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La mort de tout près

Par Antonin Moeri

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Avant d’expirer, Jacques Tati aurait dit: La fille de Sade a une histoire avec le grand nègre. Un avocat du barreau genevois aurait dit à ce moment-là: Ah! Merde! Quant à Wittgenstein, sa dernière parole fut: Dites-leur que cette vie en valait la peine! On pourrait multiplier les expressions ou phrases prononcées par l’agonisant à l’instant décisif.
Avant d’enfoncer le double canon de son fusil de chasse dans la bouche et de faire exploser sa tête de Prix Nobel, Hemingway imagina la fin d’un écrivain. La scène se passe au Kenya, au pied du Kilimandjaro dont on aperçoit les neiges éternelles. Une plaie mal soignée a provoqué la gangrène. Les vautours planent au-dessus du camp. Harry revoit certains moments de sa vie: une nuit à Constantinople en compagnie d’une pute magnifique, une bagarre, un séjour à Paris, la mort d’un officier pendant la guerre.
On entend au loin le cri d’une hyène. Harry sent l’haleine de la mort, cette “puante salope”. Quand l’écrivain ne peut plus parler, le lecteur voit approcher l’avion qui emmènera Harry et sa jambe infectée. L’avion prendra alors de la hauteur et l’on apercevra soudain le sommet carré du Kilimandjaro.
Lorsque la compagne de Harry (une riche Américaine sensuelle et désespérée) est réveillée par les cris de la hyène, elle braque sa lampe de poche sur le corps de son compagnon. Un corps sans vie. J’aime ces nouvelles qui vous obligent à une seconde lecture pour mieux comprendre ce qui se passe. Les neiges du Kilimandjaro apparaissent ici comme une image de la mort. Il fallait y songer. D’ailleurs, on m’a dit que, chez les Chinois, le blanc était la couleur de la mort.


Ernest Hemingway: Les neiges du Kilimandjaro, Gallimard 1946

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