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L'appel du large

simi2.jpgPar Antonin Moeri




J’ai passé quelques jours sur une île grecque, à Pâques. On aperçoit une côte à six cents mètres, mais il est impossible, pour des raisons administratives, d’accéder à cette île depuis la Turquie. Il faut donc monter sur un bateau au Pirée etc. Si je suis venu ici, c’est parce que je voulais revoir une amie de vieille date. J’allais très souvent chez elle. Sa mère possédait une somptueuse villa au bout du lac. Dans le jardin, au bord de la piscine, je restais des heures, allongé à côté de Marie-Françoise. Nous posions des pétales de rose sur l’eau et le courant les emportait. Nous regardions les pétales dériver, faire le tour du bassin. Ce spectacle nous enchantait et quand nous retournions dans sa chambre, main dans la main, nous ne parlions pas. Un jour, Marie-Françoise me montra ses petits seins qui commençaient à se former. Tu peux les toucher, me dit-elle en fermant les yeux. Le contact de sa peau douce me donna le frisson. Je sentis dans ma culotte couler quelques chose que je ne connaissais pas.
J’ai tout imaginé en venant ici. Je savais que Marie-Françoise avait rencontré un pêcheur propriétaire d’une maison sur cette île. La pêche a permis d’entretenir une famille. Leurs deux enfants étaient devenus des adultes et lorsque je vis entrer dans la taverne où nous avions rendez-vous une femme forte, aux traits durs, les cheveux gris ramenés en un chignon navrant, le ventre flasque et la semelle usée, les mains rougies par les besognes de la cuisine, les interminables lessives et le vidage des poissons, je me suis demandé comment cette fille intelligente, lectrice avisée des romanciers russes, qui avait étudié le latin et le grec, jouait merveilleusement de la harpe et traversait la Suisse pour aller visiter une exposition de Modigliani, je me suis demandé comment la souriante adolescente que j’avais aimée, avec qui je regardais les pétales de rose tourner indéfiniment dans la piscine de ses parents, comment cette délicate fille d’aliéniste avait pu se métamorphoser en rude femme de pêcheur, au regard sévère et à la voix puissante.

Commentaires

  • C'est le temps qui passe. La beauté des femme n'a rien d'immortel, contrairement à ce que suggérait Brantôme! On dirait du le Clézio, votre texte, Antoinin. Si je puis me permettre, "j'ai tout imaginé en venant ici" laisse un peu de temps croire que vous avez imaginé avoir touché les seins de la dame. Cela manque un peu de limpidité.

  • J'adore ces moments de trouble où on laisse patauger le lecteur. J'adore également votre ANTOININ, qui n'est pas loin de TOINON. C'est le titre je crois d'une nouvelle de Maupassant. Il faudrait que je vérifie. Depuis que j'ai lu, cet été, Mademoiselle FIFI, on pourrait très bien créer un personnage nommé Antoinon ou Toinette. Que sais-je. Merci pour la comparaison avec Le Clézio, auteur que, je dois humblement l'avouer, je n'ai jamais lu. Mais j'aime sa gueule. Disons que je l'aimais. J'ai une copine qui est allée le trouver à Nice, il y a bien longtemps. Silence silence. Bruissements. Un peu comme avec Beckett qui m'avait sidéré. Vous êtes que diable un lecteur assidu de ce blogres. Nous trouvez-vous intéressants? Avez-vous déjà rencontré Bagnoud. C'est un saint. Que dis-je, une perle. Il était là quand j'ai sombré dans la maladie psychique. Ce sont des choses qu'on ne peut oublier. Bonne semaine!

  • "...je me suis demandé comment la souriante adolescente que j’avais aimée, avec qui je regardais les pétales de rose tourner indéfiniment dans la piscine de ses parents, comment cette délicate fille d’aliéniste avait pu se métamorphoser en rude femme de pêcheur, au regard sévère et à la voix puissante."

    Vous vous êtes demandé et bien je vais vous dire pourquoi : Quand on chasse le naturel, il ne revient pas forcément au galop...

  • C'est le clavier, qui a créé ce nouveau prénom... J'aime bien votre blog, sans doute parce que vous êtes des écrivains professeurs, des lettrés. Les autres blogs de la TdG parlent de politique, et cela m'ennuie. Je ne connais personnellement aucun d'entre vous.

  • Sans doute beaucoup d'homme ont une souriante adolescente en mémoire. La mienne ne m'a pas laissé lui toucher les seins. Pas même les voir. Je pars en Grèce cet automne. J'espère bien la rencontrer et ne pas la rencontrer. Merci pour votre beau texte. Amicalement.

  • Merci Antonin. Mais je peux être aussi un vrai démon, hélas.

  • Heureusement!

  • Comment ? par amour , Antonin , par amour !
    C'est souvent ainsi que la vie récompense les femmes, hélas ...Votre regard est sans doute plein de tendresse , mais il est sans appel : aucune indulgence dans votre description !
    Avez-vous repris contact ? J'en suis à souhaiter que non : elle aurait eu davantage conscience de sa déchéance (c'est le seul mot qui vient à moi; mais est-il vraiment trop fort ?) ...Si j'avais été à sa place , vous m'auriez tuée : morte-vivante sous le sourire de façade !
    OUI, parfois, il ne faut pas chercher à retrouver ses souvenirs d'enfance ...

  • il est vrai que nous étions dans un livre , n'est-ce pas ?
    N'empêche ...........

  • Oh roses et jardins de mon adolescence,
    de ceux qui m'ont séduit le temps d'une romance,
    des sublimes parfums, de l'exquise fragrance,
    où jeunesse se perd, à jamais disparue,
    engloutie et lointaine, dans l'abîme sans fond de la deliquescence.

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