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Blogres - Page 64

  • L'Estrée

     Par Anne Bottani-Zuber

    Octobre venu, dire : « Et si on allait à l’Estrée ? » De la même manière qu’on dit, quand reviennent les beaux jours : « Et si on mangeait sur le balcon ? »

    Quitter Lausanne direction Moudon, rouler une vingtaine de minutes, tourner à gauche, admirer un panorama, admirable justement – celui des Alpes fribourgeoises. Suivre en musardant – eh oui ! on peut musarder en voiture ! – le chemin des écoliers entre des fermes, des pommiers, des silos, des vaches brunes et blanches et grasses. Arriver à Ropraz.

    Entrer dans le cimetière qui ressemble à une allée monumentale. A la place d’arbres d’ornement, des tombes. Se recueillir sur celle de Chessex avec la certitude que là où il est, les âmes sont moins tourmentées qu’ici-bas. Quitter le cimetière, les tombes fleuries de roses, de lierre et de bruyère.

     Entrer à l’Estrée avec au cœur une délicieuse curiosité. Etre saisi par les hommes-troncs d’ Adrian Fahrländer, des hommes de bois brûlé, des hommes bleus qui avancent – ou chantent ? - chacun pour soi en même temps qu’on les sent vivre dans la plus grande des fraternités. S’arrêter devant l’homme à la rose, l’homme désarmé qui supplie, silencieux. Les hommes bleus dialoguent avec les œuvres de Nele Gesa Stürler. Des photographies de corps, de végétaux, de roche retravaillées à l’acrylique. Qui donnent à voir, au delà du visible, ce qui vibre en chacun de nous.

    Les sculptures et les photos dialoguent avec des textes d’Haldas, celui-ci en particulier : « Homme de l’aube, de l’enfance, de la graine. Mais homme aussi des racines. Et qui habite avec les racines sous la terre, dans la nuit de la terre, la boue, la solitude. Car c’est dans cette zone invisible, obscure, ignorée de presque tous que s’élabore la plante avec sa tige et, au sommet de sa tige, la fleur … Le visible à l’invisible. »

    De retour à la maison, relire quelques livres d’Haldas. Retrouver cet écrivain qui, grâce à un long et patient travail d’écriture, nous amène à sentir – ou nous conforte dans l’intuition - qu’à travers le visible nous pouvons entrevoir l’invisible. Haldas qui nous dit aussi que ce qui fonde notre fraternité est plus grand que nous. Et que nous sommes « pareils (…) à ces gouttes infimes mais qui ne brillent que par la lumière qui les traverse. Ces milliers de gouttes éparses rayonnant de la même lumière. Venues d’un même soleil » (Le Soleil et l’Absence, Ed. l’Age d’Homme, 1991).

    Dimanche d’octobre. La nuit est tombée, trop tôt. Adrian Fahrländer, Nele Gelsa Stürler, Georges Haldas… Je vois des liens apparaître, se nouer, se défaire, puis reprendre. Trois artistes. Une même quête. Celle de dire « la fraternité de l’aube ».

    Et qu’Haldas, qui a rejoint Chessex une année après lui dans le paradis des écrivains – qui soit dit en passant est le même paradis que celui de tout le monde - me pardonne le mot de quête s’il le trouve trop pompeux. C’est celui-là qui convient.

     

    L’exposition « La fraternité de l’aube » a lieu à la Fondation l’Estrée à Ropraz du 7 septembre au 28 octobre 2013 – www.estree.ch

     

    Anne Bottani-Zuber est écrivain. Dernier livre paru: Anne ou les cahiers de ma mère, Vevey : éditions de l'Aire, 2010

     

  • Les histoires à rebrousse-poil de Philippe Renaud


    Par Alain Bagnoud

    Le professeur Renaud, mon ami et mon maître, s'amuse et nous instruit. Ses histoires à rebrousse-poil, d'une fantaisie charmeuse et d'une plaisante érudition, interrogent quelques notions constitutives de l'identité (le nom, le lieu, le sexe, le rêve, le voyage...) sous une forme passionnante.

    Le nom, par exemple. Tournant autour de cette notion, le narrateur va tomber sur un peintre brut, Charles-A. Chenardier, une sorte de douanier Rousseau qui s'y est intéressé aussi, et dont l'observation des toiles, qui auraient passionné les surréalistes, mènera à de singulières découvertes.

    Le texte sur le lieu permet toutes sortes d'interrogations : Qu'est-ce qu'un lieu ? Qui utilise ce mot ? Autre enquête autour du mot « péripatéticienne », qui nous emmène vers Baudelaire et de Quincey, dans une autre quête délicieuse et nostalgique partie de Grisélidis Réal, dont Philippe Renaud fut un ami et est toujours un admirateur. Ce n'est d'ailleurs pas le moindre mérite de notre professeur que d'avoir introduit l'écrivain prostituée dans un séminaire officiel de l'université de Genève.

    Le thème s'élargit dans un autre texte, où on découvre les affres d'un homme persuadé que sa femme se prostitue via les petites annonces d'un quotidien de boulevard, et en plus persécuté par un fâcheux qui fait irruption chez lui et lui parle d'un roman qu'il voudrait écrire.

    On trouvera encore dans ce recueil des souvenirs des USA, des récits de rêves décortiqués ou un trajet bouffon en train.

    Je connaissais déjà certaines de ces histoires qui avaient paru dans la revue [vwa] ou dans la revue Ecriture. Leur publication en volume est un bon moyen de se les remémorer et de constater que leur juxtaposition forme un vrai recueil.

    Entre elles, il y a plusieurs liens. Thématiques déjà : y reviennent l'amour des animaux, le souvenir d'Odette, la femme aimée et disparue... Les compositions s'y répondent, agréablement digressives, travaillant sur le rebours, servies par une écriture badine et précise. Tout ceci étant porté par la personnalité généreuse, intelligente et savante d'un maître. D'un ami.

     

    Philippe Renaud, Sept histoires à rebrousse-poil, L'Aire

  • L'art oublié des femmes

    349057970.29.jpegÉcrire un texte, c’est tisser une toile. D’ailleurs, les mots texte et tissuont la même étymologie. C’est pourquoi, depuis Homère, Pénélope est la mère des écrivains, elle qui remet cent fois l’ouvrage sur le métier et s’amuse à défaire, la nuit, ce qu’elle a tissé pendant le jour, en attendant son Ulysse de mari qui vagabonde et fait des galipettes.

    Écrire, c’est tisser, et tisser, depuis les temps les plus anciens, est l’apanage des femmes. Avant même l’invention du tissu (pour se protéger du froid, puis pour cacher les « parties honteuses »), les femmes avaient le goût, pour elles-mêmes et sans doute aussi pour le plaisir de leur(s) amants(s), de tisser les poils de leur toison pubienne.

    Ce n’est pas moi qui le dis, mais Sigmund Freud, un médecin viennois qui a réussi…

    Les femmes ont inventé le tissage, et par conséquent l’écriture.  On apprend aujourd’hui que ce sont elles, de surcroît, qui auraient peint les bouleversantes fresques des grottes de Lascaux — et non ces hommes du paléolithique, barbus et assoiffés de viande fraîche. Ces fresques qui marquent, par leur fantasmagorie bariolée, la véritable invention de l’art (16'000 ans avant notre ère).

    Quelle découverte !

    Après de longues recherches, l’archéologue Dean Snow, de l'Université de Pennsylvanie, est arrivé à la conclusion que 75% des peintures de bisons, mammouths, chevaux et autres cerfs capturés par des hommes, avaient été réalisées par des femmes. Comment en être sûr ? L’empreinte des mains, la longueur des doigts et leur écartement correspondent précisément à des mains de femmes.

    Est-ce une surprise ? Non, répond le chercheur : 118-lascaux.1210942918.jpg« Dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs, ce sont les hommes qui tuent. Mais la plupart du temps, ce sont les femmes qui rapportent les proies au camp. Elles sont donc autant concernées par la chasse que les hommes. »

    Ce n’est pas une surprise, donc. Pourtant, comme c’est curieux, personne ne l’avait suggéré auparavant. Croyait-on les femmes incapables de peindre ou d’écrire ? Les avait-on déjà confinées, à l’aube des temps, aux fourneaux et aux tâches ménagères ? Les paléontologues ne seraient-ils pas un peu machistes ?

    Freud dirait que tout cela est normal : étant à l’origine de toute vie, la Créatrice par excellence, la Femme-Mère a inventé les arts dans la même foulée. La musique, par sa voix mélodieuse. L’écriture, par son tissage habile. Et la peinture, grâce à ses petites mains magiques.

    Que nous reste-t-il alors, à nous autres, qui n’avons rien inventé ?

    La guerre ? Le bricolage ? Le fameux muscle Heineken ?

    Les hommes sont condamnés, depuis toujours, aux seconds rôles. Des faire-valoir. Des followers, comme ont dit aujourd’hui…

    Il fallait un chercheur américain au nom de neige, Dean Snow, pour enfoncer le clou et nous rappeler à notre humble condition.

  • mauvais plaisant

     

    par antonin moeri

     

     

     

    Les histoires de certains écrivains nous font aussitôt songer aux films de Buster Keaton, Chaplin ou Jacques Tati. Gogol, Kafka et Svevo font partie de ces écrivains-là. Dans une de ses nouvelles (peut-être une des plus réussies), Svevo met en scène un écrivain sans lecteurs. Mario Samigli a 60 ans. Il avait publié, 40 ans plus tôt, un roman passé inaperçu et vivoté, depuis, grâce à un petit emploi. Même s’il écrit peu, Mario a préservé l’estime de lui-même. Il célèbre la vélocité des mouches dans de délicieuses petites fables. La seule personne qui l’admire, c’est son frère Giulio qui soufre de la goutte et qui aime entendre, le soir, la voix apaisante de Mario lui lisant «Une jeunesse», son roman passé inaperçu 40 ans plus tôt.

    Enrico Gaia, un homme d’action, actif et infatué de sa personne, jovial représentant en vins qui a étouffé le poète en lui, ne supporte pas la prétention de Mario, lequel ne désespère pas de connaître la gloire, lequel continue de vivre «de songes et de fables». Enrico veut «lui arracher des yeux son trop beau rêve». «Il veut le guérir définitivement de sa honteuse vanité». Le 3 novembre 1918, quand les Italiens libèrent Trieste du joug austro-hongrois, Mario fait mention de «sa plume en présence d’un événement aussi important». Ce qu’Enrico ne peut supporter. Il décide alors de mystifier le présomptueux (victime idéale de son futur stratagème). Il parle à Mario d’un contrat mirobolant qu’il pourra signer avec l’agent d’un éditeur autrichien qui veut acheter les droits de «Une jeunesse» en allemand. Mario se sent pousser des ailes. Il imagine un grand critique qui a dû parler de lui au célèbre éditeur. Il signe le contrat. Il savoure l’imminence de sa célébrité. Il voit son succès grandir chaque jour. Il relit son livre, fait des corrections, le gonfle de mots nouveaux.

    Quand il découvre qu’il a été berné, il fond en larmes, lui qui a attendu pendant 40 ans de recevoir une offre de ce genre. Ce qui le déchire, c’est d’avoir ainsi perdu sa raison de vivre. Il administre à Enrico une volée de coups rageurs. La chute est inattendue: le supérieur de Mario ayant vendu pour le compte de celui-ci les 200.000 couronnes prévues par le contrat mirobolant, somme vendue à un certain taux de change qui a chuté à cause de l’effondrement de la monnaie autrichienne, Mario se trouve avoir gagné 70.000 lires. Ce qui explique le titre «Une farce réussie». Or cette chute ne présente pas un intérêt majeur. Ce que retient le lecteur, ce sont la drôlerie des situations, l’audace de la lucidité, l’analyse féroce des mouvements du coeur et «l’écriture au bistouri». Svevo a puisé dans son expérience pour écrire cette nouvelle mais ce qu’il raconte nous concerne tous: rêve de gloire, ambitions déçues, retour au désert, revanche qu’on voudrait prendre sur des ennemis imaginaires ou non, désespoir que le réel nous assène avec un sourire hideux, tromperie, crédulité punie.

    Comme la plupart des personnages masculins de Svevo, Mario est un être fragile, infantile, naïf, un peu cinglé, sans colonne vertébrale, replié sur un monde médiocre. La République des Lettres ne l’a pas admis en son sein. C’est un inapte. Son rêve de grandeur, il croit enfin le réaliser alors qu’il tombe bêtement dans un piège ourdi par un personnage haineux, écrivain manqué, cynique et moqueur. Or cette expérience ne l’abattra pas. Et au lieu de littérature, il donnera plus d’affection à son frère. Il le traitera «maternellement, avec autorité et douceur». Il lui lira des fables composées dans la solitude la plus absolue, des fables écrites pour eux deux.

    L’image du frère malade écoutant amoureusement Mario lui lire des fables animalières est une image de grand-guignol. Mais comme ils sont heureux de renouveler leur garde-robe avec l’argent gagné avec la fructueuse opération de change, de manger des mets plus raffinés, les deux frères qui ont retrouvé confiance!!! Et quand on sait que SAMIGLI est le pseudo que Svevo avait utilisé pour signer des articles dans un journal, on se dit que le paisible bourgeois de Trieste sut, grâce à l’ironie et à un sens aigu du comique, offrir une belle résistance à l’angoisse que le manque de reconnaissance publique pour son art faisait monter en lui à une époque où on commençait tout juste à parler de «La conscience de Zéno».

     

     

    Italo Svevo: Le bon vieux et la belle enfant, POINTS Seuil, 2008

  • Poète Sacré Boulot de Sylvain Thévoz et Patrice Duret

     

    Par Alain Bagnoud

    Il y a dans le titre de ce recueil fertile, pressant, tenace, une tension qui se retrouve dans tout le livre. Poète Sacré Boulot, trois mots qui flottent sans ponctuation sur la page de couverture. On dissèque :

    Poète, c'est justement le mot sur lequel ont travaillé Sylvain Thévoz et Patrice Duret, choisissant un point de vue décentré et interrogeant d'autres auteurs dans le cours du recueil, créant un petit jeu d'intertextualité qui vaut pour l'interrogation et l'hommage.

    Il est de circonstance, dira-t-on, de s'interroger sur la poésie, son rôle, son sens, son (in)utilité, sa fonction ou son histoire. La grande originalité de ce recueil est justement que nos auteurs ont préféré prendre plutôt comme point de départ « le corps émetteur de poésie ».

    C'est ce qu'on peut remarquer dans le mot sacré, du titre, qui renvoie à plusieurs sens. Le liturgique, traditionnel : le poète serait conteneur et émetteur de sacré, après avoir reçu l'onction qui lui permet d'arborer sa fonction. Mais sacré peut se lire aussi comme un juron, un synonyme de maudit, avec une nuance admirative. « Poète, maudit métier ! »Patrice Duret

    Quoique ce ne soit pas métier qui ait été choisi ici, mais boulot, d'un niveau de langue plus populaire, en contraste justement avec sacré qui le précède. Quand on utilise boulot, on met l'accent, explique le Cnrtl, sur la régularité et la quantité de travail effectué. Tout le contraire de la notion d'inspiration, en somme, à quoi on a lié souvent la poésie.

    Le poète serait donc un travailleur acharné, investi, un peu réprouvé, vaguement admiré ? Regardons de plus près quelques exemples.

    On trouve dans les pages de ce livre des références à Antonin Artaud, (« Poète indicible poète poreux... »), André Frenaud (« Poète béance d'une forge... »), Allen Ginsberg (« Poète trop à l'étroit toujours...), Sylvia Plath (« Poète femme chauve »), et bien d'autres : vingt-six en tout, classés de A à Z puisque le recueil se présente comme un abécédaire, confrontant sur la double page une notion et un nom (Absolu pour Artaud, Friable pour Frenaud, Paumes pour Sylvia Plath...).Sylvain Thévoz

    Vingt-six poètes et plus d'hommes que de femmes, c'est ce que constatent les auteurs dans la préface en se demandant pourquoi elles sont moins représentées. (« Poétesse impossible boulot ; poète sacré boulot : un devenir sexiste ? Un livre à écrire peut-être... »)

    Bien entendu, s'il y a questions, il ne s'agit pas ici d'un essai qui vise à les résoudre, mais de création qu'elles suscitent, poèmes écrits dans une démarche, expliquent Duret et Thévoz, individuelle et collaborante tout à la fois.

    Chacun des deux auteurs a rédigé ses propres textes, qui sont disposés de façon à ce qu'un lecteur puisse en identifier la provenance: ceux de Duret sont imprimés sur les pages paires, ceux de Thévoz sur les pages impaires. Mais avant d'être publiés, ils ont été relus, discutés, dans une collaboration « par porosité et parfois perfusion ».

    Si les textes, finalement, gardent la marque de leur auteur, identifiables par deux styles et deux personnalités propres, ce travail en duo donne une force et une légitimité au recueil : il ne s'agit pas d'un poète qui profère son point de vue, mais d'une interrogation créative qui fait écho avec les multiples auteurs cités : « une interpellation de qui fait la poésie et comment ».



    Poète Sacré Boulot, Sylvain Thévoz et Patrice Duret, Le Miel de l'Ours



  • Le Prix Rod 2013 à François Debluë

    par Jean-Michel Olivier

    images-3.jpegSamedi dernier, sur le coup de 11 heures, a été remis, à la Fondation l'Estrée, à Ropraz, le Prix Édouard Rod 2013 à l'écrivain François Debluë pour l'ensemble de son œuvre. Nous y étions…

    L’écrivain que nous fêtons aujourd’hui n’est pas un inconnu — loin de là !

    À son actif il a, comme on dit, une œuvre riche et diverse qui compte une vingtaine de romans, récits, recueils de poèmes ou proses poétiques. Une œuvre récompensée, déjà, par des prix prestigieux, comme le Prix Dentan, reçu en 1990, pour un récit intitulé Troubles Fêtes. Une œuvre qui explore constamment les confins de la musique et de la langue, représentée, peut-être, dans leur alchimie mystérieuse, par Les Saisons d’Arlevin, le livret qu’il écrivit pour la Fête des Vignerons de 1999.

    DownloadedFile.jpegTout commence, chez Debluë, par un étrange recueil de proses brèves, Lieux communs*, publié  en 1979 à l’Âge d’Homme.

    Étrange, parce que déchiré, déjà, en sa fibre même, coupé en deux parties. La première s’appelle Barbaries ; la seconde Conversions. Ce premier pli, cette déchirure intime n’avait pas échappé à Georges Haldas, qui écrivait ceci : « Dans le soporifique climat lémanien, je vois, à travers ces Lieux communs, comme perler les gouttes d’un sang noir. Montée d’une blessure intime, irrémédiable. Un amour, dès l’enfance, mutilé. »

    D’où vient ce sang noir ? Et quelle est cette blessure intime ?

    Debluë multiplie les indices, dès l’amorce du recueil : images-1.jpeg« Parler donne soif. Simon n’échappe pas à cette fatalité. Vous le savez bien. Aussi guettez-vous ce mouvement vif et imperceptible de la langue qui viendra sans tarder étancher les lèvres sèches et pâteuses de Simon. Poursuivez plutôt votre chemin ! Car sa petite source est tarie. Depuis longtemps déjà ses adversaires lui ont coupé la langue. »

    Dans cet extrait, premier fragment du premier livre paru, tout est dit, semble-t-il. L’écrivain parle à partir d’une blessure. Ou plutôt il ne parle pas. Car on lui a coupé la langue. Il écrit donc dans le silence et étanche sa soif comme il peut, à la petite source, car parler donne soif.

    Pour le père Simon, la petite source, hélas, est tarie. Mais pour François Debluë, heureusement, c’est à cette source de silence qu’il va puiser l’œuvre à venir, constamment travaillée par cette blessure, et par un désir presque inhumain de transparence.

    Le second livre, toujours à l’enseigne du Rameau d’Or de Georges Haldas, s’appelle Faux jours. Il paraît en 1983.

    Il explore, entre fable et poème, un pays plus autobiographique. Revisitant son passé, son présent et son hypothétique avenir, l’auteur chercher à confondre les mensonges, les petites impostures, les faux jours qui éclairent nos vies. La quête autobiographique a déjà commencé. Elle se fait par fragments, éclairs quelquefois aveuglants, instantanés quasi photographiques, saisis miraculeusement. James Joyce appelait cela des épiphanies. Il notait ces images dans de petits carnets qui alimentaient ses romans. Debluë aussi ausculte ces déchirures où se révèle une certaine vérité.

    Lumière de la vérité. Pénombre du mensonge.

    Toute l’œuvre de Debluë développe cette dialectique, beaucoup plus subtile qu’il n’y paraît. Car, on le sait, le mensonge est aussi source de vérité, et la lumière peut être trompeuse comme un faux jour. Seul compte, pour l’écrivain, le travail de la langue. Le monde n’est pas noir ou blanc. Pour dire sa vérité et sa complexité, il faut toute une palette de couleurs, et maîtriser le clair-obscur du langage.

    La quête de soi-même passe par les poèmes de La Nuit venue ou du Travail du Temps. Elle déploie les Figures de la patience ou explore les Demeures de l’ombre — autant de titres transparents. Le poète se tient à la déchirure du jour, je l’ai dit. Mais aussi aux confins de la musique.

    Il y a trois ans, François Debluë publiait à l’Âge d’Homme, un livre intitulé Fausses Notes, précisément, qui conjugue la musique au mensonge ou à la maladresse. Est-ce un roman ? Un récit ? Un recueil de poèmes ? Non. Debluë lui donne un sous-titre ironique : Minimes. Il s’agit de pensées brèves, d’aphorismes, de fusées, comme disait Baudelaire, où la réalité se révèle par éclairs, jaillissements, fragments arrachés au silence.

    L’année dernière, François Debluë nous a donné trois livres, et non des moindres.

    images.jpegLe récit d’un voyage en Chine, qui est aussi une réflexion sur l’hospitalité et le regard de l’autre. Un recueil de poèmes, Par ailleurs, qui suggère avec force que l’écriture est toujours incomplète, qu’il y a du reste — autrement dit de l’ailleurs – dans tous les livres. Car on écrit toujours par-dessus le marché. En supplément à la vie ordinaire.

    L’ordinaire, c’est la fin de la boucle.

    Retour à la source tarie. Retour aux lieux communs.

    Dans son dernier roman, François Debluë continue à se peindre, à la troisième personne, sous les traits d’un homme parfaitement ordinaire. Il se prend pour un autre. Il multiplie les masques et les habits d’emprunt. Il se dessine en cuisinier, en paresseux, en frère vaisselier, en veuf, en homme ridicule.

    Fausses notes ou lieux communs, ces fragments arrachés au silence forment une sorte de mosaïque où apparaît, finalement, la figure du poète. Par défaut, peut-être. Ou en filigrane. Mais on finit par reconnaître François Debluë dans le portrait de cet homme ordinaire, qui n’est pas si ordinaire que cela.

    * La plupart des livres de François Debluë ont paru aux Éditions Empreintes (pour la poésie) et L'Âge d'Homme (pour les récits, proses et romans).

  • virus tébé

     

     

    par antonin moeri

     

     

     

     

     

    Comme Hervé Guibert, Horacio Castellanos Moya et tant d’autres écrivains de par le monde, Gemma Salem fut infectée par le virus Thomas Bernhard. Infection dont il est difficile de se débarrasser, tant le pouvoir pathogène de cette particule organique est grand. Pour tenter, non pas de guérir, mais de circonscrire cette maladie, Gemma Salem a choisi d’écrire une lettre à l’hermite autrichien.

    A la fin du siècle passé et après avoir lu «Oui» et «L’origine», Gemma Salem eut le sentiment de ne plus vivre qu’à travers Tébé. Ce que l’auteur de la lettre vise ici, ce n’est pas le dithyrambe (bouillie infecte que Tébé aurait exécrée) mais une tentative d’explication. Il y a d’abord le rire, l’humour comme signe d’intelligence, alors que la presse dite littéraire ne voyait en Tébé qu’un auteur «sombre, caustique, pessimiste, misogyne et difficile». Cet homme au rire dévastateur, elle veut le rencontrer et, pour réaliser ce projet, elle se rend en Autriche. Elle convoque les souvenirs d’enfance de Tébé pour les confronter à ses propres souvenirs d’enfance. Expériences communes: tentatives de suicide, désert affectif, déréliction, difficulté à aimer les autres, besoin d’accuser les siens, phobie d’être de trop. A Salzbourg, elle imagine que Tébé a bu dans le verre de bière qu’elle tient à la main. Elle écoute «les pas d’un fêtard scander le pavé». Elle voudrait visiter Scherzhauserfeld, «ce quartier maudit, cité des pauvres, des criminels, des ivrognes» où Tébé, après avoir tourné le dos à cette machine à abrutir qu’est le lycée, fit un apprentissage dans l’épicerie de Podlaha, elle voudrait visiter ce quartier mais personne ne sait où il se trouve.

    Elle se souvient alors de ses errances à travers l’Europe, après avoir échappé aux griffes de sa mère restée en Iran. Mineure, inculte, munie d’un passeport qui lui attire les pires ennuis, elle cueille des fraises pour gagner sa vie, promène des chiens, garde des enfants, danse dans des boîtes de nuit en Allemagne et en Hollande. Ces tournées dans les cabarets, elle les compare au travail de Tébé dans l’épicerie, expériences qui nous en apprennent plus sur la vie et le caractère des êtres humains que les études universitaires. Elle découvre Tchekhov, Dosto, Lermontov, Tourgueniev puis, à Genève, entre à l’ONU comme dactylo. Elle suit des cours au Conservatoire d’art dramatique de Lausanne, ville qu’elle ne tarde pas à détester. «La méfiance primaire, l’autosatisfaction étaient des virus dans l’air de Lausanne». Elle évoque le Pont Bessières, d’où se jetaient les gens désespérés comme, à Salzbourg, ils se jetaient du Mönchsberg.

    Dans le village où habite Tébé, on lui dit qu’il n’est pas là, qu’il est à Vienne ou à Majorque. A Vienne, elle arpente la Kärtnerstrasse, fréquente les tavernes sombres, toujours en quête de son auteur favori. Quelques digressions sur la musique, puisque Tébé connaissait la musique mieux que n’importe qui. Au Burgtheater, elle assiste à la représentation d’une pièce de Tébé. Immenses éclats de rire dans la salle pendant que d’autres spectateurs, offusqués, quittent cette salle.

    De retour dans le Sud de la France, où Gemma possédait une maison, elle rit à gorge déployée avec Lawrence Durell, son voisin qui ne se prenait pas au sérieux, qui aimait dénigrer tout le monde et avec qui Gemma devait faire un voyage en Bourgogne. Elle tombe malade: tendinite traumatique. Après avoir relu plusieurs fois «Holzfällen» (Des arbres à abattre), elle décide de retourner en Autriche avec un sac rempli de livres de Tébé et une énorme boîte de Voltarène. Elle loue une chambre dans une auberge en face de la forteresse de Tébé qu’elle imagine assis dans un fauteuil en fer, les épaules entourées de la vieille couverture de cheval héritée de son grand-père.

    Pour soulager ses douleurs, elle consulte le frère de l’écrivain, généraliste installé là. Dans un épais cahier, elle se met à écrire ce qui deviendra la «Lettre à l’hermite autrichien» et, à défaut de s’entretenir avec Tébé, c’est avec la soeur de l’écrivain et avec le docteur Fabjan (frère de l’écrivain) qu’elle le fait. Ce frère lui apprend qu’elle a un nerf ruiné par l’arthrose, «qu’une opération serait peut-être nécessaire». Elle ne cesse de se promener. «Tout ce que je veux bien voir doit obligatoirement alimenter cette frustration obscure qui se met à ressembler à du désespoir».

    Tébé compte énormément pour le docteur Fabjan, c’est pourquoi il s’entend bien avec Gemma qu’il soigne gratuitement. La seule fois où elle voit Tébé de près, c’est dans un café où il lui dit qu’il va partir au Portugal. En voyant de près l’objet de son noir désir, elle se rend compte qu’il est «l’épicentre absolu de la tendinite». Elle termine son récit en comparant la maladie de Tébé à la sienne. Elle se demande si ces maladies n’ont pas été la conséquence de leur aversion pour la société.

    Gemma Salem adopte un ton détaché pour évoquer dans cette longue lettre (que TB aurait lue avant de mourir) la perturbation que la lecture des livres de l’hermite a provoquée dans sa vie. Exercice d’admiration qui en dit autant sur la vie et l’oeuvre de TB que sur la vie et l’oeuvre de GS, et qui entraîne le lecteur dans l’histoire de deux solitudes qui ne pouvaient se rencontrer. On est toujours déçu quand on rencontre l’écrivain qui nous fascine, me confiait Peter Handke sur la terrasse de l’Apollinaire à Saint-Germain-des-Prés.

     

     

    Gemma Salem: Lettre à l’hermite autrichien, La Tablée ronde, 1989

  • C. - F. comme Charles-François

     

    Par Pierre Béguin

     

    Landry.PNGLe nom de C.– F. Landry se limitait dans ma mémoire à un vague rappel de ces livres d’école primaire où l’on apprenait vocabulaire et grammaire à l’aide d’un pot-pourri de phrases d’auteurs. Et c’est peut-être pour cette raison même que je n’ai jamais cherché à en savoir plus: C. – F. c’était forcément pour Charles-Ferdinand, un sous produit de l’autre – du nôtre donc –, du vrai, du seul, de l’unique... Jusqu’à ce que les Editions Campiche ne publient l’année dernière en collection de poche L’Affaire Henri Froment au moment où médias et lecteurs n’étaient préoccupés que par la vérité d’une autre Affaire (cet automne, c’est au tour La Devinaize, le roman le plus célèbre de C- F. Landry, de sortir en camPoche).

    Aucun lien pourtant entre ces deux «affaires». Avec Landry, on évolue dans l’univers familier du canton de Vaud et l’intrigue est aussi simple qu’universelle: la Fatalité – et le sentiment d’injustice qui lui est souvent consubstantiel – mais une fatalité essentiellement sociale, produit d’un monde clos où le notable a tous pouvoirs, Et l’auteur de se livrer à une féroce critique d’un ordre immuablement établi pour le seul intérêt du plus fort, un ordre où dogme religieux, respect, clichés et dictons sont les gardes-chiourmes de l’autorité au mépris de toute justice et souvent aux dépens du plus faible, du plus pauvre, du plus sincère.

    La vie d’Henri Froment, dit «Riquet», prend son cour tragique à huit ans par un coup de malchance type: il est au mauvais endroit au mauvais moment. Alors qu’il capture des grillons dans une boîte d’allumettes vide, il reste fasciné devant la beauté des flammes qui ravagent la ferme du Syndic. Pire, il a croisé sur les lieux Monsieur Armand, l’adversaire politique du Maire, et accessoirement – le lecteur le devine aisément – l’incendiaire de la ferme. L’enfant devient un coupable d’autant plus idéal qu’il ne peut se défendre, le machiavélique Monsieur Armand, bourreau aux allures d’ange, faisant le reste, lui qui a naturellement pris la succession du syndic déchu et qui n’aura de cesse d’attiser, avec les apparences du bon protecteur, la culpabilité de celui qui pourrait le confondre.

    L’intérêt de l’intrigue, dont l’issue ne fait aucun doute dès le début, vient de la perversité des rapports entre les deux personnages, et la perversité vient de la connaissance que ces personnages ont de la vérité des faits: Armand sait que Riquet sait, et Riquet sait qu’Armand sait qu’il sait. Et comme le lecteur lui aussi sait qu’Armand sait que Riquet sait et que Riquet sait qu’Armand sait qu’il sait (vous suivez?), on se retrouve tous plongés dans la face sombre et ambiguë des rapports bourreau-victime.

    Il vient aussi de la description féroces des tares humaines, où la bêtise, l’ignorance, la lâcheté, l’opportunisme – tout ce qui compose l’hommage des médiocres – finit immanquablement couché aux pieds de la fatuité et de l’autorité (le portrait du psychologue parisien qui donne la caution scientifique au supposé geste de Riquet, sans même chercher à savoir s’il l’a réellement commis, en est l’exemple le plus frappant).

    Il vient surtout de cette question récurrente dans le texte – et qui nous obsède tous – des relations entre le caractère d’un homme et la forme de son propre destin, dont dépendent ontologiquement les notions de Justice et d’Injustice. «Le caractère c’est le destin» prétendait Novalis. Le destin de Riquet, malgré l’acharnement d’Armand et le poids d’une société faite pour le riche aux dépens du pauvre, n’échappe pas tout à fait à cette vérité, tant on a par instants l’impression qu’il pourrait se soustraire à la fatalité que le cacique du village fait peser sur lui. Quel sentiment pervers l’en empêche alors? Quelle direction pourrait-il donner à son existence hors de la persécution qui lui a donné sens? Livrée à la seule logique de l’injustice sociale, l’intrigue eût vite perdu de son intérêt sans cette ambiguïté, par ailleurs (et c’est là une petite faiblesse du livre) insuffisamment développée à mon goût.

    Quiconque se met à considérer la forme d’une destinée doit admettre que les événements qui la composent sont à la fois nécessaires et contingents, qu’on est en même temps libres et déterminés, qu’on vit dans un monde de spéculations, de «si» et de «peut-être» où le hasard, la nécessité, l’ignorance et le choix s’entremêlent. Au final, ce qui peut apparaître comme un chemin relativement droit n’est rien d’autres qu’une complexe série de carrefours. Un peu comme ces incessants détours, ces sentiers tortueux que prend Riquet – métaphores de son propre destin – afin d’échapper à une fatalité qu’il contribue par là-même à façonner pour son seul malheur, lui qui revient finalement, alors que rien ne l’y obligeait, sur les lieux où règne son persécuteur («On rencontre sa destinée souvent par les chemins qu’on prend pour l’éviter» écrivait La Fontaine dans L’Horoscope).

    C’est précisément sur un de ces sentiers que le lecteur fait la connaissance, au début du roman, d’Henri Froment adulte, en route, par le chemin des écoliers, vers une mort annoncée depuis une enfance qui surgit au gré des chapitres pour éclairer un présent aux accents universels et tragiques... 

     

    C.– F. Landry, L’Affaire Henri Froment, camPoche, 2012

     

  • Droit de réponse

     Monsieur Philippe Renaud, professeur et écrivain, réagit à un article paru sur Blogres le 3.10.2013, et intitulé: Aimons les écrivains vivants! (AB)



    Philippe Renaud                                                                                La Chaux-de-Fonds, le 3 octobre 2013

    19 rue du Manège

    2300 La Chaux-de-Fond

    Tél. 032/968 09 75

    philippe.renaud@bluewin.ch

     

    A Monsieur le responsable de Blogres

     Tribune de Genève

     Rue des Rois 11

     1204 Genève

     

     

     Cher Monsieur,

     

    J’ai rarement lu un texte aussi empreint d’ignorance et de vulgaire agressivité que celui que Blogres vient de publier sous le titre Aimons les écrivains vivants ! Je suis l’un des « cuistres » qui ont préfacé et « noyé sous les notes » les romans de Ramuz dans deux volumes de la Pléiade. Qui ont consacré à ce travail malaisé un temps énorme et de manière quasi bénévole, sous la direction d’une des personnes qui ont le plus et le mieux œuvré à faire connaître des écrivains suisses en majorité bien vivants en Europe et aux USA en particulier, Madame Doris Jacubek.

     

    Si l’auteur anonyme de ces amabilités avait simplement feuilleté les volumes de la Pléiade, il aurait vu que les cuistres, pour n’en citer que quelques-uns, se nomment Daniel Maggetti, Alain Rochat, Jérôme Meizoz, à qui devait s’adjoindre un cuistre qui s’est suicidé, à savoir Adrien Pasquali. Il aurait constaté que, loin de « noyer » les textes ramuziens, les notes, indispensables à la compréhension de certains termes, coutumes, etc. ici même en 2005, en France et dans les très nombreux pays étrangers qui lisent les ouvrages publiés par la Pléiade, sont reléguées en petits caractères à la fin des volumes dont elles n’occupent qu’entre un sixième et un septième.

     

    Il saurait aussi que l’œuvre de Ramuz, loin de connaître une « déroute parisienne », a été considérée en France comme l’une des plus importantes de son temps et traduite dans plusieurs langues.

     

    Je signale aussi à l’auteur de cette lettre qu’aucun des lecteurs avertis de Kafka ne met en doute son humour, et qu’il figure en bonne place avec un long commentaire dans l’Anthologie de l’humour noir du cuistre André Breton. Idem, que Nicolas Bouvier a joui de son vivant d’une réputation confinant parfois à l’idolâtrie, car il avait, en France surtout, beaucoup de fans. Quant aux propos de cette dame ou de ce monsieur sur les « quelques exemplaires » vendus d’Ulysse du vivant de son auteur, et sur ses publications précédentes, mieux vaut s’abstenir de tout commentaire.

     

    En espérant que vous aurez l’obligeance de publier ma cuistre mise au point, je vous prie de croire, cher Monsieur, à mes sentiments les meilleurs. Je profite de cette occasion pour vous dire que je suis un lecteur assidu et heureux de Blogres. D’où mon étonnement.

     Philippe Renaud

  • La causerie Fassbinder, par Jean-Yves Dubath

     


    Par Alain Bagnoud

    Jean-Yves Dubath, dont j'apprécie l'écriture (voir ici, ici et ici), vient de sortir un nouveau livre, La causerie Fassbinder. Un roman singulier qui se compose de dialogues et forme un objet littéraire peu identifiable. Abstrus, peut-être. Mais pas du tout abscons.

    Cinq amis sont réunis autour de Gabriel, le narrateur (manifestement un double de l'auteur, lequel a rencontré certains des comédiens dont il parle). Ils évoquent le cinéaste Fassbinder, commentent ses films, ses actrices, ses climats.

    Jean-Yves DubathC'est érudit, labyrinthique, étrange, charmeur, déconcertant, obscur, plein de nostalgie, d'amour et de désir, de noms à demi-oubliés et de scènes suggérées. Du coup, le lecteur est ravi, décontenancé ou complètement perdu, surtout si, comme moi, il n'a que quelques souvenirs vagues de certains des films de Rainer Werner Fassbinder.

    Mais qui a dit qu'il fallait tout comprendre ? Le livre est étrange ? Les personnages et la structure nous échappent ?

    On peut aussi y grappiller comme dans une vigne dont la vendange est mûre. Et chez Dubath, les raisins sont savoureux.



    Jean-Yves Dubath, La causerie Fassbinder, roman, Hélice hélas