Votez érotique! (09/12/2007)

Par Pierre Béguin

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Je m’apprête à faire consciencieusement, mais tristement comme toujours, mon devoir en vue des votations du 16 décembre. Je constate, une fois de plus, que le seul redressement des finances, pour nécessaire qu’il soit, n’en constitue pas moins notre unique projet de société, et que nos grands communicateurs, dans le but de rassembler l’électeur, n’ont rien trouvé de mieux pour illustrer le fascicule joint au bulletin de vote que la représentation d’un défilé d’ombres errantes et tristes comme des zombies, sensé exprimer, je suppose, l’état d’esprit du citoyen d’aujourd’hui. Tout cela nous fait sérieusement voir la vie en morose et contribue à la grande débandade genevoise. Dommage! Le mot «redressement» est pourtant si prometteur…

Aussi me permets-je de formuler, comme le fit en son temps Jonathan Swift à la couronne d’Angleterre, une modeste proposition en vue d’un véritable redressement. Si elles veulent durcir les forces vives de la République, faire monter la sève électorale et répandre la semence propre à féconder nos institutions, que nos autorités choisissent, en guise de préliminaires, une illustration à la gloire des grands maîtres de la Turgescence, des Rembrandt de la Turlute, des Caravage de la bagatelle! Alors cesseront enfin ces râles pr73975034.jpgimaires contre les partis. Et nous verrons l’électeur, fouetté au sang, se redresser d’un coup d’un seul et, sans plus blesser les partis, avec l’arrogance roide et fière d’un vrai libéral, se mettre à jouer en bande à la brigade des stupres, introduisant aux urnes de (nouveaux) membres, essentiellement virils, sans que d’aucunes ne leur susurrent qu’ils prennent la queue s’ils ne sont pas trop glands. Ou encore, choisissant d’autres voies, il entrouvrira délicatement l’enveloppe pour extirper de sa gaine affriolante, même si elle n’est pas de soie, cette invitation au plaisir et, après l’avoir allongée précautionneusement sur la table la plus proche, il entreprendra avec ferveur son devoir de citoyen. L’accès en étant devenu plus aisé, il pointera avidement sur elle son sésame et, à peine l’aura-t-il effleurée, qu’il ressentira intensément l’excitation monter d’un cran  pour s’abandonner aussitôt voluptueusement aux exquises sensations du pouvoir électoral. Il prendra néanmoins le temps, en poses suggestives, de tenter les scénarios les plus osés, quitte, au risque de déplaire, de ribler quelque peu, avant de cesser tout va-et-vient indécis et de s’écrier «Oui! Oui! Ça y est!». Ensuite, après une pause bienvenue et avant une lente et délicate descente à la boîte aux lettres, il caressera longuement du bout des lèvres le renflement de l’enveloppe et glissera délicatement le fruit de l’exercice dans sa fente accueillante.
Certes, nos autorités ne manqueront de se raidir devant une telle proposition. Qu’elles considèrent toutefois les charmes et les attraits qui l’habitent. Si, d’aventure, les ébats du citoyen ne répondent pas à ses attentes légitimes – et il n’est nul besoin de consulter Youssouf N’Burubu, grand marabout à Annemasse, pour savoir que c’est assez souvent le cas – il aura appris, par l’attente excitée du prochain exercice, que gémissements et râles, accouplés aux poses les plus provocantes, n’y font rien! Il saura dorénavant que patience et doigté – surtout doigté – sont de meilleurs conseillers. Il remettra donc sans cesse son ouvrage sur le métier avec le ferme espoir, dans un grand élan libérateur, de pénétrer les Arcanes politiques même par des voies détournées et d'opérer le redressement annoncé pour atteindre enfin le nirvana tant espéré...

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