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Ça nous amuse - Page 4

  • Testez vos connaissances en vocabulaire et orthographe

    Voici un test portant sur quelques cas particuliers d’orthographe d’usage. Les réponses demandées ne sont pas exhaustives et excluent les dérivés des mots qui formeront votre réponse. Les mots marqués d’un *, parce que plus rares ou difficiles, comptent triple. Accordez-vous 15 minutes maximum, le temps d’une pause. Bien entendu, l’usage du dictionnaire est interdit. A vous de jouer :
     
    Tous les mots commençant par : 


     

    AB               s’écrivent comme ABEILLE         sauf : *…      (1 réponse)
    AG               s’écrivent comme AGRAFE         sauf :  …      (2 réponses)
    BAL             s’écrivent comme BALADE          sauf :  …     (4 réponses)
    CAR             s’écrivent comme CARAMEL       sauf :  …      (4 réponses)
    CAT             s’écrivent comme CATALOGUE   sauf : *…      (1 réponse)
    DER             s’écrivent comme DERAPER        sauf :  …      (2 réponses)
    EC               s’écrivent comme ECORCE         sauf :  …      (2 réponses)
    IMM             s’écrivent comme IMMEUBLE      sauf :  …     (2 réponses)
    MAL             s’écrivent comme MALICE         sauf :  …      (2 réponses)
    PAL             s’écrivent comme PALABRER      sauf :  …      (2 réponses)
    PAR             s’écrivent comme PARALLELE     sauf :  …      (2 réponses)
    SOUFF         s’écrivent comme SOUFFRANCE  sauf : *…      (1 réponse)
    TAL              s’écrivent comme TALENT         sauf : *…     (1 réponse)
     

    (Les réponses ici)

    Total 34 points
    Excellent              : 34 – 28
    Bon                     : 27 - 21       
    Moyen                 : 20 – 14
    Médiocre             : 13 – 7
    Mauvais               :  6 - 0
  • Quand la démocratie vacille...

    Par Pierre Béguin

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    Des élections en Suisse  souvent me renvoient à un jour de juillet 1987 à Bogota. A cette époque, Fernando Botero, le fils aîné du célèbre peintre et sculpteur colombien, s’apprêtait à faire ses premiers pas en politique en briguant une place au législatif de la Mairie de Bogota. Son parcours électoral devait impérativement passer par la visite d’un certain nombre de tuburios – comme on appelle les bidonvilles en Colombie –, l’objectif étant, bien entendu, d’en accumuler le plus possible dans la même journée. Par l’intermédiaire de son beau-frère d’alors, un Suisse installé de longue date, et avec succès, dans la capitale, il nous invita, un ami et moi, à l’accompagner dans sa campagne en milieu très défavorisé. Peu au fait à ses débuts, semblait-il, des réalités sociales de son pays, il allait monter dans sa BMW lorsqu’un responsable du parti libéral lui fit comprendre clairement que ce véhicule était peu approprié aux électeurs qu’il se devait de rallier à son panache, non pas blanc mais néanmoins certain, il faut bien le reconnaître. C’est donc dans un cortège de Jeeps, flanqués d’une dizaine de gardes du corps et autant de fusils mitrailleurs que nous commençâmes la campagne électorale de Fernando Botero, sans très bien comprendre, par ailleurs, le rôle que nous étions censés y jouer.

    Il nous apparut très vite que, derrière le discours politique stéréotypé, se tenaient en fait des tractations dignes d’un souk: le candidat libéral promettait généralement, en contrepartie des voix de tout le bidonville, un arrêt de bus et des canalisations. Mais promesses de politiciens sont promesses d’ivrognes, là-bas comme ici. Toujours déçus, les électeurs pauvres se méfient des beaux parleurs. Et c’est là, précisément, que nous entrions en scène. Fernando Botero donnait à notre présence, dans son discours, un caractère très officiel: nous étions deux émissaires de la démocratie helvétique, garantissant la parole et le sérieux du candidat que notre seule présence cautionnait. Ce qui valait à la délégation suisse, à chaque visite, un accueil fervent et empressé. Le problème fut que cet accueil s’accompagnait des inévitables libations à l’aguardiente comme test de virilité, libations que nous ne pouvions refuser sous peine de décrédibiliser notre candidat. Si bien que, dès le troisième bidonville, la démocratie suisse commença sérieusement à vaciller sur ses bases et à perdre de son prestige. La fin de la journée fut pathétique pour l’image de la Confédération et j’en demande humblement pardon à Micheline Calmy-Rey. Comme dit l’autre, ce ne fut pas Marignan, certes, mais ce ne fut pas Sempach. Dans tous les cas, je préfère vous en épargnez la description afin de ne pas heurter votre fibre patriotique.

    Pour sa première tentative en politique, Fernando Botero ne fut pas élu au législatif de Bogota. Je ne sais si le vacillement de la démocratie suisse en fut une cause indirecte, si ses émissaires manquèrent à ce point de résistance et de virilité qu’ils rendirent leur candidat peu crédible. Mais je sais que, sitôt après cet épisode, Fernando Botero entreprit une ascension fulgurante qui devait le mener sept ans plus tard – et ce fut la dernière fois que je le vis – à la tête du Ministère des Armées (autant dire Premier Ministre en Colombie) avant de s’emmêler les pieds dans des affaires de corruptions avec les narcotrafiquants et de chuter encore plus rapidement. Depuis son premier essai manqué dans les bidonvilles de Bogota, il avait renoncé à se servir de la démocratie suisse comme caution. Ce fut peut-être là son erreur…

  • Votez érotique!

    Par Pierre Béguin

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    Je m’apprête à faire consciencieusement, mais tristement comme toujours, mon devoir en vue des votations du 16 décembre. Je constate, une fois de plus, que le seul redressement des finances, pour nécessaire qu’il soit, n’en constitue pas moins notre unique projet de société, et que nos grands communicateurs, dans le but de rassembler l’électeur, n’ont rien trouvé de mieux pour illustrer le fascicule joint au bulletin de vote que la représentation d’un défilé d’ombres errantes et tristes comme des zombies, sensé exprimer, je suppose, l’état d’esprit du citoyen d’aujourd’hui. Tout cela nous fait sérieusement voir la vie en morose et contribue à la grande débandade genevoise. Dommage! Le mot «redressement» est pourtant si prometteur…

    Aussi me permets-je de formuler, comme le fit en son temps Jonathan Swift à la couronne d’Angleterre, une modeste proposition en vue d’un véritable redressement. Si elles veulent durcir les forces vives de la République, faire monter la sève électorale et répandre la semence propre à féconder nos institutions, que nos autorités choisissent, en guise de préliminaires, une illustration à la gloire des grands maîtres de la Turgescence, des Rembrandt de la Turlute, des Caravage de la bagatelle! Alors cesseront enfin ces râles pr73975034.jpgimaires contre les partis. Et nous verrons l’électeur, fouetté au sang, se redresser d’un coup d’un seul et, sans plus blesser les partis, avec l’arrogance roide et fière d’un vrai libéral, se mettre à jouer en bande à la brigade des stupres, introduisant aux urnes de (nouveaux) membres, essentiellement virils, sans que d’aucunes ne leur susurrent qu’ils prennent la queue s’ils ne sont pas trop glands. Ou encore, choisissant d’autres voies, il entrouvrira délicatement l’enveloppe pour extirper de sa gaine affriolante, même si elle n’est pas de soie, cette invitation au plaisir et, après l’avoir allongée précautionneusement sur la table la plus proche, il entreprendra avec ferveur son devoir de citoyen. L’accès en étant devenu plus aisé, il pointera avidement sur elle son sésame et, à peine l’aura-t-il effleurée, qu’il ressentira intensément l’excitation monter d’un cran  pour s’abandonner aussitôt voluptueusement aux exquises sensations du pouvoir électoral. Il prendra néanmoins le temps, en poses suggestives, de tenter les scénarios les plus osés, quitte, au risque de déplaire, de ribler quelque peu, avant de cesser tout va-et-vient indécis et de s’écrier «Oui! Oui! Ça y est!». Ensuite, après une pause bienvenue et avant une lente et délicate descente à la boîte aux lettres, il caressera longuement du bout des lèvres le renflement de l’enveloppe et glissera délicatement le fruit de l’exercice dans sa fente accueillante.
    Certes, nos autorités ne manqueront de se raidir devant une telle proposition. Qu’elles considèrent toutefois les charmes et les attraits qui l’habitent. Si, d’aventure, les ébats du citoyen ne répondent pas à ses attentes légitimes – et il n’est nul besoin de consulter Youssouf N’Burubu, grand marabout à Annemasse, pour savoir que c’est assez souvent le cas – il aura appris, par l’attente excitée du prochain exercice, que gémissements et râles, accouplés aux poses les plus provocantes, n’y font rien! Il saura dorénavant que patience et doigté – surtout doigté – sont de meilleurs conseillers. Il remettra donc sans cesse son ouvrage sur le métier avec le ferme espoir, dans un grand élan libérateur, de pénétrer les Arcanes politiques même par des voies détournées et d'opérer le redressement annoncé pour atteindre enfin le nirvana tant espéré...

  • Testez vos connaissances en vocabulaire et orthographe

    Réponses (les réponses n’incluent pas les dérivés):
     
    - ABBATIAL, ou ABBE, etc.
    - AGGLOMERER, AGGLUTINER, AGGRAVER
    - BALLADE, BALLAST, BALLE, BALLERINE, BALLET, BALLOT, BALLOTER, etc.
    - CARRE, CARREAU, CARREFOUR, CARRELAGE, CARRELET, CARREMENT,              CARRIERE, CARRIOLE, CARROSSIER, CARROUSEL, etc.
    - CATTLEYA
    - DERRIERE, DERRICK
    - ECCEITE, ECCHYMOSE, ECCLESIAL, etc
    - IMAGE, IMAM, IMITER
    - MALLE, MALLEABLE, MALLEOLE
    - PALLIER, PALLADIUM, PALLIUM
    - PARRAIN, PARRICIDE
    - SOUFRE
    - TALLAGE, TALLER, TALLIPOT
     
     

  • Hergé antisémite?

    Par Pierre Béguin

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    Le politiquement correct renvoie logiquement Tintin au Congo au ban des livres racistes et son auteur à celui d’affreux colonialiste. Peut-être. Même si on pourrait opposer à cette accusation les caricatures de colons anglais. Après tout, Hergé est-il considéré comme raciste parce qu’il a dessiné des Japonais fourbes? Non. L’est-il pour avoir réduit Chicago à une ville de gangsters et représenté les Américains comme des affairistes sans scrupule? Non. L’est-il pour avoir limité sa vision de l’Amérique latine à des bandes de révolutionnaires sanguinaires et avinés? Non. L’est-il pour avoir dessiné d’affreux sorciers africains? Non. Encore que… En matière de racisme, l’égalité de traitement le cède aux préjugés, aux procès d’intention, aux culpabilités, bref à l’arbitraire.

    Mais le plus déli1358121541.jpgcat reste les accusations d’antisémitisme dont Hergé fait l’objet. Si ses Japonais sont presque tous fourbes (ce qui n’a posé aucun problème), ses Américains presque tous affairistes (ce qui n’a posé aucun problème), ses Latino Américains presque tous révolutionnaires sanguinaires (ce qui n’a posé aucun problème), ses Africains presque tous affreux sorciers ou caricatures du genre «y a bon missié blanc» (ce qui pose problème), qu’en est-il de ses Juifs? Certes, les activistes de «l’Irgoun», dans L’Or noir, suscitent la sympathie, même si de mauvaises langues rétorqueront qu’il s’agit de Juifs voulant ressusciter un Etat juif dans le désert, loin de l’Europe, comme le souhaitaient précisément les anti-juifs. Pour le reste, il faut bien admettre, dans les éditions originales, qu’il est difficile de trouver un personnage juif décrit de manière positive. L’Etoile mystérieuse, imaginée en pleine occupation nazie, en est un exemple saisissant. Dès le début, Tintin, poursuivi par le prophète Philippulus, passe devant une bout593162908.jpgique sur la devanture de laquelle est inscrit le nom Levy. Deux caricatures de commerçants juifs, à l’image 2101607558.jpgde celui de L’Oreille cassée, nez crochu, bouche lippue, tiennent à peu près ce langage: «La fin du monde! Ce serait une bonne bedide avaire, Salomon! Che tois 50000 frs à mes vournisseurs… Gomme za che ne tefrais bas bayer». Mais le pire reste le banquier new-yorkais Blumenstein qui incarne le mal et la cupidité par opposition au bien et à la vertu incarnés par Tintin. Bien sûr, cédant aux pressions de Casterman, Hergé a fait disparaître les deux commerçants, modifié l’identité de l’expédition américaine par celle d’un état imaginaire, le Sao Rico (la consonance mixte brésilienne-hispanique serait-elle innocente?) et remplacé Blumenstein par un nom plus bruxellois: Bohlwinkel. Ironie du sort ou acte manqué? Un certain Bohlwinkel, d’origine juive, s’est plaint un jour auprès d’Hergé du fait qu’un personnage aussi peu scrupuleux puisse porter un nom aussi juif, comme si la souffrance d’un peuple décernait de facto un brevet de vertu à tous ses ressortissants.

    Les évidences sont là, resten269422074.jpgt le délire et les procès d’intention. Qu’on ait pu associer, par exemple, cette étoile grossissante qui menace la planète à l’étoile de David, analogie chargée de sens en un temps où l’étoile jaune est obligatoire (symbole pour symbole, délire pour délire, les pattes recourbées de l'araignée pourraient tout aussi bien faire penser à la croix gammée). Comme on a associé cette même étoile de David à l’immense étoile jaune enserrant une chauve-souris, dans la peinture qui sert de décor à l’illusionniste de Les sept boules de cristal. Chauve-souris ou araignée (vue par Tintin dans le télescope et, plus tard, sur l’île), dans les deux cas, l’étoile est identifiée à une menace grandissante, répugnante ou rampante…

    Evidemment, les atrocités et les camps de concentration ont passé par là. Et si l’on pouvait encore, avant la guerre, reléguer certaines caricatures ou plaisanteries douteuses contre les juifs au rang des âneries de mauvais goût, après la guerre, ces mêmes caricatures et ces mêmes plaisanteries deviennent des attitudes criminelles intolérables. C’est ainsi d’ailleurs qu’Hergé se justifia: «L’Etoile mystérieuse était fait bien sûr avant que l’on sache les atrocités nazies, et les camps de la mort, et tout ça; sinon, c’est certain, je n’aurais jamais écrit ça!» (Jacques Willequet, op cit., p. 53-54). Au fait, Hergé pourrait-il être considéré comme anti nazi pour avoir dessiné un avion Heinkel dans Le Sceptre d’Ottokar? C’est du moins ce qu’entendit, sous l’Occupation, un officier-censeur allemand qui le mit en demeure de ne pas recommencer… Encore heureux qu’il n’ait pas représenté les Grecs sous les traits de méchants armateurs!

    Alors, Hergé, antisémite? Opportuniste? Victime des événements? Ou simplement caricaturiste?


     

  • Dieu enfin identifié?

    Par Pierre Béguin

     

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    Pour tous ceux qui douteraient encore de l’utilité de la presse gratuite, le journal 20 minutes livre une information capitale par la bouche (et ce n’est pas rien!) de Salma Hayek. L’actrice mexicaine, fervente catholique, attribue à une intervention divine la perfection de ses seins. Dans l’édition du 16 novembre, en page 22 (je cite mes sources, mon confrère Chiacchiari ayant pu constater, lors de sa récente pensée de la semaine, qu’avec un certain lecteur la précision en ce domaine est une exigence absolue), en haut de la page 22 donc, la belle révèle qu’elle était une adolescente complexée (original, non?): «Contrairement aux autres filles de ma classe, j’étais plate comme une planche et je vivais cela très mal». C’est alors que le miracle eut lieu, un de ces miracles qui vous donnent envie de vous convertir immédiatement à une religion répondant si bien aux attentes des hommes: «Durant un voyage avec ma mère, nous nous sommes arrêtées dans un église réputée pour ses miracles. J’ai trempé mes mains dans l’eau bénite et j’ai dit: «S’il vous plaît Seigneur, faites que mes seins grossissent!». Quelques mois plus tard, ma poitrine s’est développée».
    Je ne sais pas pour vous, mais moi, je n’hésite plus: je me fais catholique! Que la concupiscence, toutefois, ne nous détourne pas de l’essentiel: cet aveu pourrait nous permettre de remonter la piste menant à Dieu et d’identifier enfin notre Père à tous. Il semblerait donc qu’Il habite au Brésil, qu’Il se cache sous un pseudonyme du genre Oliveira Santos da Silva (ou quelque chose d’approchant) et qu’Il fasse précéder ce nom de l’appellation «Docteur». Il paraît même, selon certaines rumeurs d’Orléans (non, ce n’est pas Jeanne D’Arc!), qu’Il aurait inscrit sur sa porte «Chirurgie plastique». Et voilà pourquoi, au Brésil tout spécialement, on ne sait plus à quel sein se vouer. Et voilà pourquoi, à partir de maintenant, les agnostiques auront tout faux.
    Merci qui? Merci 20 minutes! Merci Salma Hayek!
    Pour rester dans la presse récente – à un autre niveau certes mais toujours en relation avec Dieu – La Vie protestante (je salue son rédacteur s’il me lit et j’en profite pour lui rappeler que j’attends son téléphone depuis deux mois… Eh oui! Ça se passe comme ça chez les protestants, le rédacteur est aussi invisible que Dieu. Alors que chez les catholiques, les veinards, Il se manifeste, et plutôt gaillardement: voyez les seins de Salma Hayek! Enfin! Quand je dis «voir», il s’agit d’un vœu pieu que même l’œcuménisme ne saurait exaucer… Bon! Je me suis complètement égaré dans ma phrase. Je reprends.) La Vie protestante, donc, (dans son édition du mois de novembre 2007, en page 7, dans la rubrique «Economie») consacre un article à la bulle immobilière américaine (Non, lecteur! Rien à voir avec les seins de Salma Hayek!). Son auteur (dont je tairai le nom, le soupçonnant fortement – et je le comprends – de ne pas désirer se compromettre dans un article dédié avant tout aux seins de Salma Hayek, même s’ils mènent à Dieu), son auteur, donc, approuve l’intervention spontanée des banques centrales américaines et européennes, accourues d’un seul homme à la rescousse sur les marchés de crédit. Que les banques centrales aident les banques responsables de la crise et laissent les citoyens victimes de la bulle perdre leur maison est, bien entendu, économiquement justifiable. Et tant pis pour l’éthique! L’auteur pose tout de même cette question rhétorique: «N’aurait-il pas fallu interdire l’action des banques centrales pour donner une leçon d’équité civique au secteur financier en le laissant s’écrouler sous le poids de ses erreurs et crier revanche avec les loups d’une autre époque?» Et de répondre aussitôt : «Non. Bien sûr, car qui demanderait à un pompier de retrouver et punir un pyromane avant d’éteindre l’incendie?» Sauf que le citoyen, lui, peine à distinguer, dans ces histoires de bulle immobilière, le pompier du pyromane. Et qu’il ne comprend pas pourquoi le fait d’éteindre a priori l’incendie empêcherait a posteriori de punir le coupable. A moins que pompiers et pyromanes soient un peu les mêmes, comme flics et voyous en somme. Mais punit-on les dieux de l’Olympe de leur insouciance, même si les hommes paient l’addition? Non, bien sûr, car ces exigences éthiques sont "d'une autre époque". Tiens, tout cela me rappelle l’histoire récente de notre chère République genevoise!
    Et pendant ce temps, que fait la Régie? Je veux dire: que fait Dieu? Demandez à 20 minutes et à Salma Hayek!

     PS. Oui, je sais! J’avais annoncé la suite de ma rubrique To read or not to read. Mais ces considérations littéraires n’ont guère d’importance en regard de l’actualité lorsque celle-ci est si brûlante (et c’est le cas, ne trouvez-vous pas?). A la semaine prochaine, donc!

  • Le substantif androgyne


    Par Olivier Chiacchiari

     

    Une obsession grammaticale, ça commence par une angoisse au détour d'un mot qui déconcerte. Et voilà que le doute s'installe, voilà que le savoir vacille, voilà qu'on s'acharne à interroger les limites de sa connaissance avant de se jeter à corps perdu sur le premier dictionnaire venu!
    Ouf, une réponse claire, mais pour combien de temps? L'angoisse génère l'obsession, à moins que ce ne soit le contraire, c'est bien connu.
    Au fil des ans, mes obsessions se sont focalisées sur la conjugaison du subjonctif imparfait (élégant bien qu'inutile), le pluriel des mots composés (nécessaire bien qu'improbable), les participes passés ne s'accordant pas avec le verbe être (ils se sont lavé les mains (sic))... enfin bref, tous les terrains qui relèvent de l'aventure grammaticale extrême!
    Voici la dernière en date, j'ai nommé: le substantif androgyne. Ces mots dont on ne peut distinguer le sexe, qui oscillent entre masculin et féminin, à tel point qu'on voudrait parfois pouvoir les dévêtir...
    J'ai dressé une liste que je vous invite à tester ici, et si en plus vous débusquez les trois exceptions qui s'y nichent, vous êtes vraiment incollable.

    Abîme - Aérogare - Alluvion - Amalgame - Amarre - Amiante - Amorti - Amour - Antidote - Aparté - Apogée - Apostrophe - Argile - Armistice - Astérisque - Augure - Chasuble - Délice - Dithyrambe - Dividende - Echappatoire - Echauffourée - Ecritoire - Edelweiss - Effluve - Electrode - Eliminatoire - Eloge - Enzyme - Ephéméride - Epice - Epitaphe - Epître - Equinoxe - Equivoque - Escrime - Estime - Evangile - Exergue - Granule - Haltère - Hémisphère - Hémistiche - Interface - Intervalle - Interview - Métastase - Météore - Météorite - Minuit - Moufle - Oasis - Opprobre - Orgue - Orque - Pétale- Planisphère - Recel - Sémaphore - Sitcom - Tentacule

    Pour obtenir les réponses, cliquez ici

  • Eloge du célibat

     

     

    par Pascal Rebetez

     

    « Branle-bas à la maison. Elise a perdu son dentier, tout en or, qui valait une fortune. » Elise, c’est l’épouse détestée de Marcel Jouhandeau celui qui, dans les vingt-six volumes des Journaliers que publia Gallimard, laisse aller sa rogne contre cette créature épouvantable, la colérique, son épouse cependant quarante-deux ans durant, lui l’homosexuel coupable, jamais en retard d’un outrage à Dieu. Et parfois aux hommes, puisqu’on lui en a voulu d’avoir écrit un pamphlet antisémite que je n’ai pas lu. Mais j’ai aimé replonger dans l’intimité du grand bourgeois français, tout en adorations vénielles et en détestation olympiennes, pour parler comme Décaillet. Et sa femme, cette Elise, grande prêtresse suffocante, je l’ai revue dans les archives de la TSR en 1963, affalée sur sa couche, méchante, hargneuse, blessée, morigénant son hypocrite époux qui préfère courir les garçons plutôt que de lui apporter, à elle, un minimum d’affection. Vous pourrez en voir un extrait dans l’émission Vu à la télé sur TSR1 du 9 décembre prochain. C'est du plus grand cocasse et particulièrement bienvenu pour les célibataires qui auraient quelque remord à ne pas (ou plus) vivre en ménage: mieux vaut être seul que mal accompagné.

  • Céline, Ramuz, l’école, mai 68 et les valets du pouvoir

    Par Alain Bagnoud

    Céline n’aimait pas l’école. Ramuz non plus. Pas plus Queneau, et Cendrars, et les anarcho-syndicalistes de l’époque. Ils se méfiaient parce qu’elle avait pour rôle, pensaient-ils, d’intégrer le peuple dans la République. Mais pas n’importe comment. En remplaçant la langue et la culture des enfants du peuple par celles de la bourgeoisie cultivée.

    L’école, pour eux, c’était un « appareil idéologique d'Etat, voué à former et réformer les structures mentales du peuple, à travers notamment l'apprentissage d'un français national standard qui doit se substituer, dans les couches populaires principalement, aux premières expériences vécues de la langue familièrement parlée. » (Je sors cette citation de la thèse de Jérôme Meizoz sur Ramuz, qui parle notamment de ces questions : L'Âge du roman parlant 1919-1939, préface de Pierre Bourdieu, Librairie Droz, 2001.)

    S’opposant à ça, Ramuz, Céline et autres chantres de l’oral voulaient représenter littérairement les gens de peu. Pour eux, l’écrivain avait comme mission profonde de se dépouiller de la grammaire et du vocabulaire scolaires, de transgresser les interdits, de renouer avec une langue vivante. D’accepter la langue de la rue ou des champs, de la valoriser et de travailler sur ses niveaux. Une manière de mettre le peuple dans le champ de la culture.

    Ce qui m’amuse dans cette histoire, en fait, c’est qu’il y a le même débat aujourd’hui, mais à l’envers. Les pédagogies d’après mai 68 suivaient un chemin vaguement inspiré par les mêmes idées que celles de Ramuz ou Céline. Leur but : faire entrer dans l’école d’autres langages, d’autres cultures que celles de la bourgeoisie dominante incarnée dans l’Etat.

    Mais cette époque est finie. Nous sommes maintenant en pleine réaction. Dans le retour à l’autorité, au savoir, à la culture bourgeoises, à la norme. Qui vise à imposer un seul modèle de comportement, une seule culture, une seule langue. Celle des maîtres. Celle qu’ils dominent mieux que tout le monde et qui leur assure un surcroît de pouvoir.

    Pas étonnant que certains n’aiment pas l’école !

    (Publié aussi dans Le blog d'Alain Bagnoud)

  • Valdinho ou Teodoro? Vivre ou se préserver ?

    Pierre Béguin

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    Valdinho, le jeune voyou libertin et succulent, premier mari de Dona Flor dans le roman de Jorge Amado Dona Flor et ses deux maris, m’a toujours semblé une parfaite représentation du désordre, de l’anarchie festive, de la gaieté spontanée de l’Amérique latine. D’une certaine partie de l’Amérique latine du moins. Son second mari, le docteur Teodoro, bon bourgeois sécurisant mais insipide, ennuyeux comme sa retenue et sa prudence, m’apparaît au contraire comme l’incarnation même de la rationalité et de la sagesse occidentale. Dona Flor n’oubliera jamais Valdinho qui phagocyte peu à peu tout l’espace de ses fantasmes pour en expulser le bon Teodoro.


    Vivre ou se préserver?


    Je me souviens du récit que me faisait un ami de son voyage aux Galapagos depuis Guayaquil, dans un petit bateau à moteur secoué par la houle. Une dizaine de touristes s’était embarqué. D’un côté, un groupe de sud-américains festifs, bavards, buvant de l’aguardiente et riant aux éclats, vivant intensément ce qu’ils considéraient comme un moment fort de leur existence. De l’autre, mon ami et sa copine, Suisses bon teint, prévoyants, assis sagement à l’intérieur du bateau en suçant des pastilles contre le mal de mer, anxieux des conséquences possibles du bercement des vagues. Quelques heures plus tard et jusqu’au lendemain, les sud-américains penchés au bastingage, vomissant tripes et boyaux, d’un côté; de l’autre, les deux Suisses contemplant les rivages des Galapagos, l’estomac bien en place, la conscience joyeuse et dédouanée des frustrations initiales par la satisfaction de la vengeance.


    Pour mon ami, aucun doute: l’épilogue justifie le choix frustrant du début en même temps qu’il illustre les raisons de la richesse nord-occidentale: la capacité de prospection, la faculté d’anticiper les problèmes et d’assumer les frustrations qui en découlent. Pas sûr! Moi, en tout cas, je n’hésite pas: entre Valdinho et Teodoro, je choisis le premier. Je choisis la capacité d’anarchie irraisonnée, de joyeux désordre, d’exaltation de l’instant, d’oubli de tout ce qui ne constitue pas le moment présent. Je le choisis aux dépens de cette conscience exacerbée du lendemain, cette ennuyeuse prudence, cette anticipation angoissée de l’avenir… Mais mon choix reste pure abstraction, sans effet sur mon quotidien: l’atavisme, l’éducation, la culture helvétique forment un carcan trop étroit contre lequel s’épuisent mes velléités rebelles. Pourtant, vrai! J’aurais aimé cette périlleuse exaltation, cette gratuité festive, cette énergie gaspillée sans calcul, ces plaisirs alimentés par l’insécurité, que je n’ai vraiment vécus qu’entre 25 et 35 ans. A cette époque, cet ami n’était pas en reste. Epoque bénie! Mais nous avons opté, comme tous ceux qui affrontent le temps, pour l’idéal petit bourgeois de prudence, de réserve, de sagesse, d’anticipation, jalonné par l’interminable liste de nos devoirs stériles. Nous avons oublié Valdinho pour devenir Teodoro. Adieu désordre et gaieté!


    Par mes romans et mes nombreux voyages outre atlantique, j’ai essayé de retrouver Valdinho.  Je le retrouve encore dans la littérature latino-américaine où déborde – quelques exceptions, dont Borges, mises à part – cette anarchie jubilatoire que j’aime tant. Littérature essentiellement baroque. Peut-on rendre compte autrement que par l’excès de métaphores, d’adjectifs, de subordonnées, la spontanéité festive et anarchique de ce continent? Pour le retrouver, il me reste surtout, et c’est beaucoup, ma femme, colombienne garantie d’origine, qui incarne parfaitement ces caractéristiques sans lesquelles ma vie ressemblerait un peu trop à Teodoro. Mais, bon sang! ce que son désordre peut m’énerver!