"Le sexe des douces profondeurs" (27/05/2008)

960602921.jpgPar Antonin Moeri


Bagnoud eut la gentillesse de me prêter le livre de Carlo Jansiti sur Violette Leduc. Il y a longtemps que je ne lisais plus de biographies. Mais celle-ci est remarquable. Faut dire que le personnage (Violette Leduc) mérite le détour : une bâtarde née dans la misère aima follement sa mère puis d’autres femmes, dont Simone de Beauvoir qui reconnut aussitôt la patte de cette écrivain hors norme. Surtout, cette bio vous communique l’envie de lire les textes de Violette Leduc. Quelques phrases brèves, rédigées dans l’urgence d’un désir qui étrangle les entrailles, et vous êtes happé, si j’ose dire. Vous suivez deux adolescentes dans une pension sinistre, entrez furtivement dans la chambre qu’elles loueront pour une heure.  « Ma bouche rencontra sa bouche comme la feuille morte la terre… Nous avons récité nos litanies sans paroles ».
Vous entendrez les gémissements du sommier dans la chambre voisine, la plainte qui monte jusqu’à l’étoile polaire. Rares sont les écrivains qui savent dire l’amour, trouver les sons, les mots, les paroles, les images qui entraînent le lecteur, le font frissonner, haleter, apprécier. L’érotisme en littérature est vite lassant : comment représenter la jouissance qui accompagne le vertige des douces profondeurs? Avec ses métaphores florales, aquatiques et mystiques, Violette Leduc rappelle un écrivain pour qui elle vouait la plus grande admiration : Jean Genet.
Lire à l’ombre fraîche des vieux platanes, quand le soleil chauffe les tuiles des maisons et que le martinet termine sa course effrénée sous une poutre, lire alors L’Asphyxie, L’Affamée, Ravages, La Bâtarde et La Folie en tête est une perspective qui me réjouit. Merci Alain de m’avoir rappelé l’existence et les livres de Violette Leduc, cette femme qu’on disait laide, cette amoureuse rejetée qui « vivait perpétuellement dans la fiction et aimait sentir sur elle le regard des autres », qui aurait voulu naître statue et qui se considérait comme « une limace sous son fumier », qui s’éprit de Maurice Sachs et de l’auteur du Miracle de la rose.

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