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Blogres - Page 11

  • Manifeste pour l'égalité

    Par Pierre Béguin

    En ce dimanche 8 mars, jour de la femme, il nous semble judicieux d’apporter notre contribution au combat pour l’égalité par une modeste proposition à Sandrine Salerno, comme le fit en son temps Jonathan Swift à la Cour d’Angleterre.

    Comment pourrions-nous oublier la merveilleuse initiative de notre militante visant, par une féminisation des panneaux de signalisation, à une meilleure appropriation par les femmes du domaine public? Si cette initiative a rapidement bouleversé notre perception du problème et fait littéralement bondir la cause des femmes au point que nous pouvons d’ores et déjà parler d’un avant et d’un après Salerno, il appert que notre élue a oublié le remplacement d'un panneau essentiel au louable objectif qu'elle s'est fixé d’atteindre enfin une réelle égalité homme femme dans l’espace public. Omission que nous nous proposons de réparer par ce modèle - vous en conviendrez - d'une sobriété exemplaire:

    panneau5.jpg

    Ce panneau - tel est notre voeu - doit rappeler à tout le monde cette scandaleuse injustice qui voit les hommes occuper sans partage les travaux de terrassement. Oui, car derrière chaque pioche, chaque pelle, chaque marteau-piqueur ou bétonneuse, dans chaque chantier, chaque percement de tunnel, que des hommes! Aucune femme. Cette appropriation honteuse de l’espace public par le mâle, cet immonde acte d’ostracisme d’une moitié de la population aux dépens de l’autre, n’aura échappé à personne, comme nous espérons qu’elle n’a pas échappé à Sandrine Salerno. Puisse ce panneau réparer une injustice qui ne saurait se prolonger, en incitant toutes les femmes animées d’un idéal égalitaire à embrasser une profession pour l’instant entièrement phagocytée par une caste virile de toute évidence cisgenre, venue avec enthousiasme et parfois de très loin goûter égoïstement aux privilèges et à la fierté de construire la Genève de demain!

    Oui! La véritable égalité se mesure à l’aune de toutes les professions, ne l’oublions pas! Ne serait-il pas temps, à l’aube du XXIe siècle, que les femmes aient enfin le droit de participer à la construction et à l’entretien des routes, des tunnels, des chemins de fer qu’elles empruntent, ou des maisons – parfois luxueuses – qu’elles habitent, voire, pour certaines, des fitness ou des piscines où elles vont parfaire leur(s) forme(s)! 

    Il serait tout de même regrettable, dans la mouvance progressiste qui nous traverse, que des femmes ne sussent saisir une telle opportunité d'exercer un travail aussi primordial au bien-être de la cité et de ses citoyens, et ne pussent participer à une mission aussi essentielle au développement futur de notre pays en se voyant interdire d'investir massivement ces beaux métiers du terrassement qui nous font toutes et tous rêver, mais que seuls des hommes ont l’outrecuidance d’occuper.

    Oui! Comme le titre judicieusement Le Courrier sur ses manchettes, «L’heure du féminisme a sonné!». En ce sens, nous formulons le souhait que notre apport sémiologique contribuera à l’avènement de ce Grand Soir qui verra enfin l’égalité de tous les êtres dans l’espace public, sexes, genres ou nationalités confondues, et nous sommes convaincus que Sandrine Salerno, en tant qu’élue de gauche particulièrement sensible à tout forme d’inégalité, pour le moins donnera une suite concrète à notre modeste proposition, pour le mieux imposera rapidement des quotas dans ces intolérables bastions machistes que sont les métiers du terrassement– peu importe ce qu’il en coûtera aux contribuables. Sur ce plan, nous lui faisons entièrement confiance. Qu’elle en soit d'avance remerciée!

  • L'affaire Polanski nous rend fous (et folles) !

    par Jean-Michel Olivier

    images.jpegL'affaire Polanski rend fou : elle concentre en elle bien des passions incandescentes. Le néoféminisme, d'abord, teinté de misandrie et de politique, mais aussi la pédophilie, les violences sexuelles, sans oublier un élément déterminant, l'antisémitisme. Cela fait beaucoup pour un seul homme ! Mais cela explique aussi les vagues de haine, d'incompréhension et de bêtise que suscite cette « affaire » sur les réseaux sociaux. 

    On l'oublie bien sûr, car notre époque est amnésique, mais l'« affaire » a déjà fait un mort — au moins. Rappelez-vous, en octobre 2009, l'écrivain Jacques Chesseximages.jpeg (©photo de Patrick Gilliéron Lopreno), pris à partie, au sujet de Roman Polanski par un médecin du nord-vaudois (qui a courageusement pris la fuite), s'écroulait dans la bibliothèque du gymnase d'Yverdon, victime d'une crise cardiaque…

    À cette époque, j'avais consacré une chronique à cette « affaire » (lire ici), puis encore deux autres. Jamais je n'ai eu autant de commentaires (au total une centaine), mélangeant tous les aspects du scandale présumé, mais portant avant tout sur la question des violences pédophiles (d'innombrables témoignages de victimes abusées). Bien avant la vague #MeToo. Preuve que la parole des victimes ne demandait qu'à être entendue.

    Pendant dix ans, l'« affaire Polanski » s'est faite oublier. Or le feu couvait sous la braise. Le réalisateur a beaucoup travaillé. Mais il a fallu attendre J'accuse, un-poster-du-film-j-accuse-de-roman-polanski-photo-prise-le-13-novembre-2019_6251358.jpgun film magnifique qui tout à la fois dénonce l'antisémitisme et célèbre le courage de l'homme qui a osé défendre Dreyfus, pour qu'un nouveau scandale éclate. Je ne reviendrai pas sur ce nouveau lynchage qui a permis à certaines féministes excitées de réclamer qu'« on gaze » Polanski…IMG_3898-2.JPG

    Aujourd'hui, lors d'une misérable cérémonie des Césars, on se moque de sa taille (« un nain»), on écorche son nom (Jean-Pierre Daroussin), on oblige un comédien à faire le salut nazi sur scène (!). Pour rire, bien sûr. Une écrivaine néo-punk à la dérive, amoureuse des frères Kouachi, crache son venin dans Libération sur un réalisateur de films dont le talent la dépasse. On en revient aux bonnes vieilles méthodes en vigueur en Allemagne ou en URSS il n'y a pas si longtemps. Et cela ne scandalise personne…

    Vite ! Passons à une autre « affaire » !

    Par exemple l'affaire Josette Bauer, bien plus intéressante !

  • Le souvenir est un poète

    Par Pierre Béguin

    Ce mois de février très chaud a ravivé les mémoires. Et chacun de se souvenir avec nostalgie de ces périodes de février aux paysages blancs jusqu'en plaine, et d'agiter l'inévitable spectre de l'urgence climatique...

    Petit rappel donc: une connaissance m'envoie ces photos, toutes prises au même moment - en février - et au même lieu - Les Crosets, en dessus de Champéry, à 1675 mètres d'altitude, sur la piste de la pointe de l'Au pour être précis. Jugez-en!                                                                                

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    La dernière photo a été prise le 24 février 2020, au pic de chaleur. Imaginez qu'elle l'ait été le 26 février, après les fortes chutes de neige!

    Photos, mémoire... Le souvenir est un poète, comme l'écrivait Paul Géraldy. Dommage que le catastrophisme ambiant en fasse un mauvais historien!

  • Quand Josette Bauer fascine Truman Capote...

    par Corine Renevey

    download.jpgAprès deux récits autobiographiques, bouleversants d’humanité, Jonathan 2002⁠1 et Vous ne connaîtrez ni le jour ni l’heure⁠2, Pierre Béguin se tourne vers les grandes affaires criminelles qui ont secoué les tribunaux à la fin des années 50 : « l’affaire Pierre Jaccoud » avec Condamné au bénéfice du doute⁠3 (prix Édouard Rod 2016) et « l’affaire Josette Bauer » avec la Scandaleuse Madame B.⁠4 Il y a des points communs dans ces deux dossiers : Genève la calviniste où sont jugées ces affaires, le sentiment d’une justice défaillante et des histoires de mœurs qui ne pardonnent pas. Ironie du sort, les deux détenus se retrouvent dans le même quartier pénitentiaire de l’Hôpital cantonal en 1961 où ils commencent une idylle. Il n’en faut pas moins à l’auteur pour mener l’enquête et nous embarquer dans une aventure passionnante.

    gettyimages-162760844-612x612.jpgAvec l’affaire Bauer, Pierre Béguin ne manque pas d'audace. S’il fait la chronique détaillée d’une enquête aux multiples rebondissements qui nous entraîne sur les pas d’une femme en cavale après son évasion de prison, de la France où elle a des contacts avec la French Connection, en Algérie où elle se retrouve en pleine révolution, jusqu’aux États-Unis où elle sera arrêtée pour trafic d’héroïne, puis protégée par la justice américaine après avoir livré quelques têtes du réseau jusqu’à la demande d’extradition, l’auteur ajoute à son récit une perspective imaginée de toutes pièces bien qu’elle soit absolument vraisemblable.
    Il s’agit d’une abondante correspondance de l’auteur américain, Truman Capote, qui aurait lui aussi succombé aux charmes de la Genevoise. C’est là qu’on touche au sublime. Pierre Béguin se met dans la peau de celui qui, avec De sang-froid, a inventé le roman-vérité et nous livre par le biais de lettres adressées à quelques destinataires privilégiés, une bluffante démonstration du genre. 

    En effet, lors d’un séjour dans son chalet de Verbier où il s’ennuie à fendre l’âme : tout n’est que neige, montagnes et solitude, Capote tombe sur l’affaire Bauer au moment où une certaine Paulette Fallai se fait pincer le 31 août 1967, à la descente d’un paquebot à Fort Everglades en Floride avec 30 livres de drogue. Du jamais vu! Le fait divers le détourne provisoirement de son chef d’œuvre proustien, Prières exaucées, une critique de la haute société new-yorkaise, qu’il est en train d’écrire. Screen-Shot-2019-11-19-at-11.57.24-AM.pngCapote pense tenir sa « sorcière des Délices » : « plus j’apprends à connaître cette femme, plus elle ne cesse de m’étonner, de me fasciner. Cette absence de culpabilité, ce sans-gêne : elle ne se reproche rien parce qu’elle ne s’interdit rien (p. 160) ». Quel romancier pourrait résister à une telle héroïne d’autant plus qu’il a une illumination : Bauer est lesbienne. « Les hommes, elle les manipule, elle les tient par la queue, mais sa véritable sexualité la porte ailleurs… Josette avec sa réputation de mangeuse d’hommes, ne pouvait pas, dans leur logique de mâles, appartenir à un autre bord. Mais à moi, on ne me la fait pas ! (p. 170-171) » Josette Bauer le fascine tant par son caractère déterminé : « avec une telle énergie, elle serait capable de faire voler un fer à repasser ! » que par une blessure commune : l’indifférence d’une mère dont ni l'une ni l'autre ne se remettra.

    gettyimages-1174323159-612x612.jpgSeul un auteur américain de cette trempe, homosexuel et amateur de crimes, c'est du moins ce dont il est convaincu, peut transposer ce faits divers en roman-vérité. C'est grâce à Katherine Graham, directrice du Washington Post, surnommée affectueusement Kay-Kay dans sa correspondance, qu'il obtient tous les renseignements et documents possibles car il se refuse à inventer le moindre détail. « Pour moi, le mot « vérité » est comme un dé lancé sur la table d’un casino : j’y joue tout, mon œuvre et ma vie ! (p. 177) ». Il ébauche ainsi sa Madame B(ovary), le salut qu’il attendait pour le sortir de la torpeur dans laquelle le succès planétaire de De sang-froid l’avait laissé.  

    Avec une maîtrise sans relâche, Pierre Béguin alterne récit abondamment documenté et correspondance fictive, truculente de trouvailles linguistiques, de drôleries et d’images insolites. La vérité prend ainsi une forme baroque, multipliant les points de vue comme autant d’effets de réel qui donnent à ce roman, une liberté de ton étourdissante et jubilatoire. À lire absolument.

     

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    1 Jonathan 2002, Vevey (CH), Éd. de l’Aire, collection l'Aire bleue, 2013 [© 2007].

    2 Vous ne connaîtrez ni le jour ni l’heure, Paris, Philippe Rey, 2013.

    3 Condamné au bénéfice du doute, Orbe (CH), Bernard Campiche, 2016.

    4 La Scandaleuse Madame B., Paris, Albin Michel 2020.

     

  • George Steiner, professeur et tyran

    par Jean-Michel Olivier

    Unknown-1.jpegPour tous les étudiants (et surtout les étudiantes) George Steiner, qui vient de disparaître, aura laissé des souvenirs ambivalents, pour ne pas dire mitigés. C'était un professeur exceptionnel, d'une large érudition, charismatique, mais également injuste, excessif, familier des débordements de toute sorte. 

    J'ai eu la chance de suivre ses cours où il faisait régner une terreur souvent palpable — surtout sur la gent féminine (sa misogynie n'était un secret pour personne). C'était un lecteur incomparable de Shakespeare, de John Donne, des poètes romantiques anglais. Par rapport à la modernité (Barthes, Foucault, Derrida) c'était un résistant farouche et pas un cours ne se passait sans qu'il décoche de nouvelles flèches contre ces « penseurs français » qui n'avaient rien compris à la littérature et qui, d'ailleurs, par leur style abscons, restaient incompréhensibles.

    Unknown-2.jpegGeorge Steiner, professeur singulier et brillant, était l'électron libre du Département d'Anglais. Lors des examens, ses dérapages étaient célèbres : mauvaise humeur, crise de colère, insultes. Au point qu'un jour, assaillis par les plaintes des étudiants (et surtout des étudiantes), on décida d'encadrer George Steiner par tout le staff du Département pendant les examens qu'il faisait passer ! 

    Aujourd'hui, bien sûr, cela ne passerait plus. Mais à l'époque, à la fin des années 70, c'était monnaie courante. La terreur qu'il faisait régner pendant ses cours, George Steiner n'a plus pu l'imposer aux étudiants qui passaient devant lui lors des examens. Car les autres professeurs (Taylor, Blair et Poletta, entre autres) le remettaient à l'ordre dès que le grand érudit dérapait! L'effet était assez comique ! Et pour l'étudiant que j'étais, qui s'était préparé à être interrogé par un ou deux professeurs, la surprise était totale en voyant tous ces grands esprits se déchirer entre eux…

    Unknown.pngDe cet intellectuel controversé, médiatisé par Bernard Pivot dans Apostrophes, il faut lire et relire certains livres qui offrent le meilleur de sa pensée.
    C'est là, dans l'érudition et la réflexion critique, que George Steiner est le plus stimulant — malgré sa résistance à toute la modernité philosophique et littéraire. Il reste donc ses livres, et c'est beaucoup !

  • UNIGE: un programme de rééducation des citoyens

     Par Pierre Béguin

     Un article paru dans la Tribune de Genève de mercredi dernier pourrait faire froid dans le dos si on le soumettait à une petite analyse critique. De quoi s’agit-il? Ni plus ni moins qu’un programme de rééducation des citoyens:

    Le professeur Tobias Brosch, de la FPSE, a confectionné un catéchisme redéfinissant tout à la fois ce que nous devons apprendre à reconnaître, nos devoirs moraux ou religieux, nos comportements appropriés et les modèles à suivre dans nos actions.

    Dans quel contexte? Le Geneva Science-Policy Interface (GSPI) «met en place des policy briefs, dont le but est de synthétiser la littérature scientifique publiée sur un domaine particulier, la vulgariser et la transmettre aux bonnes personnes au bon moment». C’est dans ce cadre que le professeur Tobias Brosch, de la Section de psychologie de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (FPSE) de l’UNIGE, a empoigné la question du comportement face au changement climatique.

    Son étude «fait ressortir cinq catégories de barrières qui empêchent l’individu de modifier son comportement en vue de contrer le changement climatique.» Pour chacun de ces types d’obstacles, «le chercheur genevois émet ensuite des recommandations pour les faire tomber

    Des «recommandations», soutient-on. Sauf qu’elles forment un véritable programme de rééducation des citoyens, en cinq points.

    1. Rééduquer la perception

    La première «recommandation» vise la rééducation de notre perception. Le phénomène du changement climatique est «abstrait»: il n’est pas directement perceptible. Ce pourquoi il faut le «traduire» en «expériences concrètes». Lui substituer une «réalité virtuelle» mettant son impact à portée de nos sens. Traduction: le changement réel n’étant pas frappant, il faut le remplacer par une simulation de changement qui marque les esprits. On évacue donc le réel, impropre à matérialiser une certaine idée, au profit d’un ersatz de réalité qui lui correspond. Par le truchement d’un artefact, on nous inculque ce qu’on doit, sinon percevoir, du moins s’efforcer d’entrevoir. Quitte à labeliser "réchauffement climatique" toute inondation, incendie ou événement météorologique?

    1. Apprendre l’intérêt bien compris

    La deuxième «recommandation» vise à apprendre l’intérêt bien compris, soit l’intérêt personnel comme moteur des conduites humaines. Puisque les gens «ne voient pas» pourquoi changer de comportement, on va le leur apprendre! Comment? En leur faisant comprendre combien les attitudes écoresponsables leur sont personnellement «bénéfiques» et profitables: rouler à vélo est bon pour leur santé, partager accroît leur cercle d’amis, acheter une voiture électrique leur confère un nouveau statut socio-économique. A l’instar de l’animal dont on a conditionné les réflexes par l’octroi de récompenses, le citoyen va finir par réaliser qu’il a personnellement intérêt à changer ses habitudes. A fortiori quand il verra qu’on décerne des «prix qui récompensent un comportement».

    1. Rénover la morale et invoquer la religion

    La troisième «recommandation» vise la rénovation de la morale. «(…) agir pour le climat ne fait pas encore partie des devoirs pour être une bonne personne» (nous soulignons). Il va donc falloir insérer la défense du climat dans le Décalogue. Mais comment faire admettre l’idée d’un devoir moral envers le climat? En faisant appel à la religion: aux «déclarations du Pape François qui fait de la protection de la planète un devoir religieux».

    1. Fabriquer des modèles sociaux

    La quatrième «recommandation» vise la fabrication de modèles sociaux. «Si l’on constate que les autres ne font rien pour protéger le climat, il est difficile de consentir soi-même à des sacrifices.» Autrement dit: pourquoi ferais-je ce que les autres ne font pas? Erreur d’appréciation! De plus en plus de gens se mobilisent et agissent. C’est du moins ce que devra inculquer dans les esprits un battage médiatique bien orchestré: «communiquer un maximum sur le fait que de nombreuses personnes agissent pour le climat», faire des «manifestants» et de «l’effet Greta» un «moteur» d’action. Si l’on n’était pas certains d’œuvrer pour le Bien, on appellerait évidemment cela de la propagande. Une propagande dont un bel exemple nous a été fourni par l’émission Mise au point du 26 janvier 2020, sur le TSR1, qui «tournait en bourriques» les Suisses obtus opposés aux éoliennes en leur montrant leurs voisins autrichiens déployant des géantes à hélices à n’en plus finir pour leur plus grand bien-être !

    1. Enseigner les bons comportements

    La cinquième «recommandation» vise à enseigner les bons comportements. «Souvent, les individus ne savent simplement pas quoi faire pour contrer le changement climatique à leur échelle», ou bien ils ont appris des gestes dérisoires: par exemple «éteindre la lumière» en quittant une pièce. On va donc leur enseigner les bons gestes, ceux qui produisent des effets visibles: réduire les déplacements en avion, rouler à vélo, isoler sa maison et diminuer sa consommation de viande.

    Les cinq obstacles à la défense active du climat seront tantôt levés par le programme de mesures pensé par Tobias Brosch. Car il sera remis à nos édiles: «il convient de transmettre ces recommandations aux autorités politiques qui, elles, peuvent inciter les citoyens à modifier leur comportement.» En d’autres termes, Conseil d’Etat et Grand Conseil vont nous dire sous peu comment nous devons vivre. L’Académie s’y mettra aussi: «les autorités politiques, tout comme les autorités académiques dont l’UNIGE, doivent (…) œuvrer à la recherche et à la communication des actions possibles pour tout un chacun.» Science et politique seront rapidement rejoints par le pouvoir judiciaire, puisqu’un tribunal vaudois a déjà légitimé l’infraction aux lois et la désobéissance civile au nom de l’urgence climatique. Quand tous les pouvoirs ne font plus qu’un, ne parle-t-on pas de régime autoritaire ?

    A l’heure où la Russie et la Chine s’ouvrent à l’économie de marché et se libéralisent peu ou prou, améliorant le niveau de vie de leurs citoyens, l’Occident s’enferre dans la voie totalitaire d’un communisme écologique. Ironie de l’histoire, lors de la chute du Mur de Berlin, on pensait le capitalisme victorieux sur un communisme à l’agonie. Et voilà que ceux mêmes qui fêtaient le triomphe de l’économie de marché adhèrent aujourd’hui à un néo-marxisme. Rien n’y manque: le rêve de gouvernance mondiale, l’idéologie totalitaire, le dogme intangible, le pouvoir central, la censure inquisitrice, l’instrumentalisation de la jeunesse, la propagande et ses cohortes de commissaires du peuple. Le tout dans le silence assourdissant, ou avec la complicité intéressée, de maints défenseurs traditionnels du capital et de la liberté de commercer, sous le prétexte d’une apocalypse proche, ou du moins de terribles catastrophes qu’on nous annonce aussi imminentes que certifiées scientifiquement. Au point de justifier tout et n’importe quoi, même des programmes de rééducation des citoyens officialisés dans l’une des plus vieilles démocraties du monde?

    Et cela ne vous interpelle pas? Moi si!

  • Rémy Pagani et le réchauffement climatique

    Par Pierre Béguin

    «Un cadeau de Noël» selon Christian Monteil, président du département de la Haute-Savoie, qui salue par cette formule la signature le 24 décembre dernier par le premier ministre français d’un décret déclarant d’utilité publique les travaux d’un tronçon autoroutier entre Machilly et Thonon-les-Bains. Le projet de liaison à péage de 16,5 km sera géré par un concessionnaire privé, et permettra de relier Thonon à Annemasse, facilitant ainsi l’accès à Genève pour les frontaliers. Le décret gouvernemental tombe neuf jours après la mise en circulation du Léman Express, dont le tracé est quasi identique. De quoi heurter les associations de défense de l’environnement dans la région. Et bon nombre d’élus genevois…

    Parmi eux, Rémy Pagani, pris à parti vendredi dernier par une excellente journaliste de Radio Lac – une des seules rédactions encore un peu incisives actuellement – qui fait remarquer judicieusement à notre élu genevois, beuglant à tue-tête contre cette réalisation scandaleuse et absurde, qu’il avait lui-même, en 2016, donné son aval à ladite réalisation en signant en bonne et due forme un accord en ce sens avec les représentants de Haute-Savoie. Et Pagani, pris la main dans le sac de ses incohérences, de très mal se défendre en prétendant qu’à l’époque (en 2016 donc, pensez-donc, la préhistoire!) il n’y avait pas d’urgence climatique!!!

    On croit rêver! L’urgence climatique au secours des incohérences de nos élus! Qu’elle ait déjà servi à toutes les sauces, des tornades aux incendies en passant par les inondations et le manque de neige dans nos stations, passe encore! Mais à justifier les grands écarts idéologiques de nos édiles, ça c’est nouveau. Bien sûr, être politicien en Suisse, c’est avant tout exercer l’art du compromis: «je te donne ça mais tu me donnes ça en retour». Ce qu’a très probablement dû faire Rémy Pagani en signant cet accord. Mais alors pourquoi simplement ne pas l’admettre et l’expliquer au lieu de vociférer contre un projet auquel on a officiellement donné son aval? A croire que nos politiciens ont simplement perdu l’habitude d’avoir, face à eux, des journalistes qui font encore leur travail au lieu de leur servir la soupe.

    Pour rappel à Rémy Pagani, en 2016 donc, le CEVA était en construction (on nous l’avait promis pour 2017) et le GIEC, créé en 1988 pour étudier les causes du réchauffement climatique et son impact sur la planète, nous prédisait depuis longtemps, bien avant Greta, la disparition des neiges, des glaciers, des pôles, la montée des eaux, les réfugiés climatiques par millions et la fin du monde dans les deux ou trois ans.

    Mais que faisait donc Rémy Pagani en 2016, à part signer des accords autoroutiers avec la France? Telle est la véritable question qui nous préoccupe...

  • L'ogre Matzneff

    Par Pierre Béguin

     

    «Matzneff était tout ce qu’on apprend à redouter dès l’enfance: un ogre» écrit Vanessa Springora dans son livre Le Consentement, qui vient de paraître chez Grasset et qui soulève déjà une énorme vague de scandale dans les milieux intellectuels et médiatiques parisiens. Un scandale où transparaît la gêne – c’est un euphémisme – de l’incroyable «consentement» des intellectuels et des médias, dans les années 70 – 80, face à la pédophilie alors parfaitement acceptée, pour ne pas dire encouragée, par toutes celles et ceux qui se revendiquaient d’une pensée progressiste. J’en veux pour preuve l’essai du désormais pestiféré Gabriel Matzneff, Les amours de 16 ans (1974, réédité en 2005), véritable mode d’emploi pour pédophiles, où l’auteur explique comment il choisit ses proies dans les familles les plus chaotiques et désunies. Si on peut légitimement ne pas souscrire à la métaphore «prédateur sexuel» qui propage l’idée que nous serions entourés de bêtes sauvages déguisées en êtres humains, il faut bien admettre qu’elle convient parfaitement à l’auteur d’un tel livre. Et je ne crois pas m’égarer en supposant que lui-même l’aurait revendiquée.

    Qu’on prenne le temps – ce n’est pas long – de revoir sur internet cette fameuse émission d’Apostrophe du 2 mars 1990, dont je me souviens parfaitement tant elle a provoqué alors en moi l’effet d’un véritable coup de hache: pour la première fois, quelqu’un osait publiquement dénoncer les outrances d’un écrivain – c’est-à-dire, à cette époque, un intouchable – appartenant à une clique intellectuelle qu’on nous vendait comme des gourous de la pensée progressiste! Vous y verrez un Bernard Pivot toujours débonnaire présenter son invité sur un ton amusé: «Gabriel Matzneff, vrai professeur d’éducation sexuelle qui donne volontiers des cours en payant de sa personne». Et toute l’assistance de rire, femmes et hommes, à commencer par l’intéressé qui trône tel un pharaon. Toute l’assistance? Non. Car une petite femme résiste à l’envahisseur pédophile, la bien nommée Denise Bombardier: «Moi, je crois que je vis sur une autre planète, commence-t-elle tranquillement avant d’asséner son verdict à rebrousse-poil, Monsieur Matzneff me semble pitoyable: les vieux messieurs attirent les petites filles avec des bonbons, Monsieur Matzneff, lui, les attire avec sa réputation…» Et notre Québécoise iconoclaste de mettre en évidence le véritable problème que tout téléspectateur lambda muni d’une once de bon sens avait déjà formulé dans sa tête sans oser l’exprimer, mais que la grande majorité des intellectuels et des médias ont mis plus de trente ans à comprendre: «Ce que l’on ne sait pas, c’est comment s’en sortent-elles, ces petites-filles, après coup?» On voit alors Matzneff s’indigner avec l’aplomb d’un diplomate protégé par son immunité: «Heureusement pour vous que je suis un homme courtois, parce que je trouve insensé de parler comme vous venez de le faire…» On croit rêver! Qui est l’insensé? Les rôles se renversent sous le consentement implicite des invités, à commencer par celui d’Alexandre Jardin, d’habitude si prompt à s’indigner dans ses livres.

    Denise Bombardier expliquera plus tard que son éditeur, qu’elle avait prévenu de ses intentions de s’opposer à Matzneff, lui avait conseillé, avant l’émission, d’éviter tout esclandre: «Si tu dis cela, ils vont casser ton livre!» Hommage lui soit rendu d’avoir eu le courage de passer outre.

    Dans un autre livre, Une vie sans peur et sans regret, elle donne cette anecdote aussi truculente qu’édifiante. Peu après l’émission, face à l’énorme polémique que son intervention a soulevée dans les médias parisiens, elle reçoit une convocation du Président Mitterand. Ce dernier craint qu’une part de la polémique ne rejaillisse sur des propos qu’il a tenus à Matzneff lors d’une réception d’écrivains à l’Elysée: «Cher Matzneff, continuez votre bon travail!» Imaginez le sens que pourraient prendre ces propos! Une prise de distance officielle s’impose. «Il est vrai que j’ai pu lui trouver quelques qualités, dit-il à Bombardier sur le ton de l’aveu, malheureusement il a sombré dans la religion orthodoxe et la pédophilie» (ndr: Notez l’ordre des reproches), avant de conclure «Vous connaissez le milieu parisien, ils veulent toujours être affranchis de tous les codes, de toutes les morales». En fin stratège, Mitterand savait très bien que Denise Bombardier irait répéter ses paroles un peu partout. Ce qu’elle ne manqua pas de faire. Objectif atteint.

    Mais il en est d’autres, moins intelligents, qui n’ont pas senti le vent tourner. Philippe Sollers: «C’est une mal baisée»; ou encore Jacques Lanzmann dans Libération: «Que la mal baisée retourne sur ses banquises et se gèle le cul!» On a connu ce dernier plus inspiré comme parolier…

    1990 – 2020. Les temps ont radicalement changé. Trente ans plus tard, Gabriel Matzneff, qu’on avait allègrement oublié comme écrivain, revient sous les projecteurs en paria, en criminel. Son éditeur l’abandonne, ses thuriféraires se taisent, ses détracteurs s’acharnent. Tout vibre, tout résonne dans cette affaire qui interroge les consciences, les silences, les soutiens, qui accuse toute une époque et son concert d’idéologies progressistes devenues douteuses ou criminelles. Il faut savoir pourquoi l’Etat français accorde une pension à Matzneff qui ne vend plus un livre depuis belle lurette, pourquoi Gallimard l’a édité, pourquoi Sollers l’a soutenu et publié dans sa collection, pourquoi le mouvement LGBT était alors acteur de la défense de la pédophilie (on pense à Gérard Bach-Ignasse, père fondateur du PACS et militant pédophile), pourquoi des intellectuels aux noms aussi prestigieux que des Roland Barthes, des Simone de Beauvoir, des Patrice Chéreau, des Bernard Kouchner, des Jack Lang, des Gilles Deleuze, des Jacques Derrida, des Michel Foucault, des Michel Leiris, des Alain Robbe-Grillet, des Jean-Paul Sartre, des André Glucksmann et même des Françoise Dolto (et j’en passe) ont signé en 1977 une pétition en faveur de la dépénalisation de la sexualité de l’enfant, présentée alors comme une reconnaissance du désir de l’enfant et de son épanouissement,… comme, par exemple, le rapporte de son expérience d’aide-éducateur dans un jardin d’enfants autogéré une autre icône de l’époque: «Il m’est arrivé plusieurs fois que certains gosses ouvrent ma braguette et commencent à me chatouiller. Je réagissais de manière différente selon les circonstances, mais leur désir me posait un problème. Je leur demandais: - Pourquoi ne jouez-vous pas ensemble, pourquoi m’avez-vous choisi, moi, et pas d’autres gosses? Mais s’ils insistaient, je les caressais quand même (…) J’avais besoin d’être inconditionnellement accepté par eux» (D. Cohn-Bendit, Le Grand Bazar, Belfond, 1975).

    Oui, il faut savoir pourquoi, en ce temps-là, certains, comme Matzneff, ont pu prendre leurs propres pulsions pour celles des enfants et les faire passer pour des histoires d’amour, pourquoi, avant les années 90, homosexualité et pédophilie se tenaient fièrement côte à côte, pourquoi des idéologies dites «progressistes» ont pu imposer une telle accoutumance à l’intolérable, au point que des propos maintenant aussi évidents que ceux tenus alors à Apostrophe par Denise Bombardier passent pour des outrances conservatrices inadmissibles. C’est la grande lessive de la culpabilité.

    En ce sens, le cas Matzneff pourrait être le prologue d’une longue série. Personnellement, je parierai sur le contraire: devant l’énormité de la boîte de Pandore qu’on s’apprête à ouvrir, des noms célèbres qu’on devrait salir, de la culpabilité face au consentement de ses acteurs et des dangers inhérents à une chasse aux sorcières, je gage qu’on se contentera d’en faire un exemple suffisant pour se donner bonne conscience mais dont on ne reparlera plus guère dans quelques mois. Tout le monde n’a pas le courage de Denise Bombardier…

    Ce qui m’interpelle davantage encore, c’est ce constat: chaque époque juge la précédente avec la condescendance ou le mépris que l’on accorde à des temps révolus, et l’on s’étonne que les outrances d’alors, les délires, voire les crimes, tout ce qu’on cataloguait avantageusement sous l’étiquette «progressiste», n’aient rencontré, de la part de contemporains, que soutien ou consentement. Les idéologies des années 70 – 80 ont enfanté des libertés extraordinaires en même temps que des monstres intolérables. Notre époque de bien-pensance, qui revendique aussi l'étiquette «progressiste» comme elle relègue aussi toute opposition à celle d'affreux conservatistes, n’est pas moins avare d’outrances, de chasses aux sorcières, de délires, avec le pouvoir magique de légitimation, même de l’inacceptable, que contient ce terme. Je me demande qui, dans trente ans, seront les Denise Bombardier et les Gabriel Matzneff des années 2020, qui siégera au banc des accusateurs et qui s’assiéra sur celui des accusés. Car des accusateurs et des accusés, il y en aura, c’est une certitude. Et, comme c’est maintenant le cas pour les années 70 – 80, ces accusateurs pourraient bien être celles ou ceux que l’air du temps a vilipendé, et ces accusés celles ou ceux dont notre époque légitime les idéologies. Qui sait? De progressiste à accusé, de gourou à pestiféré, parfois, seuls trente ans nous séparent. Et ce n’est pas Matzneff qui va me contredire…

     

      

     

     

  • Vous reprendrez bien un peu de sexisme?

    Par Pierre Béguin

    «Les doctorants hommes sont bannis d’un atelier universitaire» titre la Tribune de Genève du 7 décembre sous la plume de Marianne Grosjean. Où l’on apprend que des doctorantes de l’IHEID (Institut de Hautes Etudes Internationales et du Développement) organisent un «workshop sur les discriminations basées sur le genre à l’encontre des femmes et des personnes non binaires», tout en interdisant aux étudiants cisgenres de s’y inscrire.

    Une discrimination, un sexisme anti-homme qui, finalement, n’a rien de surprenant dans une époque ayant désigné l’homme blanc hétéro comme le prédateur avéré ou potentiel: dès lors qu’on a à priori criminalisé le mâle, tout acte discriminatoire (ou autre) contre lui se trouve justifié en tant qu’acte de légitime défense, pour ne pas dire de légitime vengeance. C’est la position que semble adopter Brigitte Mantilleri, directrice du service égalité de l’Université de Genève, qui, interrogée par la journaliste, ne voit là aucun problème de discrimination basée sur le genre: «Je pense qu’un groupe a parfaitement le droit de choisir d’être entre soi pour mieux discuter, approfondir certaines questions en toute quiétude, sachant que les rapports homme-femme sont ce qu’ils sont » (je souligne, chacun pouvant interpréter le sous-entendu). Sauf que nous ne sommes pas dans la logique d’une association privée mais d’un espace universitaire inscrit dans le cadre de la loi suisse sur l’égalité des sexes et stipulant on ne peut plus clairement «qu’il est interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, soit directement, soit indirectement.» Et notre directrice du Service de l’égalité de poursuivre: «Je m’étonne quand même que l’on s’offusque haut et fort qu’un homme est exclu alors que nous sommes exclues à journée continue des clubs, conférences ou postes à responsabilités sans que cela ne semble choquer». Nous y voilà! L’incontournable victimisation qui légitime tout, sexisme ou vengeance. Mais comme grossière et indigne généralisation pour une représentante de l’Université (qui, par ailleurs, exerce un poste à responsabilités), on ne fait pas mieux! Que Mme Mantilleri nous explique l’implication des doctorants cisgenres de l’IHEID dans ce soi-disant ostracisme systématique dont toutes les femmes seraient victimes? Un doctorant, même cisgenre, représenterait-il un tel danger que ce «workshop» (atelier de travail) ait besoin d’un «safe space» (espace protégé) pour garantir la sécurité des participantes? N’y a-t-il pas là, davantage qu’une incohérence ou qu’une justification ubuesque, quelque chose de fondamentalement inadmissible dans cet anathème universitaire fondé sur l’appartenance à un sexe et défendu par sa directrice du Service de l’égalité même? «Car vous ne m’épargnez guère, / Vous, vos bergers et vos chiens./ On me l’a dit: il faut que je me venge». Voilà plus de trois siècles que des générations de lecteurs et de lectrices se moquent avec La Fontaine de la débilité des arguments du loup qui camoufle ses instincts sous un absurde couvert de justice. Jusqu’à ce qu’une certaine Brigitte Mantilleri, directrice du Service de l’égalité de l’Université de Genève, nous ressorte ces arguties avec le plus grand sérieux…

    Surprenant aussi le silence des instances concernées. Selon la journaliste de la Tribune, ni les organisatrices du workshop ni le Bureau de promotion de l’égalité et de prévention des violences du canton de Genève n’ont voulu s’exprimer. Qu’on imagine le tollé si une telle décision sexiste eût été le fait de doctorants cisgenres…

    Mais pourquoi se justifier quand on s’est autoproclamé chantre du Bien? On se contente de dénoncer les malfaisances, voire les menaces supposées, fondées sur la puissance inventée de prétendus ennemis. Car le Bien s’alimente au sentiment de persécution dont il agite sans cesse l’épouvantail. Ainsi fortifié de simulacres d’adversaires – comme le sont devenus malgré eux nos pauvres étudiants cisgenres, et avec eux tous les hommes cisgenres – il réduira l’opposition au silence assourdissant de la lâcheté ou de l’abrutissement. Et c’est ainsi qu’agité continuellement, l’étendard du Bien s’est transformé ces dernières années en une formidable machine à criminaliser tout ce qui n’a pas eu l’habileté de se présenter à temps comme victime séculaire. En première ligne, les hommes cisgenres…

    J’ai fait les cent pas dans ce bas monde, j’ai passé huit ans à l’Université à cheval entre les 70’s et les 80’s, j’ai voyagé sur les cinq continents, j’ai baigné dans l’idée de l’égalité des sexes, jamais dans mon pays je n’aurais pensé voir, entendre ou même affronter les délires de cette dictature du Bien en croisade qui distribue les anathèmes sous des airs de justice, d’équité ou de vérités intangibles. Quand je compare mes lointaines années universitaires avec celles des étudiants d’aujourd’hui, cette phrase de Bernanos, prononcée au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, tourne et retourne dans ma tête: «Ce que vos ancêtres appelaient des libertés, vous l’appelez déjà des désordres».

  • Un petit décodage sémiologique

    Par Pierre Béguin

    Un ami en promenade dans la vallée de Joux tombe sur ce panneau que les autorités viennent de fixer tout autour du lac, dans les endroits dangereux ou au pied des drapeaux indiquant si la marche ou le patinage sont autorisés sur les eaux gelées.

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    Vous ne remarquez rien? Un petit décodage sémiologique s’impose…

    De haut en bas:

    Sur la première ligne, une personne se noie bêtement dans les eaux glaciales: un  homme, bien entendu.

    Sur la deuxième ligne, un patineur complètement idiot patine du mauvais côté: encore un homme, bien entendu. Alors que, du bon côté, une personne a bien compris où il faut patiner: une femme, bien entendu.

    Sur la troisième ligne, un patineur encore plus idiot brave l’interdiction du drapeau rouge: toujours un homme, bien entendu. Alors que, lorsque le drapeau est au vert, une personne a compris qu’elle pouvait patiner en toute sécurité: une femme, bien entendu.

    Sur la quatrième ligne, un imbécile inconscient jette des pierres sur la glace. Ah, le con! Un homme, bien entendu. Pire, une personne est blessée à cause des jets de pierre du gros connard inconscient: encore une femme victime, bien entendu…

    Que les féministes veuillent éradiquer les stéréotypes dont elles sont victimes, je souscris. Mais ne seraient-elles pas en train de nous fabriquer en retour des usines de clichés anti-mâles auxquels ces derniers devraient se soumettre en signe de repentance? Car ce panneau – un exemple parmi beaucoup d’autres – est radicalement et ostensiblement sexiste, nul(le) ne peut le contester. Et pourtant, je parie que personne ne s’en offusquera.

    Imaginez un instant que l’on inverse les figures: le tollé chez les Gorgones! Ce panneau inonderait les réseaux sociaux du monde occidental, et les autorités de la vallée de Joux n’achèteraient pas leur rédemption, même en parcourant Le Pont – Saint Jacques de Compostelle sur les genoux, même en se flagellant, même en payant leurs indulgences en taxes CO2, même avec leur photo en couverture de L'illustré.

    Dans le même temps, un petit mirliton de politicien "mâle" qui a qualifié une journaliste d’adolescente écervelée voit tomber sur lui les foudres des commissaires du peuple et de tout le politburo écolo-féministe prêts à émasculer ce sale macho sexiste ayant osé reproduire les pires stéréotypes anti-femmes. Z’avez dit deux poids deux mesures?

    Pour le moins, ce panneau fixé autour du lac de Joux, outre les précautions d’usage, nous rappelle une vérité que les hystéries ambiantes tentent d’occulter: les hommes n’ont pas le monopole du sexisme, pour reprendre une formule célèbre.

    Messieurs, ne serait-il pas grand temps de réagir au lieu de se laisser passivement manger les stéréotypes sur le dos? Et les autres aussi, les opportunistes et les sincères qui hurlent avec les louves, les "journaleux" et le politburo des verts prompts au prêchi-prêcha ou aux anathèmes, ceux qui ont peur du bâton et celles toujours prêtes à brandir l’étendard victimaire… J’aimerais bien vous entendre sur ce sujet.

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