Les poètes ne meurent pas (30/11/2007)

 

Par Olivier Chiacchiari

 

Le 2 novembre 1975 sur une plage d'Ostie, on découvre le corps sauvagement assassiné de Pier Paolo Pasolini.
A l'issue d'un procès controversé, le crime est imputé à un certain Giuseppe Pelusi. En réalité, il s'agit d'un massacre organisé, comme en atteste le même Pelusi trente ans plus tard en revenant sur ses déclarations: cette nuit-là, ils étaient trois individus à abandonner le poète agonisant, après l'avoir roué de coups et lui avoir roulé dessus avec sa voiture...
Qu'est-ce qui a pu motiver une telle sauvagerie à l'égard d'un artiste de cette envergure ? Son envergure, précisément ! Pasolini dérangeait par ses prises de positions de plus en plus subversives, notamment avec son film Salo ou les 120 journées de Sodome, condamnation radicale de la bourgeoisie italienne sous le régime fasciste, achevé peu de temps avant sa mort.
Pasolini était un grand guerrier des arts et des lettres qui a payé de sa vie le courage de ses engagements. Malgré les pressions, les menaces, les calomnies, les procès de toutes sortes, il n'a cessé de servir ses convictions loin des courants de pensée et des idéologies dominantes.
Une liberté inacceptable pour ses détracteurs qui ont tous - politiciens véreux, fonctionnaires corrompus, nationalistes, fascistes, mafieux, homophobes, bourgeois puritains et j'en passe - si ce n'est commandité, du moins cautionné sa mise à mort, avec l'assentiment tacite d'une justice qui s'est refusée à identifier ses auteurs.
Mais ce qui fut négligé dans cette barbarie aveugle, c'est qu'à tant vouloir réduire le poète au silence, ils en firent un martyr. Martyr dont l'œuvre et la mémoire sont depuis lors honorés à travers le monde. Et gageons que cela durera quelques siècles...

Pour en savoir davantage: «Les Ecrits corsaires» (Flammarion, 1975), compilation des articles de presse publiés par Pasolini; le documentaire édifiant de Marco Tullio Giordana «Pasolini, mort d'un poète» (1995); et la bande dessinée de Davide Toffolo «Pasolini, une rencontre», (Casterman, 2004).

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