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Blogres - Page 118

  • Rimbaud le fils, de Pierre Michon

     

    Par Alain Bagnoud

    rimbaud.jpg« On dit que... » C'est avec cette formule que Michon résume les innombrables renseignements, rumeurs, enquêtes et soupçons qui ont couru sur Arthur Rimbaud, poète. On a entendu faits et anecdotes, suggère-t-il, cent fois, partout, dans les manuels de littérature, les biographies, les discussions passionnées jusqu'au petit matin, quand on évoquait le mystère. Vitalie Cuif, le papa disparu dans les garnisons, les vers en latin virtuose, Izambard le prof, puis Verlaine, l'Angleterre, la débauche, le coup de revolver, le grenier et les marches, l'Afrique, la jambe...

    Terres de la légende. Ce modèle absolu. Qui n'a pas rêvé de devenir Rimbaud? Qui ne s'est pas demandé comment ça vient à un jeune homme, le génie, pour utiliser un mot un peu démodé? Et (discussion jusqu'au petit matin autour des bouteilles qui se vident ) si c'est vraiment du génie ou finalement, seulement de l'histoire de la littérature... Si on y croit parce qu'on nous a dit que ça l'était, du génie, et donc que tout compte fait, persuadé, on voit ces vers de jeunesse, et La saison en enfer, et Les Illuminations, comme le modèle, le canon... Si on peut dissocier les vers et toute la rumeur autour, si l'une ne donne pas de la valeur aux autres... Etc.

    « On dit que... » Michon résume, évoque, ne retient que ce qui est essentiel pour lui. C'est-à-dire tout ce qui lui sert à monter des binômes qui seraient les deux cymbales indispensables à ce que la poésie éclate.

    Maman et papa. Les bondieuseries et le clairon. L'acrimonie et la désinvolture. La cruauté et la pitié. Le néant et Dieu. La fureur et l'amour. Eros, thanatos...

    Rimbaud ne s'est pas fait tout seul. Voilà la thèse de Rimbaud le fils. Fils de Vitalie, l'étouffante, l'étouffoir, que, d'après Michon, Arthur finit par mettre en lui, comme en cage, mais bien vivante. Elle bouge encore, elle lutte toujours. Fils d'Izambard aussi, son prof de rhétorique, 22 ans, qui est poète, qui a publié plusieurs recueils, et qui est passé à la postérité puisqu'il a incité son élève aux vers français. Fils de Hugo, Banville, etc. Recherchant d'ailleurs la caution de ces pères.

    25-01-5.jpgFils de beaucoup de monde mais père de personne. C'est la plus belle réussite de l'écrivain, quand nul ne peut se réclamer de sa succession.

    On a des disciples de Maupassant, de Zola, de Balzac même, d'Hugo, de Camus, de Sollers. Il y a des luttes de succession. Mais avec Proust, Céline, Rimbaud ou Diderot, la lignée se termine.

    Rimbaud le fils, on l'a compris, est donc une nouvelle version de la légende dorée. Mais autant qu'une sanctification, le mince livre magnifique de Michon, à l'écriture somptueuse, parfaite, est tout frémissant d'une implicite question angoissée: et moi, suis-je élu?

    Oui, Pierre Michon l'est. Et, en fait, on voit qu'il le sait bien.

     

    Pierre Michon, Rimbaud le fils, Folio

    Publié aussi dans Le blog d'Alain Bagnoud

  • Témoin auriculaire

    Par Antonin Moeri

     



    Place_du_Molard_Geneva,_July_2007.jpg




    Après m’être longuement entretenu avec Katia Arnth-Jensen, propriétaire d’une galerie de photos (Rue des Bains), jeune femme aux yeux magnifiques, qui a obtenu un doctorat en histoire de l’art dans une prestigieuse université de Londres, vêtue ce jour-là d’une robe à la fois stylée et traditionnelle (le must), après avoir manifesté ma mauvaise humeur au cher libraire qui n’avait toujours pas reçu l’essai sur Cheever commandé avant les vacances et que je dois lire impérativement, j’ai acheté Le Figaro. Mon intention était de lire dans le calme le supplément littéraire dont les articles sont souvent bien rédigés. Pour réaliser ce projet, je déniche une table libre Place du Molard. A peine avais-je pris place sous le parasol Sprite que deux septuagénaires s’installèrent à la table voisine. Impossible de concentrer mon attention sur le papier de Grainville, l’une des deux dames parlant d’une voix forte et alignant les syllabes avec l’assurance d’un sergent-major.
    - Tu sais, Lisa, faut pas t’en faire. Tu peux discuter des heures avec lui, le prendre dans tes bras, l’embrasser. Je suis sûre que sa présence te fera le plus grand bien. L’amour que tu éprouves pour lui, c’est la seule chose qui compte. Regarde Pétula, elle a acheté la moins chère de toutes et l’a mise sur l’étagère. Elle m’a plusieurs fois dit que ça lui faisait tellement plaisir d’être avec lui, le matin quand elle boit son thé, le soir quand elle regarde la télé.
    J’avais imaginé tout plein de choses en entendant les propos du sergent-major. J’ai bientôt compris de quoi il s’agissait. Le mari de Lisa venait de mourir. Les deux dames avaient assisté à son enterrement. L’une conseillait à sa chère amie d’acheter une urne (pour y conserver les cendres du défunt) et de ne plus s’en séparer.


    Je signale à mes lecteurs la parution en livre de poche de
    mon livre de nouvelles PARADISE NOW.
    Vous le trouvez actuellement sur l'étal des librairies.

    Antonin Moeri: PARADISE NOW, Campoche, 2009
  • Ça été ces vacances?

    Par Antonin Moeri

     

     

    Villes_49.jpg





    Je songeais aux vacances d’été, cette période de l’année pendant laquelle l’État rend leur liberté aux élèves et aux profs. Je me demandais si elles avaient été bénéfiques pour moi lorsque j’entendis un homme tonitruer dans son portable: ”Ça été ces vacances?” J’ai dressé l’oreille. L’homme disait: ”Bon, ce qu’on a commandé est arrivé, il y aura... quoi? Non, non, faudra les... ben, je sais pas, demain matin, because... Tu sais que Malik est toujours à l’assurance, fait trop chier... Ben, tu viendras plus tôt... Tu prendras la camionnette”.
    Je songeais à ma femme qui travaille à l’hôpital, auprès des mourants, à cet handicapé dont la mère agonisait et qui hurlait dans le couloir en direction de son père: ”De toute façon, elle ne t’a jamais aimé, et moi non plus”. Je songeais à mon ami restaurateur, levé à cinq heures pour aller choisir au marché les plus beaux champignons, les melons les plus succulents, les fromages les mieux fermentés, les haricots les plus tendres.
    Et je me disais: ”Qu’as-tu fait pendant tout ce temps? Tu as bu du vin en compagnie de musiciens, tu as pédalé jusqu’à Évian, trajet au cours duquel tu as perdu la jolie montre plate de ta femme, tu as écrit une nouvelle et répondu à ton éditeur qui te réclamait les corrections d’épreuves, tu as célébré le cinquantième anniversaire d’un ami, tu as plusieurs fois perdu au ping-pong contre ton fils, tu as emmené ta fille dans une longue promenade à travers la campagne spatieuse, tu as serré dans tes bras une photographe aux yeux vifs depuis qu’elle ne touche plus à l’alcool, tu as promené un doigt tremblant sur la pustule qui fleurissait au coin d’une joue veloutée de ta mère, tu n’as pas déclaré ton vélo sur le bateau qui te ramenait en Suisse, tu as passé une soirée en compagnie d’un chasseur au rire argentin, qui t’a expliqué que, au moment d’abattre la bête, il ne fallait ni hésiter ni éprouver le moindre sentiment, la pire chose qui puisse arriver à un chasseur étant de blesser l’animal sans le tuer.
    Et je me disais: “Es-tu fier de toi? Tu aurais pu prendre le train pour aller visiter l’exposition Giacometti à Bâle, tu aurais pu prendre l’avion pour aller assister à une représentation de Godounov à Moscou, tu aurais pu marcher dans le désert marocain avec Ariane. Tu n’as rien fait de tout cela. Tu as préféré t’incruster dans le village où ton arrière-grand-père (Émile), revenu d’Amérique, se mit au service de la famille Davel, où il ne tarda pas à montrer un goût particulier pour la vigne, où il fonda un foyer et fit l’acquisition de l’immeuble numéro 118. Le faire-part de décès que tu as trouvé dans un fouillis de vieilleries dit de cet homme légendaire: Il était régulièrement un de ceux qui obtenait (sic)de ses vignes le maximum de récolte. Il laissera le souvenir d’un viticulteur qui a fait honneur à Lavaux.”

    En lisant ce faire-part, mon coeur fit dans ma poitrine un bond d’allégresse.











  • Pascal Rebetez, Je t'écris pour voir

     

    Par Alain Bagnoud

     

    S6301737%20-%20Volvograd%20-%20Monument%20aux%20Morts%20Stalingrad.JPGAvec Je t'écris pour voir, Pascal Rebetez poursuit l'œuvre entreprise par Un voyage central (L'Hèbe 2006). Le principe de ces deux recueils est simple: l'auteur écrit des lettres à ses proches depuis les pays lointains où il séjourne. La forme ainsi trouvée permet d'unir notes de voyage, autobiographie, souvenirs personnels, considérations générales, réflexions, choses vues.

    Rédigées en des lieux divers, ou les évoquant (Hanoi, Locarno, Cadaquès, New York, Volvograd...) ces missives sont adressées à l'ex, au petit-fils, à la fille danseuse, à la mère, au père, à un voleur. On y apprend quelques anecdotes croustillantes.

    Un exemple, pour vous donner envie: saviez-vous que notre auteur a volé un Warhol dans une galerie de New York, qu'il l'a fait sortir clandestinement des Etats-Unis, avant de se le faire piquer 30 ans plus tard par un monte-en-l'air historien de l'art?

    Quelques autres souvenirs sont entrelacés dans ces textes, et un peu de nostalgie. Celle d'un espoir passé où l'on pouvait croire encore à la fusion des êtres et à l'harmonie du monde.

    Elle donne sa nécessité au recueil, qu'on lit comme la description d'un être seul, seul parmi les autres, seul malgré les autres. Rebetez démontre la difficulté de la relation en exposant un processus de communication qui vise à créer un lien, mais qui ne parvient pas tout à fait à ouvrir entièrement l'individu à ses semblables.

    Mais ce n'est pas un livre amer. On y trouve aussi une célébration de l'amitié, des liens choisis, une tendresse pour les autres, un amour de la vie, un plaisir jouissif de la découverte, du vagabondage, de l'aventure, et pas mal d'exotisme qui confronte l'ailleurs et l'ici et leur donne du relief.

     

    Pascal Rebetez, Je t'écris pour voir, L'Hèbe

    Publié aussi dans Le blog d'Alain Bagnoud

  • Les joies d'un prof


    Par Antonin Moeri


    Caroline.jpg


    Une de mes élèves aux cheveux superbes et aux bras musclés (championne d’aviron) a présenté l’autre jour un roman que je n’avais pas lu: “Chronique d’une mort annoncée” de Gabriel Garcia Marquez. Elle indiqua au tableau les noms des personnages principaux, puis évoqua avec malice un meurtre perpétré vingt-sept ans avant sa reconstitution par un narrateur ami de la victime. Elle a parlé de l’évêque attendu ce jour-là dans le village, au lendemain d’un somptueux mariage entre Angela Vicario et Bayardo San Roman, fils du célèbre général Petronio qui mit en fuite le colonel Aureliano Buendia lors du désastre de Tucurinca.
    Si Bayardo est beau, intelligent, riche et mélancolique, Angela est d’un milieu modeste, certes jolie mais pauvre d’esprit. Elle est engluée dans les habitudes et les traditions villageoises, elle n’a pas fait d’études mais appris à tenir une cuisine et à raccommoder des chemises. L’auteur laisse entendre que cette fille est victime des préjugés racistes qui coûteront la vie à Santiago Nasar. Lorsque Bayardo découvre qu’Angela n’est pas vierge, celle-ci prétend qu’un Arabe (Nasar) l’a déflorée. Lors de l’instruction, ce point n’a jamais été éclairci.
    Mon élève a su expliquer clairement à son auditoire ce qui faisait la dimension exceptionnelle de ce roman. “Tout le monde, dans le village, savait que l’Arabe allait être massacré, or personne n’a osé intervenir pour enrayer les rouages de cette machine infernale. C’est un livre sur l’indignité et la force du préjugé. J’en conseille la lecture à tous ceux que révoltent la bêtise et la lâcheté des hommes”. Cette remarque a provoqué une salve d’applaudissements. Je me suis dit en remerciant Caroline: Travailler dans une école publique genevoise peut encore réserver quelques surprises agréables.

  • L'Enfant papillon, par Laure Chappuis

     

    Par Alain Bagnoud

    chappuis_laure_150x100.jpgLa petite musique nostalgique de Laure Chappuis fait mouche. Son récit, LEnfant papillon, parle d'adolescence. Plus particulièrement d'une jeune fille qui se retrouve enceinte, et qui abandonnera l'enfant, à cause des pressions familiales. Une histoire toute simple, mais Laure Chappuis trouve le ton pudique et poétique pour décrire ce moment charnière. Courts chapitres faits souvent d'un seul paragraphe, composition en éclats de miroir, touche sensible et juste, écriture lyrique et charnelle: ce récit est parfaitement maîtrisé. Son livre a d'ailleurs été sélectionné pour le Romand des romands.

    Laure Chappuis est née en 1971. Elle vit à La Chaux-de-Fonds, est spécialiste de poésie latine à l'Université de Neuchâtel. Une référence qui pose son auteur!

     

    Laure,Chappuis L'Enfant papillon, Editions d'Autre Part

  • Roman des romands: la sélection

     

    Par Alain Bagnoud

     

    lectrice.jpgLa sélection du Roman des romands (sur le Roman des romands, voir ici) est faite. Elle a été annoncée hier dans une salle d'apparat du gouvernement genevois, avec conseiller d'Etat, directeurs de l'instruction publique, hommes politiques, et tout de même quelques écrivains, libraires, lecteurs. Les livres choisis seront livrés en pâture aux gymnasiens de l'école post-obligatoire (15 classes pour l'instant), qui feront leur choix et décerneront le prix au printemps 2010.

    Et voici, tagadam, la liste:

    J.-P. Amée, Le butor étoilé
    Alain Bagnoud,
    Le jour du dragon
    Nicolas Burri,
    Pierre de scandale
    Laure Chappuis ,
    L'enfant papillon
    Char Yasmine,
    La main de Dieu
    Odile Cornuz ,
    Biseaux
    Pascale Kramer,
    L'implacable brutalité du réveil
    Jérôme Meizoz ,
    Père et passe
    M. Perruchoud,
    Les six rendez-vous d'Owen Saïd Markko
    Rodolphe Petit,
    Il se peut qu'ils n'aient pas mangé assez de crustacés
    Thomas Sandoz,
    La fanée

    (Inutile de dire que je suis bien content de m'y trouver.)

     

    Voir aussi http://www.romandesromands.ch/

  • La mort de tout près

    Par Antonin Moeri

    hemingway.jpg




    Avant d’expirer, Jacques Tati aurait dit: La fille de Sade a une histoire avec le grand nègre. Un avocat du barreau genevois aurait dit à ce moment-là: Ah! Merde! Quant à Wittgenstein, sa dernière parole fut: Dites-leur que cette vie en valait la peine! On pourrait multiplier les expressions ou phrases prononcées par l’agonisant à l’instant décisif.
    Avant d’enfoncer le double canon de son fusil de chasse dans la bouche et de faire exploser sa tête de Prix Nobel, Hemingway imagina la fin d’un écrivain. La scène se passe au Kenya, au pied du Kilimandjaro dont on aperçoit les neiges éternelles. Une plaie mal soignée a provoqué la gangrène. Les vautours planent au-dessus du camp. Harry revoit certains moments de sa vie: une nuit à Constantinople en compagnie d’une pute magnifique, une bagarre, un séjour à Paris, la mort d’un officier pendant la guerre.
    On entend au loin le cri d’une hyène. Harry sent l’haleine de la mort, cette “puante salope”. Quand l’écrivain ne peut plus parler, le lecteur voit approcher l’avion qui emmènera Harry et sa jambe infectée. L’avion prendra alors de la hauteur et l’on apercevra soudain le sommet carré du Kilimandjaro.
    Lorsque la compagne de Harry (une riche Américaine sensuelle et désespérée) est réveillée par les cris de la hyène, elle braque sa lampe de poche sur le corps de son compagnon. Un corps sans vie. J’aime ces nouvelles qui vous obligent à une seconde lecture pour mieux comprendre ce qui se passe. Les neiges du Kilimandjaro apparaissent ici comme une image de la mort. Il fallait y songer. D’ailleurs, on m’a dit que, chez les Chinois, le blanc était la couleur de la mort.


    Ernest Hemingway: Les neiges du Kilimandjaro, Gallimard 1946

  • Violence des jeunes: des solutions

    Par Alain Bagnoud

    Graffiti1.jpgDonc, Sarkozy va fouiller les cartables. Ah, ça va y aller! Vous allez voir ça! Ceux qui auront des trucs dangereux, des compas et des ciseaux et des crayons trop bien taillés, tout de suite en garde à vue!

    Et ce n'est pas la seule mesure du président qui sort toujours la même panoplie quand il veut gagner une élection (cette fois, c'est les européennes): il va te me les nettoyer, les banlieues! Il en a 25 sous les yeux, et ça va chauffer. « Aucune rue, aucune cave, aucune cage d'escalier ne doit être abandonnée aux petits voyous cupides. Nous ne les laisserons pas persécuter les travailleurs honnêtes et courageux. »

    Le Kärcher n'est plus de mise, ça n'a pas marché. Ce qui va se passer, c'est que des agents du fisc vont repérer les signes de richesse anormaux qui vont les mener directement aux trafiquants. Si tu as une Rolex en banlieue, tu es foutu.

    Bon, c'est de la gesticulation, d'accord. Mais il y a quand même une question intéressante derrière tout ça: la violence des jeunes. Il est indéniable qu'elle a augmenté. C'est ce que dit en tout cas le prudent Département fédéral de justice et police suisse: « Les statistiques ne permettent pas aujourd’hui de tirer des conclusions exactes quant à l’ampleur de ce phénomène, car elles ne révèlent pas le "chiffre noir" de la criminalité juvénile. Mais elles laissent néanmoins apparaître que la propension des jeunes à la violence s’est effectivement amplifiée. »

    La faute évidemment à un quart de siècle de libéralisme, dont le message est clair: dans une société régie par ses règles, seuls les plus forts peuvent réussir, et c'est en écrasant les faibles.

    Que voulez-vous? Quand tout, et jusqu'à l'hyperprésident cité plus haut vous le proclame et vous le répète sans cesse, vous finissez par agir en conséquence.

    Il est temps, donc, de rappeler une vérité essentielle, qu'avait développée dans un livre Philippe Cotter, docteur en relations internationales. Ce qui suscite la violence est une chose simple et bien définie: le sentiment d'être humilié.

    Et je ne suis pas sûr que Sarkozy et tous les va-t-en-guerre sécuritaires soient en train d'en diminuer les causes.

     

    Philippe Cotter, Gilbert Holleufer, La vengeance des humiliés, Editions Eclectica

     

    (Publié aussi dans Le blog d'Alain Bagnoud.)

  • Liens de sang

    par Pascal Rebetez

    Trois ans de tournage, quatre familles qui acceptent la caméra et le micro pour ce laboratoire de l’altérité, un quartier divorcé : celui des Grottes où trônent les immeubles des Schtroumpfs. Une recette que Fabienne Abramovitch a mis en pratique pour réaliser un documentaire en dentelle et tout en tensions. Je l’ai vu hier soir dans la petite salle vidéo du Bio à Carouge. « Liens de sang » fait penser au meilleur de l’émission belge Strip Tease. Il s’agit ici d’une immersion dans ce qui se joue en ce début de XXIème siècle dans les rapports familiaux de ce coin de pays. Trois des familles sur quatre sont monoparentales, avec leur Mère Courage respective. Toutes tentent de créer et de préserver des liens. Toutes et tous tentent d’éduquer. C’est complexe, bordélique parfois, émouvant souvent. Personnellement, ça ne m’a pas donné envie de remettre le couvert en matière familiale. Mais l’alternance des points de vue et du montage font de ce document une pépinière de témoignages très humains, très vrais, très vécus. Bon sang, quelle drôle d'affaire que la famille!