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Blogres - Page 7

  • Lassitude du siècle (Julien Sansonnens)

    par Jean-Michel Olivier

    images.jpegOn parle beaucoup, ces jours-ci, du dernier roman de Julien Sansonnens, Septembre éternel*, paru chez Michel Moret. À raison ! C'est l'un des romans les plus forts et les plus intelligents de cette rentrée littéraire. Un livre touffu et ambitieux, très bien construit, qui dresse une sorte d'état des lieux de la France périphérique d'aujourd'hui — radiographie sans concession du délitement d'une société autrefois triomphante. 

    L'intrigue est simple et magistralement menée : Marc Calmet (allusion à L'Ogre de Chessex ?), libraire dans le sud-est de la France, se rend à Paris pour vendre son affaire à un grand groupe de vente en ligne chinois qui a décidé de s'installer en France. Il a la soixantaine, deux enfants hors du nid, des amis dans la région, mais est gagné par une grande lassitude du siècle. Cet ancien militant socialiste s'est éloigné de son parti, obsédé par les luttes transversales, l'antiracisme, l'écriture inclusive et les revendications minoritaires. Depuis Mitterrand, la gauche s'est fourvoyée et perdue en chemin. Et il porte un regard sans pitié sur l'état de la France livrée aux loups de la mondialisation, de la finance internationale et des inégalités croissantes. 

    images-1.jpegC'est une sorte de road-movie que nous propose Sansonnens : Calmet décide de se rendre à Paris par les petites routes de campagne, en plusieurs jours, prenant le temps de passer au scanner les villages abandonnés, ou presque entièrement désertés par leurs habitants, partis, pour la plupart, dans les grandes métropoles où la vie est plus facile. L'auteur excelle à décrire les paysages somptueux que traverse Calmet, la nature triomphante, les forêts, les rivières, les ciels chargés d'automne. Bien sûr, le constat n'est pas rose : la globalisation, qui a rendu les villes si riches et si attrayantes, a laissé sur la touche toute la province oubliée, comme abandonnée à elle-même. L'analyse que nous livre Sansonnens, d'une précision chirurgicale, fait froid dans le dos : dans quelque temps, il ne restera rien de ces périphéries en ruine, simplement effacées de la carte de France.

    Le propos rappelle celui de Sylvain Tesson (Les chemins noirs**) parcourant à pied la France des sentiers peu battus. Un même constat rapproche les deux livres sur l'abandon de ces provinces par les élites parisiennes qui profitent largement des avantages de la mondialisation. 

    On pardonnera beaucoup à Julien Sansonnens — même d'avoir consacré tant de pages à Michel Sardou, que Calmet suit à la trace dans au moins quatre de ses concerts ! Mais Sardou — chanteur populaire catalogué à droite, mais du genre insituable — cadre bien avec la narration corrosive du livre. À titre personnel, je préfère Nino Ferrer, autre personnage du roman, qui me touche beaucoup plus.

    On ne raconte pas un road-movie : le périple de Marc Calmet, en même temps qu'une plongée dans la France d'en bas, est un voyage initiatique où celui-ci se découvre à chaque étape, par son regard sur le monde extérieur et par le flot des souvenirs qui l'assaillent, heureux ou malheureux, et qui lui donnent sa profondeur.

    « Le monde dans lequel je suis né n'existe plus : est-ce cela qu'on appelle vieillir. Je demeure comme retenu dans un mois de septembre éternel, dans ce peu que constitue désormais le présent, matériellement confortable et sans beaucoup d'intérêt. »

    Bref, un grand roman, épique, profond, d'une grande générosité, mais aussi plein d'humour. Une traversée du siècle qui laisse souvent le lecteur ébahi devant la force de cette démonstration et le constat sans concession qui en découle.

    * Julien Sansonnens, Septembre éternel, éditions d l'Aire, 2021.

    ** Sylvain Tesson, Les Chemins noirs, Folio, 2019. 

  • Que prolifèrent les sceptiques!

    Par Pierre Béguin

    Certains termes subissent régulièrement, selon les exigences de la doxa, des déformations de sens qui finissent par leur faire dire le contraire de leur signification.

    Ainsi du mot «sceptique» qui, dorénavant amputé de sa définition originelle, est devenu tout à coup une insulte: un «climato sceptique, par exemple, n’est plus qu’un dangereux dogmatique borné qui refuse d’admettre les bouleversements climatiques que la météo et toutes sortes de catastrophes naturelles rendent pourtant évidents, sans qu’aucune interrogation ne soit permise. Et ne parlons même pas des euro sceptiques ou des «mondialo sceptiques» qu’une gauche complètement détraquée relègue d’un revers de main dédaigneux dans les rangs de l’extrême droite!

    Quel que soit le terrain où s’exerce actuellement la moindre velléité de scepticisme – y compris le vaccin Covid (et c’est un vacciné qui vous le dit) ou toutes les pseudo vérités brandies par le politiquement correct ou la bien-pensance – le verdict qui lui est réservé ne varie guère: ignorance, stupidité, dangereuse élucubration d’extrême droite, dogmatisme et, bien entendu – la dernière trouvaille incontournable –, complotisme (aucune chance d’échapper à ce qualificatif qui, d’un seul mot, tranche la gorge de l’argument le plus élaboré).

    Bref, le sceptique est devenu un affreux individu infréquentable, de ceux qui puent de la gueule, qu’il faut pendre au plus vite au grand cacatois de la bien-pensance et de la doxa dominante.

    Et pourtant, l’histoire moderne de la pensée (je ne remonterai pas jusqu’à l’Antiquité) comprend de grands sceptiques, à commencer par Montaigne, Hume, Nietzsche et même, à sa manière, Wittgenstein…

    Il serait donc urgent de rappeler aux stupides censeurs de tous bords:

    1. - Que le scepticisme est d’abord une pensée non dogmatique (contrairement à celle qui la dénigre actuellement), dont le principe méthodologique consiste à opposer, à toute raison valable (je souligne), une raison contraire et tout aussi convaincante. L’objectif d’une telle démarche vise à détruire les fausses opinions que nous soutenons à tout propos, qui nous trompent sur la nature des choses et nous empêchent d’atteindre l’ataraxie.

    Toute l’entreprise de Montaigne est contenue dans cette définition. Et comme Montaigne, le sceptique laisse toujours ouverte la possibilité d’une réfutation, car il sait que le vérité est par définition insaisissable. Il ne s’arrête pas à une conclusion, il poursuit sa réflexion, pousse plus en avant sa recherche de sens, quitte à rester dans l’ignorance en n’admettant rien qui ne soit douteux.

    Dans les jugements à l’emporte-pièce des thuriféraires de la doxa dominante, c’est Montaigne qu’on assassine. Mais peu importe à ces nouveaux inquisiteurs, car ils ne l’ont pas lu. L’ignorance, la stupidité, le dogmatisme, ne sont pas forcément là où on les désigne.

    2. - Que toute vérité qui se prétend intangible et qui, par là-même, ne supporte aucune contradiction, s'apparenterait à de la propagande. C’est même à cela qu’on pourrait reconnaître la propagande, une propagande d’autant plus dangereuse qu’elle tend à s’imposer à n’importe quel prix, si possible par la prétendue nécessité urgente d’une gouvernance mondiale par essence dictatoriale.

    Notre époque n’a pas besoin de dogmes et de certitudes – il n’en est que trop – mais de doutes, de scepticisme. On ne le répétera jamais assez: rien n’est plus dangereux que nos certitudes, surtout si elles se réclament du Bien, fût-il de la planète.

    Que prolifèrent un peu partout les sceptiques! Il en va de notre salut.

     

  • Roland Jaccard, le retour

    par Jean-Michel Olivier
    images.jpeg« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage » : après avoir longtemps erré, du Japon à San Francisco, de la piscine Deligny au Café de Flore, Jaccard est de retour à Lausanne — son Ithaque. Exilé intérieur, il a quitté Paris qui ne ressemble plus à la ville qu'il a connue et aimée : ses amis proches ont disparu, l'édition est en ruine, il y règne un air de servitude volontaire, le politiquement correct s'impose un peu partout. Bref, il est temps de partir…

    Heureux lecteur ! Jaccard nous donne un de ces livres dont il a le secret. Cela s'appelle On ne se remet jamais d'une enfance heureuse*, et c'est un livre délicieux. En 1924, George Gershwin composait sa Rhapsodie en bleu ; Jaccard nous donne aujourd'hui sa rhapsodie en noir : un ensemble de textes courts, en apparence décousus (Jaccard adore les coqs à l'âne), mais qui forment un accord d'une rare cohérence. Et quelle musique ! Le style de Jaccard, précis, rythmé, fluide, est d'un cristal assez rare à une époque où les livres s'écrivent au dictaphone ou à la truelle. On y croise Woody Allen et Benjamin Constant, Louise Brooks et Max Pécas (des vieilles connaissances), on y discute avec Carl Gustav Jung et Sigmund Freud, mais aussi Alexandre Vinet et Guido Ceronetti, Stefan Zweig et Paul Nizon. Jaccard a toujours ce talent de chroniqueur qui faisait le bonheur des lecteurs du Monde de François Bott. 

    jaccard_couv_web-scaled.jpgN'allez pas croire que son livre est une promenade au cimetière des grands hommes (et grandes dames) du temps jadis : il est vivant et d'une actualité mordante quand Jaccard parle de Trump ou de notre goût pour la servitude volontaire : « Il est troublant de voir jusqu'où l'asservissement volontaire est plébiscité par des populations paniquées pour lesquelles l'idée même de liberté a perdu toute signification, comme si seule importait encore une forme de survie à l'image, tant elle est parlante, de Joe Biden se terrant dans sa cave pour mener une campagne électorale visant au premier chef à imposer le port du masque à chaque Américain. »

    Pour Hemingway, Paris était une fête, comme pour Henri Miller. Et Hervé Vilard dans l'autre siècle, chantait Capri, c'est fini. Jaccard chante aujourd'hui Paris, c'est fini. Il y a de la désillusion, mais aussi une forme de libération dans ce livre qui mélange si élégamment l'humour et la mélancolie, l'érudition et les humeurs du temps, le cynisme et l'analyse implacable de nos lâchetés. 

    2419449670.6.jpegJ'ai déjà dit ici le bonheur de lecture que constituait le Journal de Roland Jaccard. J'éprouve un même bonheur à lire sa rhapsodie évoquant les moments heureux de son enfance lausannoise — le sujet central du livre. Se remet-on jamais de ce bonheur ? Il laisse en tout cas des séquelles aussi profondes que le malheur qui marque certaines enfances — et, dans le cœur, une insondable nostalgie.

    * Roland Jaccard, On ne se remet jamais d'une enfance heureuse, éditions de l'Aire, 2021.

  • Paul Thévenaz, étoile filante (Jean-Pierre Pastori)

    par Jean-Michel Olivier

    images.jpegIl existe, dans le domaine de l'art, des destins fracassés, lumineux et injustes. C'est le cas du peintre et décorateur genevois Paul, dit Paulet Thévenaz (1891-1921), foudroyé à Chicago par une péritonite à moins de 30 ans. Jean-Pierre Pastori, grand spécialiste de danse, nous en restitue le parcours singulier dans un petit livre épatant*, publié chez InFolio, dans la collection Presto.

    À l'origine, rien ne destinait Paulet Thévenaz à ce destin d'étoile filante. Père enseignant (à la fameuse et redoutée école du Grütli à Genève) ; notes scolaires assez médiocres ; manque d'application dans la vie quotidienne. Et pourtant, très tôt, des dons de dessinateur et de caricaturiste. Et une rencontre essentielle, déterminante, celle d'Émile Jacques-Dalcroze, qui lui inculque les bases de sa théorie du rythme et du mouvement.

    Très vite, Genève devient trop petite pour lui, il se rendra en Allemagne, où la rythmique intéresse beaucoup de monde. Puis à Paris où il rencontre la fine fleur de la création contemporaine, imagine un projet de ballet avec Cocteau et Stravinski, dessine, peint, danse.
    images-1.jpegJean-Pierre Pastori rend à merveille l'atmosphère effervescente du Paris des années 10, véritable fourmilière d'artistes géniaux. Thévenaz y trouve sa place grâce à ses talents de dessinateur et de peintre, mais aussi d'artiste complet qui place la musique et la danse au centre de l'acte de création.

    La dernière partie de sa trop courte vie, Thévenaz la passera aux États-Unis, soutenu par plusieurs mécènes, fréquentant la bonne société de la côté Est, les rich and famous, parmi lesquels le poète Witton Byner, qui lui dédie sa Ballad Of A Dancer. Débauche d'activité : à New York comme à Chicago ou à Miami, Thévenaz peint, dessine, danse, décore, expose.

    Mais la mort l'attend au contour : une péritonite le foudroiera à Chicago, laissant ses amis stupéfaits et bouleversés. « Jean Cocteau dira de ce garçon ardent, débordant de vie, épris de liberté, que c'était l'une des plus belles âmes qui soient. »

    * Jean-Pierre Pastori, Thévenat, Formes et rythmes, édition InFolio, collection Presto (dirigée par Patrick Amstutz et Frédéric Rossi).

  • Du sang, du sperme et des larmes (Jean-François Fournier)


    par Jean-Michel Olivier

    images-2.jpegCe qui frappe, tout d'abord, dans Les Démons du Pierrier* de Jean-François Fournier, c'est la force du style.  Une langue précise, musicale, truculente, si rare en Suisse romande. Dès la première phrase, le lecteur est happé et  ne lâche plus ce court roman de genre (« gore ») parfaitement construit et écrit.

    « La glace a l'intérieur des carreaux mesurait un demi-centimètre et le poêle aux faïences d'apôtres n'y pouvait rien. »

    D'emblée, donc, la patte de l'écrivain. Il faut dire que Fournier, journaliste, directeur de théâtre, ancien rédacteur en chef du Nouvelliste, a roulé sa bosse dans le monde entier et nous a donné, déjà, plusieurs livres remarquables. En plus d'un essai lumineux sur le peintre viennois Egon Schiele, il y a bien sûr les romans, dont les deux derniers en date, Le Chien** et Le Village aux trente cercueils***, hantent encore les mémoires. 

    images-1.jpegDans cette nouvelle collection, « Gore des Alpes », où il côtoie Philippe Battaglia et Gabriel Bender, Fournier s'en donne à cœur joie, sans retenue ni fausse pudeur. On patauge dans le Mal, l'animalité primitive, les instincts déchaînés. Comme dans son précédent roman, le cadre est un petit village sans histoire, perdu au fond d'une vallée qu'on imagine valaisanne, où la folie gronde en sourdine. Des histoires se racontent, en cachette, à propos du curé, du président de la Commune, de deux propriétaires terriens qui font la loi, mais sans jamais la respecter, aussi abjects et monstrueux l'un que l'autre. 

    images.jpegDes jeunes gens vont disparaître (de préférence vierges et innocents). On va incriminer le Diable, personnage principal  d'un complot bien pensé, des flots d'hémoglobine vont se répandre dans la vallée, une enquête va être menée par un certain Barthélémy Constantin (fils de), les jeunes de la commune vont aller consulter une sorcière, la bien-nommée Lucie des Fers, des actes contre-nature vont être commis, des larmes vont être versées. Fournier n'a peur de rien : il puise aux sources des grands polars américains, de la littérature gore et gothic, en laissant libre cours à sa truculence naturelle, à son goût de l'excès, à son plaisir presque enfantin de jouer avec les mots et leur musique. Il y a du Rabelais chez lui, mais aussi du Chessex et du Houellebecq : c'est dans l'excès et la folie que la vérité se fait jour. Et quelle vérité !

    Les Démons du Pierrier sont une grande réussite. C'est un livre de genre (comme on parle de « films de genre ») mais aussi un roman musical et puissant : l'intrigue est saisissante ; les personnages à peine sortis de l'animalité ; le style à lui seul une raison de dévorer ce livre.

    Un jour, il faudra bien rendre sa place à Jean-François Fournier : l'une des premières parmi les écrivains de ce pays.

    * Jean-François Fournier, Les Démons du Pierrier, éditions Gore des Alpes, 2020.

    ** Jean-François Fournier, Le Chien, roman, éditions Xénia, 2017.

    *** Jean-François Fournier, Le Village aux trente cercueils, roman, éditions Xénia, 2018.  

  • Abominable agression à Rouen

    Par Pierre Béguin

    Attention! Ce billet raconte un acte d’agression d’une extrême violence à ne pas mettre sous les yeux des âmes sensibles. Si vous allez plus loin dans votre lecture, c’est sous votre entière responsabilité.

    La victime? Une certaine Alice Coffin, dont on sait qu’elle est journaliste, militante féministe et LGBT française, cofondatrice de la Conférence européenne lesbienne et de l’Association des journalistes LGBT. Depuis 2020, elle est aussi élue écologiste au Conseil de Paris.

    Or donc, Alice Coffin tient conférence à la Friche Lucien (oui, oui, c’est le nom du lieu), à Rouen, le mercredi 16 juin 2021 pour parler de ses deux livres, Le Génie lesbien et Sororité. Les faits insoutenables se sont produits dix minutes à peine après le début de la conférence, peu avant 19 heures. Je préfère laisser la parole aux journalistes qui rapportent la terrible agression dont la conférencière fut victime et qui devait la laisser pétrifiée, comme marquée à vie: «Un homme est alors monté sur l’estrade où Alice Coffin était assise face à un public de 150 à 200 personnes, selon les organisateurs. Il portait une cravate et une veste de costume. L’agresseur s’est arrêté à quelques centimètres de la militante et élue écologiste (je souligne). Il s’est agenouillé et lui a tendu un bouquet de fleurs (de roses selon les versions), tout en lui tenant ces propos lesbophobes d’une rare violence: « Je sais que vous n’êtes pas de ce bord-là, mais pourquoi n’aimez-vous pas les hommes?» Selon les journalistes, les propos diffèrent. On peut, par exemple, trouver cette version: «Je sais que vous ne mangez pas de ce pain-là, mais je me permets de vous offrir ces fleurs.»

    Mais le pire est à venir. Accrochez-vous, âmes sensibles! «Le temps qu’un vigile vienne pour intercepter l’agresseur, raconte un témoin de la scène, un certain Simon Ugolin (eh oui!), responsable de la Friche Lucien, nous nous sommes rendus compte qu’il s’agissait d’une diversion. Cinq ou six individus étaient en train de dérouler une banderole avec l’inscription: Vous n’aimez pas les hommes, Alice Coffin?»

    Citoyens, l’heure est grave! Entendez-vous le bruit des bottes? Le rugissement de la bête immonde? Un tel comportement, de tels propos tenus à l’encontre d’une femme relèvent d’une violence inouïe, digne des plus noires années du nazisme.

    Et c’est bien ainsi que la presse, qui s’est empressée de relater l’événement, a décrit cette scène. «Agression», «racisme» et «extrême droite» se succédaient en caractères gras et en titres énormes. C’est également dans ce registre que des personnalités politiques ont réagi sur les réseaux sociaux.

    Ainsi de Karima Belli, candidate de gauche: «Tout mon soutien à Alice Coffin agressée par des militants identitaires et masculinistes. L’idéologie de l’extrême droite n’a pas changé, elle reste raciste, masculiniste, et adepte de violence. Elle doit être combattue dans la plus grande fermeté».

    Ainsi d’Aurélien Tachi, député de la République en Marche: «De l’extrême droite qui ne supporte pas les femmes prennent la parole (sic). Tout mon soutien à Alice Coffin, agressée par des identitaires lors d’une conférence à Rouen. Combien de victimes encore? Combien encore de passages à l’acte? Il faut réagir vite!»

    Ainsi d’Eric Piolle, Maire de Grenoble: «Tout mon soutien à Alice Coffin. L’Extrême droite cherche a imposé (sic) son idéologie raciste et masculiniste par la violence. Rien n’est jamais acquis. Réaffirmons sans cesse notre attachement aux valeurs humanistes. Ne laissons personne faire face seul.e à l’extrême droite!»

    Ainsi de Laura Slimani, militante et membre du parti socialiste: «Toute mon amitié à Alice Coffin agressée à Rouen par une bande d’identitaires lors de son intervention à La Friche Lucien. Condamnation et indignation, mais surtout amplifions nos efforts pour que ces idées rétrogrades soient définitivement vaincues, à Rouen comme ailleurs.»

    Ainsi de Clémentine Autain, femme politique socialiste et journaliste française, conseillère de Paris chargée de la jeunesse: «Solidarité avec Alice Coffin, agressée par des masculinistes. Le mouvement féministe a une tradition profondément pacifiste. Par les temps qui courent, j’invite tout le monde à en prendre de la graine...»

    Même Jean-Luc Mélenchon, qu’on ne présente plus, s’est mis au diapason des réseaux sociaux: «Samedi: manifestants pour les libertés agressés à Tarbes; mercredi: Alice Coffin agressée à Rouen. (…) Partout, l’extrême droite passe à la violence. Ça suffit, le déni!»

    Je vous vois, lecteur.trice, mort.e d’inquiétude. Je vous rassure immédiatement. Les organisateurs ont donné des nouvelles de la victime de cette abominable agression: «Alice Coffin va bien. Mais l’épisode a été violent.» On suppose qu’une cellule psychologique a été immédiatement mise en place.

    Quant au soi-disant groupe d’extrême droite proche des mouvances nazies, il s’appelle en réalité Les Normaux. Il possède une page sur internet où il se définit clairement comme opposé au discours LGBT. On n’en sait pas davantage.

    En ce qui concerne la victime, Alice Coffin, je rappelle qu’elle était à Rouen pour parler de ses deux livres. Dans le plus connu, Le Génie lesbien, on peut lire ces propos: «Les hommes, je ne regarde pas leurs films, je n’écoute pas leur musique». Ou encore ceci. «Il ne suffit pas de nous entraider, il faut à leur tour les éliminer (les hommes, donc)». A cette lecture, j'ai été pris d'un doute. J'ai relu attentivement sa biographie sur Wikipedia. Alice Coffin est effectivement une militante LGBT, appartenant à ce mouvement féministe dont la tradition, comme le souligne Clémentine Autain dans son tweet, est profondément pacifiste. Ouf! Un instant, j'ai craint qu'elle fût une identitaire d’extrême droite!

    Dans tous les cas, je demande tout de même, en tant qu’homme, qu’une cellule psychologique soit immédiatement mise à ma disposition...

     

     

     

  • Plan Climat, et si on calculait?

    Par Pierre Béguin

    Or donc, le Conseil d’Etat a présenté son «plan climat» avec – prochaine élection oblige – une ambition revue à la hausse. Attention, c’est du lourd! Les mesures toucheront tous les secteurs: transport, énergie et bâtiments. Les investissements annuels dans la transition écologique vont tout simplement doubler, passant de 300 à 600 millions de francs par an.

    Devine qui va payer? Non? Si! Si! C’est le prix pour «sauver le climat», et la planète avec, paraît-il. Ça doit être vrai puisqu’on nous le répète à longueur de journée.

    Et si, pour une fois, au lieu de répéter docilement notre liturgie, nous prenions le temps de réfléchir et de calculer? Allez, juste dix minutes!

    Pour commencer, cette précision: je ne suis pas plus habilité à aborder cette thématique que ceux qui liront ce billet, à commencer par les allumés anonymes qui ne manqueront pas de se présenter comme des spécialistes. Mais lorsque je cesse de réciter mon catéchisme réchauffiste, que je me renseigne, que je lis, que j’interroge, que je réfléchis, que je calcule, autant d’activités que, par paresse ou conformisme, le 90% des gens qui vous assènent leurs certitudes ne font pas, j’en arrive à ces conclusions:

    - En 2020, les émissions mondiales de CO2 se montaient à 31Gt (Gigatonnes). La part de la Suisse s’élevait à 0.038Gt. Ainsi, le pourcentage des émissions helvétiques, rapporté aux émissions mondiales, était de 0,12%.

    - La population genevoise est de 509.000 âmes, soit 5,9% de la population suisse qui atteint 8.600.000 personnes. Ainsi, les émissions de CO2 imputables aux Genevois – 5,9% de la population suisse, laquelle est responsable de 0,12% des émissions mondiales – équivalent à 0,007%. C’est donc par ce ridicule pourcentage, qui nous coûtera tout de même 600 millions l’an, que nous allons «sauver la planète». Un brin prétentieux, le Conseil d’État, isn’t it? Il est vrai qu’avec plus de 14 milliards de dettes, on ne compte plus! Et puis, récemment, Meyrin, et même Choulex s’étaient déjà engagés à «sauver la planète». Le canton ne peut pas être à la traîne, voyons! Il nous reste simplement à espérer que la commune de Gy va elle aussi entrer bientôt en croisade climatique, sinon on est tous foutus!

    - Mais «ne rien faire aujourd’hui nous coûterait plus cher demain», déclare gravement Mme Fontanet. Même qu’on peut estimer la perte à 1,5 milliards en 2050, et le triple en 2100! Sont quand même forts, nos édiles, qui parviennent à estimer le coût genevois du dérèglement climatique dans 80 ans, alors qu’ils n’arrivent même pas à estimer le budget cantonal annuel. Moi, j’aimerais bien connaître le détail de leur calcul, et leur méthodologie (1). Bon! Vous me direz qu’on calcule avec des modélisations et une foi de charbonnier les températures qui vont asphyxier la planète dans 80 ans, alors qu’on peine toujours à prévoir la météo à plus de deux jours! Alors pourquoi nos conseillers d’État n’auraient-ils pas le droit de délirer, eux aussi?

    - Qui dit «dérèglement climatique» sous-entend logiquement l’existence d’une «règle climatique». Comment pourrait-on, en effet, calculer un dérèglement sans référence à une règle préalable? Y aurait-il quelqu’un dans ce monde qui connaîtrait LA règle climatique? Mme Fontanet, peut-être? Dans ce cas, j’aimerais bien qu’elle me l’expose (2). A moins que nos édiles ne fassent eux aussi que réciter le catéchisme réchauffiste, par opportunisme, conformisme ou peur?

    - Oui mais, si tous les gars du monde… Certes. Même le PLR, sur ordre du parti, a retourné sa veste, dorénavant moutonnée écologie, par crainte d’une déroute électorale: il faut surtout entrer en croisade climatique «parce que la Suisse a signé les Accords de Paris», nous a assuré Philippe Nantermod, mercredi soir au TJ. Ces mêmes accords de Paris qui, pour être signés, ont dû accorder à la Chine (et à bien d’autres pays, dont l’Inde) un statut de pays en voie de développement leur permettant d’émettre du CO2 à leur guise jusqu’en 2030 (3). Ah! Quelle belle victoire pour la planète!

    Prions… Pardon! Calculons:

    - Les émissions de CO2 de la Chine, qui émet à elle seule autant de CO2 que tous les pays de l’OCDE, s’élèvent à 15% environ du total mondial de 31Gt, soit 4,65Gt.

    - Les émissions annuelles genevoises, comme calculées ci-dessus, s’élèvent à 0,007% du total mondial, soit environ 0,00217 Gt. Selon le plan cantonal genevois, nous allons les diminuer de 60% d’ici 2030. Elles s’élèveront alors à 0,000868Gt par an, la diminution de 60% correspondant à 0,001302 Gt. Ainsi, pour compenser les émissions chinoises d’une seule année, par exemple celles de 2022, combien nous faudra-t-il d’années d’efforts au taux de 2030 (–60% d’émissions), à nous les braves Genevouais? 4,65Gt / 0,001302 Gt = 3571 ans d’efforts à CHF 600 millions l’année! Comme nos amis chinois ont obtenu gracieusement 15 ans de rémission, et en supposant naïvement qu’ils renonceront à leur avantage en 2030, il faut multiplier ces valeurs par 9 (années 2022-2030) pour connaître l’ardoise genevoise compensant le cadeau parisien: 3571 x 9 = 32’139 ans d’efforts. A 600 millions l’année, nous parvenons à la modique somme de CHF 19’283 milliards. Admettez tout de même que ça fait cher la signature chinoise pour valider les accords de Paris. Antonio Hodgers, que certains surnomment maintenant le «bétonneur fou», ne croit pas si bien dire en plagiant lamentablement Churchill: le plan climat genevois «va marquer les prochaines décennies». A ce prix, je le veux, mon neveu! Et je ne vous parle même pas de l’Inde, qui talonne la Chine en termes d’émissions carbone, ces deux pays, rappelons-le, émettant chacun autant que tous les pays de l’OCDE réunis (bien entendu, je n’envisage pas une seconde d’inclure dans mes calculs les autres pays «en voie de développement»). A propos, si quelqu’un veut s’aventurer à estimer la dette genevoise en 2030, je lui laisse la calculette...

    - Mais il faut bien donner l’exemple, non? et alors tous les pays suivront, me direz-vous la bouche en coeur. Même pas! Sous le titre «The World Bank Mobilizing the Billions and Trillions for Climate Finance» (4), la Banque Mondiale a annoncé, le 18 avril 2015, un coût de la lutte contre le réchauffement climatique de USD 89’000’000’000’000 (89 trillons) sur la période 2015-2030. Or, un scientifique, médaillé du CNRS en thermodynamique (5), a calculé, selon les chiffres même du GIEC, qu’une réduction de 40% du CO2 d’ici à 2030 éviterait un réchauffement de la planète de 0,0002°C. Eh oui! Vous les idéalistes, vous avez bien lu: deux dix-millièmes de degré pour 89 trillons de dollars. Comme rapport qualité prix, on fait mieux.

    Attendez! Ce n’est pas fini. Encore cinq minutes.

    Tous ces calculs n’ont de valeur que pour autant que le CO2 soit bien le grand méchant «pollueur de la planète», comme on ne cesse de le répéter, au point que plus personne ne semble en douter, et quand bien même, en chimie élémentaire, on nous apprend que le CO2 est un fertilisant. L’idéologie réchauffiste nous ferait-elle pas un peu de «révisionnisme» chimique? Non, non, je plaisante!

    - Plus personne ne remet en cause l’action délétère du grand méchant CO2? Rien n’est moins sûr. A la suite de nombreux autres scientifiques (dont, bien évidemment, ni les politiques ni les médias ne parlent) Pascal Richet, de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP), vient une fois encore d’innocenter le CO2. Dans un article publié en libre accès par la revue History of Geo-and Space Science (6), Richet a réanalysé les carottes de glace de Vostok, en Antarctique (7). Voici ce qu’il annonce dans l’abstract de son article:

    «En se basant simplement sur la logique fondamentale et sur les concepts de cause à effet, l'examen épistémologique des analyses géochimiques effectuées sur les carottes de glace de Vostok invalide l'effet de serre marqué sur le climat passé habituellement attribué au CO2 et au CH4. En accord avec le rôle déterminant attribué aux cycles de Milankovitch, la température est, au contraire, restée constamment le paramètre de contrôle à long terme au cours des 423 derniers milliers d’années, qui, à son tour, a déterminé les concentrations de CO2 et de CH4, dont les variations ont exercé, tout au plus, une rétroaction mineure sur la température elle-même.»

    Ah bon! On nous aurait menti? Ce serait donc la température qui déterminerait les concentrations de CO2, – et non pas le CO2 qui déterminerait la température et «piloterait» le climat. L’analyse, qui remonte sur les 423.000 dernières années, montre que la courbe d’évolution de la concentration atmosphérique de CO2 et celle de l’évolution de la température sont décalées. Sauf que la courbe de température précède celle du CO2, et non pas l’inverse comme on nous l’a toujours rabâché, notamment depuis le fameux film d’Al Gore Une vérité qui dérange, dont plus personne ne parle et qui s’est vu imposer, au nom du respect de la science, l’avertissement: «Ceci est une fiction et ne repose sur aucun fait scientifique avéré» (Ah, au fait! Al Gore remercie tous ses supporters, il va bien, il est maintenant milliardaire et il vous emmerde). Qu’on m’explique comment le CO2 pourrait être la cause, et l’évolution de la température, l’effet, s’il suit la température au lieu de la précéder? Excepté à Genève, où l’aberration semble parfois la règle, a-t-on déjà vu un effet précéder sa cause? En fait oui, les taxes CO2… (voir aussi à ce propos l’article sur le blog «Les hommes libres» intitulé «Un ancien conseiller climat d’Obama: le GIEC se trompe et ment».)

    Mais si Richet et ses confrères scientifiques ont raison, nous autres Genevouais, avec notre tête de premier de classe, nos 600 millions annuels, nos 0,007% et notre plan climat qui «va marquer les prochaines décennies», on va vraiment avoir l’air con. On me rétorquera que ce ne sont que des fadaises, puisque «LA SCIENCE» dit le contraire. La science non, certains scientifiques, oui, mais pas tous, loin s’en faut! Ceux, surtout, qui œuvrent au sein du GIEC. Car une étude détaillée du quatrième Rapport du GIEC (2007) a montré que deux tiers des chapitres dudit Rapport sont rédigés entre autres – et un tiers carrément dirigés – par des scientifiques affiliés au WWF (8). En clair, c’est un peu comme si le tribunal chargé de juger les cas de pédérastie au sein de l’Église catholique était composé de cardinaux et d’évêques, tous choisis et chapeautés par la cardinal Bernard Law, le fameux archevêque déchu de Boston. Ou que la totalité des scientifiques chargés de déterminer les effets de la cigarette sur les fumeurs étaient payés par Philipp Morris. Bon! Vous me direz que c’est un peu ce qui s’est passé. Mais je vous répondrais que ce n’est pas une raison pour répéter le schéma ad aeternam. Dans ce genre d’arnaque, on a déjà donné!

    Ce biais idéologique est confirmé par la climatologue Judith Curry – Reviewer du 3e Rapport du GIEC, avant d’en démissionner – qui déclarait dans une interview au Point (9): «Il me revient en mémoire une conversation, en 2005, avec Rajendra Pachauri, un ingénieur des chemins de fer indiens reconverti dans la climatologie et directeur du GIEC, Prix Nobel de la paix en 2007; Pachauri m’avoua sans vergogne qu’il ne recrutait pour l’ONU que des climatologues convaincus par la cause du dioxyde de carbone, à l’exclusion de tous les autres. Cette collusion extraordinaire permet aux politiciens de déclarer: «La science dit que…» ou «Les scientifiques disent que le dioxyde de carbone est coupable du réchauffement climatique...».

    Et pourtant, depuis la création du GIEC en 1988, des centaines – que dis-je! – des milliers de scientifiques ont signé des pétitions pour s’opposer aux thèses du réchauffement climatique dû à l’homme. Ainsi, l’Oregon Petition, intitulée «Global Warming Petition Project» (10), lancée entre 1999 et 2001 par l’Oregon Institute of Science and Medecine (OISM), a été paraphée jusqu’ici par plus de 31'000 scientifiques, parmi lesquels Frederick Seitz, ancien Prédisent de l’Académie des sciences des Etats-Unis. En 2019 encore, la pétition Clintel, lancée par Guus Berkhout (11), géophysicien professeur émérite à l’université de La Haye, a été signée par quelque 900 scientifiques et adressée au Secrétaire Général des Nations Unies, ainsi qu’à la Présidente de l’UE. Sans parler de la «Pétition Lindzen», l’«Appel d’Heidelberg», la pétition des physiciens italiens, la «Déclaration de Leipzig», la «Déclaration de Manhattan», la «Pétition de Paris»... En voulez-vous encore?

    Et certains oseraient prétendre que tous les scientifiques sont d’accord?

    Le fin mot de l’histoire revient à Ottmar Edenhofer, président du Groupe de travail III du GIEC, qui déclarait, avant le sommet de Cancún de 2010:

    «Le Sommet qui va s’ouvrir à Cancún n’est pas une conférence sur le climat, mais l’une des plus grandes conférences économiques depuis la deuxième guerre mondiale. Il faut dire clairement que nous redistribuons en fait la richesse du monde par la voie de la politique climatique. (…) Il faut se séparer de l’illusion que la politique internationale du climat est une politique environnementale (je souligne). Elle n’a désormais pratiquement plus rien à voir avec la politique de l’environnement.» (12)

    Donc, résumons-nous:

    Début juin 2021, sept conseillers d’État genevouais partent en croisade climatique pour sauver, à coups de milliards, 0,007% de la planète, en lançant l’assaut contre un ennemi qui pourrait bien n’être qu’un vulgaire moulin (à vent).

    Moralité 1 : Soit ce sont des ânes bâtés, soit ils sont déjà en campagne électorale. Personnellement, j’opte pour la seconde solution. Cela dit, outre qu’ils nous font payer leur campagne et que celle-ci nous place sous la tyrannie de la minorité environnementaliste, je la trouve tout de même un peu chère, cette campagne. Pas vous?

    Moralité 2 : Il nous reste à espérer que les prochaines élections, pour une fois, offriront un large panel de (nouveaux) candidats. Car celles et ceux qui viennent de partir en croisade climatique ne m’inspirent pas vraiment. Pas vous?

    Pour le reste, je ne prétends pas que mes lectures, mes interrogations, mes réflexions ou mes calculs mènent sur la voie de la vérité climatique. Mais ils ont soulevé en moi beaucoup de doutes et creuser une distance certaine face à la liturgie réchauffiste qui ressemble davantage à un financement de la relance économique, par des fonds publics déguisés en taxes, qu’à de réelles préoccupations écologiques, dont certaines me semblent bien plus urgentes que toutes ces spéculations douteuses sur le réchauffisme et le CO2. Un peu comme si on cherchait à détourner les regards de préoccupations écologiques très concrètes, au profit d’une peur purement spéculative, mais très facile à taxer sur l’échelle du CO2. Ainsi, pour prendre un exemple parmi tant d’autres, alors qu’on essaie de nous refiler un peu partout, contre des sommes abyssales, des éoliennes inutiles (et polluantes), on produit, à l’autre bout du monde, des désastres écologiques et humanitaires en extrayant des métaux rares pour la transition numérique (13). Mais qui comprend vraiment que cette soit disant urgence climatique couvre en réalité une transition énergétique en grande partie financée par des fonds publics, c’est-à-dire par les citoyens, l’écologie n’étant qu’un alibi pour faire passer la pilule?

    Dans leur annonce solennelle à l’OMM, les sept conseillers d’Etat genevois ne font qu’alimenter ce mécanisme qui s’apparente en fin de compte à une extorsion.

    Pour les sceptiques, voici mes sources. Vous pouvez vérifier:

    (1) Leur chiffre est peut-être basé sur le scénario RCP8.5 du GIEC, le seul qu’on martèle ad nauseam, le pire, un scénario jugé totalement irréaliste parce que nos ressources fossiles connues ne suffisent pas à le réaliser (Cf. Vahrenholt F & Lüning S., Unverwünschte Wahrheiten: Was Sie über den Klimawandel wissen sollten, Langen – Mueller Verlag, 2020, p. 269).

    (2) Un ami a compulsé les archives de Météo France depuis 1901, année après année. J’ai vu le résultat. Si, dans ces incessantes variations météo, vous repérez la «règle du climat», je suis preneur!

    (3) Cf. Vahrenholt F & Lüning S., Unverwünschte Wahrheiten: Was Sie über den Klimawandel wissen sollten, Langen – Mueller Verlag, 2020, p. 279.

    (4) «The World BankMobilizing the Billions and Trillions for Climate Finance», April 18, 2015. www.worldbank.org/en/news/feature/2015/04/18/raising-trillions-for-climate-finance

    (5) François Gervais, Merci le CO2, L’Artilleur, 2020, pp.29-31.

    (6) Richet P., «The temperature-CO2 climate connection: epistemological reappraisal of ice-core messages», HGSS, vo. 112, 97-110, 2021, accessible à:

    https://hgss.copernicus.org/articles/12/97/2021/hgss-12-97-2021.html

    (7) La première analyse de ces carottes date de 1999 et est signée par J.-R. Petit et al. – parmi les auteurs, on trouve Jean Jouzel, vice-président du GIEC, qui en sait donc beaucoup sur la réalité révélée par ces carottes.

    (8) Cf. Laframboise D., 2011, The Delinquent Teenager Who Was Mistaken for the World’s Top Climate Expert, Ivy Avenue Press, Toronto, p. 46 sq.

    (9) Interview par Guy Sorman, «Cette climatologue qui échauffe les esprits», Le Point, 2396, 2 août 2018, p. 100. Judith Curry a été professeure au Georgia Institute of Technology, membre de l’American Meteorological Society, de l’American Association for the Advancement of Science et de l’American Geophysical Union.

    (10) http://www.petitionproject.org/index.php.

    (11) https://www.valeursactuelles.com/societe/des-scientifiques-de-13-pays-ecrivent-au-secretaire-general-de-lonu-pour-denoncer-lalarmisme-climatique-111056.

    (12) https://www.nzz.ch/klimapolitik_verteilt_das_weltvermoegen_neu-1.8373227

    (13) Pitron G., La Guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique, LLL, 2018.

  • La vie en miettes (Anne-Sophie Subilia)

    par Jean-Michel Olivier

    thumb-small_zoe_anne-sophie-subilia-8010.jpgD'un voyage dans l'archipel portugais des Açores, en 2015, Anne-Sophie Subilia a rapporté une sorte de journal poétique, diffracté, émietté, publié par les belles éditions Empreintes sous le titre énigmatique d'abrase*. Au fil des jours, des promenades dans la nature sauvage, l'auteure cherche à colliger les éclats de son être sans cesse menacé de disparition (on retrouve ici un thème cher à Sylviane Dupuis, qui fut son mentor à l'université de Genève). 

    Pour vaincre cette menace, et briser le silence, pas d'autre recours que le langage, avec ses failles et ses limites. 

    « dehors/ debout/ la bouche grenade/disant rien/ ne pouvant rien/ dire

    dans les murets se cache/ la forme brûlante/ de leurs questions »

    Dans cette solitude première, on sent l'appel de l'autre, toujours absent, dont il ne reste qu'une image ou un parfum.

    « ce qui existe

    les paysages/ les prairies illuminées/ l'enfoui

    temps froissé/ commetabac

    ce parfum/ sur nos doigts

    tenir une image transparente »

    Scandé en huit parties, ce long poème de l'émiettement cherche son centre, comme l'être qui traverse le temps fait de ruptures et de désir, de douleur et d'espoir. Avec ses mots minimalistes, l'auteure parvient à rendre compte de l'érosion de l'être.

    C'est ainsi qu'il faut comprendre le titre énigmatique, abrase*, qui dit l'usure et les blessures de ce cheminement singulier.

    * Anne-Sophie Subilia, abrase, éditions Empreintes, 2021. 

  • Metin Arditi et ses fantômes

    par Jean-Michel Olivier

    images.jpegMetin Arditi publie chez BSN, maison d'édition émergente et très intéressante, un recueil de trois nouvelles, destinées au théâtre ou à la radio. On retrouve les thèmes chers à cet écrivain prolifique qui convoque, ici, dans Freud, les démons*, ses fantômes familiers. 

    Il y en a trois. D'abord, le grand Sigmund, qui donne son titre au recueil, saisi à la veille de sa mort, sur son lit de souffrance (un terrible cancer lui disloque la mâchoire). Shooté à la morphine, pour supporter la douleur, Freud évoque quelques figures importantes de sa vie et son amour secret pour une femme qui a fasciné plus d'un homme (Schopenhauer, Nietzsche, Freud, Anatole France) : images-2.jpeg
    Lou Andréas Salomé. Freud nourrit encore le regret de ne pas s'être déclaré, d'être passé à côté de l'amour, une fois de plus.


    « Je me suis longtemps demandé si le propre des hommes n'est pas leur capacité à rater les occasions… Et même à les fuir, à grandes enjambées… Lorsqu'on se retourne sur sa vie, qu'on en tire un bilan, on devrait avoir le courage d'imaginer ce qu'elle aurait pu être. »

    Dans cette évocation mélancolique, on pense à Irvin Yalom (Et Nietzsche a pleuré, Mensonges sur le divan) et à Roland Jaccard, auteur d'un roman-biographie de cette femme exceptionnelle (Lou). Le crime suprême, pour Arditi, c'est de ne pas oser. De ne pas avoir le courage d'aller au bout de son désir.

    images-1.jpegLe désir est présent, bien sûr, mais contrarié, mutilé, dans la deuxième nouvelle du recueil qui raconte le déclin d'un maestro, le grand chef d'orchestre Grégoire Karakoff qui, peu à peu, perd la mémoire et s'égare dans ses partitions. Dans cette nouvelle, Arditi, qui a bien connu le milieu musical, est très à l'aise pour décrire les avanies de l'âge (perte de mémoire, impuissance) et développe certains thèmes qu'il a traités dans d'autres livres. Son maestro est saisissant de vérité et touchant de sincérité.

    Le troisième monologue, le plus court, met en scène le père de Vincent Van Gogh, Cornelius, au cours d'un repas qui sera le dernier partagé par la famille, puisqu'il marquera la fin des relations entre un père tyrannique qui ne comprend rien à la peinture et un fils génial qui ne comprend pas la haine de son père. Là encore, il aurait suffi d'oser, et d'un peu de courage pour que le père se rapproche de son fils et essaie de le comprendre, au lieu de l'exclure du cercle familial.

    Trois monologues, écrits pour être dits, qui creusent les regrets, les remords, les impuissances de trois hommes en proie à leurs démons.

    * Metin Arditi, Freud, les démons, BSN Press, 2021.

  • Le DIP et le paradoxe de la colombe

    Par Pierre Béguin


    Dans la griserie de son libre vol – nous dit Emmanuel Kant –, la colombe fend l’air en même temps qu’elle en sent la résistance. Elle en déduit fort logiquement qu’avec un peu moins de résistance de l’air, elle volerait plus vite, et mieux encore. Poussant son raisonnement jusqu’au bout de sa logique, elle en conclut naturellement que, dans le vide, son vol serait parfait*.

    Ce paradoxe guette tous les esprits systémiques, et ils sont nombreux à y succomber. L’oeuvre d’André Gide, par exemple, rend compte de ce mécanisme qui voit, immanquablement, toute personne pousser la logique de son système toujours plus loin, jusqu’au point où, sans s’en rendre compte, cette dernière se met à agir à l’encontre des valeurs même qu’elle prétend défendre. Ainsi de Michel dans L’Immoraliste, du pasteur de La Symphonie pastorale, ou de Lafcadio, qui enclenche à son insu un gigantesque réseau de causalités déterminantes en voulant expérimenter, par un meurtre, la théorie de l’acte gratuit (Les Caves du Vatican).

    Dans les années 80, le néo libéralisme, aveuglé par sa foi stupide dans la capacité d’autorégulation des marchés financiers, a poussé toujours plus loin la logique de la déréglementation, justifiant tout objectif non atteint par la survivance de nombreuses règles soi-disant obsolètes, et pensant logiquement que seule la suppression de toutes les réglementations permettrait au marché d’atteindre son plein rendement et son parfait équilibre. On connaît la suite…

    Aujourd’hui, le dogme du tout à l’électrique offre un bel exemple de ce mécanisme: sous prétexte de neutralité carbone et de bonne conscience, on est simplement en train de créer une nouvelle forme de «colonialisme écologique» (je gage que, dans quelques années, l’expression va faire son chemin) contre lequel très peu de voix s’élèvent. Pire encore: on lui ajoute un système d’indulgences qu’on croyait révolu depuis la Réforme. Les délires actuels sont riches en exemples du même ordre, pour ceux qui savent les interroger...

    A Genève, comme on pouvait s’y attendre, le DIP, qui n’en rate décidément pas une, succombe une fois de plus au paradoxe de la colombe. Le projet visant à supprimer les regroupements par niveau au Cycle d’orientation relève de cette même tendance absurde à pousser encore plus loin, avec une foi de charbonnier, une logique qui s’est montrée jusque là inefficace à remplir les objectifs qu’on lui avait assignés. D’une structure à quatre sections, latine, scientifique, générale, pratique, – instituée à l’origine du Cycle par le chantre de la démocratisation des études, André Chavanne –, (et dont le coulissement d’une section à l’autre se faisait alors presque systématiquement vers le bas, de latine en générale, par exemple), nous voici donc arrivés, à coups de réformes successives consistant à éroder toujours plus la rigueur des sections, et toujours sous l’éternel motif que le système en cours ne fait que renforcer les inégalités, à un système de quasi mixité. «Quasi», car on conserve tout de même, comme si on ne pouvait pas se résoudre à supprimer toutes traces du système originel (preuve qu’on y croit encore, malgré tout), des cours à niveaux dans les deux disciplines qui, justement, posent le plus de problèmes, le français et les mathématiques.

    Pas besoin d’être Jérémie ou Cassandre pour prédire que, dans une décennie, la nouvelle conseillère d’État (socialiste) en charge du DIP parviendra, avec cette réformette, énième réplique des précédentes, au même constat que Mme Torracinta: ces nouvelles mesures se révèlent non seulement inefficaces à gommer les inégalités, mais elles les renforcent (ce qu’on ne dira pas, en revanche, c’est que la situation s’est encore détériorée entre temps). Il lui restera alors à aller, cette fois, jusqu’au fin bout de la logique et à éradiquer les derniers vestiges d’hétérogénéité que sa collègue d’aujourd’hui n’a pas osé supprimés. Pour s’apercevoir, inévitablement, une dizaine d’années plus tard (nous serons alors dans les années 2040, et moi je serai mort), que l’instauration de la mixité totale dans les classes a complètement échoué à satisfaire les objectifs de lutte contre les inégalités scolaires. On décrétera alors la mort clinique du Cycle d’Orientation, prétextant qu’après plus de 80 ans d’existence, il a fait son temps. Et l’on donnera naissance à une autre structure «miraculeuse», investie des mêmes missions délirantes et soumise au même destin. C’est écrit, comme chante l’autre, et je m’étonne qu’il se trouve des gens sérieux pour croire que ce genre de réformes puissent aboutir à un autre scénario (le croient-ils vraiment?).

    Mais on ne dira pas que cette lutte entêtée contre toute forme d’hétérogénéité, non seulement a été échec, mais a aussi détruit le système. D’autant plus que le seul argument – ou l’unique profession de foi – du DIP se limite à brandir le sempiternel postulat idiot, attesté bien entendu par des études dites «scientifiques», que les deux ou trois têtes pensantes de la classe vont naturellement tirer tous les autres vers le haut, comme si un bon élève, par la seule puissance de son comportement et de ses bons résultats, pouvait réussir là où les enseignants et le département ont échoué. Ça se passe peut-être ainsi chez les Bisounours ou dans le merveilleux microcosme de la recherche pédagogique, mais pas dans le monde réel. Quiconque possède un brin d’expérience, ou même un peu de bon sens, sait que, le plus souvent, c’est exactement le contraire qui se produit. Mais «c’est le sort ordinaire de la raison humaine, dans la spéculation, de construire son édifice en toute hâte, et de ne songer que plus tard à s’assurer si les fondements sont solides» (E. Kant).

    Eh oui! On ne se refait pas: être socialiste, c’est croire, même dans la soixantaine, en dépit de l’expérience, que la réalité va se plier avec complaisance aux idéologies, parfois stupides, qu’on veut lui imposer contre nature; par exemple, croire qu’un système scolaire peut gommer toutes les inégalités. Et dans quel but, d’ailleurs, si ce n’est pour satisfaire à la sotte idéologie de l’égalitarisme?

    Ce que je constate, entre mai 2020 et mai 2021, c’est que les changements instaurés par le DIP vont tous dans le sens d’une détérioration des conditions d’étude pour les élèves les plus motivés. L’année dernière au collège, c’était, entre autres, la suppression du choix latin – grec, qui entraînera, dans les prochaines années, la mort annoncée du grec au collège, et celle, un peu plus tard, du latin. En couple, ils pouvaient encore espérer résister. Séparés, ils n’ont plus aucune chance. Pour le plus grand plaisir de la gauche qui ne voit, dans le choix latin – grec, que le seul privilège d’une caste favorisée. De même, les classes mixtes systématisées se feront aux dépens des élèves – et il y en a, croyez-moi – qui demandent légitimement des conditions d’enseignement à la hauteur de l’investissement qu’ils sont prêts à accorder à leurs études. Des conditions qu’ils ne trouveront pas dans une classe où les trois quarts de l’effectif ne sont guère motivés. De quoi décourager ceux-là même dont on attend qu’ils motivent les autres!

    Faute de pouvoir élever la base, on se contente donc de couper les têtes qui ont l’ignoble prétention de s’élever au-dessus de la moyenne. Tout au plus, leur accorde-t-on, dans la nouvelle réforme, la possibilité d’effectuer le cursus du CO en deux ans au lieu de trois, preuve indiscutable, par ailleurs, que le DIP reconnaît, dans le même temps, que cette réforme pourrait placer les bons élèves dans une galère qu’il serait malsain de prolonger inutilement. Mais alors comment prétendre que les plus motivés vont tirer les autres vers le haut, tout en leur donnant la possibilité d’abréger leur cursus? Quelqu’un pourrait-il m’expliquer la logique?

    Ce qui manque peut-être le plus à notre époque délirante, et au DIP par la même occasion, c’est un peu de bon sens, de pragmatisme, et de temps de réflexion s’exerçant loin des systèmes, des dogmes dangereux ou des croyances stupides qui façonnent l’opinion publique, à grands coups de propagandes, de peurs et de culpabilités.

    J’ai toujours détesté les systèmes, les dogmes, les clans, et les personnes à l’esprit systémique, dogmatique ou clanique (on dirait maintenant «communautariste»). Quand ce ne sont pas des opportunistes ou des Tartuffes, ce sont, le plus souvent, des faibles qui s’accrochent à leur système comme un estropié à sa béquille. Et une pensée prête-à-porter est tellement plus confortable!

    Bien entendu, les peurs et les culpabilités avec lesquelles on matraque les populations ont pour effet de les affaiblir et de les rendre perméables aux croyances imbéciles et à l’esprit de système. Et ça marche! Oui, même si ce n’est pas sous la forme qu’on imaginait, le XXIe siècle sera bel et bien religieux. En tout cas, il en prend le chemin, hélas!

    Pendant ce temps, au milieu de tous ces délires, La Critique de la raison pure repose dans quelque bibliothèque poussiéreuse où tant de vérités oubliées demeurent. Allons! Ouvrons le texte un instant à la page 36:

    «Entraîné par cette preuve de la puissance de la raison, notre penchant à étendre nos connaissances ne voit plus de bornes. La colombe légère qui, dans son libre vol, fend l’air dont elle sent la résistance, pourrait s’imaginer qu’elle volerait bien mieux encore dans le vide. C’est ainsi que Platon, quittant le monde sensible, qui renferme l’intelligence dans de si étroites limites, se hasarda, sur les ailes des idées, dans les espaces vides de l’entendement pur. Il ne s’apercevait pas que, malgré tous ses efforts, il ne faisait aucun chemin parce qu’il n’avait pas de point d’appui, de support sur lequel il pût faire fonds et appliquer ses forces pour changer l’entendement de place. C’est le sort ordinaire de la raison humaine, dans la spéculation, de construire son édifice en toute hâte, et de ne songer que plus tard à s’assurer si les fondements sont solides.»

    *Kant E., 1781, Critique de la raison pure, trad. A. Tremesaygues et B. Pacaud, PUF, Paris, 1980 (9e éd.), Introduction, p. 36.