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Ça nous amuse

  • Fillon-DSK : même combat ?

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    par Jean-Michel Olivier

    L'affaire Fillon ne vous rappelle rien ? Allons, cherchez, vous y êtes presque…

    Mais, bon sang, c'est bien sûr ! comme disait le brave commissaire Bourrel. Il y a 6 ans, presque jour pour jour… L'affaire DSK !

    L'analogie es troublante : deux candidats à la présidence de la République française — largement favoris — flingués en plein vol par les médias (en attendant le verdict de la Justice). Le premier pour « agression sexuelle, viol, séquestration » ; le second parce qu'il a accordé, pendant des années, un emploi fictif à son épouse, la bien-nommée Pénélope (près d'un million d'euros tout de même !). Dans les deux cas, la Justice s'en mêle. Mais trop tard : les hommes ont déjà été lynchés publiquement par les médias. Ils sont morts tous les deux — symboliquement, politiquement.

    On comprend mieux, avec le temps, les contours du complot dont les deux hommes ont été victimes : il s'agissait d'écarter deux candidats gênants de l'élection présidentielle. Mission accomplie. Peu importe d'où vient le coup (Sarkozy ? Juppé ? Dati ? Macron ?) Seul compte le résultat.

    images-2.jpegL'affaire DSK a constitué un véritable feuilleton à suspense pour la presse française (et étrangère). Une aubaine. Un miracle. Jour après jour, on a fouillé la vie (pas très nette) de l'homme politique. Des « victimes » ont sauté sur l'occasion pour se payer un quart d'heure de notoriété. On a poursuivi l'homme. On l'a traqué, cerné, puis lapidé sur la place publique. Il ne s'en remettra pas.

    En octobre 2011, la Justice américaine rendait son verdict. Comme on sait, DSK a été blanchi de toutes les accusations portées contre lui. Lynché, mais innocent.

    images-5.jpegIl risque bien de se passer la même chose pour François Fillon. tout le monde, en France comme ailleurs, attend le verdict de la Justice. Mais le mal est fait. D'autant que l'«inculpé» s'est très mal défendu. Et il est difficile, en effet, de demander des sacrifices à ses compatriotes (dont plus de 15% sont au chômage) tout en rétribuant grassement sa femme et ses enfants pour un travail qu'ils n'ont jamais effectué ! 

    La morale de la fable, c'est que la presse est toute puissante (c'est-à-dire plus forte que la Justice). C'est elle qui aiguille nos choix, élimine tel ou tel candidat gênant, influence nos décisions. Tout cela sent la cabale, bien sûr. Mais quelle efficacité ! Innocent ou coupable, personne ne s'en relève. 

  • Splendeur et misère de la critique

     

    images-2.jpegCertains auteurs, à juste titre, se plaignent du silence qui entourent leurs livres. Rien n'est pire, en effet, que l'absence de critique. Qui signale quelquefois la censure ou l'autocensure (on ne parle pas d'un livre dérangeant), la paresse (ce livre est trop gros, trop complexe) ou le plus souvent l'indifférence.

    Les critiques lisent-ils (elles) encore les livres dont ils (elles) parlent ? Le plus souvent, c'est oui, heureurement. Et on ne chantera jamais assez la gloire des critiques qui éclairent un ouvrage, le décryptent, avec ce zest indispensable d'amour ! Mais il y a des exceptions.

    Une anecdote, ici, du vécu simple et vrai : cinq fois, dans ma carrière, j'ai eu à croiser cette auguste papesse de la critique romande, appelons-la Isabelle*, à propos de mes livres. La première fois, c'était en 1988. Un de mes livres, L'Homme de cendre, avait été sélectionné pour le Prix des Auditeurs de la RSR. En arrivant au Café de la Palud, où nous avions rendez-vous, elle me tendit la main et me dit tout de go : « Je n'ai pas lu votre livre et je ne le lirai pas. Mais vous allez m'en parler… » Nous enregistrâmes une heure d'interview, intéressante, surprenante même, au cours de laquelle j'expliquai de long en large le propos de mon livre. Sans que mon interlocutrice, toute ouïe, puisse me contredire une seule fois, puisqu'elle n'avait pas lu le livre incriminé.

    images-4.jpegJe recroisai cette dame, en 1990, à la sortie de La Mémoire engloutie (Mercure de France), un autre roman. Le livre était pansu (450 pages). Cela me valut le commentaire suivant : « C'est bien, mais c'est trop long ». images-3.jpegEn 94, je publiai Le Voyage en hiver, roman d'une centaine de pages, qui me valut la réflexion suivante : « C'est bien, mais c'est trop court. »

    En 2001, l'auguste papesse, qui avait rejoint le chœur des dames patronnesses du Temps, consentit à écrire une dizaine de lignes sur Nuit blanche, un roman où je parlais justement des dames patronnesses du Temps (les seules pages, sans doute, qu'elle ait lues). Je lui en fus reconnaissant, comme à chaque fois qu'un(e) critique se penche sur mes modestes écrits.

    images-5.jpegEnfin, en 2010, dans une émission littéraire mémorable (Zone critique), comme on lui demandait sa réaction face au Prix Interallié que je venais de recevoir pour L'Amour nègre, elle se permit une minute de silence — stupeur, surprise, effarement — avant de balbutier quelques excuses pour dire qu'elle n'avait pas lu le livre, mais que c'était une surprise, mais qu'elle était contente, etc.

    Les rapports entre auteurs et critiques sont souvent passionnels, injustes, aveugles. Dans le meilleur des cas. Mais ils peuvent aussi relever du malentendu. Pur et simple.

    * prénom d'emprunt.

  • Glose et mauvaise foi

    Par Pierre Béguin

    Il est toujours édifiant, et amusant, de voir, d’entendre, de lire comment les adhérents ou les responsables d’un parti politique justifient un échec au lendemain d’une votation. En général, on passe en revue toutes les raisons et l’on cache soigneusement l’évidence.

    Ainsi du parti socialiste genevois après sa déroute d’hier. L’évidence? Manuel Tornare aurait probablement gagné cette élection. Au pire, il aurait fait un bien meilleur score. Et il n’aurait pas perdu en ville. Je n’ai encore entendu personne souligner cette évidence. Deux fois évincé au profit d’une candidature féminine. C’est idiot et ça fait louche! Les électeurs détestent cette impression, fondée ou non, qu’un lobby leur impose des choix, qu’il soit des assurances ou coloré de féminisme. Ces dernières votations l’ont bien démontré.

    La démobilisation de la gauche n’est pas une raison, n’en déplaise à un blogueur. C’est la manifestation d’un symptôme. Le parti socialiste a perdu cette élection parce qu’il a une fois encore manqué de pragmatisme. Heureusement, peut-être...

  • L'acte manqué (et réussi) de DSK

    images.jpegL'affaire est simple : vous avez un homme riche, brillant, marié à l'une des femmes les plus célèbres de France. Un homme de scène et de pouvoir. Directeur du FMI et grand stratège de la finance mondiale. En outre, le favori des sondages pour l'élection présidentielle française de 2012. Un homme à qui tout réussit…

    Et que fait ce Surhomme ?

    Il se laisse prendre dans une affaire sordide avec la femme de chambre d'un grand hôtel new yorkais ! Noire, pauvre et sans doute au-dessus de tout soupçon…

    Y a-t-il une raison logique à ce comportement ?

    Certains parlent d'addiction sexuelle, de désir tyrannique, d'« instinct du violeur ». DSK serait un monstre déguisé en représentant de la gauche caviar. Un malade. Un psychopathe. Cela arrange beaucoup de monde, à gauche comme à droite. Même les plus navrants, comme Holenweg ou Brunier. Rien n'est plus faux, bien sûr.

    D'autres parlent de complot, orchestré par on ne sait quel rival satanique. Sarkozy (qui se frotte les mains) ? Ségolène Royal (qui a beaucoup de mal à cacher la joie que lui donnent les images de DSK menotté) ? Marine le Pen (qui savait tout avant tout le monde) ? La CIA ? Feu Ben Laden (paix à ses cendres) ? On le voit : la théorie du complt ne tient pas une seconde…

    A moins que…

    Et s'il ne s'agissait pas d'un complot extérieur ? Si l'ennemi ne venait pas du dehors, mais du dedans ? Autrement dit : et si DSK l'avait fait exprès ? Sans le vouloir, bien sûr. Si quelqu'un, en lui, avait décidé de mettre un terme à cette mascarade? La mascarade du premier de classe, du mari exemplaire, du dirigeant inspiré. Du futur Président. Voilà pourquoi, inconsciemment, il a si bien réussi son acte manqué. « Mon royaume pour une pipe ! » suppliait l'homme qui voulait échapper à la comédie politique. Poser le masque de l'imposteur. Et qui a tout perdu. C'est la moindre des choses.

    Au grand bonheur de son inconscient.

  • Bons baisers de Genève

    Par Pierre Béguin

     

    On fait grand cas de l'affaire des logements loués à vil prix dans le canton de Genève. La contagion, plus rapide encore qu'en Afrique du Nord, atteint déjà les autres cantons, ce qui ne manque pas de nous rassurer. On aurait pu croire à une nouvelle genevoiserie. Au mieux ce sera une romanderie. Bref, il paraît que ce dossier ne relève pas simplement de l'incompétence ou de la paresse mais qu'il recouvrirait toute une série d'infractions pénales, d'abus d'autorité, de gestion déloyale des intérêts publics, voire, peut-être, de corruption. Non!? Si! Au fond, un peu comme pour le scandale de la BCG mais avec des sommes dérisoires en comparaison. La politique genevoise n'a jamais eu le sens des proportions, ce n'est pas nouveau. Le MCG, comme on pouvait s'y attendre, a donc saisi la justice. Mark Muller, comme on doit s'y attendre, peut dormir tranquille. Même pas besoin d'interrompre sa sieste ministérielle. Au fond, un peu comme le procès de la BCG pour lequel on a toujours été certain, soit qu'il n'aura jamais lieu, soit qu'il débouchera sur des acquittements en série. Pourtant, le verdict est simple. Même moi j'ai les noms!

    Pour cette affaire de logements à très bas prix, je biche d'autant plus qu'il s'agit d'un libéral. Vous savez, les libéraux ce sont ces gens extrêmement compétents dans tout ce qui touche à la finance et toujours très prompts à donner des leçons de bonne gestion des biens publics. Sur ce sujet, y en a pas deux comme eux! Tous des experts, des premiers de classe, nos amis les libéraux! Quant aux autres... Que voulez-vous, mon bon Monsieur, tout le monde ne peut pas être touché par la grâce des Lumières libérales, comme Hamlet se paye le luxe d'un spectre révélateur! Bon, là on les entend un peu moins, nos amis, et leur silence me remplit d'aise. Encore que. Il en faut plus pour leur ôter leur superbe. Tel celui qui, drapé dans une arrogance hiératiquement libérale, répond aux critiques en désignant la mauvaise gestion socialiste du parc immobilier de la ville. Comme dans un préau d'école! L'enfant s'absout en prétextant que son camarade a fait pire...

    Il est vrai qu'avec les socialistes, ils ont beau jeu: «C'est pas d'ma faute, c'est mon prédécesseur!» s'exclame le conseiller administratif en charge du désastreux dossier de la Plaine de Plainpalais. Je ne sais pas pour vous, mais moi, quand j'ai découvert son nouveau revêtement, à la Plaine de Plainpalais, la première chose que je me suis dite c'est: «Mais comment vont-ils faire pour la nettoyer?» Toute personne normalement constituée, avec trois neurones et une once de bon sens, s'est sûrement posé la même question. Et bien pas eux! Ils n'y avaient pas pensé, dis donc! Y a pas à dire, ils sont quand même forts!

    Ce qu'il y a de bien avec la politique, c'est qu'elle nous fait nous sentir très intelligents. Un coup de mou? Une image négative de soi? Suffit de regarder notre microcosme politique et ça repart! Le pire, c'est qu'on ne va pas vers le mieux à voir certaines coquilles vides à grande gueule qui occupent le terrain médiatique et les listes électorales. L'autre jour, à l'heure de l'apéro, dans un wine bar à la mode, un de ces va-t-en campagne fait son apparition. A ma table, il aperçoit deux connaissances. Qu'il s'empresse de saluer d'une chaleureuse poignée de main et d'un sourire non moins chaleureux. Je ne le connais que par presse interposée. Il ne me connaît pas. Mais comme je lui tends la main pour saisir la sienne qu'il tend à toutes celles qui passent à sa portée (vous suivez?), il a un doute. Alors, ne voulant prendre aucun risque de froisser des susceptibilités et de perdre une voix: «Salut mon ami, comment vas-tu? Ça fait plaisir depuis le temps!» Et pendant deux minutes, à l'aide de formules passe-partout parfaitement maîtrisées, il me parle, même de moi, comme si j'étais son ami de longue date, au point que je me suis mis à en douter moi-même. M'étonnerait qu'il maîtrise ses dossiers, celui-là! Trop occuper à assurer son élection!

    Décidément, je me demande bien où ils vont les chercher, leurs candidats. Alors qu'il y en aurait d'excellents au Café du Commerce. A commencer par moi...

     

  • Libéral contre libéral

    Par Pierre Béguin

    Selon la Tribune de Genève du 17 janvier, devant l’explosion des prix de l’immobilier à Genève, notamment dans les coins les plus privilégiés, le maire de Cologny se serait exclamé: «On assiste à une OPA en provenance de l’est». Un cri du cœur qui ressemble à une plainte. Depuis quand un bon libéral s’oppose-t-il à une OPA, même une OPA de l’ex bloc communiste? C’est qu’il y a libéral et libéral. Les grosses fortunes étrangères (russes par exemple) peuvent allègrement concurrencer les grosses fortunes suisses, d’autant plus que les forfaits fiscaux dont ils bénéficient leur donne un avantage certain qu’ils peuvent facilement reporter sur le prix de leur maison, contrairement à l’indigène libéral qui, pourtant, soutient férocement les forfaits fiscaux (vous suivez?) Libéral riche contre libéral aisé! Combat fratricide déséquilibré dont les conséquences sociales, notamment sur le patrimoine en cas de succession, pourraient se révéler dramatique: les libéraux aisés devront-ils quitter Cologny? Quand on sait qu’un libéral, en général, reste libéral tant que les bienfaits du libéralisme lui profitent, on est en droit de s’interroger: le Parti Libéral genevois demandera-t-il une loi ou une intervention étatique pour protéger les plus démunis d’entre eux? Le feuilleton s’annonce passionnant…

  • Imagine

    Par Pierre Béguin

    drapeauGE[1].jpgImagine un collège genevois.

    Imagine un élève au profil perturbateur et agressif. C’est facile si tu essayes…

    Imagine échec scolaire, absentéisme chronique, impertinence, réactions hyper agressives…

    Imagine une réunion de crise entre la direction du collège et les parents de l’élève.

    Imagine les conclusions de l’entrevue et les décisions prises.

    Imagine que l’élève bénéficie au plus vite d’un soutien psychologique, d’un coach scolaire et d’un répétiteur.

    Imagine qu’il lui soit accordé un temps supplémentaire, sur demande des parents, pour faire ses épreuves.

    Imagine que cette demande devienne réglementaire dès formulation par le psychologue d’un diagnostic clair.

    Imagine qu’en contre partie l’élève promette de ne plus diriger son agressivité contre des personnes, et qu’il se contente, en cas d’irruption de violence, de frapper le mur des WC, si possible.

    Imagine que ce cas se multiplie. Imagine…

    Tu y es? Voilà! Tu aurais une genevoiserie du DIP.

    Eh bien imagine maintenant que tu es un professeur de ce collège. Imagine…

    Tu pourrais dire que je suis un vieux réactionnaire …

    On continue?

    Imagine un cycle d’orientation.

    Imagine des travaux nécessaires à son extension.

    Imagine que lesdits travaux s’éternisent au désagrément de tout le monde depuis des années.

    Imagine alors que le CTDI (ex travaux publics) demande à des entreprises de travailler le samedi.

    Imagine que lesdits travaux, mal coordonnés comme de bien entendu, n’entrent pas dans la catégorie des exceptions qui permettent une dérogation officielle.

    Imagine donc la maréchaussée déboulant le samedi pour interrompre les travaux et dresser des contraventions ad hoc.

    Imagine nos képis envoyant logiquement les contraventions au maître d’œuvre, le CTDI.

    Imagine maintenant une comptable du CTDI en charge des écritures d’enregistrement et de paiement des amendes.

    Imagine à qui elle les paie. Imagine…

    Là, tu aurais une genevoiserie du CTDI.

    Tu pourrais dire que je suis un vieux grincheux …

    Encore?

    Imagine une banque cantonale genevoise.

    Imagine le pire scandale avec copinage généralisé, association de malfaiteurs et tout le toutim.

    Imagine que ledit scandale enrichisse quelques particuliers et qu’il coûte trois milliards à la collectivité.

    Imagine une instruction qui s’éternise. Imagine un procès dont on sait d’avance qu’il aboutira à des non-lieux à profusion malgré les effets de manche du Procureur avant son élection….

    Imagine le juge récusé peu après le début du procès. Oui, je sais, là ça devient très difficile à imaginer. Mais c’est possible si tu essayes…

    Imagine les six derniers mois de procédure passer à la trappe. Imagine le procès suspendu, enlisé. Jusqu’à la prescription des faits. Jusqu’au ridicule…

    Imagine maintenant un magistrat qui supprime indûment des amendes pendant ses mandats.

    Imagine le montant des amendes à trois mille francs sur vingt ans.

    Imagine un procès rapidement mené avec, au bout, la condamnation du magistrat.

    Imagine… Tu y es? Là tu aurais non seulement une genevoiserie de la Justice mais carrément tout l’esprit de Genève.

    Allez! Imagine maintenant les prochaines élections… Imagine… Ça va déjà mieux, non?

    Tu pourrais dire que je suis un vieux populiste…

    M ais je ne serais pas le seul… hélas!

    Rassure-toi, tout cela n’est que délire de l’imagination. Tout le monde sait que dans notre chère République, ces choses-là ne peuvent se passer. Simple question de compétence. Même si le doute me tiraille un peu quand je pense au futur CEVA…

    Alors je fais comme tout le monde, j’y pense et puis j’oublie…

     

  • Amour toujours

    Par Pierre Béguin

    bruckner2[1].jpgDans son dernier essai, Pascal Bruckner s’interroge sur la faillite du mariage d’amour. Avant de se pencher sur les causes de cet échec, il dresse une rapide genèse de cette institution profondément ancrée dans l’histoire, les lois et la culture occidentale. Dans sa forme classique d’alliance d’intérêt et de raison, le mariage a longtemps représenté la tranquillité des pouvoirs ecclésiastiques et politiques, là où le concubinage, lieu de l’immoralité, des filles perverses et de la prolifération des bâtards, en représentait la hantise. Puis vint la revendication d’une nouvelle conception du mariage où l’intérêt et la raison n’excluraient ni le bonheur ni la liberté de choisir son partenaire, et dont le théâtre de Marivaux se fait souvent le porte parole. Plus proche de nous, le mariage fut l’épouvantail des gauchistes, des existentialistes, des soixante-huitards, avant de revenir à la mode comme modèle sécuritaire sous l’effet des angoisses post modernistes.

    Dans sa forme romantique contemporaine, dès lors qu’il cessa d’être contrat d’intérêt, qu’il fut investi du dogmatisme de l’amour et du désir, le mariage repose sur le pari aussi fou qu’illusoire de vouloir concilier deux objectifs inconciliables: l’intensité de l’amour et sa durée, que les amoureux confondent allègrement dans l’enthousiasme des premiers émois. Comme s’ils pensaient pouvoir courir un marathon sur le rythme d’un sprint. Car le couple moderne ne supporte plus les temps morts, les absences de désir, les périodes creuses, voire d’ennui, sans qu’il n’en tire très vite des conclusions définitives.

    Davantage que les effets pernicieux du consumérisme, du matérialisme et de l’égoïsme ambiants, Pascal Bruckner y voit surtout la conséquence du terrorisme (le concept est à la mode!) de l’amour fou que les medias, et la presse féminine notamment, ne cessent de nous rappeler par leurs injonctions au dogme de l’amour passionnel obligatoire et paroxystique. On aime furieusement ou on n’aime pas. Tout déficit amoureux est insupportable et immédiatement suspecté, voire condamné: votre partenaire doit vous envoyer au 7e ciel quotidiennement, vous couvrir d’attentions et de tendresse quand ce n’est pas d’étreintes frénétiques, vous devez être le centre unique de son existence, il (elle) vous doit fidélité absolue, en acte évidemment mais aussi en regards et en pensées. Parce que vous le valez bien! Et parce que l’amour est devenu rédemption, il doit encore nous racheter intérieurement, nous élever en nous sauvant de nos carences, de nos frustrations, de nos faiblesses. Si l’autre n’est pas à la hauteur de nos attentes, c’est qu’il faut tenter l’aventure ailleurs. Sans perdre de temps, car nos représentations de l’amour vont vers le jeunisme, la vigueur, la flamme, et s’accommodent mal de l’image du vieux couple.

    Cesser de discréditer un couple dont les motivations ne sont pas uniquement sentimentales et sexuelles, soustraire le mariage à l’obligation d’amour, bâtir une vie à deux sur des goûts communs, des ambitions partagées, des intérêts consciemment choisis, un attachement authentique plus amical que passionnel, le programme de Bruckner, s’il a le mérite de l’amoureusement incorrect, n’est ni original ni excitant. Et il ne sauvera pas le couple de sa faillite, si celle-ci doit survenir.

    La vulgate psy prétend régulièrement dans les revues que le pouvoir attise la sexualité, qu’il transforme, par exemple, nos politiciens qui en lapins de garenne qui en hamsters joviaux. Le contraire semble également vrai. Je lisais récemment dans un hebdomadaire romand les résultats d’une très sérieuse enquête menée à l’Université de Cornell et présentée devant l’American Sociological Association. La doctorante Christin Munsch, responsable de la recherche, y avançait la thèse que les hommes dont le salaire est moins élevé que celui de leur femme sont cinq fois plus enclins aux aventures extra conjugales. Car cette dévalorisation professionnelle est vécue comme une menace à l’identité masculine, identité que les hommes tentent de redorer par la conquête sexuelle. Et la professeure de préciser que ces mêmes femmes au salaire supérieur à celui de leur conjoint ont, elles aussi, tendance à tromper leur mari bien davantage. Car leur valorisation professionnelle, ajoutée à l’image dévalorisée du conjoint qu’elles ont également intériorisée, les inclinent doublement à moins de respect. En réalité, nul besoin d’enquêtes ou de recherches à couverture scientifique pour rappeler une évidence que les attentes irréalistes du mariage moderne tendent à occulter: notre pauvre homme, même culpabilisé ou menacé de castration par certaines furies, peine à réprimer sa nature essentiellement polygame. Un biologiste affirmait très sérieusement que, chez les mammifères, la taille des testicules déterminait le comportement sexuel: plus ils sont gros, plus ils désignent une tendance polygame. Et d’ajouter, narquois, que chez l’homme le verdict est sans appel. Et ce n’est pas parce que la survie de notre espèce ne dépend plus des apports de la polygamie que nos chers testicules vont se transformer en tête d’épingle. Dans mille ans peut-être, avec les lois de l’évolution… En attendant, au su de ce qui précède, avec l’égalité des salaires et malgré l’essai de Pascal Bruckner, j’ai le regret de vous annoncer que le mariage ne va pas vers le mieux. A moins de le reformater aux exigences de notre nature et aux limites de notre raison. C’est là, en somme, la thèse de Bruckner: diminuer les attentes du mariage comme on doit diminuer la taille des banques ou la circonférence de nos testicules. Qui peut le moins peut le plus! Small is beautiful!

    Au moins, avant, c’était plus simple. Je me souviens, au début des années 90 alors que je résidais à Barranquilla, d’une enquête sur le même sujet parue dans le très sérieux hebdomadaire colombien Semana. Les statistiques étaient éloquentes: 70% des hommes avouaient des aventures extra conjugales contre seulement 10% des femmes. Et le journaliste de conclure logiquement: «En Colombie, soit il y a 60% de menteuses, soit 10% de salopes (je traduis)». Les femmes pourraient revendiquer, à raison, l’hypothèse de 60% de vantards. Ce qui paraît plausible. En Colombie ou ailleurs, d’ailleurs. Personnellement, pour avoir passablement pratiqué le pays de Garcia Marquez, je pencherais tout de même pour les 60% de menteuses. En Colombie ou ailleurs, d’ailleurs. En matière d’infidélité dans le mariage, aucune époque n’a à rougir d’une autre. La seule différence, c’est qu’avant on ne divorçait pas pour ça.

    Le livre de Bruckner, faute d’originalité, a au moins le mérite de souligner (et on ne le soulignera jamais assez, n’en déplaise à la propagande moderne) que l’amour, comme le bonheur, n’est pas dans la fureur, la folie ou la frénésie, et, comme le malheur, qu’il n’a pas besoin d’être total pour être réel. Que le calme plat, l’habitude, l’absence d’agitation et de problèmes, ne sont pas des états purement négatifs comme l’ataraxie des épicuriens mais un début de sérénité. Que l’amour dans le couple, c’est se réveiller avec l’impression que la joie pourrait venir dans la journée, sans qu’elle ne soit ni une obligation ni un dû, et encore moins un don du mariage, mais la conséquence possible d’un investissement à deux; que, surtout, notre mythologie amoureuse occidentale, par sa célébration de la passion adultère – comme nous l’avait déjà parfaitement bien expliqué Denis de Rougemont dans son incontournable essai L’Amour et l’Occident – nous incite à confondre l’amour de l’autre avec l’amour de l’amour (l’amabam amare d’Augustin et le fin Amor de la poésie courtoise), et à préférer, inconsciemment ou non, au fleuve impassible du bonheur les clapotements furieux de l’échec ou de la souffrance amoureuse comme moyen privilégié de connaissance.

    Il aurait toutefois pu rappeler d’autres évidences: que l’amour, comme le disait Alain du bonheur, vient souvent comme une récompense à ceux qui ne le cherchent pas et qui n’en attendent rien, mais qui savent, quand il survient, le reconnaître par différence avec des expériences passées douloureuses; que ce n’est pas l’amour qui rend le mariage durablement heureux mais la capacité de chacun des conjoints à être individuellement heureux qui rend le mariage d’amour durable (car ce qu’on appelle amour n’est, au fond, que la manifestation de nos névroses – et j’ai longtemps cru être l’auteur de ce postulat avant de le découvrir chez Freud); que l’image de soi détermine directement la couleur et la durée de nos sentiments; et que, en fin de compte, la seule chose qu’il faut vraiment aimer, même dans les périodes où elle ne nous aime pas, c’est la vie. Alors le reste suivra, à commencer par l’amour…

    Pascal Bruckner: Le mariage d’amour a-t-il échoué? (Ed. Grasset)

  • Du côté de chez les Grecs

    Par Pierre béguin

    Il paraît qu’on ne peut limiter les bonus de nos traders par le monde sous prétexte de forte concurrence – en réalité de peur qu’ils ne quittent la banque avec une liste de clients qui ne seraient pas censés exister, ou tout simplement avec les clients eux-mêmes. Pourtant, ce que le monde entier n’arrive pas à faire, les Grecs l’ont réussi depuis belle lurette. Ainsi, selon le fisc grec, le revenu annuel déclaré par les hommes d’affaires et les traders hellènes s’élève à 13 236 euros en moyenne, soit à peine plus de 1000 euros par mois, bonus compris. Au fond, ce que gagne un bon trader chez nous en un jour, bonus non compris. Mais qu’ont-ils de plus que nous ces Grecs? Alors que, malgré une lutte acharnée de tous les instants, nous ne parvenons pas à endiguer les inégalités croissantes de nos sociétés, les Grecs, en douceur, qui plus est avec l’approbation des milieux libéraux, ont construit une société plus égalitariste que le Kuomintern. Toujours selon le fisc grec, si les médecins, les avocats et autres membres de professions libérales doivent se contenter d’un revenu annuel moyen de 10 493 euros – et sans bonus excusez du peu (seuls 7.5% des professions libérales ont déclaré plus de 30 000 euros) – les ouvriers, employés et retraités bénéficient quant à eux d’un revenu annuel moyen de 16 123 euros. Du jamais vu!  Un pays – si donc on en croit son fisc – où les plus riches sont les retraités, les ouvriers et les employés, les plus pauvres les médecins et les avocats, où la classe (très) moyenne se compose d’hommes d’affaires et de traders! Mais que fait la gauche en nos contrées? Y aurait-il là-bas un Olivieris Besencenos efficace? Et qu’attendons-nous? Employés, ouvriers, retraités et futurs retraités, bref vous et moi, allons tous en Grèce nous y faire voir, et plus si entente! Les beaux jours revenant, les sécheresses s’annonçant, les traditionnelles déforestations criminelles par le feu qui font rage presque chaque année dans l’Attique et le Péloponnèse vont libérer de lucratifs terrains à bâtir pour les plus fortunés. Pour une fois que ce sera nous, n’hésitons pas! D’autant plus que, d’ici 2013, la manne financière de Bruxelles devrait avoisiner les 30 milliards. Sans compter les aides contingentes et celles du FMI. L’Eldorado sous l’Olympe, le rêve, quoi!

     

  • Un dernier pour la route!

    Par Pierre Béguin

    valais[1].jpgConversation certifiée authentique avec label AOC pur Valais.

    Un vieux bistrot quelque part entre Sierre et Montana-Crans. Vague odeur de fromage et de vinasse, atmosphère garantie terroir, de celle qui vous signifie sans équivoque que vous n’êtes pas du coin, donc à peine toléré. Quelques clients répartis sur deux ou trois tables, entre bière et fendant. Ils se parlent peu mais, de toute évidence, ils se connaissent tous, sans qu’on sache très bien d’ailleurs sur quelle évidence repose cette certitude. On le sent avec le reste, c’est tout. Un détail retient l’attention. Un des habitués porte un uniforme de gendarme, le képi posé sur la table, près d’une carafe de blanc déjà bien entamée. Le type à la table d’à côté paraît pourtant plus avancé sur le chemin de l’alcool. Ce qui n’échappe pas à notre gendarme:

    -          A ta place, je m’arrêterais là!

    L’autre lève un œil interrogatif.

    -          Je m’arrêterais là, je te dis!

    -          Qu’est-ce tu veux dire?

    Pour toute réponse, le gendarme remplit son verre qui présente effectivement une fâcheuse tendance à se vider rapidement. Puis les bribes de conversations et les silences lourds reprennent leur empire. Il faut attendre une bonne demi-heure pour avoir un début d’explication. Un autochtone entre bruyamment dans le bistrot:

    -          Contrôle de police en là sur la route de Lens. Y z’arrêtent toutes les  voitures, et c’est pas comme le FC Sion, on voit les ballons de près, vous pouvez me croire!

    Dans les quelques secondes de silence provoqué par cette irruption, on entend la voix malicieuse du gendarme:

    -          Tu comprends maintenant!

    L’autre secoue la tête, réfléchit un instant et se remet à boire.

    Même scène, autre autochtone, un peu plus tard:

    -          Contrôle de police en ça sur la route de Chermignon! Paraît même qu’ils ont mis des barrages sur toutes les routes…

    De nouveau, la voix malicieuse du gendarme:

    -          Tu comprends maintenant!

    L’autre comprend maintenant. Il comprend que les petites routes qu’il avait imaginé emprunter pour rentrer chez lui et échapper aux barrages sont également contrôlées. Il tapote des doigts sur la table puis, se tournant vers le gendarme qui écluse sec:

    -          Et toi alors? Pourquoi tu continues de boire?

    Les yeux humides, le sourire en coin, le verre au bord des lèvres, notre gendarme laisse tomber tout de go:

    -          Eh! T’as vu comme je suis habillé!

     

    Cette scène m’a rappelé un copain d’Uni, Valaisan bon teint, étudiant en médecine et, comme il se doit, aussi nostalgique de son Valais perdu que le cygne de Baudelaire de son beau lac natal. Mais tout ragaillardi quand les stages hospitaliers surviennent. Retour à Martigny avec la ferme intention de s’y installer définitivement. Quelques mois plus tard, voilà pourtant notre Valaisan pur sang à Genève, au dancing universitaire, une bière à la main.

    -          Toi! Mais que fais-tu là?

    Et lui, comme pour s’excuser:

    -          Tu comprends, en Valais, soit tu te maries, soit tu bois. Alors je suis revenu…

    Et voilà pourquoi Genève est la véritable capitale du Valais!