autopadrefiction
par antonin moeri
«Comment peut-on être artiste et avoir des enfants?» pourrait être le thème de «La corde mi». «C’est quoi être père?» pourrait en être un autre, ou bien «Pour qui j’écris?» Dans ce roman, la narratrice n’écrit pas pour sa mère triste, plongée dans des dépressions sévères. Elle écrit plutôt pour son père, un curieux père absent-présent, psychorigide et enfermé dans une bulle de mystère mais dont Anne-Lise Grobéty vante un genre de courage, une force d’âme. Ce roman est une interrogation sur la paternité, puisque les pères on les découvre après leur mort.
Ce que j’aime dans ce livre bouleversant au style à la fois familier et altier, qui permet de sentir le flottant, l’entre-deux, les limbes, le rêve et la cruauté du réel, ce que j’aime dans ce livre c’est qu’il n’a rien, mais strictement rien de nostalgique, sentiment si apprécié de nos jours par les foules béates en quête de célébrations, d’authenticité et de pain campagnard, de costumes traditionnels et de visages rougis par l’air et le chasselas.
Rien de tout ça chez Anne-Lise Grobéty mais un regard. Oui, ce roman est une leçon de regard, une leçon de points de vue. En effet, les foyers de perception ne cessent de varier, de tourner, d’échapper, forçant le lecteur à une attention de tous les instants, comme dans les romans de William Faulkner. Qui parle? À quel moment parle-t-il? Dans quel lieu parle-elle? Est-ce la fillette de quatre, huit ou douze ans? Est-ce la narratrice qui convoque des souvenirs? Est-ce Gaston (le père de la narratrice), le maître-luthier chez qui Gaston a appris son métier, l’adolescente qui découvre l’amour avec un jeune violoniste talentueux qui «monte» mais qui, in fine, préfère les hommes, la mère écrasée par les substances chimiques, le chef de la clinique psychiatrique où Rémi, le frère de Gaston, est enfermé depuis quinze ans? C’est ce travail sur les points des vues qui me remplit d’admiration.
Et puis, il y ces évocations incomparables de paysages enneigés, d’atmosphères parfois étouffantes parfois pénétrées d’une douce lumière d’un jaune mirabelle (évocations d’odeurs de laques et de bois fin taillé à la gouge), les jeux de langage, l’humour à fleur d’adjectifs, ces mots que l’on fait danser dans sa tête ou qu’on essaie comme un vêtement jusqu’à ce que ce vêtement nous aille, cette capacité unique de mettre en scène ou en résonance l’absence, le manque, le néant, la colère et la reconnaissance, la jubilation et la déréliction.
Le lecteur prend aussitôt le parti de la narratrice quand celle-ci subit les humiliations de son père mono-maniaque: tu ne seras jamais musicienne, t’es pas jolie, t’es dyslexique. Car elle parle de cette rive-là, cette narratrice nommée Luce: celle des délaissées, des blessées, avilies et offensées. Le résultat est magnifique. Une manière particulière de traiter la matière et les formes, une construction qui multiplie les bonheurs narratifs et dans laquelle vous désirez retourner comme on désire retourner dans la basilique Sainte-Sophie.
Anne-Lise Grobéty: La corde de mi, Campiche, 2006
Il se passe, dans ce petit livre d'Antoinette Rychner, ce que tous les propriétaires de chats craignent et attendent : la disparition de l'animal.
Donc, le chat Pépin a disparu. Prune, la petite fille, Aurélie, la mère, le coussin bleu puis le voisin placent des lettres dans la chatière. En creux, une histoire s'esquisse, du passé est évoqué, les relations évoluent. Ça donne un petit roman épistolaire charmant, doux, triste et cajoleur comme un félin de poche.
Mais quelle forme ? Dans la deuxième histoire, le fils d'un père muré dans son travail invente un récit à partir d'une vieille photo : tsar, peinture, bague, poings serrés. Au cœur de celle-ci, le peintre André, au lieu de copier ce qu'il a sous les yeux, crée des scènes enchanteresses.




Il faut, d'abord, imposer Le roman de Madame Pomme à tous les centres de formation d'enseignants comme ouvrage principal. Deuxième mesure : les directions des lycées, collèges, etc. les offriront aux professeurs. Le livre sera également fourni aux parents d'élèves et aux élèves eux-mêmes. Et, bien entendu, il est conseillé à tous ceux qui ont étudié dans une école. C'est ainsi que tous ceux qui fréquentent ou ont fréquenté le monde scolaire acquerront la pointe de dérision et de malice qui leur permettra de relativiser les situations vécues et de réenchanter leur quotidien.


