que je roulais mal ; il a noté mon numéro de plaques et envoyé un sms au 939 pour se procurer mon identité… Là, je suis resté muet. Dans ses yeux humides j’ai lu le requiem pour une révolution perdue, le deuil d’une époque où l’on jouissait sans entraves – toute la douleur de la commémoration. Non parce qu’elle balise le temps qui passe. Parce qu’elle signe l’irrépressible montée mac’cartiste qui sévit. T’en fais pas, on va bientôt redescendre dans la rue, j’ai dit sans conviction. Une vague lueur dans ses yeux, comme il écrasait sa clope. Et hop, on est retourné dans nos bureaux.  

     

  • "Le sexe des douces profondeurs"

    960602921.jpgPar Antonin Moeri


    Bagnoud eut la gentillesse de me prêter le livre de Carlo Jansiti sur Violette Leduc. Il y a longtemps que je ne lisais plus de biographies. Mais celle-ci est remarquable. Faut dire que le personnage (Violette Leduc) mérite le détour : une bâtarde née dans la misère aima follement sa mère puis d’autres femmes, dont Simone de Beauvoir qui reconnut aussitôt la patte de cette écrivain hors norme. Surtout, cette bio vous communique l’envie de lire les textes de Violette Leduc. Quelques phrases brèves, rédigées dans l’urgence d’un désir qui étrangle les entrailles, et vous êtes happé, si j’ose dire. Vous suivez deux adolescentes dans une pension sinistre, entrez furtivement dans la chambre qu’elles loueront pour une heure.  « Ma bouche rencontra sa bouche comme la feuille morte la terre… Nous avons récité nos litanies sans paroles ».
    Vous entendrez les gémissements du sommier dans la chambre voisine, la plainte qui monte jusqu’à l’étoile polaire. Rares sont les écrivains qui savent dire l’amour, trouver les sons, les mots, les paroles, les images qui entraînent le lecteur, le font frissonner, haleter, apprécier. L’érotisme en littérature est vite lassant : comment représenter la jouissance qui accompagne le vertige des douces profondeurs? Avec ses métaphores florales, aquatiques et mystiques, Violette Leduc rappelle un écrivain pour qui elle vouait la plus grande admiration : Jean Genet.
    Lire à l’ombre fraîche des vieux platanes, quand le soleil chauffe les tuiles des maisons et que le martinet termine sa course effrénée sous une poutre, lire alors L’Asphyxie, L’Affamée, Ravages, La Bâtarde et La Folie en tête est une perspective qui me réjouit. Merci Alain de m’avoir rappelé l’existence et les livres de Violette Leduc, cette femme qu’on disait laide, cette amoureuse rejetée qui « vivait perpétuellement dans la fiction et aimait sentir sur elle le regard des autres », qui aurait voulu naître statue et qui se considérait comme « une limace sous son fumier », qui s’éprit de Maurice Sachs et de l’auteur du Miracle de la rose.

  • Top slurp, à quoi qu'on sert?

    C’est marrant comme il faut à tout prix se marrer, vous avez remarqué ? Deux exemples qui m’ont frappé, ces derniers temps. D’abord, l’émission « Aqua concert ». Le principe est excellent, y en avait marre de ces émissions compassées sur l’opéra où l’animateur chuchote sur un ton doctement élitaire les arcanes du livret et des mouvements, vous propulsant du coup dans la posture de l’auditeur idiot (ou premier de classe, c’est selon). Les deux comparses Simon et Lapp, dans le genre Qui sait tout et Gros bêta sont épatants. Ils ont trouvé un style unique, celui qui nous fait aimer l’opéra en nous autorisant à s’en moquer et qui se fiche de la radio elle-même. Très fort. Il m’arrive de rester scotché dans ma voiture et de débouler en retard à un rendez-vous tellement les gaillards sont désopilants. Itou de la chronique de Jérôme Estèbe « Top Slurp » dans la Tribune de Genève. Là, c’est la gastronomie, œnologie comprise, que ce Toulousin exilé à Genève accent compris est parvenu à dépouiller de son ésotérisme sémantique précieux. Aucun dépressif ne résiste à son humour, il a les mots pour nous faire saliver. Il m’arrive de déchirer la page dans une salle d’attente pour reproduire l’une de ses recettes et éblouir mes convives. Pas de doute, il faudrait les décorer ces gars-là qui ont révolutionné ce qu’il y avait à la fois de plus de rasoir et de plus désiré dans les médias ! Désacralisons, désacralisons, il en restera toujours quelque chose, bientôt on va se poiler à la lecture de la rubrique nécrologique. En même temps, c’est curieux, il y a un petit mais. Quelque chose, dans ce trend iconoclaste, qui flirte un peu pas mal avec la société du spectacle et me pousse à m’interroger sur ce quoi qu’on sert… Bon, je m’arrête là, je ne veux pas cracher dans la soupe. Bonne semaine à tous et bravo aux nominés !

    Serge Bimpage