Les joies d'un prof (23/06/2009)


Par Antonin Moeri


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Une de mes élèves aux cheveux superbes et aux bras musclés (championne d’aviron) a présenté l’autre jour un roman que je n’avais pas lu: “Chronique d’une mort annoncée” de Gabriel Garcia Marquez. Elle indiqua au tableau les noms des personnages principaux, puis évoqua avec malice un meurtre perpétré vingt-sept ans avant sa reconstitution par un narrateur ami de la victime. Elle a parlé de l’évêque attendu ce jour-là dans le village, au lendemain d’un somptueux mariage entre Angela Vicario et Bayardo San Roman, fils du célèbre général Petronio qui mit en fuite le colonel Aureliano Buendia lors du désastre de Tucurinca.
Si Bayardo est beau, intelligent, riche et mélancolique, Angela est d’un milieu modeste, certes jolie mais pauvre d’esprit. Elle est engluée dans les habitudes et les traditions villageoises, elle n’a pas fait d’études mais appris à tenir une cuisine et à raccommoder des chemises. L’auteur laisse entendre que cette fille est victime des préjugés racistes qui coûteront la vie à Santiago Nasar. Lorsque Bayardo découvre qu’Angela n’est pas vierge, celle-ci prétend qu’un Arabe (Nasar) l’a déflorée. Lors de l’instruction, ce point n’a jamais été éclairci.
Mon élève a su expliquer clairement à son auditoire ce qui faisait la dimension exceptionnelle de ce roman. “Tout le monde, dans le village, savait que l’Arabe allait être massacré, or personne n’a osé intervenir pour enrayer les rouages de cette machine infernale. C’est un livre sur l’indignité et la force du préjugé. J’en conseille la lecture à tous ceux que révoltent la bêtise et la lâcheté des hommes”. Cette remarque a provoqué une salve d’applaudissements. Je me suis dit en remerciant Caroline: Travailler dans une école publique genevoise peut encore réserver quelques surprises agréables.

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