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lettres françaises - Page 6

  • Haines et amours de Régis Debray

    par Jean-Michel Olivier

    DownloadedFile.jpegIl y a à boire et à manger dans ces Modernes catacombes*, le dernier livre de Régis Debray, écrivain, essayiste, inventeur de la médiologie, cette science qui étudie les supports de transmission de message (codex, livre imprimé, toute-puissance du Web). L'auteur y ressemble des articles et des discours qu'il a tenus depuis vingt ans à diverses occasions. L'ensemble est donc un peu décousu, et académique. Mais c'est l'occasion, pour Debray, d'exprimer une fois encore ses admirations (Gary, Sartre, Semprun, Gracq) dans des textes d'une beauté pénétrante où il relie telle ou telle œuvre au courant de la grande Histoire en général, et de l'histoire littéraire en particulier.

    Frère d'arme de Che Guevara, longtemps emprisonné en Bolivie, Debray n'a dû son salut qu'à l'intervention obstinée de Jean-Paul Sartre (et de quelques autres). Il reste marqué par l'existentialisme, mais ses amours vont au-delà, comme en deça. Au loin, il y a Chateaubriand, indépassable, qui revient souvent dans ce livre d'hommage à la littérature française. Plus près de nous, André Breton, Malraux, Michel Foucault. Debray paye à chaque fois sa dette. Rappelle ce qu'ils ont apporté à la littérature : non seulement une esthétique nouvelle, mais surtout une éthique. Pour Debray, en effet, il n'y a de bonne littérature que liée au combat pour la liberté. La plupart des auteurs dont il parle ont traversé la guerre. La Grande guerre ou la drôle de guerre. Le sang et les larmes ont nourri leurs ouvrages. De Gaulle en est la figure de proue, auquel Debray voue un culte fidèle.

    Bien sûr, l'Europe ne connaît plus de grandes guerres depuis près de 70 ans. DownloadedFile-1.jpegEt donc, selon Debray, plus de grands écrivains non plus. Sans taureau, ni menace d'être encorné, plus de corrida ! Ce qui donne à la littérature contemporaine des enjeux plus futiles (circonstanciels ou purement esthétiques). Debray regrette presque les guerres d'antan, qui faisaient les héros et les grands écrivains. C'est son côté passéiste. Mais il n'a peut-être pas tort.

    Certains hommages sont remarquables (celui consacré à Marc Fumaroli ou à Albert Londres, par exemple). Les détestations sont moins convaincantqes. En particulier celle qui ouvre le lire, consacrée à Philippe Sollers. Debray reproche au roi Sollers de faire sans cesse le paon, d'occuper les médias pour se faire valoir et de retourner sa veste à la première occasion. images.jpegCe n'est pas faux, bien sûr. Mais Sollers est aussi écrivain (plus de 70 livres!), romancier novateur, essayiste remarquable (plus de 3000 pages d'essais critiques). Voulant moucher Sollers, Debray ne prend même pas la peine de le citer, ce qui est tout de même assez curieux pour un esprit aussi subtil !

    Il n'empêche : on apprend toujours beaucoup en lisant Devray : sur notre époque, sur la littérature, sur les modes et les manies de Paris, sur ce qui reste, encore et toujours, à écrire.

  • Un lecteur prodigieux (Charles Dantzig)

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    par Jean-Michel Olivier

    De tout temps, il y a eu des lecteurs prodigieux. Le plus souvent, il venaient du monde l'Université : Thibaudet, J'ean-Pierre Richard, Jean Starobinski, Michel Butor et tant d'autres. Aujourd'hui, comme on sait, l'Université n'existe plus. Mais les grands lecteurs persistent et signent. Ce sont des journalistes et/ ou des écrivains, comme Jean-Louis Kuffer ou Philippe Sollers. Parfois des éditeurs, comme Charles Dantzig (à droite sur la photo, posant devant l'Olympia de Manet). Ou de simples amateurs.

    Quelles voix s'élèvent, aujourd'hui, pour dire à la fois le plaisir et les questions de la littérature ? Non seulement classique, comme on dit, mais aussi moderne, et même la plus contemporaine ?

    Je ne citerai que trois noms, qui valent tous les critiques universitaires : 3283024.image.jpegJean-Louis Kuffer, critique, écrivain, ancien journaliste de 24Heures, dont le blog (ici) est le journal de bord d'un lecteur au long cours, retraçant l'expérience singulière de la lecture, « cette pratique jalouse » selon Mallarmé, ses doutes et ses réjouissances, ses enthousiasmes et ses questionnements. En second lieu, un écrivain si souvent accusé de faire le paon, Philippe Sollers, qui, si l'on met de côté ses romans plus ou moins expérimentaux (et plus ou moins réussis), demeure un fantastique lecteur, à la curiosité insatiable, qui voyage à travers les siècles et les frontières, capable d'éclairer Hemingway, comme Joyce ou Proust, Lautréamont ou Aragon, Philip Roth comme La Fontaine. Sollers ? Un grand lecteur, passionné, érudit, intraitable. Si vous ne me croyez pas, lisez : La Guerre du goût (Folio), ou encore Éloge de l'Infini (Folio). Ou enfin, Fugues, qui vient de paraître chez Gallimard.

    images-3.jpegVenons-en, maintenant, au troisième cas exemplaire. Un lecteur prodigieux (par son érudition), agaçant (par ses partis-pris), à la fois empathique et critique : Charles Dantzig (né à Tarbes, en 1961). Il n'en est pas à son coup d'essai, puisqu'on lui doit, déjà, un formidable Dictionnaire égoïste de la littérature française (Le Livre de Poche), ainsi que divers opuscules tels que Pourquoi lire ? (Le Livre de Poche) et Encyclopédie capricieuse du tout et du rien (Le LIvre de Poche). Cette année, il publie À propos des chefs-d'œuvre*, une réflexion à la fois personnelle et universelle sur ce qui fait la paricularité des grandes œuvres d'art (Dantzig élargit sa réflexion à la peinture, à la danse, à la musique).

    Qu'est-ce qui fait qu'un livre, ou un tableau, ou une musique, traverse le temps et reste, contre vents et marées, toujours d'actualité ?

    D'abord, un chef-d'œuvre appartient à son temps — mais il traverse aussi les âges. « Les chefs-d'œuvre ne sont pas détachés. Ils émanent de leur lieu, de leur temps, de nous. L'homme est capable de l'exceptionnel, dit le chef-d'œuvre. » Il est fait d'une pâte à la fois humaine et inhumaine. Il marque toujours une rupture (face à la convention, à la médiocrité « qui est toujours la plus nombreuse »). Rétrospectivement, le chef-d'œuvre donne sa couleur à l'époque. « C'est un présent qui donne du talent au passé. » Il ne peut être réaliste, puisqu'il repose sur la transfiguration de la réalité. « Le réalisme, note justement Dantzig, est une forme de paresse. Ceux qui le pratiquent recopient les choses nulles qu'ils ont vues et les sentiments condescendants qu'ils en ont orgueilleusement éprouvés, rien de plus. » « Le chef-d'œuvre est moins là pour donner du sens que pour révéler de la forme. Il est un combat gagné de la forme contre l'informe. » C'est pourquoi le plus beau des chefs-d'œuvre éphémère est un bouquet de fleurs coupées…

    Alors, bien sûr, comme tous les grands lecteurs, Dantzig a ses marottes. images-5.jpegIl n'aime pas Céline, ironise sur la grandiloquence du style de Marguerite Duras, sur l'ennui des films de Benoît Jacquot, tandis qu'il célèbre Proust ou Genet, Valéry et Cocteau, et certains livres du regretté Hervé Guibert. Dans son panthéon figurent quelques curiosités, tels Sur le retour de Rutilius Namatianus (texte latin datant de 420), La brise au clair de lune, de Ming Jiao Zhong Ren (Chine, fin du XIVe siècle), ou encore les œuvres posthumes de Desportes (1611). Mais aussi Mario Paz, Henri Heine, Gore Vidal, Jules Laforgue.

    Dantzig brise une lance, également, contre la république des « professeurs restés élèves ». « Appliqué, citeur, roulant sur des vieux rails, pas rouillés, non, tellement empruntés et depuis toujours qu'ils brillent comme du neuf. En réalité, la littérature, il n'y comprend rien. En Angleterre, il peut s'appeler Georges Steiner, aux États-Unis ça a été Allan Bloom, en France il pourrait être Alain Finkelkraut. (…) Voici un grand secret : en matière de littérature, Barthes et Foucauld, Jakobson et Genette, De Man et Badiou ne sont pas l'essentiel. » On voit ici que Charles Dantzig, comme Brigitte Bardot sur sa Harley, n'a peur de personne…

    Alors, finalement, qu'est-ce qu'un chef-d'œuvre ?

    « Le seul critère irréfutable, c'est celui-ci : le chef-d'œuvre est une œuvre qui nous transforme en chef-d'œuvre. Nous ne sommes plus les mêmes une fois qu'il nous a traversés. Une œuvre de création normale, nous la maîtrisons ; un chef-d'œuvre s'empare de nous pour nous transformer. »

    * Charles Dantzig, À propos des chefs-d'œuvre, Grasset, 2013.

     

  • Trahir, dit-il (Roland Jaccard)

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    par Jean-Michel Olivier

    Avec Roland Jaccard, au moins, on ne perd pas de temps. D’emblée, il annonce la couleur. « Il m’est pénible de l’avouer, mais je suis un pauvre type. Je n’ai pas le souvenir de l’avoir toujours été. »  Faute avouée est à moitié pardonnée, dit-on. Mais on connaît le zèbre. Cet aveu de faiblesse, comme souvent, est la première pièce d’un procès que l’auteur, livre après livre, s’intente à lui-même, suivant l’exemple de son frère de macération Henri Frédéric Amiel. Autocritique, cynisme, autodénigrement : ce sont les armes qu’utilise Jaccard avec, il faut le dire, non seulement une grande intelligence, qui confine parfois à la rouerie, mais aussi un style et une attitude (on n’osera pas parler d’éthique) : la suprême élégance des désespérés.

    Car Jaccard, c’est d’abord un style, à la fois libre et transparent, inimitable en ce qu’il est parfaitement singulier, une phrase limpide qui rend le récit alerte, des piques jouissives (sur Michel Contat, « sartrien de droite légèrement masochiste », Josyane Savigneau, alias Pepita Bourguignon, sa grande ennemie au Monde, ou encore Étienne Barilier, qui a écrit un livre au titre prophétique, Soyons médiocres !, et qui l’est devenu). Des piques et des fusées, des aphorismes savoureux : « J’ai toujours pris pour règle de négliger la moralité, mais de respecter les formalités. »

    images-3.jpegSon dernier livre, Ma vie et autres trahisons*, n’est pas un roman, ni un essai, ni une confession, mais les trois à la fois. Jaccard n’est jamais aussi passionnant que lorsqu’il mêle les genres, sans avoir l’air d’y toucher.

    Roman d’amour, ou plutôt d’initiation, car l’auteur, qui ne se reconnaît pas les qualités d’un grand amoureux, aime au contraire à initier les choses de l’amour, et si possible avec des nymphes qui ont à peine 16 ans. En ce domaine, il est incorrigible. Si l’on voulait interroger un psy, disons le Dr Grafenstein, il dirait sans doute que la libido de l’auteur s’est arrêtée à l’adolescence, et qu’il recherche, inlassablement, dans ses expériences amoureuses, le premier émoi éprouvé à cet âge-là. Après Sugar babies**, ode inoubliable aux jeunes lectrices de mangas, Jaccard nous livre un autre pan de sa vie galante : ce qui reste de toutes ses rencontres, parfois fugaces, avec Candy, par exemple, l’amoureuse lausannoise, Masako, la jeune graphiste japonaise ou encore cette inconnue, très jeune bien sûr, à qui l’auteur lit chaque nuit des pages de L’Antéchrist de Nietzsche, pour l’édifier ! DownloadedFile.jpegIl n’y a pas de nostalgie de ces évocations d’un passé plus ou moins révolu, mais au contraire la tentative de saisir la grâce d’un moment d’abandon où les amants, délivrés de leur moi (c’est-à-dire de toute volonté de puissance) jouissent librement l’un de l’autre.

    Bien qu’il fourmille de citations et d’aphorismes plus ou moins sentencieux, le livre de Jaccard n’est pas un essai non plus. On connaît la philosophie de l’auteur, quelque part entre un nihilisme désabusé d’un Nietzsche ou d’un Schopenhauer et un hédonisme assumé à la Henry Miller, par exemple. Il développe ici une sorte d’art de vivre et d’aimer, dont les points cardinaux (les jeunes filles, la littérature, la culture japonaise, le ping-pong) sont moins superficiels qu’il n’y paraît. Parce que, comme tous les grands livres nous l’apprennent, c’est à force d’être superficiel que l’on devient profond.

    5148XN94N6L._SL500_AA300_.jpgDes confessions ? Chaque ouvrage de Jaccard en est une à sa manière, qu’il s’agisse d’ouvrages « sérieux », comme La Tentation nihiliste ou L’Exil intérieur, ou de livres plus « légers », comme Des femmes disparaissent (mais Jaccard abolit ces distinctions factices entre les genres). Ma vie et autres trahisons n’échappe pas à cette règle. L’auteur se livre, avec humour et détachement, à une mise à nu — presque une exhibition — de ses fantasmes et de ses émotions. On pense ici à Amiel, le maître incontesté du journal intime (16'000 pages, quand même, pour dire le vide de sa vie genevoise), et surtout à Benjamin Constant, dont Jaccard est un fervent admirateur. DownloadedFile-1.jpegL’auteur ne raconte pas sa vie (pitié !). Il la découpe au scalpel, il retourne le couteau dans la plaie, il jette du sel sur ses blessures.

    Et, curieusement, au lieu du rien qu’on nous avait promis, on touche une vérité qui frappe au cœur et nous donne envie de lire ou de relire les autres livres de Roland Jaccard, ce Lausannois exilé à Paris, amateur de piscines et de jeunes filles en fleur, qui aime à trahir ses amis, sa patrie, ses idées, mais avant tout à se trahir lui-même. Ce qui fait la valeur de ses livres

    * Roland Jaccard, Ma vie et autres trahisons, Grasset, 2013.

    ** Sugar Babies (illustrations de Romain Slocombe), Zulma, 2002.

  • la peur, référence majeure

     

     

    par antonin moeri

     

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    Pour mettre en mots et en scène l’engourdissement dans un temps qui traîne, qui peine à passer, Marguerite Duras choisit le Café de la Marine à Quillebeuf. La narratrice a peur. Ce sont des Coréens, précocement atteints par l’obésité, assis sur la terrasse, qui lui font peur. Ce sont des gens qui sourient comme des enfants quand ils tuent des chiens à coups de bâton. Or cette peur a un sens. Pour la narratrice, c’est la référence majeure. Pas de littérature sans peur. Comme si on avait besoin de se sentir menacé pour trouver les mots qui serviront à raconter.

    Le lecteur comprend que la narratrice et son compagnon ont connu l’amour, du moins un amour particulier, une histoire qui n’en finit pas de mourir. Un couple d’Anglais accoudés au bar de la Marine permettra d’écrire cette histoire de peur, de perte, d’abandon et de solitude. Perchés sur leurs tabourets, l’Anglais boit une Pilsen noire, l’Anglaise un bourbon. On regarde le fleuve. Vous regardez le fleuve. Nous regardons le fleuve. La patronne de l’établissement dit aux Anglais qu’elle va quitter Quillebeuf pour aller en Afrique reprendre un dancing près d’Abidjan. L’Anglais, que la patronne appelle Le Captain, parle des îles de la Sonde, de Java et Sumatra, d’où il revient avec son énorme yacht. Qui sont ces gens?

    Par un artifice surprenant, le lecteur va apprendre l’histoire de l’Anglaise. Le Captain parle à une petite iguane qui est en réalité sa femme. Née dans une riche famille protestante, elle tombe amoureuse du Captain mais ses parents refusent le mariage. Ils vont vivre dix ans dans le logement de fortune du Captain, au bout de la propriété familiale, où ils commencent à boire. Un jour elle écrit des poèmes, que lui ne comprend pas. Il se sent trahi. Il ne supporte pas qu’elle ait une vie parallèle. Et le poème le plus beau, celui auquel l’Anglaise tient le plus, où il est question des lumières jaune sanglant qui tombent dans une cathédrale et où la petite fille que l’Anglaise vient de perdre est évoquée, ce poème elle ne le retrouve plus. Ayant découvert en lisant ce poème qu’il n’existait pas dans l’univers de sa femme, le Captain l’a jeté au feu. Désormais, elle somnolera. Lui, il la rendra responsable de tout ce qu’il ne comprend pas d’elle. Un jeune employé découvrira ces poèmes que le père de l’Anglaise a édités. Il les aimera et conclura que le Captain est un criminel qui a assassiné celle que le jeune employé appellera Emily L.

    Le Captain est angoissé à l’idée de retourner sur l’île de Wight où sa femme a grandi et écrit. Cette angoisse, la narratrice s’en saisit pour raconter son histoire qui n’en finit pas de mourir avec le jour qui jette ses dernières lueurs dans le Café de la Marine. Elle avait promis qu’elle écrirait cette histoire. La souffrance aura-t-elle disparu quand ce sera dans un livre? On ne peut répondre à cette question, mais on peut dire son émotion à la lecture d’un roman somptueux, d’une beauté sidérante, qu’on ne peut que relire en rêvant de l’estuaire où passent les pétroliers, en imaginant le Café de la Marine où se croisent des touristes, des Coréens obèses au sourire cruel, des matelots, des Anglais alcooliques, une vieille femme en compagnie d’un jeune homme blond.

     

     

     

    Marguerite Duras: Emily L., Editions de Minuit, 1987

  • La stupeur de se savoir composé d'immondices

     

     

    par antonin moeri

     

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    Le monde du crime fascinait Duras. Elle aimait les voyous, les hors-la-loi, les braqueurs, les prostituées. Un de ses amis, Georges Figon, a passé quinze ans derrière les barreaux. Elle en parle dans «La vie matérielle». Elle l’a écouté pendant des heures, des journées, des nuits. Ces quinze ans à Fresnes, Figon aurait voulu les raconter dans un livre. Mais comment faire pour raconter ça à des gens qui ne sont jamais allés en prison?

     

    Il faudrait, dit Duras, qu’entre «celui qui a vécu la chose racontée et celui qui l’écoute, il y ait des lieux communs de l’existence, le travail, le métier, la morale etc.» Figon a été heureux en prison quand il fomentait un livre sur l’existence des prisonniers, sur l’appareil judiciaire qu’il connaissait bien, sur le personnel pénitentiaire. Or Figon «s’est embourbé, perdu, dans la véracité des faits, le bourbier du réel». Pour réussir son coup, il eût fallu tout oublier et tout réinventer. «Il aurait fallu qu’il triche, qu’il refasse tout pour les autres de ce qu’il avait subi, lui».


    Cet oubli, cette réinvention, cette mise en fiction ou tricherie, Figon n’a pas su les mener à bien. Il n’a pas réinventé l’interminable nuit du prisonnier qui ne trouve pas le sommeil et à qui on refuse les somnifères, les hurlements et les menaces proférées pour obtenir des cigarettes. Il n’a pas imaginé les couloirs éclairés au néon, les portes qui claquent, le cliquetis des serrures, les hommes à la promenade ou au réfectoire, les brimades, les complicités avec les gardes. La fidélité de Figon à l’événement l’a éloigné de la possibilité du roman. Pour réussir dans cette entreprise, l’homme Figon aurait dû renoncer à sa «pureté».


    Ce qui retient l’attention dans ce passage de «La vie matérielle», outre la fascination de MD pour l’univers du crime, c’est sa capacité à se glisser dans le camp de ceux qui se sont délibérément mis en marge de la société, à se mettre dans la peau du hors-la-loi. Ce n’est pas un goût pervers du pittoresque qui l’attire dans les tribunaux, où se déroulent des procès d’assises, dans les prisons, vers le fait divers et l’histoire des accusés, ce n’est pas un simple désir de fraternité, c’est une nécessité, une manière de sonder la chambre noire qui grouille de crotales, de scorpions et de mygales, et dont la porte, dans telle ou telle circonstance, peut brusquement s’ouvrir.


    Peut-être parce que la littérature, pour reprendre les mots de Bataille, se doit de plaider coupable. Si elle s’éloigne du mal, disait l’auteur de «La part maudite», elle devient vite ennuyeuse. Duras a sans doute connu la stupeur de se savoir composée d’immondices. Elle ne cesse de dire cette stupeur dans le Barrage contre le Pacifique, dans l’Amant de la Chine du Nord, dans L’Amante anglaise.

     

     

    Marguerite Duras: la vie matérielle, Folio, 2012

  • La mémoire brûlée de Boris Cyrulnik

    par Jean-Michel Olivier

    images.jpegLa vie de Boris Cyrulnik est un roman, tragique et édifiant. Longtemps, ce roman est resté prisonnier d'une crypte, enfermé dans les oubliettes de sa mémoire. Il en savait des bribes. Il essayait de mettre bout à bout les images de ce film demeuré trop longtemps muet. Car pour attester un souvenir, surtout lointain et flou, il faut la présence d'un témoin. Sinon, la folie guette à chaque instant…

    C'est une enquête sur son passé, mêlant récit autobiographique et réflexion sur la mémoire, que mène Cyrulnik dans son dernier livre, Sauve-toi, la vie t'appelle*. Le jour de sa première naissance, en juillet 1937, il n'était pas là, raconte-t-il. Son corps vient au monde, mais il n'en garde aucun souvenir. Il est obligé de faire confiance aux autres. À la parole des autres. Sa seconde naissance a lieu en 1944. Elle est en pleine mémoire. Des soldats allemands viennent l'arrêter. Son père, qui s'était engagé dans l'armée secrète de la Résistance, a été emprisonné, puis déporté à Auschwitz. images-3.jpegSa mère (à droite, avec Boris âgé d'un an) suivra hélas le même chemin sans retour. Il s'en faut de très peu pour que le petit Boris, parqué avec d'autres Juifs dans une synagogue, parte à son tour pour les camps de la mort. Mais il parvient à s'échapper. Une infirmière le cache sous un matelas, sur lequel agonise une jeune femme qu'on transporte à l'hôpital. C'est sa chance. À partir de ce moment-là, la vie de Boris Cyrulnik est une suite de miracles. Ou, si l'on veut, de circonstances heureuses et cependant tragiques. « Mon existence a été charpentée par la guerre. Ai-je vraiment mérité la mort ? Qui suis-je pour avoir pu survivre ? Ai-je trahi pour avoir le droit de vivre ? »

    Reconstituant les images de cette mémoire blessée, Cyrulnik s'aperçoit que nous refaçonnons et réhabitons, à chaque instant, nos souvenirs. Non pas pour les enjoliver. Mais parce que nos souvenirs sont labiles, ils changent de forme et de couleur, selon le moment de notre existence. Nous réinventons nos souvenirs pour survivre au malheur, à la séparation ou à la mort. DownloadedFile.jpegRousseau ne fait pas autre chose dans ses Confessions. Il cherche moins à se faire pardonner des fautes vénielles qu'à réenchanter son passé, afin de chercher à comprendre qui il est à présent. « Le mot « représentation » est vraiment celui qui convient. Les souvenirs ne font pas revenir le réel, ils agencent des morceaux de vérité pour en faire une représentation dans notre théâtre intime. Quand nous sommes heureux, nous allons chercher dans notre mémoire quelques fragments de vérité que nous assemblons pour donner cohérence au bien-être que nous ressentons. En cas de malheur, nous irons chercher d'autres mocreaux de vérité qui donneront, eux aussi, une autre cohérence à notre souffrance. »

    images-2.jpegOn comprend mieux, en lisant l'autobiographie de Boris Cyrulnik, comment et pourquoi il en est venu à forger le concept essentiel de résilience. Sa vie est l'exemple et la preuve de cette capacité extraordinaire de résistance au malheur. Et cette résistance passe par la parole qui nous aide à représenter le malheur, pour mieux le tenir à distance et le neutraliser. Voilà pourquoi, même dans les circonstances les plus tragiques, la vie appelle toujours à se sauver.

    C'est la leçon de ce livre magistral qui raconte, avec lucidité et émotion, la vie d'un homme qu'on voulait abattre, mais qui a survécu à la folie des autres hommes. Un survivant, donc, porteur d'une mémoire vive qui montre que chacun, quel que soit son malheur, sa souffrance ou sa solitude a une chance de salut.

    * Boris Cyrulnik, Sauve-toi, la vie t'appelle, Odile Jacob, 2012.

  • Les fugues du roi Sollers

    images.jpegUn éditeur romand de mes amis, il y a quelques temps, se lamentait sur le déclin de la littérature française. « Pas de Sartre, pas de Camus, aujourd'hui, disait-il. Plus de monstres sacrés. Plus que des sous-produits commerciaux comme Christine Angot, Olivier Adam, Guillaume Musso. Quelle décadence ! »

    À cela, j'osai répondre que, tout de même, parmi les 700 romans de la rentrée, par exemple, il y en avait de tout à fait convenables, sinon remarquables. Et que peu de littératures pouvaient, aujourd'hui, offrir une telle richesse et une telle diversité. Je citai quelques noms : Quignard, Djian, Le Clézio, Sollers. » À ce nom, l'éditeur s'échauffa. « Sollers ? Mais ce n'est pas un écrivain. C'est du bluff. Du vent. Il n'a pas écrit un bon livre. » La discussion en resta là, chacun campant sur ses positions.

    images.jpegUne semaine plus tard, je reçois le dernier livre de Philippe Sollers, Fugues*, 1114 pages, un recueil d'articles qui fait suite à La Guerre du goût (1994), Éloge de l'Infini (2001) et Discours parfait (2010). Une véritable somme (près de 5000 pages!) qui brasse et embrasse toute la littérature mondiale, d'Homère à Céline, de Casanova à Diderot, de Joyce à Proust, de la Chine aux avant-gardes italiennes ou allemandes. Une radiographie unique et remarquable de la littérature d'hier et d'aujourd'hui. Un regard d'aigle. Un scalpel affûté et précis. Bien sûr, Sollers y parle beaucoup de Sollers (entretiens, préfaces, réflexions sur ses livres). Mais pourquoi un écrivain n'aurait-il pas le droit de revenir sur ses livres — toujours peu ou mal compris ? Bien sûr, parmi les auteurs étudiés, il y a peu de Belges, peu d'écrivains africains (pourtant, les talents ne manquent pas). Pas de Suisse (même pas Rousseau !). Mais il y a Diderot, Baudelaire, Aragon, Montherlant, Melville, Hemingway, etc.

    En prime, quelques fusées. Essais ? Poèmes ? Débuts de romans ? Comme ce texte intitulé sobrement « Culs ».

    « Dans chaque femme, donc, deux femmes.

    L'une parfaitement présentable, bien élevée, cultivée, bien prise.

    L'autre pleine de choses horribles, d'obscénités inouïes, avec son laboratoire d'insultes et d'injures, ses trouvailles hardies.

    Elles ne se rencontrent jamais. C'est pourtant la même. »

    Ou encore cette phrase, énigmatique, dont j'attends du lecteur qu'il me livre le sens.

    « Le bon cul est toujours catholique, expérience de voyageur. »

    * Philippe Sollers, Fugues, Gallimard, 2012.

  • Les deux littératures

    AVT_Georges-Bataille_5597.pjpeg.jpeg« Il y a deux types de littérature, écrivait Georges Bataille. La première, plate et anecdotique, fait la une des gazettes, et se vend bien. La seconde, allégorique et souterraine, fait son chemin dans l'ombre et intéresse les lecteurs à venir. »

    On ne saurait mieux définir notre époque qui préfère le plat, le sordide et les mensonges de l'autofiction à la littérature d'invention, la fable, la création d'un monde singulier. Tout se passe comme si, de tous les mouvements littéraires, le réalisme avait définitivement remporté la partie. Il suffit de passer en revue quelques stars de la rentrée française. Dans Les Lisières*, Olivier Adam, nous raconte, pour la énième fois, l'histoire d'un homme abandonné par son épouse, et séparé de ses enfants. Avec force détails et serrements de cœur. DownloadedFile-1.jpegL'inénarrable Christine Angot, dans Une semaine de vacances**, nous ressert la resucée de son inceste (une fellation au jambon-beurre) en ne nous épargnant aucun détail. Telle autre, Félicité Herzog***, avec une rage inassouvie, déboulonne la statue de son père, dans un style au plus près du trottoir.

    « Le réalisme, disait mon cher professeur Roger Dragonetti, c'est la lèpre de la littérature. » Et cette lèpre, semble-t-il, a gagné aujourd'hui toute la littérature…

    De l'autre côté, il y a le poème, la fable, le roman philosophique ou satirique. Cette littérature commence avec Homère et passe (pour aller vite) par Rabelais, La Fontaine, Swift, Voltaire, Nerval et, plus près de nous, Joyce, Kafka, Céline, images-1.jpegKundera, Quignard****, etc. Il s'agit toujours de rendre compte du monde et de ses aberrations, mais en créant un langage singulier. À chaque époque sa langue, me direz-vous. Rien de plus vrai.

    Et le romancier (le poète en mouvement) doit inventer la sienne pour provoquer (découvrir, dévoiler) la vérité.

    * Olivier Adam, Les Lisières, Flammarion, 2012.

    ** Christine Angot, Une semaine de vacances, Flammarion, 2012.

    *** Félicité Herzog, Un héros, Grasset, 2012.

    **** Pascal Quignard, Les désarçonnés, 2012.

  • incipit

     

     

    par antonin moeri

     

     

     

    Les scènes d’ouverture dans les romans ont plus d’une fois retenu mon attention. Souvenez-vous des premières pages du roman «Sanctuaire» de William Faulkner, sans doute une des scènes d’ouverture les plus impressionnantes de la littérature occidentale. Une source jaillit à la racine d’un hêtre et s’écoule sur un fond de sable ridé par l’empreinte des remous. Un homme accroupi boit. Au milieu de son propre reflet, cet homme découvre l’image déformée du canotier de Popeye, une espèce de gringalet, cigarette au bec, visage blême. Un oiseau chante. «C’est un revolver que tu as dans cette poche?» - «Non, c’est un livre». Scène inoubliable que me racontait mon père avec une joie évidente quand nous marchions sur les cailloux tranchants d’un chemin alpestre.

    Je songeais à cette scène d’ouverture en lisant le début de «L’après-midi de monsieur Andesmas» de Marguerite Duras. Cette fois, le lecteur est troublé. Le IL de celui qui débouche sur un chemin ne désigne pas un homme mais un petit chien roux qui «venait sans doute des agglomérations qui se trouvaient à une dizaine de kilomètres de là». Et c’est le point de vue du chien qu’adopte l’auteur pour lancer son récit. Le petit chien longe un précipice et, soudain flâneur, «hume la lumière grise qui recouvre la plaine». Il ne voit pas aussitôt le vieil homme assis dans un fauteuil en osier et qui, comme le chien, regarde l’espace vide illuminé devant lui. Ce sont les légers grincements du fauteuil sur lequel est assis le vieil homme qui attire l’attention du chien. Il dresse l’oreille et, alors seulement, il découvre la présence de Monsieur Andesmas.

    C’est sans doute la première fois que l’animal voit cet homme, à cet endroit. Raison pour laquelle il regarde l’homme «de cette façon contemplativement fixe». Il s’en approche en remuant la queue. Alors Monsieur Andesmas imagine la vie de ce chien errant. «Il devait venir chaque jour dans cette colline, à la recherche de chiennes et de nourriture (...) Il faudra faciliter son existence difficile en lui donnant à boire». Le chien quittera discrètement la scène en effleurant de ses ongles les roches de grès.

    On songe naturellement au magnifique roman de Virginia Woolf «Flush» que Duras devait avoir lu, et où la bio fictive d’une poétesse est racontée dans la perspective de son cocker. Mais ce que Duras réussit avec son redoutable talent de romancière, c’est de nous faire entendre le froissement des arbustes et des buissons, le halètement du petit chien, les légers grincements du fauteuil en osier, la respiration difficile du vieil homme. C’est de nous faire entrer, si j’ose dire, dans la peau de l’animal pour que le lecteur connaisse la surprise canine en découvrant que lui, le chien, n’est pas seul sur cette terrasse. Intimidé, il baisse les oreilles, remue la queue. Nous ne sommes pas dans l’univers de Kafka, de Darrieussecq, de Jon McGregor ou de Virginia Woolf qui placent le lecteur dans le foyer de perception de l’animal pour conter toute l’histoire, du début à la fin, mais les premières pages de «L’après-midi de Monsieur Andesmas» ont provoqué chez moi un plaisir de lecture que je n’oublierai pas de sitôt.

     

     

     

    Marguerite Duras: L’après-midi de Monsieur Andesmas, Pléiade, 2012


  • jubilations du désamour

     

    par antonin moeri

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    Pour scruter les moeurs de notre temps, rien de mieux que le décalage. Ne pas adhérer aux codes, aux normes et aux poncifs attendus dans le commerce avec nos semblables permet la distance et l’ironie. Selon Philippe Muray, ce serait la seule posture pour écrire un roman. Le narrateur de «La Ligne de courtoisie» maintient cette distance avec un brio fragile. «Cela se fait, de se donner un peu de mal pour ceux qu’on aime». Même si le fils, invité pour le repas d’adieu (le narrateur part en Inde pour renaître à la vie), arrive les écouteurs dans les oreilles et un sac bourré de linge sale. Même un pareil «petit con d’époque», il faut le recevoir, le mettre à l’aise, parler avec lui. Ainsi que sa copine qui tient un yorkshire dans les bras et ne supporte pas qu’on lave ses strings avec une lessive bourrée d’allergènes.

    Quant à son père que le narrateur va voir avant son départ, il est entortillé dans les ondes télé. Rafael Nadal l’intéresse beaucoup plus que ce fils (qui se prétend écrivain) et dont on ne voit plus le nom dans les journaux ni sur la toile. «Et puis, il faut dire que ce n’est pas très gai non plus, ce que tu écris. Il faut les détendre les lecteurs, pas les déprimer. Regarde L’Alchimiste». C’est que le père aimerait bien que son fils renoue avec le succès, un succès qu’il a connu dix ans plus tôt, quand on lui réservait une suite dans un palace et que, chez un étoilé du Michelin, il mangeait des sarrans à la criste-marine et que son éditeur le prenait dans ses bras et que les sollicitations étaient incessantes: télé, radio, presse écrite, séances photos, librairies. C’est que les gens ont raison: «La légitimité d’un écrivain tient à son public et à rien d’autre».

    Changement de lieu. Rien de plus agréable, pour un lecteur de ma sorte, que les longues descriptions désabusées du narrateur découvrant Pondichéry. En effet, je n’ai jamais compris pourquoi certains écrivains avaient des élans lyriques, fondaient avec un ravissement extatique devant le moindre visage, le moindre pied, la moindre odeur, la moindre saveur dès que ce visage ou ce pied leur apparaissait à des milliers de kilomètres de leur habituel lieu de résidence. Ces élans lyriques ressemblent beaucoup à ceux des touristes qui trouvent tout fantastique dès qu’ils foulent un sol étranger. C’est à quoi ne peut se résoudre le héros de Fargues, qui va entreprendre une radiographie des fameux expats (ceux qui gèrent des pensions citées par le Routard par exemple), ou de ceux qui traversent l’Inde en quête de je ne sais quelle spiritualité. Comme cette attachée commerciale en communication (anglaise) qui ne cesse de s’enflammer devant le festival des couleurs, le grand 8 des senteurs, les bijoux, les costumes sans oublier les temples et les paysages. Ou ce commercial retraité qui piaffe d’impatience dans une file de «candidats à une séance minutée de méditation».

    C’est une mise en demeure qui accélère le retour au réel. Une ex réclame 200.000 euros à l’écrivain qui s’était vanté, sur la toile, d’avoir gagné le prix d’une Ferrari avec son livre à succès. A son retour en France, l’écrivain franchira la ligne de courtoisie dans un bureau de poste en assénant un coup de poing à un usager impertinent. Il y a, dans ce personnage d’écrivain «en voie d’anonymisation définitive», une force d’inertie qui n’est pas sans rappeler celle d’un certain Flaubert devant les reptations d’une bougresse orientale qui lui dit qu’il a de beaux yeux ou devant les flamboiements apaisés d’un crépuscule sur le Nil. Une force d’inertie qui déclenche une intense attention à d’infimes détails comme «cette blatte lucifuge en quête effrénée d’une fracture dans la discontinuité linéaire du trottoir». Et si c’était ça, écrire: rester assez longtemps devant une chose pour pouvoir le raconter comme personne ne l’a jamais raconté? Etonner le lecteur «en lui parlant d’un caillou, d’un tronc d’arbre, d’un rat, d’une vieille chaise», pour reprendre les termes de Maupassant?

    Nicolas Fargues: La Ligne de courtoisie, POL, 2012