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  • 35 m2 dans 50 m2

    par Pascal Rebetez

    Vu la première pièce de Joseph Incardona dans ce petit théâtre de la Ruelle du Couchant que dirige avec tact et sensibilité Gianni Ceriani qui raconte l’ancienne poudrière devenue un des derniers lieux d’accueil indépendant pour les petites productions off du théâtre genevois. Le spectacle est à voir et à entendre jusqu’au 11 octobre : l’histoire d’un couple de tueurs, l’excellent Jean-Pierre Gos en armurier psychopathe et la belle patricia-mollet-mercier.jpgPatricia Mollet-Mercier (photo), en allumeuse nymphomane, qui font parler la poudre et s’excitent l’un l’autre tout en retenant en otage ni plus ni moins que le Président du pays, interprété par Pietro Musillo. Si quelques passages du texte renvoient à certains stéréotypes sur la vanité du pouvoir, il n’empêche que la bande de spectateurs adolescents présents hier soir n’en a pas perdu une miette ; ils étaient bouche bée, tant le jeu du chat et de la souris mis en scène par Jef Saintmartin est vif, inventif et percutant.

    Le texte de 35m2 vient d’être publié chez Bernard Campiche, collection « Théâtre en camPoche », en compagnie d’un remarquable monologue de notre ami Antonin Moeri qui dans Bingo se met dans la peau d’un jeune gars de nos cités, pris dans le cycle infernal de la violence incontrôlée. Beau tour de force de l’écrivain qui jette les oripeaux du bien parler pour, avec beaucoup de finesse et d’empathie, entrer littéralement dans la peau, les plis, les sueurs d’un langage de jeune looser du XXIème siècle.

    La violence ordinaire nous offre ainsi de belles représentations.

    Les mondanités aussi.

    Entendant la présentation de Michel Butor l’autre jour lors du vernissage au Château de Penthes d’une très belle exposition d’œuvres qu’il a réalisées il y a quinze ans avec l’artiste Marc Jurt, j’entends l’un des responsables définir le grand écrivain français comme « l’auteur de La Modification et d’une œuvre abondante ». Butor, c’est soixante ans de bons et loyaux services à la littérature, une oeuvre profuse, abondante, généreuse et malgré cela, on ne l’affuble que d’une unique référence : le Prix Renaudot de 1957. Ce qui n’est pas rien pour un auteur. Mais de se le trimballer pendant plus d’un demi-siècle me fait penser à ce que doivent ressentir certaines femmes dont on ne loue systématiquement que l’élégance ou, pire, l’origine. Je pense aussi à Alexandre Voisard dont je lis encore récemment qu’il serait toujours ce « grand poète patriote », parce qu’il a su transcrire dans les mots la lutte du peuple jurassien. Oui, c’est vrai, mais c’était dans les années soixante ! Depuis, il est poète. Tout simplement.

  • Précipice

    uewb_04_img0274.jpgPar Antonin Moeri





    Elle avait de beaux cheveux noirs, la jeune actrice talentueuse dont le prénom me faisait rêver: Léonore. C’est elle qui me conseilla de lire “La fêlure” de Scott Fitzgerald. Un texte sur l’impossibilité d’écrire, me dit-elle d’une voix claire. Malade et alcoolisé au dernier degré, Fitzgerald accepta, sur la demande d’un rédacteur en chef, de rédiger cette saisissante confession. Léonore rêvait de la mettre en scène, cette saisissante confession.
    L’homme qui parle est un écrivain à succès qui, la quarantaine approchant, sent toutes ses valeurs se dissoudre. Ne voulant plus voir personne, il somnole toute la journée, rédige des centaines de listes: villes, footballeurs, dadas, souliers, femmes. Tout lui demande un effort: brosser ses dents, recevoir des amis qu’il fait semblant d’aimer. Tout le remplit d’amertume: bruit de radio, publicité, silence de la campagne. Une seule chose lui fait du bien: voir une jolie Scandinave blonde assise sous une véranda. Il se souvient des lettres qu’il envoyait, vingt ans plus tôt, à une jeune fille d’une autre ville. Il se rappelle l’incroyable déception ressentie à Hollywood, cette usine à rêves d’une insondable vulgarité. Il s’endurcit et continue d’écrire en fourguant sa fausse monnaie. Il se fabrique un sourire. La conviction de sa voix, il la rend conforme à la conviction de son interlocuteur.
    L’écrivain à succès n’éprouvera désormais plus de “sympathie pour le facteur, ni pour l’épicier, ni pour le rédacteur en chef, ni pour le mari de la cousine”. Il essaiera “d’être un animal aussi correct que possible”, il lèchera la main de celui qui lui jettera un os. Cette désintégration de la personnalité (“il ne me restait plus de “JE” - plus de base où établir le respect de moi-même”) est racontée par “le témoin rétif d’une exécution” dans le tourbillon d’un vide sidérant, qui aspire toute possibilité de bonheur, la moindre capacité d’illusion.
    Le regard lucide, l’expérience douloureuse, l’élégance du geste, le refus du faux semblant et de toute ficelle trop épaisse confèrent à ce texte rédigé en 1936 une extraordinaire tension narrative. Le ton, la langue sobre et précise, l’adresse et le thème (mise à l’écart à la fois subie et choisie) ne sont pas sans rappeler, ici et là, “Les Carnets du sous-sol” de Dostoïevski, autre “confession”proférée au bord du gouffre. Précipice au bord duquel l’écrivain doit se trouver. “Sinon, on s’ennuie, on ronronne”.



    Francis Scott Fitzgerald: La fêlure, Folio, 1983

  • M comme Maudit

     

    Par Pierre Béguin

     

    Tout le monde sait que l’appellation «poètes maudits» vient de la brève étude de Paul Verlaine publiée en 1884. On sait moins en revanche que cette étude regroupe cinq poètes classés dans un ordre apparemment alphabétique: Tristan Corbière, Stéphane Mallarmé, Arthur Rimbaud, Marceline Desbordes-Valmore et Philippe Auguste Villiers de l’Isle-Adam. Le plus maudit de tous est aussi – et il y a là une certaine logique – le moins connu, hors sa Bretagne natale du moins. Tristan Corbière, fils tardif d’Edouard Corbière célèbre comme écrivain, journaliste, publiciste et homme d’affaire, ne vit pas seulement sa brève existence dans l’ombre et l’indifférence de son père, il accumule les revers du sort dès sa naissance: santé pour le moins fragile, probable surdité et laideur repoussante. Il est vrai qu’à cette époque tout spécialement, les poètes avaient l’art de cultiver leur malédiction. Mais il en est un plus maudit encore que Tristan Corbière. D’abord parce qu’il n’a même pas eu l’ultime chance de figurer dans l’étude de Verlaine, ce qui aurait pu le sortir de l’oubli comme ce fmoreau_OK[1].jpgut le cas pour Rimbaud. Ensuite, parce que, durant les 28 misérables années de son existence, il connut tous les déboires, toutes les humiliations, toutes les détresses. Les hommes qui se croient forts lui ont jeté toutes les pierres (incapable, instable, illuminé, dévoyé, paresseux), les critiques (à part peut-être Sainte-Beuve) les regards de commisération les plus amers, les plus injustes, les plus partiaux. Hégésippe Moreau est né en 1810, pauvre et presque sans nom. On le retrouve plus tard inscrit à la mairie du Xe arrondissement parisien sous le nom de Pierre-Jacques Roulliot (Hégésippe est un pseudonyme pris à vingt ans, Moreau – avec un M comme Maudit – le nom du «mari de sa mère»). Probablement ne fut-il pas reconnu par son père qui mourut en 1814. Sa mère, pauvre domestique, le suivit 9 ans plus tard, laissant Hégésippe orphelin à 13 ans. Il est envoyé au petit séminaire de Meaux: «Je grandis, captif, parmi ces écoliers / Noirs frelons que Montrouge essaime par milliers… / Je suais à trainer les plis du noir manteau / Le camail me brûlait comme un san-benito; /Regrettant mon enfance et ma libre misère…». Comme tous les poètes maudits, Hégésippe Moreau sait particulièrement bien cultiver la malédiction. Car les sourires du destin ne lui manquèrent pas, à commencer par ceux de Mme Favier qui lui paya le séminaire et lui ouvrit grand son cœur et sa maison pendant les vacances, puis ceux de Louise Lebeau, jeune fille charmante tout droit sortie d’une chanson de Brassens  et dont le cœur tendre ne battit que pour lui jusqu’à sa mort: «Mon cœur, ivre à seize ans de volupté céleste / S’emplit d’un chaste amour dont le parfum lui reste / J’ai rêvé le bonheur, mais le rêve fut court». Très court. Auprès de son arbre, il aurait pu vivre heureux. Grisé par sa toute petite gloire naissante – Charles X et Lafayette s’intéressent même à lui – comme tant d’autres, et pour son malheur, il croit Paris seule à la mesure de son talent. Grisé encore par la révolution de 1830 et les vers de Béranger, Hégésippe, fou de jeunesse ardente, d’idéaux, de poésie, chante la liberté, le peuple. Mais le pain et le travail manquent. Commence alors la bohème noire, la misère cruelle et la santé qui décline. Il sent pour la première fois le dégoût de la vie et de soi-même, ses poésies deviennent brutales, haineuses, il rêve de suicide et connaît l’hôpital. Epuisé par les veilles et la famine, il quitte Paris pour Provins et crée Diogène, une revue littéraire de 16 pages dont la parution irrégulière connut pourtant un succès inattendu. C’est l’ultime chance de Moreau qu’il va gâcher, comme il se doit, avec art et talent. Il se venge de la suspicion gouvernementale entourant sa revue, raille procureur et magistrats, maire et adjoints et chante les journées révolutionnaires de 1832: «Je veux des ennemis que je puisse, en chemin / Ecarter d’un soufflet sans me salir la main, / Venez gens de pouvoir, dans son nouveau refuge / Relancer et traquer l’insolent qui vous juge, / Comme un épouvantail, dressez-vous devant moi! / Je suis plus fort que vous, c’est pour vous qu’est l’effroi…» Au neuvième numéro, Moreau, vaincu, épuisé, rebuté de chacun, abandonne. Il retourne à Paris, seul, chassé de partout, incompris, humilié, traînant de bouge en bouge, dormant «à la Grande-Ourse» et mangeant à la table du hasard, pleurant ses souffrances et appelant de ses vœux une mort qui ne daignera lui répondre que 5 ans plus tard…

    Si Verlaine et tous les autres ont oublié Hégésippe Moreau, Georges Brassens, lui, ne s’y est pas trompé. Il mit en musique un de ses poèmes Sur la mort d’une cousine de sept ans. Mais, ultime malédiction, il n’interpréta ni n’enregistra cette chanson qui resta donc inconnue (elle fut, je crois, enregistrée par Les Compagnons de la chanson). J’ai cherché sur internet Le Myosotis, son recueil de poèmes au titre révélateur, évidemment introuvable en librairie et en bibliothèque. Deux exemplaires d’occasion étaient encore disponibles (édition de 1870 avec préface de Sainte-Beuve). J’en ai commandé un que je vais partiellement photocopier. Dans le langage des fleurs, le myosotis est surnommé «Ne m’oubliez pas», un sens populaire sur lequel Georges Brassens – encore lui – avait joué dans sa chanson très controversée Les deux Oncles (la seule chanson de son répertoire que certains de ses admirateurs, et même de ses amis proches, comme Pierre Louki par exemple, détestaient ouvertement): «Quand vous rencontrerez mes deux oncles, là-bas,/ Offrez-leur de ma part ces «Ne m’oubliez pas»,/ Ces deux myosotis fleuris dans mon jardin;/ Un p’tit forget me not pour mon oncle Martin,/ Un p’tit vergiss mein nicht pour mon oncle Gaston,/ Pauvre ami des Tommi’s, pauvre ami des Teutons…» Il aurait certes mieux valu cueillir Le Myosotis d’Hégésippe du vivant de son auteur. Puisque ce ne fut pas le cas, puisque, malgré l’injonction du myosotis, Hégésippe fut oublié, modestement j’offre à mon tour à notre poète maudit ce petit «ne m’oubliez pas» que tous les autres, Verlaine en tête, lui ont a refusé. Et cette année scolaire, en prime, quelques dizaines de potaches du Collège Calvin étudieront des poèmes de Moreau. Comme dit Alain Souchon, c’est déjà ça

     

  • Marie-Jeanne Urech, Des Accessoires pour le paradis

    Par Alain Bagnoud

    marie-jeanne-urech-lamiral-eaux-usees-L-1.jpegMarie-Jeanne Urech pourrait être la fille illégitime de René Magritte et de Franz Kafka. Je sais, vous allez me dire qu'étant donné les circonstances et les genres, ces deux-là pouvaient difficilement se reproduire. Mais tout est envisageable dans l'univers de Marie-Jeanne Urech.

    Si on pense en la lisant à René Magritte (dont un tableau orne d'ailleurs la couverture de Des accessoires pour le paradis), c'est pour le mystère, le décalage et le surréel. Et si j'évoque Kafka, c'est à cause d'un univers labyrinthique, dans lequel les personnages tournent en rond, incapables de trouver une issue, rencontrant toujours de nouveaux obstacles sur leur chemin.

    Bien sûr, leur écriture diffère. Kafka visait la neutralité administrative du style. La prose d'Urech, autant maîtrisée que son imagination est débridée, est nourrie de comparaisons et de métaphores inusitées et travaille sur le rythme: phrases courtes, analepses, relances, syntaxe parfois hachée par la ponctuation...

    De quoi s'agit-il? Le docteur Aarberg, personnage principal, dirige une clinique dans laquelle des patients sont hospitalisés et passent leur temps à rêver, entourés de roses. Chaque soir il joue au golf et chaque soir il perd sa balle qui se volatilise au dix-huitième trou. Sinon, sa vie est normale, serait normale si ses deux enfants de 5 et 7 ans n'avaient disparu. Le docteur pense qu'ils ont fugué parce qu'ils étaient trop gâtés.

    Or, un jour, Aarberg reçoit une enveloppe pleine d'argent pour un consultation à domicile. Lui qui ne se déplace jamais se sent tenu d'y aller. Mais pas le moindre malade à l'adresse indiquée, et la seule chose qu'il sait de lui, son patronyme, Boncompagnon, est extrêmement répandu dans la ville. Du coup, il se met à le traquer, puis/et à rechercher ses deux enfants et la quête, kafkaïenne, magrittienne, bizarre, commence avec ses bifurcations et ses explorations.

    Ce compte-rendu de l'amorce du roman, je m'en rends compte, est trop sage. Il faut y ajouter une fontaine dont on ne doit pas boire l'eau sous peine de prendre la place de la statue qui la crache, des trous un peu partout dans les planchers, des mendiants amputés, le bizarre comportement génétique des yeux bruns, et toutes sortes d'autres singularités dues à la fantaisie de l'écrivaine.

    Bien sûr, les amateurs de naturalisme et de roman psychologique ne trouveront pas leurs petits dans ce texte. Marie-Jeanne Urech s'amuse à déconstruire la réalité pour la recréer à sa manière. Elle semble ne pas aimer les modes de représentation romanesques traditionnels et leur préférer la mise en écriture d'images mentales et personnelles.

    Il faut accepter, pour goûter le roman, d'entrer dans ces univers qui génère ses propres règles, et qui se développe comme une construction autonome, aux règles internes logiques, mais différentes de celles du réalisme. Des Accessoires pour le paradis appartient plutôt en un sens au genre du merveilleux. Et je cite la définition de Wikipédia: « dans un récit merveilleux, les données du monde surnaturel sont acceptées comme allant de soi par le lecteur, on observe de sa part une confiance, une crédulité, l'auteur ayant bien ménagé l'arrivée du merveilleux ».

     

    Marie-Jeanne Urech, Des Accessoires pour le paradis, L'Aire

    Publié aussi dans Le blog d'Alain Bagnoud

  • En hommage à...

    Par Antonin Moeri

     

     

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    Longtemps je me suis posé deux questions sans trouver de réponses: Pourquoi, au début d’une nouvelle, un personnage féminin de Carver braque-t-il un revolver sur un homme et pourquoi ce personnage s’appelle-t-il Miss Dent? Petit tour par le dictionnaire. Le mot anglais “dent” signifie marque de coup, bosselure. Ah mais oui! L’auteur a donné ce nom à une femme blessée, une femme dont l’âme est cabossée et qui se venge.
    Après avoir braqué son pistolet sur un homme qu’elle a fait se coucher dans la poussière, cette mystérieuse Miss Dent se retrouve dans une salle d’attente déserte, un sac à main sur les genoux (contenant le revolver). Elle voit entrer un vieillard sans chaussures et une femme d’âge mûr qui paraissent nerveux. Il semblerait qu’elle parle italien. Le vieux lui demande de parler anglais. Elle évoque des cinglés qu’ils viennent de quitter. Le lecteur se demande si ces fous font partie de leur famille et si le vieux est le père de la femme qui l’accompagne. Celle-ci interpelle Miss Dent, lui reproche son mutisme et lui fait la morale. Arrive enfin un train dans lequel montent les trois personnages, attentivement observés par quelques passagers.
    Mais pourquoi ce nom DENT? me demandais-je jusqu’à cet été. J’ai alors lu une nouvelle de John Cheever, dans laquelle apparaît une Miss Dent. Il s’agit d’une timide dactylo qui manque de confiance, d’amour-propre, et dont l’écriture évoque des traces de griffes. Elle trouve un emploi chez Blake qui va profiter d’elle. Il passe la nuit dans ses bras et, le lendemain, la renvoie du bureau. Miss Dent décide de se venger. Elle retrouve Blake dans un train, le tient à sa merci avec un revolver. Elle veut qu’il lise une lettre qu’elle lui a écrite mais jamais envoyée. “La seule chose que j’aie jamais voulu dans la vie, c’est un peu d’amour”, lui déclare-t-elle. Elle le conduit derrière un entrepôt du port, où elle le fait se coucher dans la poussière. Alors seulement elle se sent mieux, puis disparaît dans la nuit.

    En guise d’hommage, Carver a donc écrit une suite à la nouvelle “Le17h48” d’un écrivain qu’il admirait. En lisant la nouvelle de Cheever, je compris enfin pourquoi, plus tôt dans la soirée, Miss Dent avait braqué un revolver sur un homme et pourquoi “elle essayait de lui faire comprendre qu’il ne pouvait pas continuer à piétiner les sentiments des gens.”



    John Cheever: Insomnies, Le Serpent à plumes, 2000

  • Nos amis les libéraux

    Par Pierre Béguin

     

    Une année après que le dépôt de bilan de Lehman Brothers a provoqué l’effondrement des marchés financiers, les ardeurs enfiévrées des spéculateurs, loin d’être calmées par la plus grave crise depuis 1930, reprennent de plus belles. Envolées les bonnes intentions, les professions de foi moralisantes de nos amis les libéraux. Back to business! Les Bourses reprennent, les OPA abondent, les bonus explosent, les spéculations sur les devises ou les polices d’assurance vie – les lifeprimes succèdent aux subprimes avec, inévitablement, le même naufrage en vue – fleurissent comme au bon vieux temps de tous les excès. Je pense au Discours à Monsieur le Duc de la Rochefoucault où La Fontaine s’amuse de l’inconscience des lapins qui, après une première salve mortelle du chasseur, s’en reviennent très vite à portée de fusil: «Mais le danger s’oublie, et cette peur si grande / S’évanouit bientôt. Je revois les lapins / Plus gais qu’auparavant revenir sous mes mains. / Ne reconnaît-on pas en cela les humains? / Dispersés par quelque orage, / A peine ils touchent le port / Qu’ils vont hasarder encor / Même vent, même naufrage.» Les hommes n’apprendront jamais! Et surtout pas le monde de la banque et de la finance qui produit, avec la sotte fureur de l’avidité, les nouvelles munitions qui vont bientôt lui trouer le ventre, et le nôtre par voie de conséquence. Trois neurones suffisent pourtant pour comprendre qu’une crise aussi importante que celle que nous vivons, si tôt terminée pour la finance (mais non pour l’économie) n’est qu’une crise avortée ou refoulée. Donc une crise qui n’aurait pas eu le temps ni l’opportunité de remplir sa mission: le retour à l’essence par l’effondrement des fausses valeurs qui ont précisément provoqué cette crise. Et sur la grande vague libérale du début des années 80 ont surfé bon nombre de dogmes erronés et de croyances idiotes, devenues dangereuses pour l’équilibre du système, dont il serait grand temps de régler le sort définitivement. A commencer par cette foi aussi aveugle que stupide dans la capacité d’auto régulation des marchés financiers, qui a servi de justification à toute sorte de déréglementations, permettant des formes d’innovation financière complètement déconnectées des activités productives du secteur réel de l’économie, et incitant des investisseurs financiers, dans le cadre des stratégies de portage («carry trade»), à profiter des possibilités à court terme offertes par les politiques monétaires divergentes. La crise, c’est aussi l’éclatement de la bulle des taux de change qkant3[1].jpgui reposait sur un trop fort endettement. En fait, les pseudo vertus de la déréglementation, dont nos amis les libéraux nous bassinent tout particulièrement depuis trois décennies – une telle revendication de liberté, pour ne pas dire une telle griserie de liberté – demeurent exposées, précisément par l’incapacité à s’auto limiter, à ce que le philosophe Emmanuel Kant appelait le paradoxe de la colombe: dans la griserie de son libre vol, la colombe fend l’air en même temps qu’elle en sent la résistance; elle en déduit fort logiquement qu’elle volerait encore mieux, et plus vite, dans le vide. La volonté de déréglementer, perçue comme le remède aux malaises du système, relève, chez nos amis les libéraux, de la même logique erronée. La crise, c’est aussi la rencontre avec ce vide, cet espace de libéralisation sauvage qui échappe à toute réglementation. Mais il est à craindre qu’un trop prompt rétablissement du monde financier empêche la prise de conscience de cette évidence. Et que nos amis les libéraux continuent de revendiquer la déréglementation systématique comme une liberté fondamentale (uniquement quand elle leur profite, bien entendu), prétextant que la norme et la règle n’engendrent que la désobéissance et le contournement (raisonnement idiot qui demanderait, dans la même logique, qu’on supprimât la condamnation pour meurtre sous prétexte qu’elle inciterait au meurtre).

    Autre erreur du bon libéral conséquent, la naïveté mutilante dont il fait preuve dans sa perception de l’humain qu’il réduit, peu ou prou, à une axiomatique de l’intérêt personnel comme unique fondement de ses motivations. Ainsi, tout individu normal devrait se conduire conformément à son intérêt bien compris, toute conduite humaine, si complexe soit-elle en apparence, ne serait en fait qu’un effort persévérant pour accumuler du capital, réel ou symbolique. D’où, par exemple, cette foi de charbonnier dans les vertus de la concurrence systématique et dans le salaire au mérite comme panacée de la productivité. Et peu importe le stress, le burn out, les coups bas, la démotivation, le chômage, voire le suicide comme nous le rappelle les 23 cas récents en France voisine. Il serait urgent d’abandonner cette vision simpliste (paradoxalement, n’en déplaise à nos amis les libéraux, un système libéral est viable parce qu’une bonne partie de la population ne fonctionne pas selon l’axiome de son intérêt bien compris) et de réintégrer les dimensions du phénomène humain que l’Economie s’évertue à ignorer, à tort et, finalement, – ce n’est pas là le moindre de ses paradoxes – contre ses propres intérêts. Alain Souchon parlerait, lui, de foule sentimentale. C’est plus court et c’est mieux dit.

    Cette vision réductrice de l’humain est aussi à la base du dogme libéral qui voit dans une privatisation systématique et totale (une sorte de communisme à l’envers donc) l’unique solution pour viabiliser l’économie. Etrangement, cette idée que tout ce qui est privatisé est forcément plus performant et moins cher résiste à beaucoup d’évidences et de contre exemples. Sans même parler des assurances maladies – référence trop facile – l’automne dernier, du fait de la libéralisation, la hausse des tarifs de l’électricité, dont la courbe ascendante suivait celle de la rémunération des patrons, a fait bondir consommateurs et politiciens. A Berne, des voix ont même demandé le gel des prix de l’électricité (probablement celles qui ne siégeaient pas au conseil d’administration des groupes électriques suisses). Et pourtant, tout démontre – à commencer précisément par la hausse des prix qui est censée préparer la solution libérale – que nous allons inexorablement vers une privatisation totale de l’électricité en Suisse. Et donc, vers un renchérissement plus important encore. Les transports, les écoles, et même la police sont déjà engagés sur la voie de la privatisation avec l’idée, bien ancrée chez le consommateur et pourtant largement démentie par les faits et la logique, qu’il paiera moins pour un meilleur service. A quand la Justice? La propagande de nos amis les libéraux, il faut le reconnaître, est souvent d'une remarquable efficacité. Inexorablement? A moins que la crise…

    Enfin, autre axiome erroné de nos amis les libéraux que la crise devrait ébranler: l’idée que ce qui est bon pour l’économie est forcément bon pour l’individu, qu’il existe un lien direct de fécondation réciproque entre l’un et l’autre. Une idée qui persiste malgré les évidences, après les années Reagan, Thatcher et Delors (eh oui!), que chute des revenus et hausse des profits vont souvent de pair. La crise devrait mettre à mal ce sophisme en montrant que, à l’inverse, ce qui est bon et rationnel pour chaque individu – diminuer ses dépenses pour se désendetter et faire face à la baisse de son revenu – se révèle fatal pour le système économique qui aurait justement besoin, pour s’extraire de la spirale déflationniste, d’une reprise de la consommation privée. Mais comment mettre des gens au chômage tout en leur demandant de consommer davantage? Quand un système se trouve face à ses paradoxes – et Dieu sait si nos amis les libéraux se sont vautrés sans vergogne dans les paradoxes et les contradictions cette dernière année – c’est qu’il est temps d’en remettre en cause certains fondements erronés si on veut le viabiliser - ce qui reste mon souhait autant que mon intérêt. La remise en cause, c’est la fonction même d’une crise. A condition qu’on ne la refoule pas…

    PS. Le lecteur remarquera que je n’ai pas parlé du problème écologique ni même de l’incontournable axiome libéral du non interventionnisme étatique que nos amis les libéraux se sont empressés de transgresser à coup de milliards cette dernière année. C’eût été trop facile, je vous l’accorde…

     

     

     

     

     

     

     

     

  • La loi de la jungle, vue par Eric Felley

    Par Alain Bagnoud

    felley.jpgOh, comme ils ont dû être déçus, ses collègues journalistes, quand ils ont lu le livre d'Eric Felley. Sans doute attendaient-ils des révélations croustillantes. Des portraits au vitriol. Des flinguages de sniper embusqué. Un journal de campagne à tout le moins.

    Mais non, rien de tout ça. Ce livre doux-amer est subjectif, pas du tout journalistique. Il fait une grande place au je, récolte des impressions, s'attache aux ambiances... Bref, il se place résolument du côté de la littérature plutôt que du reportage.

    Eric Felley, c'est ce journaliste qui s'est lancé dans la campagne politique pour l'élection au Conseil d'Etat valaisan. Il a décidé de le faire après l'éviction de Christophe Darbellay, un ami de Felley, expulsé de la candidature par les caciques conservateurs du canton. Du coup, Felley s'est jeté à l'eau et son employeur l'a viré.

    Sans parti, sans programme, avec pour seule volonté d'animer en trublion une élection jouée d'avance, Felley ne constituait pourtant pas une menace pour l'establishment. Il évoque dans son livre un système opaque, clanique, où toutes les décisions sont prises par un petit cénacle. C'est ce qu'il voulait mettre à jour, sinon bousculer. Avec quelques questions intéressantes à la clé. La bonne volonté et le pragmatisme suffisent-ils pour faire de la politique? Est-il nécessaire d'avoir un programme? (Si je me souviens bien, l'ami Darbellay refusait de présenter le sien avant sa première élection au Conseil national, de peur que celui-ci lui fasse perdre des voix! Il a donc été élu grâce à son clan et à ses connexions seulement. Et Felley, qui condamne ce système tribal, roule pour Darbellay! Bizarre contradiction...)

    La loi de la jungle trace aussi quelques portraits de Valaisannes et Valaisans, réels ou fantasmés, et tourne surtout autour du candidat Felley, de ses états d'âme et de ses rencontres.

    J'ai aimé ce petit livre nostalgique et désenchanté qui donne au Valais une ambiance de conte crépusculaire. Il m'est arrivé par la poste, sans que je l'aie commandé, avec un bulletin de versement. C'est une menée classique des écrivains qui font du compte d'auteur. Ce que Felley ne cache pas. Voyez le nom de sa maison d'édition qui ne cherche pas à tromper le chaland avec des Baudelaire par ci ou des Bénévent par là. D'ordinaire, je n'aime pas beaucoup le procédé. Mais j'ai feuilleté le livre et finalement, je l'ai lu en entier.

    Bien mieux, je l'ai payé!

    C'est dire!

     

    Eric Felley, La loi de la jungle, Editions de l'auteur

     

    Publié aussi dans Le blog d'Alain Bagnoud

     

  • L'appel du large

    simi2.jpgPar Antonin Moeri




    J’ai passé quelques jours sur une île grecque, à Pâques. On aperçoit une côte à six cents mètres, mais il est impossible, pour des raisons administratives, d’accéder à cette île depuis la Turquie. Il faut donc monter sur un bateau au Pirée etc. Si je suis venu ici, c’est parce que je voulais revoir une amie de vieille date. J’allais très souvent chez elle. Sa mère possédait une somptueuse villa au bout du lac. Dans le jardin, au bord de la piscine, je restais des heures, allongé à côté de Marie-Françoise. Nous posions des pétales de rose sur l’eau et le courant les emportait. Nous regardions les pétales dériver, faire le tour du bassin. Ce spectacle nous enchantait et quand nous retournions dans sa chambre, main dans la main, nous ne parlions pas. Un jour, Marie-Françoise me montra ses petits seins qui commençaient à se former. Tu peux les toucher, me dit-elle en fermant les yeux. Le contact de sa peau douce me donna le frisson. Je sentis dans ma culotte couler quelques chose que je ne connaissais pas.
    J’ai tout imaginé en venant ici. Je savais que Marie-Françoise avait rencontré un pêcheur propriétaire d’une maison sur cette île. La pêche a permis d’entretenir une famille. Leurs deux enfants étaient devenus des adultes et lorsque je vis entrer dans la taverne où nous avions rendez-vous une femme forte, aux traits durs, les cheveux gris ramenés en un chignon navrant, le ventre flasque et la semelle usée, les mains rougies par les besognes de la cuisine, les interminables lessives et le vidage des poissons, je me suis demandé comment cette fille intelligente, lectrice avisée des romanciers russes, qui avait étudié le latin et le grec, jouait merveilleusement de la harpe et traversait la Suisse pour aller visiter une exposition de Modigliani, je me suis demandé comment la souriante adolescente que j’avais aimée, avec qui je regardais les pétales de rose tourner indéfiniment dans la piscine de ses parents, comment cette délicate fille d’aliéniste avait pu se métamorphoser en rude femme de pêcheur, au regard sévère et à la voix puissante.

  • Grosse fatigue

    Par Pierre Béguin

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    Oui, grosse fatigue face à la quantité de sottises quotidiennes qu’il nous faut affronter. Comme par exemple, la semaine dernière, cette énième plainte contre Hergé et son Tintin au Congo pour atteinte à la dignité du peuple africain. A ce rythme, Hergé n’en a pas fini. A quand une plainte des Japonais pour avoir été présentés comme des fourbes cruels? A quand une plainte des Américains décrits comme des affairistes sans scrupules? A quand une plainte des Juifs…ah non! ça c’est déjà fait… Alors des latino-américains limités à des bandes de révolutionnaires sanguinaires et avinés? Des Grecs réduits au profil disgracieux de méchants armateurs? Et puis, tant qu’à faire, allons-y: pourquoi pas une plainte d’un soviet nostalgique malmené au point qu’Hergé lui-même ne souhaitait pas la réédition de Tintin au pays des soviets? D’un vieux nazi (ou d’un néo nazi) parce que notre auteur a osé dessiner un avion Heinkel, avec tous les sous-entendus que cela comporte, dans Le Sceptre d’Ottokar? Du chef des FARC, atteint dans sa dignité de mâle et de révolutionnaire, au motif qu’on pourrait l’identifier sous les traits d’Alcazar terrorisé par bobonne dans Tintin et les Picaros? Et pourquoi pas aussi du lobby des assureurs – particulièrement puissant en Suisse – présentés systématiquement dans Tintin sous les traits d’un beauf’ sangsue et emmerdeur? Des enfants arabes (espérons que cela ne donne pas des idées à qui vous savez) réduits au rôle d’enfants gâtés malpolis, insupportables et au-dessus des lois domestiques? Des féministes au motif que les femmes sont pratiquement absentes de l’œuvre d’Hergé, et très négativement présentées lors de leurs rares apparitions? (Il est d’ailleurs étonnant qu’une telle plainte, à ma connaissance du moins, n’ait pas été déposée – j’en connais que cela a dû furieusement démanger). Et j’en passe. A part le yéti, qui ne devrait pas s’offusquer de son portrait plutôt flatteur, je ne vois au fond que des motifs de plaintes. Et que des raisons de retirer tous les livres de Tintin des rayons de librairie. Et bien d’autres bandes dessinées encore qui, au même titre que Tintin au Congo, (Spirou par exemple) caricaturaient les Africains sous les traits réducteurs d’affreux sorciers ou de gentils naïfs et soumis «y a bon missié blanc». Et dans la même logique, de retirer d’un coup d’un seul toutes les caricatures, par essence politiquement incorrectes. (Et les films aussi par la même occasion: à quand une plainte contre Gone with the wind?)

    Une bonne intention n’est pas à l’abri de la stupidité. Elle dessert alors la cause même qu’elle est censée soutenir. Bien entendu, il est des causes à la mode de chez nous. Sincères ou opportunistes, on ne peut empêcher certains de vouloir surfer sur leurs vagues. Rappelons tout de même à notre plaignant bien intentionné que la souffrance d’un peuple ne lui confère pas de facto un brevet de vertu et de moralité au nom duquel il fonderait ses exigences de justice, voire de dommages et intérêts. Que lorsqu’il s’agit d’écorner sa propre image, personne ne sert plus efficacement cet objectif que le principal intéressé. Et les pays africains n’échappent pas à cette règle…

    Une fois n’est pas coutume, en guise de prolongement et de conclusion à ces propos, je renvoie le lecteur qui me fait l’honneur de me lire à un article intitulé Hergé antisémite? écrit par mes soins sur ce même blog il y a bientôt deux ans. Il suffit de cliquer ici

  • Marinette Matthey, l'orthographe et la littérature

    Par Alain Bagnoud

     

    Marinette%20MattheyParSabine%20Papilloud_3.jpgLe livre de Marinette Matthey devait susciter la polémique. Evidemment. On en a un exemple ici: lisez les commentaires qui suivent l'article d'Antonin Moeri sur Au plaisir de dire.

    Une socio-linguiste qui tente d'expliquer par sa biographie comment on en vient à adopter un point de vue distancié sur les langues prête le flanc aux attaques. Surtout si en plus, elle défend la simplification de l'orthographe.

    Il y a bien d'autres choses dans les chroniques rassemblées par Marinette Matthey, précédemment parues dans des journaux. Elles sont passionnantes, vives, parfois provocatrices, taillées pour le grand public. Je cite les thèmes principaux du livre. Nouvelles technologies et écriture. Les femmes dans la langue. Les mots du politique. Langues des uns, langues des autres. L'école. Histoire de mots.

    De quoi alimenter bien d'autres débats. Sur la langue et les femmes, par exemple. Ou la langue et le politique. L'auteure (elle tient à ce e caudal pour des raisons que son livre explique) par exemple montre que le lexique dépend des idéologies. Que la langue est donc au service des groupes dominants. C'est convaincant.

    Il y aurait des choses à dire là-dessus, mais évidemment, la polémique se focalise surtout sur l'orthographe, considérée comme un tableau de maître par des gens crispés qui n'ont manifestement aucune notion de l'histoire de la langue. Personnellement, je ne vois pas en quoi le fait d'écrire maitre au lieu de maître appauvrit plus la langue que le fait d'écrire connaissait au lieu de connaissoit. C'est évidemment l'usage qui doit primer.

    Mais là où je me démarque du livre, c'est quand je vois que Marinette Matthey, en tant que linguiste, ne considère la langue qu'en fonction de la communication. Deux ou plusieurs interlocuteurs échangent des phrases et se comprennent. Pas d'équivoque entre eux. Tout est ouvert. Voilà l'idéal.

    La littérature, chose qui m'intéresse surtout, ce n'est pas cela. Les chefs-d'œuvre disent plus que ce qu'on peut comprendre. Il y a toujours en eux un substrat d'ombre, d'obscurité. Nous les relisons encore et encore, nous découvrons de nouvelles choses. Je ne suis pas en situation de communication égalitaire avec Proust ou Céline. Les grands auteurs repoussent la frontière de l'indicible. Je ne les comprends pas, pas totalement, mais ce que je comprends, c'est que leur langue est plus grande que la mienne et dit plus que la mienne...

     

    Marinette Matthey, Au plaisir de dire, L'Aire