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  • Eloge du célibat

     

     

    par Pascal Rebetez

     

    « Branle-bas à la maison. Elise a perdu son dentier, tout en or, qui valait une fortune. » Elise, c’est l’épouse détestée de Marcel Jouhandeau celui qui, dans les vingt-six volumes des Journaliers que publia Gallimard, laisse aller sa rogne contre cette créature épouvantable, la colérique, son épouse cependant quarante-deux ans durant, lui l’homosexuel coupable, jamais en retard d’un outrage à Dieu. Et parfois aux hommes, puisqu’on lui en a voulu d’avoir écrit un pamphlet antisémite que je n’ai pas lu. Mais j’ai aimé replonger dans l’intimité du grand bourgeois français, tout en adorations vénielles et en détestation olympiennes, pour parler comme Décaillet. Et sa femme, cette Elise, grande prêtresse suffocante, je l’ai revue dans les archives de la TSR en 1963, affalée sur sa couche, méchante, hargneuse, blessée, morigénant son hypocrite époux qui préfère courir les garçons plutôt que de lui apporter, à elle, un minimum d’affection. Vous pourrez en voir un extrait dans l’émission Vu à la télé sur TSR1 du 9 décembre prochain. C'est du plus grand cocasse et particulièrement bienvenu pour les célibataires qui auraient quelque remord à ne pas (ou plus) vivre en ménage: mieux vaut être seul que mal accompagné.

  • La Cour des petits, une farce politique

     

    Par Olivier Chiacchiari

     

    Il vous reste jusqu'à dimanche 11 novembre pour aller voir ma pièce La Cour des petits aux Marionnettes de Genève (rue Rodo 3, 1205).

    Une farce politique qui fustige le milieu culturel étriqué d'un hypothétique Petit Pays...

     

    Tous les soirs à 19 h, dimanche à 17 h,

    pour ados et adultes.

     


    Réservations: 022 418 47 77.

    http://www.marionnettes.ch/Spectacles.php?page=Fiche&id=pub@COURP

  • Jean Piaget, l'éternel enfant

     

    Proposée par Olivier Chiacchiari

     

     

     

     

        Tout ce qu'on apprend à un enfant,

        on lui interdit de l'inventer.

     

        Jean Piaget

     

     

     

     

     

    Aphorisme vertigineux, formulé par un homme d'exception, qui n'a cessé de m'accompagner depuis que sa fulgurance a croisé mon existence.

  • Céline, Ramuz, l’école, mai 68 et les valets du pouvoir

    Par Alain Bagnoud

    Céline n’aimait pas l’école. Ramuz non plus. Pas plus Queneau, et Cendrars, et les anarcho-syndicalistes de l’époque. Ils se méfiaient parce qu’elle avait pour rôle, pensaient-ils, d’intégrer le peuple dans la République. Mais pas n’importe comment. En remplaçant la langue et la culture des enfants du peuple par celles de la bourgeoisie cultivée.

    L’école, pour eux, c’était un « appareil idéologique d'Etat, voué à former et réformer les structures mentales du peuple, à travers notamment l'apprentissage d'un français national standard qui doit se substituer, dans les couches populaires principalement, aux premières expériences vécues de la langue familièrement parlée. » (Je sors cette citation de la thèse de Jérôme Meizoz sur Ramuz, qui parle notamment de ces questions : L'Âge du roman parlant 1919-1939, préface de Pierre Bourdieu, Librairie Droz, 2001.)

    S’opposant à ça, Ramuz, Céline et autres chantres de l’oral voulaient représenter littérairement les gens de peu. Pour eux, l’écrivain avait comme mission profonde de se dépouiller de la grammaire et du vocabulaire scolaires, de transgresser les interdits, de renouer avec une langue vivante. D’accepter la langue de la rue ou des champs, de la valoriser et de travailler sur ses niveaux. Une manière de mettre le peuple dans le champ de la culture.

    Ce qui m’amuse dans cette histoire, en fait, c’est qu’il y a le même débat aujourd’hui, mais à l’envers. Les pédagogies d’après mai 68 suivaient un chemin vaguement inspiré par les mêmes idées que celles de Ramuz ou Céline. Leur but : faire entrer dans l’école d’autres langages, d’autres cultures que celles de la bourgeoisie dominante incarnée dans l’Etat.

    Mais cette époque est finie. Nous sommes maintenant en pleine réaction. Dans le retour à l’autorité, au savoir, à la culture bourgeoises, à la norme. Qui vise à imposer un seul modèle de comportement, une seule culture, une seule langue. Celle des maîtres. Celle qu’ils dominent mieux que tout le monde et qui leur assure un surcroît de pouvoir.

    Pas étonnant que certains n’aiment pas l’école !

    (Publié aussi dans Le blog d'Alain Bagnoud)

  • La fin du roman picaresque

     Par Pierre Béguin
     

    Un souvenir de voyage vieux de plus de 20 ans – anecdote en apparence anodine – est resté gravé dans ma mémoire: je bourlinguais depuis quelques semaines sur l’Altiplano entre le Pérou et la Bolivie avec l’impression d’être coupé de toute civilisation lorsque, en montant dans un train, je me suis retrouvé assis à côté d’un groupe de Suisses allemands retraités, en voyage organisé, jouant au yass. A cet instant, j’a69845114.jpgi pensé à Séraphin Lampion…
    J’ai toujours perçu comme une géniale fulgurance cette séquence de Tintin et les Picaros où Séraphin Lampion débarque, impromptu, dans un car de touristes bariolés et joviaux au beau milieu de la jungle d’Amérique centrale, en plein camp du Général Alcazar et de ses guerilleros occupés à fomenter un coup d’état. Le symbole est clair: l’espace réservé à l’aventure, le champ d’action des picaros, se réduit comme une peau de chagrin; et Tintin est devenu un personnage suranné, ses aventures sont d’un autre siècle, l’ailleurs appartient dorénavant aux agences de voyage à la conquête de nouveaux territoires. Pas étonnant qu’Hergé ait refusé toute continuation de son œuvre. Comment écrire – et surtout où situer – un roman d’aventure? Dans l’espace? Tintin y est déjà allé. Que lui reste-t-il? Le genre n’est-il pas désuet? Le voyage de Nicolas Bouvier, par exemple, serait-il encore possible de nos jours? ferait-il encore sens? Si l’aube du roman d’aventures se situait durant la période des grandes découvertes, qu’en reste-t-il maintenant que tout est découvert et proposé sur catalogue avec prix et photos à l’appui?
     

    A bien y regard583000383.jpger, aucune œuvre mieux que celle d’Hergé ne souligne le crépuscule du genre picaresque. Qu’on se souvienne des premiers albums où Tintin se lance dans l’aventure avec enthousiasme, sans préparatifs ni hésitation, en effectuant ce saut dans le vide définitif qui marque le début de l’émerveillement. Comme dans L’île noire, pour prendre un exemple, où Tintin, après avoir lu un article de journal sur son lit d’hôpital, quitte précipitamment sa chambre sous les yeux médusés de l’infirmière. Une fois installé à Moulinsart, notre héros met ses pantoufles et, dès lors, ses aventures ne sont plus jamais le fruit d’une décision libre et spontanée. La magie n’opère plus. Il faut d’abord l’enlèvement, puis la disparition de Tournesol, pour qu’il quitte le château. On le retrouve ensuite en vacances «écologie et santé» dans les Alpes, loin de tout désir d’aventures, avant que l’amitié et le sens du devoir ne le précipitent au Tibet. Par la suite, il ne quitte plus Moulinsart – à peine s’aventure-t-il hors du parc – dans ce qui reste un superbe exemple de non aventure, un livre sur rien (et en pleine période du nouveau roman, en plus!), où toutes les pistes finissent en cul de sac dès lors qu’on apprend la responsabilité d’une pie dans le vol des bijoux. Enfin, il faut un détournement d’avion pour lancer son avant-dernière aventure, probablement la plus insipide (Hergé n’y est plus). Mais l’exemple le plus édifiant reste Les Picaros, un album que je trouve génial à plus d’un titre, même si cet avis n’est guère partagé. Là, même le chantage par presse ou télévision interposée ne parvient pas à décider Tintin de quitter sa retraite (Hergé a le don de transposer son propre vécu). Seule l’amitié pour le capitaine Haddock902100348.jpg y parviendra, lui qui, soupe au lait, se décidera bien avant son acolyte à larguer les amarres de Moulinsart. Car le capitaine au long cours, au contraire de Tintin, s’ennuie parfois à mourir dans son château. Les deux cases identiques, celle qui ouvre l’arrivée à Tapiocapolis et celle qui termine l’histoire, où l’on voit l’avion de notre héros survoler un bidonville surveillé par deux militaires, dépassent largement la seule critique politique: elles signifient l’inutilité des aventures de Tintin. Pour la première fois, son action n’a en rien modifié la situation initiale, ses exploits ne rétablissent pas la justice et ne servent pas d’exemple. Tout se passe comme si son passage en Amérique centrale n’avait pas eu lieu: Tapioca ou Alcazar, peu importe! Seul Moulinsart compte.
    Ne voyons pas, dans cette parodie du genre picaresque qu’est, à plus d’un titre, Tintin et les Picaros, le seul reflet du vieillissement d’Hergé. De nos jours, le monde se partage entre territoires en guerre et territoires conquis par les agences de voyage. Or, l’aventure, pour se développer, a besoin de se situer entre le gris clair et le gris foncé. Cela laisse encore quelques terres, certes, mais restreintes et plus vraiment exotiques. Reste l’espace – mais c’est cher –, ou cette autre jungle qu’est la grande finance. Au fait, le nouveau Tintin, moins boy-scout, plus cynique,  ne s’appellerait-il pas Largo Winch, un milliardaire PDG qui se déplace avec jet privé et équipage?
    Mais peut-être sont-ce simplement mes références qui deviennent désuètes et qui approchent de leur crépuscule. Ô saisons, ô châteaux!

  • Les mutations verbales de Pascal Nordmann

     

    Par Olivier Chiacchiari

    Pour accueillir mon premier invité, j'ai choisi de vous présenter un personnage qui m'est particulièrement cher en raison de l'amitié qui nous lie, mais aussi et surtout pour son éclectisme créatif. Depuis des années, Pascal Nordmann explore avec force et talent plusieurs disciplines en parallèle: l'écriture, bien sûr, mais aussi les arts plastiques, la mise en scène et la programmation informatique (il a notamment créé le site des eat-ch: http://www.eat-ch.org).
    Un artiste multi autodidacte qui n'a pas fini de m'étonner !
    C'est ainsi que nous avons commencé à travailler ensemble sur un projet pour le moins particulier et enthousiasmant: un générateur électronique de théâtre. Création à la fois littéraire et informatique actuellement en chantier, que nous nous ferons un plaisir de vous présenter ici lorsque nous serons parvenus à un résultat satisfaisant.
    Mais pour l'heure, afin de mieux comprendre de quoi et de qui il s'agit, je vous invite à entrer dans l'univers de Pascal Nordmann. Et je vous encourage vivement à - non pas visiter - mais expérimenter son site internet.
    L'Encyclopédie mutante ne devrait laisser indifférent aucun amateur de littérature...

     

    http://www.pascal-nordmann.com/


     

    Un monde en mouvement

     

    Par Pascal Nordmann

    Toutes les formes d'étonnement sont bonnes à prendre, tous les outils sont capables de produire de l'art, tous les artisanats possèdent leur douceur. Qu'en est-il de l'informatique? L'ordinateur peut-il nous étonner? Peut-il produire (ou nous aider à produire) de la littérature? L'ordinateur est-il capable de la douceur de l'artisanat?
    Ces questions, je me les pose depuis que je possède un ordinateur. Cela fait donc un peu plus de dix ans que je me suis mis à la tâche. A côté de mon travail d'écrivain, de plasticien et de metteur en scène, j'ai appris la programmation. Le résultat (provisoire): l'Encyclopédie mutante.
    L´Encyclopédie mutante se sert de la langue et du hasard pour tenter de dépasser le non-sens. Son matériau de base est un dictionnaire placé sur le réseau. C'est un vaste chalut qui explore et pèche dans la langue française. Qui pèche à la recherche du sens.
    Les rubriques sont différentes à chaque consultation. Tout est en mouvement. Parfois à côté, parfois finement dedans.
    Mais l'Encyclopédie n'est qu'une des applications possibles du module. Le générateur de poèmes en est une autre. Il travaille avec des bases introduites par un auteur de chair et d'os. Ses bases sont infiniment extensibles.
    Le traitement informatique permet de jouer avec la langue comme avec un matériau brut (rimes, pieds, allitérations …) mais au fil des mois, le module a aussi appris à reconnaître diverses catégories lexicales (l'amour, la philosophie, la cuisine, l'armée etc.). En d'autres termes, le module apprend la littérature.
    La subversion de textes d'écrivains est une autre application possible. Sur mon site on découvrira des textes allant de Montaigne à Nathalie Sarraute en passant par Rousseau, et même Molière dans leur version originale et dans leurs différentes transformations.
    Ce travail, qui ne cesse de se développer, est une œuvre ouverte dont les étapes sont publiques puisque tout un chacun peut les suivre sur la toile.

    Pour davantage d'explications, cliquez ici 

     

    (Photo: Vincent Calmel, Fenêtre en mouvement: Pascal Nordmann.)

  • Alinghi, la barque est pleine…

     

    par Pascal Rebetez

     
     

    Ernesto se tire à Gstaad avec femme blonde et enfants. Sa sœur et sa mère itou. Il va poser sa barque là-haut sur la montagne, comme Fitzcarraldo avant lui. J’ai donc décidé, moi aussi, de demander l’asile fiscal et naval à  Kandersteg. Mais rien à faire : c’est un véritable tunnel administratif et ma sœur ne sait pas l’allemand. Quant à ma mère, elle craint que ce soit la face cachée d’un EMS, donc elle se rebiffe, la mistonne.

    J’ai bien sûr convoqué la presse, arguant du fait que mes activités désormais se concentraient davantage sur une vie de famille en altitude, loin des basses contingences de la Riviera. Mais, las, aucune feuille, même de chou gratuit, ne relaya l’information.

    Et pourtant, qu’a-t-il de plus que moi celui qui porte le même prénom que le Che ? Le goût de l’aventure ? Allons donc ! Entre Saanen et Gstaad, les probabilités de croiser un loup sont moins grandes que celles de coucher avec un requin. De la finance ? Qui trop possède est posséder par elle. Non je ne vois pas. Je ne vois rien. D’ailleurs, je n’ai jamais rien vu et donc, ça ne changera rien. Avez-vous, bande de glands, déjà croisé Ernesto ou sa meuf ou sa mamma ? Jamais. C’est donc qu’ils n’existent pas. ça tient de la fiction. Pire, du feuilleton. Sûr que les médias les rateront pas. La réalité est parfois si difficile…