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Léonard Crot, Silences d'une ville

 


Par Alain Bagnoud

On va surveiller Léonard Crot de près. C'est une voix qui s'exprime, qui s'est déjà trouvée.

Il y avait eu un premier roman prometteur, Les Pommiers de la Baltique. Il y a aujourd'hui un recueil de nouvelles abouti, Silences d'une ville (Editions de L'Aire), qui montre sa maîtrise du langage, des ambiances, de la construction.

De quoi s'agit-il ? D'une ville tragique, qu'on dirait en attente de sa propre fin, avec son village de tentes peuplées de pauvres sur le bord du fleuve, ses niches à prostituées, ses fonctionnaires, ses artistes, ses marginaux, sa ville haute dont les habitants originaux ont vu leurs cabanes enserrées peu à peu par les hautes constructions.

Une des survivantes, au langage poétique, erre dans les labyrinthes administratifs pour se faire expédier les cercueils de ses amis à son nouveau lieu de vie. Un lanceur de couteaux maladroit et une dessinatrice d'escargots sont pris en charge par un agent plus enthousiaste que réaliste. Une prostituée usée se fait assaillir par ses collègues. Un poète disparu retrouve sa fille dans une incompréhension mutuelle.

Beaucoup d'artistes. L'auteur semble partager une certitude avec tous ses personnages créatifs, maladroits, sans réussite sociale ni même artistique : seule la forme donne du sens au monde.

Mais quelle forme ? Dans la deuxième histoire, le fils d'un père muré dans son travail invente un récit à partir d'une vieille photo : tsar, peinture, bague, poings serrés. Au cœur de celle-ci, le peintre André, au lieu de copier ce qu'il a sous les yeux, crée des scènes enchanteresses.

Léonard Crot, au contraire, met beaucoup de noir sur sa palette. Le résultat, lancinant, donne une vision sombre de la condition humaine, où tout semble désolé, sinon l'acte de création, dans une esthétique que pourrait cautionner la phrase d'Alfred de Musset : Les plus désespérés sont les chants les plus beaux.

 Léonard Crot, Silences d'une ville, Editions de l'Aire

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