Francine Wohnlich, Baptiste et Angèle,
Par Alain Bagnoud
Ce dialogue, Baptiste et Angèle, est sous-titré Rwanda 2008. On se trouve en effet dans ce pays, 14 ans après qu'un million de Tutsis ont été tués à la machette. 10'000 meurtres par jour en moyenne, on a fait le calcul.
Le livre traite de ça. Baptiste et Angèle ont entre 25 à 30 ans et évoquent leur quotidien, seuls tous les deux et avec d'autres personnages (Epiphanie, Anatole). Ils parlent de ce présent qui est comme un magma remué par le passé.
Le texte est présenté comme un roman mais écrit en fait une pièce de théâtre, ce qui n'est pas étonnant si on sait que son auteure, Francine Wohnlich, est aussi comédienne et metteure en scène.
Oui, auteure, metteure en scène. Je me contente de recopier le 4ème de couverture. Faut-il tordre ainsi la langue pour revendiquer des égalités? Autre débat que celui de Baptiste et Angèle, que je laisse ouvert.
Je note simplement ici que ce jeu sur le verbe est cohérent avec le livre entier. Tordre la langue, Francine Wohnlich ne s'en prive pas. Pour le plaisir du lecteur et la force du texte, elle invente des néologismes, réintroduit des archaïsmes, joue avec la syntaxe, crée un langage charnel qui suit au mieux les émotions.
Exemple. Baptiste parle: « C'est rapport à la bagatelle. On s'est marié et c'est doux de partager la cabane et le manger, les causeries et le café avant de partir le matin. Angèle, je me demande si tu serais plus accommodée si on laissait la bagatelle de repos? Peut-être que c'est trop embroussaillant pour toi? »
Un passage qui annonce la thématique du texte. Comment aimer, physiquement, comment ne pas se sentir violenter, forcer, ou violenté, forcé, quand on est encore empli par la mémoire du génocide et de ses gestes? Comment, plus largement, vivre la vie quotidienne banale, quand anciens bourreaux et anciennes victimes cohabitent?
Baptiste et Angèle étaient dans le camp des victimes, mais par hasard, ils le savent. Toute confrontée encore à la barbarie à laquelle Francine Wohnlich se réfère par allusions discrètes, Angèle ne peut plus se laisser aller, se méfie du désir, devient une coquille vide quand il s’agit d’intimité. L’entente, la tendresse sont impuissantes à les réunir charnellement. Ils ne peuvent s’unir, ils ne peuvent se quitter, sans qu’on devine finalement le chemin qu’ils prendront. Ce qui n’ôte rien à la force du texte, habité, puissant.
Francine Wohnlich, Baptiste et Angèle, Editions des Sauvages,

L'Isle Adam dialogue avec les quotidiens actuels, Georges Perec permet de se demander « si l’éducation à la démocratie et la toute-puissance du marché sont compatibles ».
Tout est étrange dans le roman utopique de Philippe Le Bé, Du Vin d’ici à l’Au-Delà. Le titre d’abord, bien sûr, mais aussi le contenu, le nom de l’auteur, l’auteur lui-même peut-être. Enquêtons.
à des théories philosophiques, économiques et politiques étudiées sur Terre.
De Félicien, je ne possède qu'une dizaine de photos prises je ne sais quand, je ne sais où. Sur mon bureau, j'ai posé un portrait de lui enchâssé dans un médaillon doré. Il est tel que je ne l'ai jamais connu : jeune, les cheveux gominés, la raie au milieu. C'est en regardant ce portrait qu'est venue l'envie d'écrire sur lui comme si je savais tout de lui. Cela lui aurait certainement plu à Félicien, cette liberté prise avec sa vie. Il était rêveur, cela transparaît dans son regard sur ce portrait jauni. Un regard flou, sans lunettes. Félicien s'extrayait de la réalité en ôtant, cassant ou perdant ses lunettes. Cela pouvait durer quelques minutes, un jour ou plus avant qu'il ne les rechausse. A mon tour maintenant d'oublier mes lunettes et de transcrire ce que je vois. Pour qu'une fois encore, Félicien me serre contre lui.
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Le roman d’Olivier Rolin, Un Chasseur de lion, appartient à un pan important de la littérature moderne depuis trois décennies: la fiction biographique, ensemble qui repose sur un personnage historique avéré, en l’occurrence «le vaste et rubicond Pertuiset», tour à tour et à la fois chasseur de lions, trafiquant d’armes, aventurier et, accessoirement, ami du peintre Manet. Ces caractéristiques très composites du héros Pertuiset ouvrent les multiples dimensions et registres de ce récit baroque qui se mélangent et se font écho.