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  • Les poètes ne meurent pas

     

    Par Olivier Chiacchiari

     

    Le 2 novembre 1975 sur une plage d'Ostie, on découvre le corps sauvagement assassiné de Pier Paolo Pasolini.
    A l'issue d'un procès controversé, le crime est imputé à un certain Giuseppe Pelusi. En réalité, il s'agit d'un massacre organisé, comme en atteste le même Pelusi trente ans plus tard en revenant sur ses déclarations: cette nuit-là, ils étaient trois individus à abandonner le poète agonisant, après l'avoir roué de coups et lui avoir roulé dessus avec sa voiture...
    Qu'est-ce qui a pu motiver une telle sauvagerie à l'égard d'un artiste de cette envergure ? Son envergure, précisément ! Pasolini dérangeait par ses prises de positions de plus en plus subversives, notamment avec son film Salo ou les 120 journées de Sodome, condamnation radicale de la bourgeoisie italienne sous le régime fasciste, achevé peu de temps avant sa mort.
    Pasolini était un grand guerrier des arts et des lettres qui a payé de sa vie le courage de ses engagements. Malgré les pressions, les menaces, les calomnies, les procès de toutes sortes, il n'a cessé de servir ses convictions loin des courants de pensée et des idéologies dominantes.
    Une liberté inacceptable pour ses détracteurs qui ont tous - politiciens véreux, fonctionnaires corrompus, nationalistes, fascistes, mafieux, homophobes, bourgeois puritains et j'en passe - si ce n'est commandité, du moins cautionné sa mise à mort, avec l'assentiment tacite d'une justice qui s'est refusée à identifier ses auteurs.
    Mais ce qui fut négligé dans cette barbarie aveugle, c'est qu'à tant vouloir réduire le poète au silence, ils en firent un martyr. Martyr dont l'œuvre et la mémoire sont depuis lors honorés à travers le monde. Et gageons que cela durera quelques siècles...

    Pour en savoir davantage: «Les Ecrits corsaires» (Flammarion, 1975), compilation des articles de presse publiés par Pasolini; le documentaire édifiant de Marco Tullio Giordana «Pasolini, mort d'un poète» (1995); et la bande dessinée de Davide Toffolo «Pasolini, une rencontre», (Casterman, 2004).

  • Ces mots qui relient


     

    par Pascal Rebetez

     

     

    J’ai plein d’idées pour emplir un blog, mais je me lève moins tôt que la plupart des gens qui réussissent et, journaux lus, lorsque je me dis : « Tiens là mon coco, ça vaut un billet ! » hop, le thème est déjà pris par quelqu’autre coucheur d'idées.

    Je me lève tôt parce que je me couche tard, ayant savouré hier soir une série de textes poétiques, dont le dernier Jérôme Meizoz paru à l’Aire : Terrains vagues, je crois que ça s’appelle. C’est un tout petit livre mais qui m’a procuré de puissants frissons. Parce que les évocations faites causaient à mon entendement. Parce que je découvrais à travers les mots de cet universitaire valaisan très haut (près d’1m90, me semble-t-il pour l’avoir croisé quelques fois), les pâleurs et les cicatrices d’un Mensch soumis aux intempéries du cœur et des émotions. Quelque chose d’un frangin. Un livre , ce sont des pages qui relient.

    Et puis, féconde soirée, il y a eu aussi le manuscrit d’une dame qui chante l’eau. C’est très beau, très pur et rien moins qu’acratopège. Mais vais-je le publier à l’enseigne des éditions (www.dautrepart.ch) ? Alors que l’expérience montre que la poésie ne se vend pas ou si peu, qu’elle est une terrifiante affaire économique. Louis Dubost, créateur des Editions du Dé Bleu, dit que ça serait merveille que chaque poète lui envoyant un manuscrit lui achète en même temps ne serait-ce qu’un de ses livres : sa machine éditoriale serait renflouée. La mienne en a besoin : je compte donc sur l’excellence du dernier roman de Claude-Inga Barbey Les petits arrangements, qui sort officiellement aujourd'hui, pour que les gens lisent et se lient et que tous ces liens permettent à nouveau de relier d’autres ouvrages, etc.
  • L'humour au bout des doigts

    par Pascal Rebetez

    Rien de tel qu’une bonne lime à ongles pour arrondir ses fins de moi.

    Eric Chevillard, extrait de son excellent blog http://l-autofictif.over-blog.com/

  • Sur le silence des écrivains face à l’UDC

    Un blog d'écrivains pose implicitement, pour ses auteurs, la question de la légitimité et des limites de la prise de parole publique. A ce sujet, je vous livre, avec l'assentiment de son auteure, un article de notre consoeur écrivaine Silvia Ricci Lempen paru dans Le Temps du 25 octobre dernier. Je crois qu'il ne manque pas d'intérêt.
                                                                                      Pierre Béguin

    Dans un texte paru dans Le Temps du 19 octobre, où il s’interroge sur les raisons du silence presque général des écrivains suisses face à l’UDC, le dramaturge alémanique Lukas Bärfuss relève à juste titre que «l’écrivain (…) n’a aucune influence sur les opprimés, les sans-papiers, les demandeurs d’asile. Il ne les connaît pas, ils ne lisent pas ses livres et ils n’en écrivent pas non plus». Mais regardons la situation en face. A défaut de pouvoir toucher ces catégories de la population particulièrement exposées au racisme et à l’exploitation, «l’écrivain suisse» contemporain dispose-t-il au moins d’une quelconque autorité morale sur l’ensemble de la société, qui donnerait du sens à ses éventuelles prises de position publiques ? Il est permis d’en douter...
    Voir ici la suite de l'article (texte complet)

  • Testez vos connaissances en vocabulaire et orthographe

    Réponses (les réponses n’incluent pas les dérivés):
     
    - ABBATIAL, ou ABBE, etc.
    - AGGLOMERER, AGGLUTINER, AGGRAVER
    - BALLADE, BALLAST, BALLE, BALLERINE, BALLET, BALLOT, BALLOTER, etc.
    - CARRE, CARREAU, CARREFOUR, CARRELAGE, CARRELET, CARREMENT,              CARRIERE, CARRIOLE, CARROSSIER, CARROUSEL, etc.
    - CATTLEYA
    - DERRIERE, DERRICK
    - ECCEITE, ECCHYMOSE, ECCLESIAL, etc
    - IMAGE, IMAM, IMITER
    - MALLE, MALLEABLE, MALLEOLE
    - PALLIER, PALLADIUM, PALLIUM
    - PARRAIN, PARRICIDE
    - SOUFRE
    - TALLAGE, TALLER, TALLIPOT
     
     

  • Hergé antisémite?

    Par Pierre Béguin

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    Le politiquement correct renvoie logiquement Tintin au Congo au ban des livres racistes et son auteur à celui d’affreux colonialiste. Peut-être. Même si on pourrait opposer à cette accusation les caricatures de colons anglais. Après tout, Hergé est-il considéré comme raciste parce qu’il a dessiné des Japonais fourbes? Non. L’est-il pour avoir réduit Chicago à une ville de gangsters et représenté les Américains comme des affairistes sans scrupule? Non. L’est-il pour avoir limité sa vision de l’Amérique latine à des bandes de révolutionnaires sanguinaires et avinés? Non. L’est-il pour avoir dessiné d’affreux sorciers africains? Non. Encore que… En matière de racisme, l’égalité de traitement le cède aux préjugés, aux procès d’intention, aux culpabilités, bref à l’arbitraire.

    Mais le plus déli1358121541.jpgcat reste les accusations d’antisémitisme dont Hergé fait l’objet. Si ses Japonais sont presque tous fourbes (ce qui n’a posé aucun problème), ses Américains presque tous affairistes (ce qui n’a posé aucun problème), ses Latino Américains presque tous révolutionnaires sanguinaires (ce qui n’a posé aucun problème), ses Africains presque tous affreux sorciers ou caricatures du genre «y a bon missié blanc» (ce qui pose problème), qu’en est-il de ses Juifs? Certes, les activistes de «l’Irgoun», dans L’Or noir, suscitent la sympathie, même si de mauvaises langues rétorqueront qu’il s’agit de Juifs voulant ressusciter un Etat juif dans le désert, loin de l’Europe, comme le souhaitaient précisément les anti-juifs. Pour le reste, il faut bien admettre, dans les éditions originales, qu’il est difficile de trouver un personnage juif décrit de manière positive. L’Etoile mystérieuse, imaginée en pleine occupation nazie, en est un exemple saisissant. Dès le début, Tintin, poursuivi par le prophète Philippulus, passe devant une bout593162908.jpgique sur la devanture de laquelle est inscrit le nom Levy. Deux caricatures de commerçants juifs, à l’image 2101607558.jpgde celui de L’Oreille cassée, nez crochu, bouche lippue, tiennent à peu près ce langage: «La fin du monde! Ce serait une bonne bedide avaire, Salomon! Che tois 50000 frs à mes vournisseurs… Gomme za che ne tefrais bas bayer». Mais le pire reste le banquier new-yorkais Blumenstein qui incarne le mal et la cupidité par opposition au bien et à la vertu incarnés par Tintin. Bien sûr, cédant aux pressions de Casterman, Hergé a fait disparaître les deux commerçants, modifié l’identité de l’expédition américaine par celle d’un état imaginaire, le Sao Rico (la consonance mixte brésilienne-hispanique serait-elle innocente?) et remplacé Blumenstein par un nom plus bruxellois: Bohlwinkel. Ironie du sort ou acte manqué? Un certain Bohlwinkel, d’origine juive, s’est plaint un jour auprès d’Hergé du fait qu’un personnage aussi peu scrupuleux puisse porter un nom aussi juif, comme si la souffrance d’un peuple décernait de facto un brevet de vertu à tous ses ressortissants.

    Les évidences sont là, resten269422074.jpgt le délire et les procès d’intention. Qu’on ait pu associer, par exemple, cette étoile grossissante qui menace la planète à l’étoile de David, analogie chargée de sens en un temps où l’étoile jaune est obligatoire (symbole pour symbole, délire pour délire, les pattes recourbées de l'araignée pourraient tout aussi bien faire penser à la croix gammée). Comme on a associé cette même étoile de David à l’immense étoile jaune enserrant une chauve-souris, dans la peinture qui sert de décor à l’illusionniste de Les sept boules de cristal. Chauve-souris ou araignée (vue par Tintin dans le télescope et, plus tard, sur l’île), dans les deux cas, l’étoile est identifiée à une menace grandissante, répugnante ou rampante…

    Evidemment, les atrocités et les camps de concentration ont passé par là. Et si l’on pouvait encore, avant la guerre, reléguer certaines caricatures ou plaisanteries douteuses contre les juifs au rang des âneries de mauvais goût, après la guerre, ces mêmes caricatures et ces mêmes plaisanteries deviennent des attitudes criminelles intolérables. C’est ainsi d’ailleurs qu’Hergé se justifia: «L’Etoile mystérieuse était fait bien sûr avant que l’on sache les atrocités nazies, et les camps de la mort, et tout ça; sinon, c’est certain, je n’aurais jamais écrit ça!» (Jacques Willequet, op cit., p. 53-54). Au fait, Hergé pourrait-il être considéré comme anti nazi pour avoir dessiné un avion Heinkel dans Le Sceptre d’Ottokar? C’est du moins ce qu’entendit, sous l’Occupation, un officier-censeur allemand qui le mit en demeure de ne pas recommencer… Encore heureux qu’il n’ait pas représenté les Grecs sous les traits de méchants armateurs!

    Alors, Hergé, antisémite? Opportuniste? Victime des événements? Ou simplement caricaturiste?


     

  • Emil Cioran ou le cynisme visionnaire

     

    Par Olivier Chiacchiari

     

     


      N'avoir rien accompli

      et mourir en surmené

     

      Cioran

     

     

     

     

    La clairvoyance de ces quelques mots se passe de commentaire.

    A méditer sans modération.

  • Autant qu'il pleuve...

    Par Pierre Béguin

     

    Tenez! Je vous livre ci-dessous ma pensée fétiche, celle qui m’a le plus souvent soutenu dans les vicissitudes de l’existence, et tout spécialement dans ses mois de novembre, avec leurs concerts de bise, leur ciel bas et lourd, leurs barreaux de pluie, leurs épreuves semestrielles et leur centaine de dissertations à corriger:


    «Autant qu’il pleuve pendant qu’il fait mauvais temps!»

  • Scénaristes romands: le soleil se lève à l'Ouest !

     

    Par Olivier Chiacchiari

     

    Les scénaristes américains sont en grève depuis trois semaines pour tenter d'obtenir quelques dollars supplémentaires sur leurs droits d'auteur... Je soutiens sans réserve, car je me suis moi-même adonné à l'exercice du scénario il y a quelques années, ici, en Suisse romande, et c'est loin d'être mon souvenir le plus réjouissant.
    Ce que j'ai pu constater, c'est que le scénariste - qui fournit le texte de base, la matière première sans laquelle rien ne se ferait - est le dernier à être considéré dans le processus de production et le premier à se faire évincer lorsque l'occasion se présente. Un rôle essentiel mais jetable, de crainte qu'il n'empiète sur la toute puissance du réalisateur.
    Car si au théâtre, l'affiche mentionne: une pièce de, mise en scène par... au cinéma, elle affirme: un film de ! Point exclamatif final. Dont acte.
    Voilà pourquoi les scénaristes les plus méritants finissent toujours par devenir réalisateur. Résultat, il y a pléthore de réalisateurs et pénurie de scénaristes. Là où l'affaire se complique, c'est que les producteurs sont friands de scénaristes qui ne réalisent pas, pour proposer des scénarios à des réalisateurs qui n'écrivent pas. Quadrature du cercle qui embarque des pelletées de jeunes recrues dans des galères démotivantes... peu importe, on en prend d'autres et on recommence !
    Or, en Suisse romande, cinéma et télévision relèvent de l'artisanat, non de l'industrie, c'est la raison pour laquelle on devrait privilégier les relations humaines et les collaborations durables. La production y gagnerait, les spectateurs aussi. Mais la plupart des producteurs locaux refusent d'intégrer cette évidence, ils s'obstinent à suivre le modèle américain avec des moyens romands, alors ma foi...
    Je lance un appel à tous les aspirants scénaristes: si vous aimez écrire, si vous avez une bonne histoire à raconter, écrivez un roman, une pièce de théâtre, une nouvelle, un poème, une chanson, un conte, mais pas un scénario ! Voie sans issue ! Et si vous persistez contre tout bon sens, alors bétonnez votre contrat et faites-vous rémunérer à la mesure de vos souffrances, car dans le meilleur des cas, le seul bénéfice que vous pourrez en retirer sera financier. Et vous ne l'aurez pas volé.

  • Lettre ouverte (bis) à Monsieur B. par Sylviane Dupuis

    A la suite de mon article, Le silence des intellectuels et du débat en ligne qui a suivi, notre consoeur Sylviane Dupuis a réagi en nous envoyant une lettre ouverte qu'elle a fait paraître dans Le Temps du 19 septembre. J'ai jugé opportun de la publier intégralement ici pour alimenter le débat. La voici.
                                                                                   Alain Bagnoud

    Vous êtes, Monsieur B., un « grand professionnel » de la politique : cela, même vos ennemis s’accordent à le reconnaître. Vous avez pour ce faire l’intelligence et tout l’argent qu’il faut. Mais justement. Je vous ai écrit une première fois il y a huit ans, Monsieur B., pour vous dire tout le mal que je pensais de votre projet d’entrer au gouvernement, et dénoncer « un système parfaitement programmé, une stratégie parfaitement sous contrôle, là où d’autres ne veulent voir que la sincère défense de convictions ». Depuis, vous avez raté votre premier putsch, mais réussi le second, le « système B. » a parfaitement fonctionné, vous êtes partout, vous êtes la Vedette, votre ego enfle de jour en jour comme celui de la grenouille de la fable, bientôt vous paierez pour qu’on confectionne des chocolats à votre image – et demain, en dépit de vos dérapages, de vos méthodes nauséabondes et des innombrables preuves données, en quatre ans, de votre mépris du droit, de la collégialité, voire même de la Constitution, vous vous retrouverez peut-être président de la Confédération. J’aime encore mon pays, Monsieur B. Je ne me fais pas à l’idée qu’on détourne à son profit la démocratie avec un tel culot. Je vous écris pour vous dire à nouveau que « je ne marche pas ».

    Est citoyen, pour Aristote, qui a part au fait de gouverner et d’être gouverné. Ma qualité de citoyenne me donne donc encore, pour le moment, le droit de refuser publiquement d’être gouvernée par vous. Pour le moment : car quand vous serez devenu notre Grand Guide avec l’assentiment de tous et que chacun sera susceptible à tout moment et au moindre signe de différence de se voir étiqueté « mouton noir »… il sera trop tard pour parler. Or l’exercice de la parole publique est (toujours selon Aristote) l’autre faculté propre au citoyen.

    Je vous dois un aveu, Monsieur B. : depuis huit ans vous êtes devenu ma bête noire, mon obsession...
    Suite du texte ici (texte complet)