nabe in forma (06/12/2011)

 

 

 

par ANTONIN MOERI

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Les romans qui se vendent sont souvent des romans dits «historiques». Leur auteur passe des heures, des jours, des semaines, des années à fouiner dans les bibliothèques, les archives et sur la toile pour amasser le plus d’infos sur tel ou tel personnage, pour que le lecteur puisse se dire: l’héroïne est née tel jour à telle heure (et c’est vrai!), elle fut allergique au lait maternel, elle écrasa une grenouille le mardi 24 septembre et fut violentée par son père le samedi 6 juin 19... Marc-Edouard Nabe ne s’embarrasse pas de ce genre de contraintes pour écrire son roman. Il utilise les scoops dont se servent Mlle Internette, Monsieur Figaro et Madame Ferrari pour faire leur beurre: affaire du Sofitel, disparition du Blackberry, arrestation dans l’avion, sortie du commissariat poignets menottés, pénitencier de Rikers Island, arrivée en jet d’Anne, intervention des gros bras du droit américain, caution énorme, la belle demeure du quartier de TriBeCa.

Le monde entier connaît les images, les commentaires, les récits qui serviront de trame à l’histoire que raconte Nabe. Tout le reste sort de son imagination délirante. Sur la piste du cirque Barnum vont se croiser une richissime Anne Sinclair taraudée par le devoir de mémoire et dont l’ambition est démesurée, un Dominique en bonobo prêt à bondir sur la première demoiselle bien roulée qui se profile à l’horizon, les Dupont et Dupond de la justice «divine», le bouledogue Martine Aubry, «une grande Noire avec d’énormes seins et un visage moche, un air gras et vide, des cheveux lissés au henné, un vrai cheval», description d’une Nafissatou Diallo qui est le seul personnage féminin, dans ce livre, pour qui l’auteur éprouve une véritable tendresse.

Faire de DSK un singe réduit à des pulsions incontrôlables, bave aux lèvres, faire de lui un mâle désabusé qui ne jouit que dans la transgression de certains tabous et ne semble pas excité à l’idée de mener une campagne pendant un an et de diriger un pays au bord de la faillite, relève d’une caricature un peu grossière. Réduire Anne Sinclair à la petite fille d’un collectionneur de tableaux milliardaire habitée par une seule idée: pousser son Dominique à la plus haute fonction et prête à écraser, pour arriver à ses fins, tout individu qui gênerait l’alpiniste dans son ascension, indique clairement l’intention de l’auteur: faire de cette comédie mondialement connue un carnaval de figures grotesques animées par les instincts les plus bas. Ce carnaval serait le reflet d’un monde staripipolisé qui, à la fois, dégoûte et fascine Nabe. Cet attirance-dégoût lui donne une énergie et un souffle qui dérangent certains virtuistes. Aux autres, je conseille de commander «L’Enculé» sur le site: www.marcedouardnabe.com. (24 euros)

 

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