holder bis
par antonin moeri

J’aimerais revenir sur le dernier livre de Holder qui m’a enchanté. C’est aussi le système narratif mis place par l’auteur qui est épatant. Ainsi, dans «Farid et les Viennois», un narrateur se souvient-il. Il avait 19 ans, il étudiait à Aix, quand il fit la connaissance de Farid, serveur dans un bouiboui de cette ville. Le narrateur donne des coups de main au beau Tunisien et, en été, il trouve un job dans une galerie d’art. Ils vont voir des opéras et, un soir, ils commandent des salades dans une gargote. Farid raconte.
L’année précédente, il fait la connaissance de trois Viennois, Heinz, deux mètres, centre trente kilos, Markus qui porte des manteaux en cuir et Brigit qui voue un culte à la santé. Brigit suit des cours d’histoire de l’art, elle maîtrise le français, le russe et l’anglais. Elle adore le théâtre autant que la piscine. Elle aime Heinz. Avec eux Farid a l’impression de frôler continûment le danger. Il sort avec eux dans les boîtes et, un jour, il se rend dans l’appartement des Viennois. Brigit montre des livres d’art au Moricaud qui, sentant sa jambe contre la sienne et respirant son odeur, se met à bander. Un autre jour, Brigit vient de s’engueuler avec Markus qui part avec Heinz en claquant la porte. Elle pleure.
Tout ça, Farid le raconte au narrateur (ils sont assis dans la gargote). Il la prend dans ses bras puis la retourne contre le mur, lui ôte sa culotte. Elle n’est pas très entreprenante. Il lui graisse le trou du cul. «Je filai tout de suite au fond». Trois jours plus tard, Farid retourne chez les Viennois et tombe sur Heinz et Markus qui le jettent à terre. Alors, on a violé Brigit? Le gros Heinz pose son énorme postérieur sur la face du rat, dont le slip a été baissé. «Nous arrachons ou nous coupons?» Ils enduisent le sexe du malheureux d’une sorte de cirage pour le rendre impuissant.
Pendant des mois, Farid ne parvient plus à bander. Le narrateur le rassure. Ce n’était pas une sorte de cirage, c’était du cirage. «Tu t’es fait bizuter au cirage». Et un matin, Farid a retrouvé le sourire. Il vient de passer une nuit torride avec une prof d’anglais. Ce sont donc les confidences de Farid que le narrateur rapporte, trente ans après les faits. Cette histoire, il ne l’avait jamais racontée à personne. Il remercie le lecteur de l’en avoir débarrassé.
Le choix d’un récit enchâssé est bienvenu. Sans doute Holder a-t-il lu attentivement les récits de Maupassant. Mais la réussite de cette nouvelle tient également à l’ambiance des années septante que l’auteur recrée: Aix-en-Provence, la vie d’étudiant, l‘amitié pour Farid, l’irrésistible beauté de ce dernier, les soirées à l’opéra en sa compagnie. L’envie de mordiller les lèvres fuchsia de l’Arabe, d’effleurer ses grands cils courbes. Et puis, le repas dans la gargote. Alors seulement commence l’histoire de l’insoutenable violence. Et puis, retour au récit-cadre, où brille un être pour lequel l’auteur a ressenti une immense tendresse. Il y a certes la maîtrise technique dans ce récit, il y a surtout un élan vers ces gens de peu qui n’ont pas leur place sous les sunlights de l’Histoire, ces gens humbles et avisés qu’on a vite fait de classer dans la catégorie des sots.
Eric Holder: Embrasez-moi. Edition Le Dilettante, 2011


a Cavale du banquier ne sont pas de simples variations sur le même modèle. Ces romans ont des personnalités propres. Gilbert Pingeon sait diversifier ses effets. Son écriture est précise, rythmée, souvent ironique, sarcastique, apte à suggérer l’intériorité par la description des actes.
Ainsi donc la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de rendre l’argent moins cher en réduisant son principal taux directeur à 1%, le plus bas jamais atteint historiquement. Comme, dans le même temps, les agences de notation (américaines) s’efforcent d’abaisser la note des pays européens (même celle de l’Allemagne!), c’est donc une excellente nouvelle pour le système bancaire privé qui pourra emprunter moins cher et prêter plus cher. Il est vrai qu’après tous leurs excès et leurs âneries, leurs nécessités en recapitalisation sont (sous?) estimées à 114 milliards d’euro. Il faut bien aider les plus riches!
Un article paru le 22 novembre dans 24 Heures relate un fait divers représentatif d’une petite combine locale mais qui, en bout de course, reflète le mépris dans lequel on tient l’œuvre d’un artiste peintre : la fresque commandée en 1981 à Jean Lecoultre, pour l’inauguration du théâtre de l’Octogone à Pully, a été recouverte de plastique blanc 31 ans plus tard. Sur proposition de la directrice du théâtre, le syndic actuel, M. Gil Reichen, en charge des affaires culturelles, s’arroge le droit de faire recouvrir l’œuvre d’un plastique, sans doute pour être plus en phase avec les préoccupations actuelles ! Et tout cela s’est passé sans avertir l’artiste, qui habite à deux pas du théâtre, et sans en parler davantage aux pouvoirs politiques. Voilà qui rappelle les temps anciens où des « fous de Dieu » enduisaient de chaux les peintures dans les églises, au mépris des messages que les siècles précédents leur avaient transmis.

On peut citer là-dessus la postface qui dit cela mieux que nous ne saurions le faire: « La figure récurrente de l’interprète, du traducteur, de l’exégète, du philologue voire du pasticheur ou du policier, est celle de l’alchimiste dans son travail sur la
par Jean-Michel Olivier