Bons baisers de Genève (20/02/2011)

Par Pierre Béguin

 

On fait grand cas de l'affaire des logements loués à vil prix dans le canton de Genève. La contagion, plus rapide encore qu'en Afrique du Nord, atteint déjà les autres cantons, ce qui ne manque pas de nous rassurer. On aurait pu croire à une nouvelle genevoiserie. Au mieux ce sera une romanderie. Bref, il paraît que ce dossier ne relève pas simplement de l'incompétence ou de la paresse mais qu'il recouvrirait toute une série d'infractions pénales, d'abus d'autorité, de gestion déloyale des intérêts publics, voire, peut-être, de corruption. Non!? Si! Au fond, un peu comme pour le scandale de la BCG mais avec des sommes dérisoires en comparaison. La politique genevoise n'a jamais eu le sens des proportions, ce n'est pas nouveau. Le MCG, comme on pouvait s'y attendre, a donc saisi la justice. Mark Muller, comme on doit s'y attendre, peut dormir tranquille. Même pas besoin d'interrompre sa sieste ministérielle. Au fond, un peu comme le procès de la BCG pour lequel on a toujours été certain, soit qu'il n'aura jamais lieu, soit qu'il débouchera sur des acquittements en série. Pourtant, le verdict est simple. Même moi j'ai les noms!

Pour cette affaire de logements à très bas prix, je biche d'autant plus qu'il s'agit d'un libéral. Vous savez, les libéraux ce sont ces gens extrêmement compétents dans tout ce qui touche à la finance et toujours très prompts à donner des leçons de bonne gestion des biens publics. Sur ce sujet, y en a pas deux comme eux! Tous des experts, des premiers de classe, nos amis les libéraux! Quant aux autres... Que voulez-vous, mon bon Monsieur, tout le monde ne peut pas être touché par la grâce des Lumières libérales, comme Hamlet se paye le luxe d'un spectre révélateur! Bon, là on les entend un peu moins, nos amis, et leur silence me remplit d'aise. Encore que. Il en faut plus pour leur ôter leur superbe. Tel celui qui, drapé dans une arrogance hiératiquement libérale, répond aux critiques en désignant la mauvaise gestion socialiste du parc immobilier de la ville. Comme dans un préau d'école! L'enfant s'absout en prétextant que son camarade a fait pire...

Il est vrai qu'avec les socialistes, ils ont beau jeu: «C'est pas d'ma faute, c'est mon prédécesseur!» s'exclame le conseiller administratif en charge du désastreux dossier de la Plaine de Plainpalais. Je ne sais pas pour vous, mais moi, quand j'ai découvert son nouveau revêtement, à la Plaine de Plainpalais, la première chose que je me suis dite c'est: «Mais comment vont-ils faire pour la nettoyer?» Toute personne normalement constituée, avec trois neurones et une once de bon sens, s'est sûrement posé la même question. Et bien pas eux! Ils n'y avaient pas pensé, dis donc! Y a pas à dire, ils sont quand même forts!

Ce qu'il y a de bien avec la politique, c'est qu'elle nous fait nous sentir très intelligents. Un coup de mou? Une image négative de soi? Suffit de regarder notre microcosme politique et ça repart! Le pire, c'est qu'on ne va pas vers le mieux à voir certaines coquilles vides à grande gueule qui occupent le terrain médiatique et les listes électorales. L'autre jour, à l'heure de l'apéro, dans un wine bar à la mode, un de ces va-t-en campagne fait son apparition. A ma table, il aperçoit deux connaissances. Qu'il s'empresse de saluer d'une chaleureuse poignée de main et d'un sourire non moins chaleureux. Je ne le connais que par presse interposée. Il ne me connaît pas. Mais comme je lui tends la main pour saisir la sienne qu'il tend à toutes celles qui passent à sa portée (vous suivez?), il a un doute. Alors, ne voulant prendre aucun risque de froisser des susceptibilités et de perdre une voix: «Salut mon ami, comment vas-tu? Ça fait plaisir depuis le temps!» Et pendant deux minutes, à l'aide de formules passe-partout parfaitement maîtrisées, il me parle, même de moi, comme si j'étais son ami de longue date, au point que je me suis mis à en douter moi-même. M'étonnerait qu'il maîtrise ses dossiers, celui-là! Trop occuper à assurer son élection!

Décidément, je me demande bien où ils vont les chercher, leurs candidats. Alors qu'il y en aurait d'excellents au Café du Commerce. A commencer par moi...

 

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