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  • Victor Hugo en ZEP

    ANTONIN MOERI

     

     

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    «On aurait bien aimé réciter un poème» est une nouvelle d’Annie Saumont parue dans un recueil intitulé «Pages noires», chez Gallimard, en 1998. Ça se passe dans un collège de banlieue, une ZEP comme on dit. Dans une classe à problèmes, un élève voudrait réciter un poème de Victor Hugo qu’il a appris. Mais le chahut est tel qu’il ne parviendra pas à se faire entendre. Il trouve que la récitation d’un poème est un bon entraînement pour devenir comédien. Il essaie de comprendre ce texte. Il compare les pêcheurs mis en scène par Hugo aux pilotes de F1 qu’il admire à la télé. Or le prof stagiaire n’arrive pas à s’imposer, c’est le monstre bordel dans la classe, les gars pètent, sifflent et gueulent. Les filles ne parlent que de Bruel.

    Le stagiaire loue une chambre chez la mère de Lahi, une métisse qui deviendra sans doute aide-ménagère. Les élèves se demandent si le stagiaire va se mettre en ménage avec la mère de Lahi. Lahi parle des gros bras venus foutre la merde dans sa classe de rattrapage pour ceux qui ont du mal à s’instruire. Le père du narrateur trouve les profs cons. Le stagiaire ne sait plus quoi faire. Il hurle des menaces alors que certains élèves voudraient réciter leur poème. Un caïd se ramène et assomme le prof. Les flics débarquent. «Petit salopard, t’as fait du beau travail» qu’ils disent, au narrateur peut-être qui aurait tant voulu réciter son poème.

    Imaginer un ado né dans la zone et qui voudrait s’instruire n’est pas saugrenu. Ça existe les gars qui veulent lire, apprendre et se sortir du marasme. Annie Saumont en imagine un, elle se glisse dans la peau de celui qui regarde avec passion les courses de F1, qui ne comprend pas pourquoi son père méprise les profs à ce point. Il cherche un sens. Il essaie de comprendre ce que Victor Hugo a voulu dire avec ses pêcheurs, ses crépuscules obscurs, ses rudes batailles, ce bonnet de forçat mouillé, ces bourrasques, ces logis pleins d’ombre et ces gouffres qui tordent leurs plis démesurés.

    Annie Saumont n’idéalise pas ce garçon. Elle le fait exister dans un texte de dix pages qui n’a rien d’un constat sociologique, qui ne propose pas des solutions mais laisse les questions ouvertes. Que peut-il advenir d’un fils de pauvres rêvant d’apprendre pour sortir de la zone? Lui donne-t-on réellement sa chance, en ce début de XXI e siècle, pour construire une identité autre? Je me demande quelle réponse donnerait Annie Saumont. En tout cas, elle ne le fait pas dans cette singulière nouvelle, modulée comme un chant sur les incertitudes de la vie moderne. Le conditionnel passé du titre «On aurait bien aimé...» pourrait signaler un certain pessimisme, une sorte de résignation que seul son travail sur les mots, le langage contemporain, les ruptures et la ronde des points de vue, son habileté à tisser dialogue et récit en un flux très maîtrisé peut redéployer dans un film où la poésie bouscule l’ordinaire.

    Annie Saumont: Pages noires, Gallimard, 1998

     

  • Fracas, de Pascale Kramer

    Par Pierre Béguin 

    La vanité est un instinct. Il n'en est pas d'intelligente. Comme il n'est pas d'homme qui ne soit avant tout vaniteux. Ainsi, la position du paillasson approbateur est-elle à peu près l'unique attitude par laquelle les êtres se tolèrent. Que les frustrations, les rancœurs, les jalousies l'emportent sur le mensonge ou l'hypocrisie et tout le monde se débraille aussitôt, pourrit et se met invariablement à puer de la gueule. Même, ou parfois surtout, en famille. Comme l'écrit Céline: «On rote, on fait ensemble en famille. On se hait à plein sang, c'est le vrai foyer mais personne ne réclamPascale Kramer.PNGe, parce que c'est tout de même moins cher que d'aller vivre à l'hôtel».

    Que se passe-t-il lorsqu'un événement inattendu fait éclater le mensonge, l'hypocrisie familiale, et qu'un (ou plusieurs) membre(s) «réclame(nt)»? C'est cette situation qu'explore le roman de Pascale Kramer, Fracas, paru en 2007 au Mercure de France.

    Un double événement, dans ce cas, ou plutôt un double séisme:

    Le premier, bien réel, provient du déluge qui s'est abattu sur cette région désertique de la Californie où se trouve la villa familiale. Valérie, la fille, et Cyril, le fils accompagné par sa tribu - Ellen, sa femme, et ses enfants, Lucie, Aude et Théo - viennent le week-end pour aider leurs parents à remettre de l'ordre dans le jardin dévasté. D'autant plus que des éboulements ont laissé un gros rocher en équilibre précaire, menaçant de s'écraser à tout moment dans la propriété.

    Le second, qui touche la sphère intime, est déclenché par un téléphone, reçu le matin même, annonçant l'accident très grave de Cindy, la jeune «nounou» des enfants de Cyril... et accessoirement la maîtresse occasionnelle du père, un médecin retraité dont on va progressivement, en même temps que Valérie et sous l'impulsion de Cyril, découvrir l'insondable veulerie.

    Le péril du rocher constitue la véritable colonne vertébrale de l'action. En ce sens, il représente bien davantage qu'un effet de tension dramatique ou qu'un symbole des dangers qui menacent le fragile équilibre familial avec ses secrets inavouables. Il est avant tout un révélateur de la personnalité et des comportements de chacun. Tout personnage se détermine, se révèle même, par le regard qu'il porte sur le danger - réel ou imaginaire selon les points de vue - que constitue ce bloc de pierre en suspension sur le jardin. Ainsi, le père, narcissique, indifférent, peu concerné par son ménage et dont «la capacité de résistance ou d'imperméabilité au drame» semble sans limite, n'est pas du tout inquiet par la menace du rocher: «L'envie de ne pas s'inquiéter pour le rocher participait chez lui de cette même insoumission à l'effort». Tandis que Cyril, le fils, violent, sauvage et cynique (on songe à Joseph dans Barrage contre le Pacifique), s'active pour dynamiter le rocher au plus vite comme il veut secouer l'hypocrisie familiale, la candeur paresseuse de sa sœur, et la soumission stoïque de sa mère aux infidélités et aux mensonges incessants de son mari. Quant à Valérie, dont la naïveté face aux mensonges de son père semble solidement ancrée dans son égoïsme, elle hésite, penchant tantôt vers la solution du dynamitage, tantôt vers le laisser-faire. La mère, elle, se tait, fait semblant de ne rien voir et s'active à effacer toute trace du déluge comme elle efface toutes celles susceptibles de ternir la réputation de la famille.

    Il est 17 h 30. Les enfants et petits enfants quittent la villa. Le dernier regard de Valérie sur son père le révèle «sous la masse toujours plus sombre du rocher», comme si sa réputation, cette fois, n'allait pas échapper au «fracas» de la chute: l'annonce du rétablissement de Cindy devrait révéler au grand jour sa veulerie et les détails de sa liaison. Du moins le pense-t-elle.

    Rien n'est moins sûr, pourtant. Le courage semble manquer à toute la famille pour aller vraiment au fond des choses. Ignominie pour ignominie, il est possible qu'ils préfèrent tous, sans vraiment se l'avouer, celle qui ne fait pas de bruit à celle qu'on étale sur la place publique. C'est la loi de la famille et de ses secrets. La journée terminée, la terrasse nettoyée, les transats rangés, la barrière de scotch retirée - toute chose remise à sa place, toute trace du désastre effacée par la diligence insatiable de la mère - ils s'en retournent à leur insipide histoire personnelle, à leurs petites blessures. Dont on comprend, aux états d'âme de Lucie (que Valérie perçoit avec une complicité révélatrice) et à la plaie ouverte de Théo, qui a posé le pied sur les dents du râteau utilisé pour nettoyer le jardin, qu'elles ne vont pas épargner les petits enfants. Ainsi en va-t-il des névroses familiales qui se propagent d'une génération l'autre aussi sûrement qu'un virus. Et l'on imagine très bien le père, bien que principal artisan de cette contamination névrotique, s'en retourner lui aussi en toute bonne conscience s'empiffrer froidement de la poule, avant de se gratter les burnes avec une indifférence d'éternité. Peut-être...

    Il y a du Chabrol dans ce huis clos des hypocrisies discrètes de la bourgeoisie où règnent les non-dits, même si la comparaison fait un peu cliché. Disons qu'il y a quelque chose de très cinématographique. Le visuel domine à chaque phrase. Tout dans les apparences nous est donné à voir parce que seuls des détails anodins soulèvent le voile sur ce que les uns essayent de dissimuler, et les autres de ne pas remarquer. Chaque précision compte - et elles sont légions -, égrenées, comme les cailloux du petit Poucet, avec une grande maîtrise narrative. Il suffit de suivre les pistes. Ainsi les objets révèlent-ils ce que les sujets s'efforcent le plus souvent de cacher. Le pull over par exemple - ses positions successives, tantôt noué sur les épaules, tantôt posé sur la chaise ou sur les genoux - raconte quelque chose des états d'âme de cette caricature de «mère courage» qui s'efforce de ne rien laisser filtrer de ses ressentiments. C'est une croûte de pain pincée entre les doigts de Cyril, ou une égratignure qu'il s'est fait dans les buissons, et dont il gratte machinalement le sang séché, qui révèle sa violence à peine contenue. Même le râteau a son histoire, ce râteau que la mère, dans sa volonté de tout «prendre sur elle», a retourné dents contre terre pour éviter qu'un enfant ne s'y blesse, et qui blessera pourtant Théo. Comme pour suggérer la vanité de ses efforts et donner raison à Valérie qui se demande, en la regardant s'évertuer seule à maîtriser le chaos, «à quoi rime tant de souffrance et d'humiliation, à quoi sert tant d'obstination à soigner l'apparence des choses quand la réalité n'est que cela, qu'on le sait, et qu'on sait que tôt ou tard, elle se saura».

    Le style est dense. Il n'épargne pas l'adjectif et s'avance comme un chasse-neige ramassant de front plusieurs plans ou idées dans une même phrase, le plus souvent à prédominance complexe. Comme la multiplication des détails, il requiert l'attention du lecteur, pour ne pas dire sa participation. Mais ce dernier ressentira alors la véritable jouissance de la lecture, la magie qui fait découvrir, une fois la mince couche narrative soulevée, le bouillonnement, la complexité de tout un monde...

    Pascale Kramer, Fracas, Mercure de France, 2007

  • Saumont scandale

    ANTONIN MOERI

     

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    L’idéalisation de l’enfant m’a toujours semblé suspecte. Quand il veut connaître ou savoir quelque chose, l’enfant est prêt à tout, à frapper, casser, blesser ou crever l’oeil d’un chat. A l’âge de sept ans, mon fils a lancé une pierre sur une grenouille, lors d’une sortie scolaire. Sa maîtresse nous a convoqués, ma femme et moi, elle a évoqué le caractère impossible de notre fils, elle nous a conseillés de prendre rendez-vous chez un psychologue.

    Dans «Marie», Annie Saumont met en scène une gamine qui écrase les fourmis, accroche des vers de terre aux branches du groseillier, empale une chenille sur un piquant d’aubépine, donne un coup de pied au chien. Ce que Marie aime faire, c’est déranger le bon ordre de l’univers. Elle ne supporte pas la fille au pair qui s’occupe d’elle quand papa est en voyage d’affaires et que maman est en cure. Or maman s’entend très bien avec Louise, la fille au pair. Marie les a vues se caresser sur le lit conjugal. Elle menace de rapporter la chose à papa. Une vraie emmerdeuse cette gamine! Bientôt, une autre fille au pair va arriver, car Louise doit partir, pour aller retrouver maman dans sa station thermale. Marie a très envie de l’empoisonner, cette Louise qui finira par proposer à la petite garce de l’accompagner dans la jolie ville d’eaux. Mais maman est trop impatiente de revoir, de caresser Louise qui partira finalement seule à la gare.

    Toute la cruauté de l’enfant ulcéré par les simagrées, la veulerie, les mensonges, les faux semblants et l’hypocrisie des adultes, cette cruauté impitoyable, raffinée, que les bonnes âmes voudraient ranger dans le placard d’un passé honni, cette férocité est subtilement, ironiquement montrée, racontée, mise en mots par un auteur qui ne craint pas de ridiculiser la nouvelle religion universelle de l’Enfant, cette sacralisation d’un enfant qui n’existe que sur les affiches publicitaires, dans les films idiots et le jargon des enseignants: c’est-à-dire une image, un stéréotype.

    Je préfère de loin l’enfant qu’Annie Saumont met en scène. L’humour noir de cet écrivain n’interdit pourtant pas la tendresse. Une tendresse qui n’a strictement rien à voir avec le baratin compassionnel qu’on entend partout à longueur de semaines, de mois et d’années, dans cette fabrique de la positivité qu’Annie Saumont affronte, décortique, tourne en ridicule et piétine avec un malin plaisir qui n’est pas sans rappeler celui de Marie empalant une chenille sur un piquant d’aubépine.

    Annie Saumont: «Moi les enfants j’aime pas tellement», Julliard, 2001

     

  • Quand Rousseau dit tout

     

    Par Alain Bagnoud

    Jean-Jacques Rousseau

    L’année Rousseau a donc été lancée officiellement avant-hier. Ce qui nous donne un bon prétexte pour lire ou relire cet auteur genevois.

    Je conseille évidemment Les Confessions, qui est un récit éminemment vivant. Ce livre autobiographique, qui nous fait connaître la vie de Jean-Jacques, a un aspect qui intéressera surtout notre époque. Rousseau est le premier sans doute qui a parlé clairement de sa sexualité.

    Il y avant bien avant lui les romans lestes du XVIIIème, mais ils appartenaient à des catégories convenues qui mènent en droite ligne à ces productions actuelles que sont la pornographie et l’érotisme. Lui, Jean-Jacques a parlé de sa sexualité propre avec ce que celle-ci avait de personnel, de spécifique - et a révélé aussi en passant la vie intime de ceux qui l’entouraient, Mme de Warens, Mme de Larnage, par exemple.

    C’est ça qui choquait si fort Chateaubriand. Lui, grand séducteur pourtant – ce que Rousseau n’était assurément pas – glisse sur ses amours dans ses Mémoires d’outre-tombe, lâche parfois une allusion, garde le plus souvent le silence. Ce n’est pas le cas de Jean-Jacques qui s’attache à tout dire.

    Et pour l’irruption de l’intime, dans la littérature, c’est une irruption explosive. L’auteur ne cache rien. Sur Thérèse: « je n’ai jamais senti la moindre étincelle d’amour pour elle, [...] je n’ai pas plus désiré de la posséder que Mme de Warens et [...] les besoins des sens, que j’ai satisfaits auprès d’elle, ont uniquement été pour moi ceux du sexe, sans avoir rien de propre à l’individu. » Il a tout de même connu l’exaltation charnelle grâce à Mme de Larnage, qui avait vingt ans de plus que lui, et était mère d’une fillette de quinze ans, dont elle lui avait promis qu’il serait fort caressé. Ce qui plongeait Jean-Jacques, qui en avait 26, dans des rêveries délicieuses et coupables...

    Plus choquant, on apprend tout sur son masochisme, son exhibitionnisme, son goût du plaisir solitaire. Ce qui est surtout moderne dans cet étalement, c’est qu’en bon analyste, Rousseau, après avoir dévoilé ses goûts, tente de remonter à leur source.

    Mlle Lambercier, sœur du pasteur chez qui il était en pension enfant, serait ainsi à l’origine de son attirance pour un amusement qu’il a pratiqué seulement avec la petite Goton de la rue de Coutance, faute d’oser le demander à ses autres partenaires, parce qu’il était trop honteux pour le faire. La fessée. C’est ainsi qu’elle l’a puni à deux reprises. Voici la cause et voici l’effet.

    L'explication a le mérite d'exister. Mais on ne peut s'empêcher de penser que tous les enfants de l'époque se faisaient fouetter. Pourtant ils ne développaient pas systématiquement cette envie qu’avait Jean-Jacques d'être aux genoux d'une maîtresse impérieuse, d'en recevoir des ordres, d'obéir avec délices...

  • révolution sexuelle (Holder toujours)

     

     

    ANTONIN MOERI

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    Dans les années septante, la mode était de préférer la campagne à la ville. On allait dans le Sud s’acheter une ferme et cultiver les choux, la vigne ou les radis. C’est ce que firent les parents du narrateur. La pompe hydraulique ayant besoin de réparation, le père fait appel à Antoine qui répare l’appareil en moins de deux. Antoine a quitté une bonne situation dans le Nord pour faire plombier dans le Sud. Sa compagne, Blandine, est une blonde canon qui vit en autarcie avec son copain. Le narrateur a alors quatorze ans, il va prendre des leçons de piano chez cette femme qui croit en Jésus-Christ et qui va à la messe tous les dimanches. Un jour de pluie, la leçon de piano est interrompue par l’arrivée de Renato, un électricien tendre et viril, meilleur ami d’Antoine.

    Le lecteur ne saura pas qui a fait des confidences au narrateur. Ce dernier apprendra que Blandine a hésité avant de s’abandonner dans les bras du bel Italien. Renato «verrouille la porte, la déshabille en un tournemain». Blandine attendait ce moment avec impatience, ne supportant plus l’ennui où Antoine la confinait. Renato a du doigté, il sait y faire avec les femmes, il colle la bouche contre le sexe de Blandine et aspire le bourgeon. Les cuisses de Blandine tremblent, ses orteils se recroquevillent. Non! supplie-t-elle quand elle touche au paroxysme.

    Intrépide, fougueuse, passionnée, elle se glisse sous lui pour laper ses bourses et lécher sa verge. Elle a décidé de s’offrir «un festin de voluptés défendues», car l’époque prône la «révolution sexuelle». Ce corps nouveau, elle va le dévorer. Elle jouit plusieurs fois. «Il lui souriait avec bienveillance, comme s’il était fier d’elle». «Tou aimes la bite». La crudité des mots fait sauter le verrou. Elle ne s’empêche plus de hurler. Renato lui ouvre la porte d’une autre vie, à Lecce, Gallipoli ou Bari, où elle mangera des salades aux pieuvres fondantes, le sarago grillé, on ira brûler des cierges à Jésus, j’ai de l’argent, nous ouvrirons un commerce.

    Tout le village est désormais au courant de cette relation torride, car on entend des hurlements dans la maison du plombier. «Vous entendez ça? Le brame du cerf, à côté?» C’est en l’enculant que l’électricien finit ces séances. Les hurlements sont tels que les mères enferment les bambins dans leur chambre et augmentent le volume de la radio. Après avoir été cognée par Antoine, Blandine part à Vintimille avec Renato, où ils ouvriront une pizzeria. Antoine vivra avec la mère de Blandine. Elle aussi, poussera des rugissements qui rendront les voisins songeurs. Le narrateur imagine, pour terminer, qu’ils vivent toujours ensemble, Antoine et la mère de Blandine, et qu’ensemble ils vont à la messe.

    Comment raconter mieux cette génération post-68? On connaît les évocations de Houellebecq, beaucoup plus grossières, moins nuancées, j’aurais envie de dire beaucoup plus lourdes, moins enchantées. Et ceci parce que l’écriture de Holder n’est jamais aguicheuse, clin-de-l’oeillesque, relâchée ou vulgaire. L’auteur n’a pas besoin de s’appesantir sur les empoignades et les emmanchements. Il y a une économie et une délicatesse dans la phrase désencombrée de Holder qui permet au lecteur d’asseoir la beauté sur ses genoux, d’inventer «de nouveaux astres, de nouvelles chairs», d’entendre «le récit des ébats» de Blandine.

    Je vous recommande l’achat de ce bijou. Il vaut des pépites.

    Eric Holder: Embrasez-moi, Le Dilettante, 2011

     

  • Un tour du monde en 1158 jours

    Par Pierre Béguin

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    Le 7 janvier 2012, le navigateur breton Loïck Peyron s’adjugeait le trophée Jules Verne en bouclant un tour du monde sans escale en 45 jours. Son bateau mesure 40 mètres de long, 47 mètres à hauteur de mât, et embarque 13 membres d’équipage. Son arrivée à Brest, couverte par tous les médias, fut triomphale…

    Le 27 juin 1898, à une heure du matin, un voilier de 11 mètres mouille l’ancre à Newport, Rhode Island, où un violent ouragan l’a forcé à se réfugier. A son bord, un marin de cinquante-quatre ans vient de réaliser, après un périple de quarante-six mille milles (plus de quatre-vingt cinq mille kilomètres), le premier tour du monde à la voile en solitaire. Le voyage aura duré trois ans, deux mois et deux jours…

    Le bateau se nomme le Spray et son marin Joshua Slocum, un Canadien en quête de gloire né à Wilmot le 20 février 1844. Tous les deux s’attendent à entrer dans l’histoire maritime. Il n’en sera rien. A cause d’une guerre, l’exploit passe inaperçu en Amérique. Ni gloire, ni reconnaissance. Au mieux un accueil poli et un retour à la précarité pour cet aventurier écrivain, inlassable baroudeur des mers au caractère endurant et à la volonté bien forgée qui a fui, à peine adolescent, l’autorité et les sévices paternels.

    Pour vivre, il renoue avec l’écriture et les conférences. Le récit de son périple, publié d’abord en feuilleton, sort en volume le 24 mars 1900 sous le titre Sailing Alone Around the World (traduit en français par Seul autour du monde sur un voilier de onze mètres). Il sera régulièrement réédité et deviendra un livre culte. Un siècle plus tard, il l’est toujours.

    Le Spray est un dragueur d’huîtres à l’abandon depuis sept ans dans une prairie de Fairhaven. Un ami lui en fait don. Joshua Slocum est alors en creux de la vague. Il a perdu sa femme Victoria qu’il adorait, son bateau Liberdade qu’il aimait, son livre Voyage du Liberdade est un échec et ses poches sont vides. Pendant plus d’une année, il reconstruit la coque de l’épave avec un chêne de prairie qu’il abat lui-même. Il lui en coûtera 553,62 dollars pour remettre le Spray en état de navigation.

    Le premier juillet 1895, il appareille de Boston avec 1,86 dollar, cap sur les Açores, puis Gibraltar. Il tombe malade, il délire. La présence de pirates le dissuade d’emprunter le canal de Suez. Il décide de faire demi-tour et de rejoindre l’Atlantique pour atteindre le Brésil. Une felouque arabe le prend en chasse. Slocum empoigne son fusil pour un combat aussi inégal que désespéré. Au moment où les pillards s’apprêtent à aborder cette proie solitaire et facile, un coup de vent salvateur démâte leur embarcation…

    Canaries. Cap-Vert. Puis, fin octobre 1895, Pernambuco (aujourd’hui Recife). En serrant de trop près la côte, le voilier s’échoue sur un haut fond. Slocum, qui ne sait pas nager, manque se noyer.

    Trois mois plus tard, il embouque le détroit de Magellan où il affronte pendant deux jours une violente tempête qui le laisse exsangue de toute force. Dans les redoutables canaux de Patagonie, il fait face aux williwaws – de furieux coups de vent de l’océan – et des sauvages renégats qu’il met en fuite en semant des clous de tapissier sur le pont du Spray.

    Le 3 mars 1896, il débouche sur le Pacifique où un violent ouragan le fait dériver pendant plusieurs jours le long de la Terre de feu et du cap Horn. Le 26 avril, il atteint les Îles San Fernandez (l’île de Robinson Crusoe), avant de mettre le cap sur les Marquises, où Gauguin s’apprête à débarquer, puis sur les Îles Samoa où, très ému, il rencontre Fanny Stevenson qui lui offre des Instructions nautiques de son célèbre époux défunt.

    Le 10 octobre, c’est l’Australie. Pour se renflouer financièrement, il donne plusieurs conférences à Sydney, Melbourne et en Tasmanie. Il reprend la mer, cap sur l’Afrique du Sud. Voici le détroit de Torres, l’océan Indien, Coco Keeling, Christmas, l’Île Maurice. Au large de Bonne-Espérance, comme il se doit, c’est une alternance d’enfer et de calmes plats. Voici encore l’Île Sainte Hélène, terre d’exil de Napoléon, puis l Île de l’Ascension. Au large des Antilles, il faut se méfier des courants et des vents. Il multiplie les conférences d’une île à l’autre, avant l’ultime tempête au large de Newport, après 1158 jours de navigation autour du monde.

    Il lui reste 11 ans à vivre. Il en passe 10 à se morfondre à terre dans une plantation d’arbres fruitiers avant d’appareiller une dernière fois, en décembre 1909, sur le Spray vieillissant pour rejoindre les Îles Caïmans. Le voilier, dans un état lamentable après de longues années d’inactivité, ne résiste pas à la première tempête soufflant de l’Est. Il sombre avec son navigateur au large du cap Hatteras. On ne reverra ni l’un ni l’autre…

    Il nous reste de cette vie fabuleuse son fameux livre Sailing Alone Around the World, qui continue d’illuminer les âmes aventureuses et d’éveiller – de Bernard Moitessier à Titouan Lamazou – de nombreuses vocations d’écrivains et de marins.

    Joshua Slocum, Seul autour du monde sur un voilier de onze mètres, Ed. Vent d’Ouest, 1997

    Seul autour du monde à la voile, Ed. La Decouvrance, 2010

     

  • Un écrivain est né !

    images.jpegpar Jean-Michel Olivier

    Souvent, dans la littérature romande, on respire mal. L’air y est rare. Quelquefois on étouffe. Il y a des barreaux aux fenêtres. Des murs partout. La porte est verrouillée de l’intérieur. Et même, parfois, une corde est préparée au salon pour se pendre. Le monde entier se limite à une chambre. Pourquoi écrire ? Comment sortir de sa prison ?

    Heureusement, de temps en temps, il y a des livres qui donnent le goût du large. L’aventure. Les rencontres. Les bagarres amoureuses. La vie, quoi. L’auteur est inconnu. Normal. C’est son premier livre. Il s’appelle Quentin Mouron. Retenez ce nom. Il a à peine vingt-deux ans. Il vit entre Bex et Lausanne. Il n’est pas seulement suisse, mais canadien aussi. Et ça se sent à chaque page. Le goût du large, on vous disait. Les grands espaces. L'Amérique. Le bruit de l’océan qui vous réveille après une nuit alcoolisée.

    Bien sûr, il faut passer l’écueil du titre, Au point d’effusion des égouts*, qui est une citation du poète français Antonin Artaud. Il ne rend pas totalement justice au souffle, à la verve, à l’énergie singulière de l’écriture de Quentin Mouron, si rares sous nos contrées moroses et renfermées sur elles-mêmes.

    De quoi s’agit-il dans ce roman qui sort de l’ordinaire ?

    D’une longue errance, à travers l’Amérique, d’un jeune homme en rupture de ban et de famille. Il a quitté la Suisse et, comme tant d’autres, il est parti à la conquête de l’Amérique. Son voyage le mènera de la Cité des Anges (Los Angeles) à la Cité du Jeu (Las Vegas). C’est une quête d’identité ponctuée de rencontres tout à fait surprenantes. Il y a d’abord Paul, le cousin flic, qui accueille le narrateur pour quelque temps. Puis l’inénarrable Clara, trop grosse, trop névrosée, trop accro aux neuroleptiques. Mais combien attachante (un vrai sparadrap !). Portrait haut en couleur d’une femme qui semble droit sortie des romans de l’affreux Bukowski. Ensuite, il y aura Laura, trop maigre, trop pâle, trop versatile, qui laissera dans le cœur de Quentin une blessure incurable. Puis un soldat à la retraite, rescapé du Viet Nam, l’accueillera quelques jours dans la mythique Vallée de la Mort, aux confins de la Californie et du Nevada. Autre rencontre marquante, ressuscitée par la langue énergique, inventive et précise de Mouron.

    Il est rare, dans le petit monde de l’édition romande, on ne peut plus plan-plan, de découvrir un tel talent, non pas à l’état brut, mais à l’écriture déjà affirmée, nerveuse et personnelle. Il faut donc lire de toute urgence Quentin Mouron.

    Si vous ne me croyez pas, allez-y voir vous-même !

    * Quentin Mouron, Au point d'effusion des égoûts, Olivier Morattel éditeur, 2012.

  • 121 curriculum

     

     

     

    par ANTONIN MOERI

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    «121 curriculum vitae pour un tombeau» est un titre mystérieux. L’auteur en explique le sens. Dans la musique occidentale, le tombeau est un genre en usage dans la période baroque. Il est composé en hommage à un grand personnage. C’est une pièce de rythme lent et de caractère méditatif. Voilà exactement ce qu’a voulu faire Pierre Lamalattie: un tombeau des hommes et des femmes de notre temps.

    Ne s’intéressant plus à son avenir professionnel, le narrateur est relégué, à l’Institut supérieur du vivant, dans un bureau où il «travaille» comme conseiller d’orientation pour les étudiants. Situation idéale pour observer les gens de notre temps. Ainsi surgit un jour Marylou, une fille sensible qui en veut à tout le monde. Elle aurait voulu que ses petits amis et ses profs la comprennent. Elle ne peut guère envisager son avenir car elle est obsédée par son passé. Elle préfère rater sa vie pour avoir le droit de culpabiliser ses proches.

    La vie dans l’Institut est savoureusement décrite, c’est-à-dire les nouvelles méthodes de gestion, les nouvelles stratégies pour gagner la guerre économique, pour ternir l’image des indésirables avant de les virer avec le sourire, pour remplacer les supérieurs agréables et cultivés par des brutes sans états d’âme qui n’ont à la bouche que les mots «valeurs humaines» et «challenge», qui reprennent les termes de l’éloge funèbre de Pierre Bérégovoy pour célébrer le départ à la retraite de Nadine, des types à problèmes dont l’idée fixe est de trouver le maillon faible, de repérer les santés fragiles et de signaler les tire-au-cul.

    Se sentant dans le collimateur d’un dénommé Le Goff, parfaite incarnation du zélé manager à oeillères, le narrateur cherche à réaliser un projet d’exposition de ses 121 portraits et à retrouver une amie, mariée à un cadre qui ne pense qu’à sa carrière et à ses potes et qui n’a pas offert à Claire la vie dont elle rêvait. Une femme éternellement déçue mais qui a la cinquantaine nostalgique. Rendez-vous est donc pris à Brive. Une main descend sur les fesses. Comme c’est bon! Au bord de la Corrèze, sur un petit talus: «Ses seins, en suspension au-dessus de moi, dansaient souplement». Scène délicatement évoquée qui amène un souvenir d’adolescent pêchant la truite. Cette page de toute beauté annonce une longue réflexion sur l’idéalisme qui a le visage du dévouement et qui recèle une violence sans limites.

    Pour célébrer leurs retrouvailles, Claire propose au narrateur d’assister au mariage de Gigi et Fred. Le narrateur découvre avec horreur qu’il s’agit d’un mariage participatif. Les invités sont priés de préparer le vin d’honneur, les salades, les cakes, de mettre en place les ateliers. Tout ça, sous la houlette du futur marié, un ingénieur commercial exemplaire, musclé et très poilu, qui sait insuffler à tout le monde le sens du travail collectif, genre moniteur de colo. Le riz qu’on jettera sur les mariés le lendemain sera du riz issu du commerce équitable. Un riz jeté par des amis de la nature et des animaux qui veulent préserver la biodiversité et qui s’adonnent volontiers aux activités proposées: badminton, volley, pétanque, tir à l’arc, VTT, escalade, canoë, deltaplane, et qui montent volontiers sur l’estrade pour improviser des saynètes qui se veulent comiques, bref des gens qui ont le sens de la fête, qui respectent les «valeurs» et qui, au moment du rangement, ne fuient pas leurs responsabilités.

    Si la convivialité obligatoire et le festivisme citoyen sont épinglés avec humour et férocité, les prouesses de l’art contemporain donnent lieu à des pages d’un comique irrésistible. Par exemple cette exposition dans une chapelle. Des serpillières y sont suspendues et, à l’entrée, les piles de dépliants sont là pour expliquer la démarche. Le lieu est presque toujours vide, sauf les jours où déboulent les groupes scolaires qui y restent longtemps, à écouter les explications scabreuses des enseignants enthousiastes.

    Ce qui fait la force de ce roman, ce sont le détachement, l’ironie, la clarté du style et cette faculté qu’a Lamlattie de s’identifier à ses personnages pathétiques, de ressentir ce qu’ils ressentent. C’est la force critique de ce texte, vision d’un écrivain réaliste, effaré par l’esprit du nouveau capitalisme et qui veut regarder «ce monde comme s’il exprimait quelque chose.» Lamalattie eut envie de recueillir son message, sa poésie. Si ce livre est une parfaite réussite littéraire, c’est que son auteur n’a pas craint «d’affronter le coeur prétendument aimable du nouveau monde».

    Pierre Lamalattie: 121 curriculum vitae pour un tombeau,  L’Éditeur 2011

     

  • Horizons lointains

    Par Pierre Béguin

    horizons lointains.PNGDe la passerelle du Patna, Jim, qui n’est pas encore Lord Jim, scrute le large. C’est le début du voyage. Le crépuscule de l’océan le bouleverse et son âme se perd en des horizons lointains d’où nul cabestan ne pourrait l’extraire…

    Cette œuvre maîtresse de Joseph Conrad (1900), classée dans la liste des cent meilleurs romans anglais du vingtième siècle, est inspirée d’un fait divers lu dans le Times vingt ans plus tôt: l’abandon en pleine tempête par ses officiers du Jeddah, qui deviendra le Patna dans le roman, un navire chargé de pèlerins faisant route vers la Mecque (on retrouve le même épisode dans le Tintin Coke en Stock).

    Or donc, Lord Jim scrute le large, inconscient du drame sur le point de se jouer sous ses yeux et qui le concerne pleinement: «Son regard, balayant la ligne d’horizon, contemplait avidement l’inaccessible, mais ne voyait pas l’ombre de l’événement proche».

    Tout est dit du travers des hommes dans cette phrase. Incorrigibles et désespérants Don Quichotte dont l’avidité pousse les regards bien au-delà des dangers qui guettent leurs pas! Chaque début d’année me remet cette phrase en mémoire à la lecture des vœux et des inévitables prévisions de nos ridicules Cassandre de la bourse, de l’économie, de la politique, de l’astrologie ou du «monde comme il va» mal.

    La Fontaine, bien évidemment, en a fait une fable, L’Astrologue qui se laisse tomber dans un puits: «Pauvre bête, Tandis qu’à peine à tes pieds tu peux voir, Penses-tu lire au-dessus de ta tête ? (…) C’est l’image de ceux qui bâillent aux chimères, Cependant qu’ils sont en danger, Soit pour eux, soit pour leurs affaires».

    Moi, j’ai parfois l’impression que nous sommes comme ces personnages de dessins animés qui continuent de marcher dans le vide tant qu’ils n’ont pas pris conscience de l’absence de sol sous leurs pas. Et c’est sûrement pour cela, parce que nous marchons dans le vide, que nos regards se perdent dans des horizons lointains. Jusque dans nos comportements altruistes ou humanitaires.

    Ce concept de philanthropie télescopique est développé par Charles Dickens, au travers du portrait de la truculente Mrs Jellyby, dans un roman fleuve, Bleak House, paru en 1853. Mrs Jellyby est une femme de caractère entièrement dévouée à toutes sortes d’intérêts publics pour autant que ceux-ci prennent naissance le plus loin possible de sa personne physique. Son regard, comme celui de Lord Jim, balaye la ligne d’horizon humanitaire sans voir l'ombre des malheurs qui accablent ses proches. Au moment du récit, c’est le continent africain qui remue sa fibre philanthropique, à tel point que «ses yeux ne distinguent rien de plus proche que l’Afrique» (jusqu’à ce qu’un autre problème d’intérêt public, si possible encore plus éloigné, l’attire davantage, précise ironiquement le narrateur).

    On l’a compris, la philanthropie télescopique, pour le narrateur, n’est qu’une manière de souligner le manque d’empathie de Mrs Jellyby qui néglige les personnes autour d’elle pour des causes aussi lointaines qu’abstraites et, pour Mrs Jellyby elle-même, qu’un moyen de donner bonne conscience à son égoïsme, à son désintérêt de l’humain ou à son incapacité à regarder les malheurs de près. La règle ainsi posée par Dickens est simple: plus une personne exerce sa philanthropie dans la distance, plus elle ne fait que révéler son manque de philanthropie. L’amour pour son prochain, ce devrait être d’abord, et surtout, l’amour pour ses proches.

    Je connais une ou deux personnes très impliquées dans des ONG qui me font furieusement penser à Mrs Jelleby. Et beaucoup d’autres à Lord Jim. Moi-même, au moment d’écrire ces lignes, je ne suis pas certain de m’extraire du nombre...