Paul Thévenaz, étoile filante (Jean-Pierre Pastori) (08/07/2021)
par Jean-Michel Olivier
Il existe, dans le domaine de l'art, des destins fracassés, lumineux et injustes. C'est le cas du peintre et décorateur genevois Paul, dit Paulet Thévenaz (1891-1921), foudroyé à Chicago par une péritonite à moins de 30 ans. Jean-Pierre Pastori, grand spécialiste de danse, nous en restitue le parcours singulier dans un petit livre épatant*, publié chez InFolio, dans la collection Presto.
À l'origine, rien ne destinait Paulet Thévenaz à ce destin d'étoile filante. Père enseignant (à la fameuse et redoutée école du Grütli à Genève) ; notes scolaires assez médiocres ; manque d'application dans la vie quotidienne. Et pourtant, très tôt, des dons de dessinateur et de caricaturiste. Et une rencontre essentielle, déterminante, celle d'Émile Jacques-Dalcroze, qui lui inculque les bases de sa théorie du rythme et du mouvement.
Très vite, Genève devient trop petite pour lui, il se rendra en Allemagne, où la rythmique intéresse beaucoup de monde. Puis à Paris où il rencontre la fine fleur de la création contemporaine, imagine un projet de ballet avec Cocteau et Stravinski, dessine, peint, danse.
Jean-Pierre Pastori rend à merveille l'atmosphère effervescente du Paris des années 10, véritable fourmilière d'artistes géniaux. Thévenaz y trouve sa place grâce à ses talents de dessinateur et de peintre, mais aussi d'artiste complet qui place la musique et la danse au centre de l'acte de création.
La dernière partie de sa trop courte vie, Thévenaz la passera aux États-Unis, soutenu par plusieurs mécènes, fréquentant la bonne société de la côté Est, les rich and famous, parmi lesquels le poète Witton Byner, qui lui dédie sa Ballad Of A Dancer. Débauche d'activité : à New York comme à Chicago ou à Miami, Thévenaz peint, dessine, danse, décore, expose.
Mais la mort l'attend au contour : une péritonite le foudroiera à Chicago, laissant ses amis stupéfaits et bouleversés. « Jean Cocteau dira de ce garçon ardent, débordant de vie, épris de liberté, que c'était l'une des plus belles âmes qui soient. »
* Jean-Pierre Pastori, Thévenat, Formes et rythmes, édition InFolio, collection Presto (dirigée par Patrick Amstutz et Frédéric Rossi).
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