Quand Rousseau dit tout (20/01/2012)

 

Par Alain Bagnoud

Jean-Jacques Rousseau

L’année Rousseau a donc été lancée officiellement avant-hier. Ce qui nous donne un bon prétexte pour lire ou relire cet auteur genevois.

Je conseille évidemment Les Confessions, qui est un récit éminemment vivant. Ce livre autobiographique, qui nous fait connaître la vie de Jean-Jacques, a un aspect qui intéressera surtout notre époque. Rousseau est le premier sans doute qui a parlé clairement de sa sexualité.

Il y avant bien avant lui les romans lestes du XVIIIème, mais ils appartenaient à des catégories convenues qui mènent en droite ligne à ces productions actuelles que sont la pornographie et l’érotisme. Lui, Jean-Jacques a parlé de sa sexualité propre avec ce que celle-ci avait de personnel, de spécifique - et a révélé aussi en passant la vie intime de ceux qui l’entouraient, Mme de Warens, Mme de Larnage, par exemple.

C’est ça qui choquait si fort Chateaubriand. Lui, grand séducteur pourtant – ce que Rousseau n’était assurément pas – glisse sur ses amours dans ses Mémoires d’outre-tombe, lâche parfois une allusion, garde le plus souvent le silence. Ce n’est pas le cas de Jean-Jacques qui s’attache à tout dire.

Et pour l’irruption de l’intime, dans la littérature, c’est une irruption explosive. L’auteur ne cache rien. Sur Thérèse: « je n’ai jamais senti la moindre étincelle d’amour pour elle, [...] je n’ai pas plus désiré de la posséder que Mme de Warens et [...] les besoins des sens, que j’ai satisfaits auprès d’elle, ont uniquement été pour moi ceux du sexe, sans avoir rien de propre à l’individu. » Il a tout de même connu l’exaltation charnelle grâce à Mme de Larnage, qui avait vingt ans de plus que lui, et était mère d’une fillette de quinze ans, dont elle lui avait promis qu’il serait fort caressé. Ce qui plongeait Jean-Jacques, qui en avait 26, dans des rêveries délicieuses et coupables...

Plus choquant, on apprend tout sur son masochisme, son exhibitionnisme, son goût du plaisir solitaire. Ce qui est surtout moderne dans cet étalement, c’est qu’en bon analyste, Rousseau, après avoir dévoilé ses goûts, tente de remonter à leur source.

Mlle Lambercier, sœur du pasteur chez qui il était en pension enfant, serait ainsi à l’origine de son attirance pour un amusement qu’il a pratiqué seulement avec la petite Goton de la rue de Coutance, faute d’oser le demander à ses autres partenaires, parce qu’il était trop honteux pour le faire. La fessée. C’est ainsi qu’elle l’a puni à deux reprises. Voici la cause et voici l’effet.

L'explication a le mérite d'exister. Mais on ne peut s'empêcher de penser que tous les enfants de l'époque se faisaient fouetter. Pourtant ils ne développaient pas systématiquement cette envie qu’avait Jean-Jacques d'être aux genoux d'une maîtresse impérieuse, d'en recevoir des ordres, d'obéir avec délices...

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