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Marinette Matthey, l'orthographe et la littérature

Par Alain Bagnoud

 

Marinette%20MattheyParSabine%20Papilloud_3.jpgLe livre de Marinette Matthey devait susciter la polémique. Evidemment. On en a un exemple ici: lisez les commentaires qui suivent l'article d'Antonin Moeri sur Au plaisir de dire.

Une socio-linguiste qui tente d'expliquer par sa biographie comment on en vient à adopter un point de vue distancié sur les langues prête le flanc aux attaques. Surtout si en plus, elle défend la simplification de l'orthographe.

Il y a bien d'autres choses dans les chroniques rassemblées par Marinette Matthey, précédemment parues dans des journaux. Elles sont passionnantes, vives, parfois provocatrices, taillées pour le grand public. Je cite les thèmes principaux du livre. Nouvelles technologies et écriture. Les femmes dans la langue. Les mots du politique. Langues des uns, langues des autres. L'école. Histoire de mots.

De quoi alimenter bien d'autres débats. Sur la langue et les femmes, par exemple. Ou la langue et le politique. L'auteure (elle tient à ce e caudal pour des raisons que son livre explique) par exemple montre que le lexique dépend des idéologies. Que la langue est donc au service des groupes dominants. C'est convaincant.

Il y aurait des choses à dire là-dessus, mais évidemment, la polémique se focalise surtout sur l'orthographe, considérée comme un tableau de maître par des gens crispés qui n'ont manifestement aucune notion de l'histoire de la langue. Personnellement, je ne vois pas en quoi le fait d'écrire maitre au lieu de maître appauvrit plus la langue que le fait d'écrire connaissait au lieu de connaissoit. C'est évidemment l'usage qui doit primer.

Mais là où je me démarque du livre, c'est quand je vois que Marinette Matthey, en tant que linguiste, ne considère la langue qu'en fonction de la communication. Deux ou plusieurs interlocuteurs échangent des phrases et se comprennent. Pas d'équivoque entre eux. Tout est ouvert. Voilà l'idéal.

La littérature, chose qui m'intéresse surtout, ce n'est pas cela. Les chefs-d'œuvre disent plus que ce qu'on peut comprendre. Il y a toujours en eux un substrat d'ombre, d'obscurité. Nous les relisons encore et encore, nous découvrons de nouvelles choses. Je ne suis pas en situation de communication égalitaire avec Proust ou Céline. Les grands auteurs repoussent la frontière de l'indicible. Je ne les comprends pas, pas totalement, mais ce que je comprends, c'est que leur langue est plus grande que la mienne et dit plus que la mienne...

 

Marinette Matthey, Au plaisir de dire, L'Aire

 

Commentaires

  • Le livre de Madame Matthey est d'une grande pauvreté de pensé et d'écriture. Tout est plat, simple, limité. En outre, comme beaucoup de linguistes, elle vit dans la nostalgie de la communication. Elle ignore ce que disait Baudrillard : « Communiquer, communiquer ? Il n'y a que les vases qui communiquent. »

  • "Il y aurait des choses à dire là-dessus, mais évidemment, la polémique se focalise surtout sur l'orthographe, considérée comme un tableau de maître par des gens crispés qui n'ont manifestement aucune notion de l'histoire de la langue. "

    Cé vré, vou zavê reson, on é vrémen tousse tô crispé fasse à l'idéaulogie paulitic qui suinte ché la matté sou des air de fau détachemen cientific. É à l'écouté, finaleman, l'evaulussion naturel de la lang seré de léssé tou le monde écrir n'impaurte komen. Pau import ensuit keu les élev soi discriminé sur le marché du travaï. É c'é vrémen arrôgant du rejeté du déba lé non.spéssialisstes, parce keu le mond, heureusemen, n'é pa gouverné par les lingouist.

    P.S. jé étudié l'évaulution deu la langue éspagnol, so what? ça évolu, oué, mé lé normes on en a toujour beusoin... marinet é une 68arde ptétentieu 2 toute ma-ni-R

  • "Il y aurait des choses à dire là-dessus, mais évidemment, la polémique se focalise surtout sur l'orthographe, considérée comme un tableau de maître par des gens crispés qui n'ont manifestement aucune notion de l'histoire de la langue. "

    Cé vré, vou zavê reson, on é vrémen tousse tô crispé fasse à l'idéaulogie paulitic qui suinte ché la matté sou des air de fau détachemen cientific. É à l'écouté, finaleman, l'evaulussion naturel de la lang seré de léssé tou le monde écrir n'impaurte komen. Pau import ensuit keu les élev soi discriminé sur le marché du travaï. É c'é vrémen arrôgant du rejeté du déba lé non.spéssialisstes, parce keu le mond, heureusemen, n'é pa gouverné par les lingouist.

    P.S. jé étudié l'évaulution deu la langue éspagnol, so what? ça évolu, oué, mé lé normes on en a toujour beusoin... marinet é une 68arde ptétentieu 2 toute ma-ni-R

  • Il ne me semble pas avoir dit que la langue ne sert qu'à communiquer. Elle sert aussi à dire qui je suis, elle permet à l'autre de savoir d'où je viens. Les dimensions identitaires font partie de la communication. Et la communication repose sur bien d'autres choses que les bruits qu'on fait avec la bouche ou les petits signes qu'on jette sur un papier ou qu'on tape sur un ordinateur. Et pardonnez-moi JMO, mais cela veut dire quoi "Vivre dans la nostalgie de la communication". Je demande une glose! Dans mon livre, j'essaye de montrer comment la langue "moule" les rapports sociaux et inversément. Je défends l'idée d'une langue pour les citoyen-ne-s. Cela ne m'empêche nullement d'admirer les écrivains et d'aimer la littérature, notamment les livres d'Alain (et c'est pas du fayotage de renvoi d'ascenseur!)

  • "Elle sert aussi à dire qui je suis"

    Et donc ça c'est pas communiquer, c'est quoi ... donc?...

    "Dans mon livre, j'essaye de montrer comment la langue "moule" les rapports sociaux et inversément."

    Et..? Celà voudrait dire qu'en simplifiant l'"ôrtôgraf" on servirait une thèse de l'absolu-égalitarisme qui n'a jamais été qu'un utopie morte-née?...

    Socialo-linguistique?...

  • A mon humble avis, vouloir à tout prix simplifier l'orthographe relève de l'hérésie. Quel dommage de désirer saccager la beauté de la langue française! :-((

  • C'est intéressant, Kissa, ce mot "hérésie" que vous utilisez. L'hérésie c'est une doctrine contraire à la doctrine catholique. Je m'interroge beaucoup sur ce qui vous a fait utiliser ce mot.

  • Bravo pour votre ironie, consistant à truffer votre article de fautes de français et de ponctuation volontaires. C'est finement marquer votre désapprobation.

  • Ma traduction du Talmud appelle aussi hérétiques ceux qui, au sein de la tradition juive, s'opposent, par leur philosophie, à la doctrine des rabbins. On peut par exemple dire que Spinoza était un "hérétique". En tout cas, je pense que la langue accepte ce sens.

    Marinette, JMO est dur (il ne pensait sans doute pas que vous liriez ses commentaires), mais il faut reconnaître que votre réponse ne convainc pas sur votre faculté à apprécier la dimension proprement "magique" de la langue et du langage en général, car dire qui je suis et d'où je viens à quelqu'un, c'est bien de la communication! De surcroît, Alain n'est pas réputé pour être un poète. Or, je pense qu'Alain Bagnoud voulait parler de cela, de l'ouverture sur le mystère de l'âme humain que permet le langage, et qui rattache la poésie ou la littérature à la peinture et à la musique. Les "beaux mots", pour ainsi dire, atteignent des profondeurs au-delà des autres, et touchent à l'indicible. Il y a une dimension "verticale" de la poésie dont les "communicationnistes" ne tiennent pas vraiment compte.

    De fait, ils ne parlent que de rapports sociaux, bien qu'ils pensent souvent parler aussi de littérature. Ce que vous énoncez selon A. Bagnoud ressemble beaucup à du Bourdieu. Sur le plan social, c'est généreux, mais sur le plan artistique, je pense que c'est très superficiel. Cela dit, est-ce que la langue permet l'oppression des masses? Je ne pense pas, car tout le monde a un langage: c'est le propre de l'humanité. Or, l'oppresion des forts sur les faibles se voit aussi chez les animaux, qui pourtant ne parlent pas. Cela n'a donc sans doute rien à voir, sauf que cet attribut proprement humain qu'est la langue a pris des caractéristiques proprement animales, comme est la distinction des espèces. Le français opprime, dans un empire colonial, la langue locale, et le "bon français", conforme aux lois énoncées par les enseignants, opprime le "mauvais français", qui est celui du peuple. Mais cela vient de ce que la langue fait l'objet d'un enjeu à partir du moment où elle utilisée administrativement.

    Pour empêcher que cela arrive, il faudrait évidemment mettre fin au dogme des "langues officielles". On pourrait dire qu'il y a des langues, et que toutes sont officielles à partir du moment où elles existent. Ce serait la liberté totale. Cependant, cela n'empêcherait pas forcément l'opppression d'exiter, car à cet égard, la langue n'est pas la cause, mais le moyen. Rien d'autre. La langue est en fait seulement la cause qu'on représente par des sons ce qu'on conçoit et que d'autres le comprennent.

  • Errata: "L'âme humainE"; "exiSter".

  • (Et la vraie question était : La langue est-elle ce qui permet l'oppression, en soi? Est-elle sa cause? Je voulais dire qu'elle n'en était qu'un moyen.)

  • Jorge, dans le cas présent, hérésie est à prendre au 3ème degré, non au 1er! C'est effectivement une hérésie, voire un sacrilège, que de réduire l'orthographe à sa plus simple expression, tout comme efféminer la langue de Molière et là je suis tout à fait d'accord avec Kissa!

    De plus c'est un mot qu'on emploie souvent en Français pour souligner une déviation du bon sens!

  • Erratum: ...tout comme "féminiser" certains mots: écrivain, pompier etc...."

    Désolée, la correction n'est pas passée. :((

  • "C'est effectivement une hérésie, voire un sacrilège, que de réduire l'orthographe à sa plus simple expression..."

    "De plus c'est un mot qu'on emploie souvent en Français pour souligner une déviation du bon sens!"

    ...en français, Patoucha. Le F est minuscule. Ne réduisez pas l'orthographe à sa plus simple expression!

  • Merci, Patoucha. Effectivement, le mot "hérésie" signifie aussi : idée qui heurte les opinions considérées comme justes. On apprend tous les jours, Jorge...

    Le mot "français" s'écrit bien ici avec une minuscule. Juste, Ricaneur.

  • Je commence à comprendre, Marinette, ce que c'est qu'être une linguiste militante qui accepte de descendre dans l'arène. On doit avoir les épaules solides. Toute cette passion est impressionnante. Il faut bien croire qu'il y a quelque chose dans la langue qui touche au sacré ou, du moins, que c'est l'idée que l'on s'en fait. Je fais moins allusion ici à cette "hérésie" qui suscite les définitions qu'à ce que R.M. appelle "l'ouverture sur le mystère de l'âme humaine".
    Mais dans ces commentaires et ceux qui suivaient l'article de Moeri, quelque chose surtout m'étonne, Marinette: vous n'êtes pas la seule à défendre ces thèses, on le sait bien. Où sont vos partisans et vos alliés? Douillettement cachés dans les facultés et les colloques? Discutant entre eux et ne voulant surtout pas se salir les mains en polémiquant?
    On ne peut au moins pas vous reprocher, à vous, de manquer de courage. Je vous admire pour ça.

  • C'est la solitude du linguiste de fond…

  • "Je commence à comprendre, Marinette, ce que c'est qu'être une linguiste militante qui accepte de descendre dans l'arène."

    Et hop, on termine en beauté avec la dialectique du martyr incompris, la boucle est bouclée...

  • Ricaneur, la majuscule a été mise volontairement.
    Alors, pour le ricanement vous repasserez!

  • Ab, mon impression est que Marinette défend des conceptions qui dominent énormément dans l'école française, et que votre blog est regardé comme étant suisse. Or, cette école essaye plutôt, actuellement, de conserver son pré carré en France que d'exporter ses conceptions. En tout cas, vivant en France et travaillant dans l'Educucation nationale, c'est l'impression que j'ai.

  • Education (erratum): il n'y avait pas de jeu de mot.

  • Il me semble qu'il y a une certaine confusion dans ce débat, les uns et les autres ne parlant pas tout à fait de la même "langue".

    L'école n'a pas pour vocation de créer une "ouverture sur le mystère de l'âme humaine", mais bien de socialiser des individus, de plus en plus d'individus, aux expériences et donc possibilités différentes. Le travail des universitaires est de réfléchir aux méthodes d'enseignement, accessoirement à l'adaptation de la langue à ses conditions d'utilisation. Il me semble que Mme Matthey fait là son travail, et de manière intéressante, même si on peut discuter à l'infini de la réforme de l'orthographe... (je suis pour: elle n'a rien à voir avec la phonétique que moque M. Unmauno).

    Pour en revenir à "l'ouverture sur le mystère de l'âme humaine", j'ai l'impression que c'est justement à cause de ce genre d'arguments, si l'on peut dire, que les partisans de Mme Matthey n'interviennent pas: le linguiste n'a pas de compétence spéciale pour l'analyse du rapport intime à l'art en général, à la littérature en particulier. Ces questions se règlent en philosophie, au café ou dans les blogs, non?

  • "Le français opprime, dans un empire colonial, la langue locale, et le "bon français", conforme aux lois énoncées par les enseignants, opprime le "mauvais français", qui est celui du peuple."

    Je meurs d'envie de lire les commentaires de nos joyeux gauchistes quand l'école enseignera le mauvais français aux couches populaires et le bon aux enfants des élites...

  • Ellipse, les professeurs de français au Collège ne sont pas censés enseigner seulement la grammaire et la rhétorique (les "techniques du discours"): mais aussi la littérature, notamment la poésie. Et cet apprentissage de la littérature n'est pas fait simplement pour inculquer la morale qui y est présente. Il s'agit réellement d'enseigner la littérature en tant que telle, en principe. Or, la poésie est bien une ouverture sur le mystère de l'âme humaine. Si on ne veut pas le faire à l'école, il faut arrêter d'enseigner la littérature. Si on veut enseigner la littérature sans le faire, c'est bien qu'on veut la réduire à du "communicationnisme" (l'apprentissage des relations sociales). Que l'école de pensée qui va dans ce sens se soit imposée dans l'Enseignement en général (c'est une possibilité) ne prouve pas que c'est ce qu'il faudrait réellement faire. Car à mon avis, ce n'est pas vraiment donner une image correcte de la démarche des écrivains (notamment des poètes) que de les présenter sous cet angle. Il ne faut pas s'imaginer que ce qui se limite à l'apprentissage des mécanismes sociaux puisse recouper l'enseignement de la littérature en tant que telle. Sinon, on risque bien, il faut l'avouer, de favoriser une forme de "réalisme socialiste". Et c'est à mon avis le plus gros problème de l'école issue de Bourdieu. Pour parler franchement.

  • Ce jour-là, Geo, il y aura aura en fait deux nations, aux territoires d'abord peut-être mêlés, mais bientôt séparés. Car dans le monde, même, il y a bien des nations "d'élite" (celles qui conçoivent les biens de consommation), et les nations "prolétaires" (celles qui les fabriquent); et en général, elles parlent des langues très différentes. Mais si le français de l'élite est une langue pour les intellectuels (comme il l'est bien, il faut l'admettre), cela tend à montrer que si on veut l'apprendre à tout le monde, il faut se préparer à ce que les biens qu'on conçoit ne soient plus fabriqués. Mais comme on veut quand même qu'ils soient fabriqués, cela prouve, peut-être, que l'égalité, si on la cherche, passe par la réévaluation culturelle des traditions populaires (et la réévaluation salariale des gens qui fabriquent, manuellement, les biens de consommation).

  • L'orthographe, quand on en transmet le code, donne aussi des clefs pour comprendre, de psychologie à psychopathe, comprendre les étymologies et entrer dans le cercle de mots qui se parlent, puis de psychopathe à pathologie, construire une autre passerelle, puis de pathologie à météorologie, etc. L'orthographe nous aide à décoder la forêt vierge des mots, sans elle, nous serions perdus. http://anthropia.blogg.org

  • C'était déjà ce que disait Bossuet, pour défendre les graphies étymologiques. Car certains grammairiens prônaient l'orthographe étymologique. Philibert Monet disait par exemple que dans les faits, les étymologies rendues visibles ne servaient à rien, parce que le savant pouvait connaître les étymologies sans avoir besoin de l'orthographe, et que le non savant n'avait pas le temps ni l'envie de connaître les étymologies, puisque déjà il ne connaissait ni le latin ni le grec: cela ne renvoie donc pour lui à rien. Le débat est aussi devenu, pour Bossuet, un enjeu de type idéologique: il fallait relier le français au latin pour se souder culturellement à la Rome antique. Quant à Monet, il pensait que la langue ne devait pas être trop encombrée, notamment pour les activités de la vie courante. Personnellement, je pense comme Monet. J'ai voulu publier un recueil de poésie en orthographe phonétique, mais cela m'a été refusé.

  • "Car certains grammairiens prônaient l'orthographe étymologique": c'est une erreur. Il faut lire: "Car certains grammairiens prônaient l'orthographe PHONETIQUE [déjà à l'époque de Bossuet, quand on a voulu fixer la langue]".

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