Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Le poids lourd de Pascal Rebetez

    Par Alain Bagnoud

    Le poids lourd de Pascal Rebetez

    On ne lit évidemment pas les livres d'un ami comme on lit ceux d'un inconnu. Avant même de les ouvrir, il y a de l'excitation. Qu'est-ce qu'il nous a fait, cette fois ? Est-ce que ça va lui ressembler ? Est-ce qu'il va nous étonner ?

     

    Les deux, dans le cas de Pacal Rebetez, avec qui je ne cache pas mes liens, qui a même publié un de mes livres (Comme un bois flotté dans une baie venteuse – on n'est jamais si bien servi que par soi-même !) Son ouvrage juste paru, Poids lourd m'a bien fait plaisir.

     

    On y retrouve l'auteur dans sa veine voyageuse, que plusieurs livres explorent déjà. Ce n'est pas son seul domaine. Dans d'autres genres, on lui doit de la poésie, des pièces de théâtre, un roman et un livre de petites biographies qui retracent fraternellement l'existence de plusieurs êtres hors normes : Les Prochains.

     

    En l'occurrence, l'événement déclencheur du récit est un voyage chez un frère, en Australie, et quelque chose qui frappe le nouvel arrivé. On arrive, on salue la famille, puis on ira découvrir le pays, on prendra l'avion, on ira au Queensland. En attendant, on se pèse. 93 kilos et 300 grammes. Le choc. Le beau Pascal a pris de l'embonpoint, depuis qu'il faisait tourner les têtes en présentant des émissions à la télé.

     

    Voyage dans l'espace et le temps. La solitude au long des kilomètres de voiture à travers le continent australien déclenche le souvenir d'autres baroudages, en Syrie, en Colombie, en Ethiopie, jusqu'au premier vagabondage, fondateur, culotté, chez les Touaregs, quand notre écrivain n'avait pas vingt ans et qu'il dépensait ainsi l'argent gagné à l'usine, en fabriquant des boîtes de montres. Depuis lors, le temps a passé, le corps a changé. La balance australienne l'a cruellement révélé. Il faudrait se priver, renoncer aux bons repas, au vin rouge ? Non, pas au vin rouge, quand même ! Pas totalement ! Même si sur la photo de couverture, notre homme pose avec un café !

     

    Pas non plus à l'esprit d'aventure et à l'amour des mots. L'écrivain est par exemple prêt à faire des kilomètres pour découvrir Cairns. Déception « … il n'y a rien de ce que son beau nom de caillou laissait supposer. » Je dévoile ici un secret : ceux qui ont marché en montagne avec Pascal savent qu'il ne peut voir trois cailloux sans les poser en équilibre l'un sur l'autre.

     

    D'où Cairns. Comme quoi les noms sont beaux à l'imagination, on le sait depuis Proust notamment.Le poids lourd de Pascal Rebetez

     

    Conclusion. Interrogations sur l'âge, le corps, récit de voyage, bilan provisoire aussi, Poids lourd  est évidemment un portrait de l'auteur. Vous aimez Pascal Rebetez, vous aimerez le livre. Vous ne le connaissez pas ? Lisez Poids lourd.

     

     

     

    Pascal Rebetez, Poids lourd, éditions d'autre part

     

  • L'écrivain est un musicien raté

    Par Pierre Béguin

    Pierre Jean-Jouve a beaucoup écrit sur la musique. Il a aussi beaucoup écrit à partir de la musique («Jeune fille», par exemple, est directement inspiré du concerto pour violon «A la mémoire d’un ange» de Alban Berg). Il est loin d’être le seul. D’autres l’ont précédé ou suivi: Rousseau, Chateaubriand, Balzac, Baudelaire, Huysmans, Proust, Jaccottet, et j’en passe. Tous – mais Pierre Jean Jouve plus encore – semblent considérer l’art musical comme l’Art majeur par excellence, bien au-dessus de la peinture ou de la littérature. C’est que la musique répond parfaitement à cette tentation de l’Art pur vers lequel tend chaque artiste comme les vagues tendent vers la grève. Un art dépouillé des scories du réel et de la nécessité du sens inhérent à la littérature. La musique est «sans objet», elle ne représente rien d’autres qu’elle-même, elle est cet art autoréférentiel – intransitif, selon la formule de Roland Barthes – que la littérature – plus spécialement la poésie – a voulu devenir au plus fort du symbolisme. Le fameux «Je suis hanté, l’azur, l’azur, l’azur, l’azur» de Mallarmé le souligne avec autant de force que d’impuissance, lui qui, loin d’atteindre l’absolu – l’azur – se voit finalement contraint de «creuser par veillée une fosse nouvelle Dans le terrain avare et froid de (sa) cervelle». Une note peut être pure, un mot non. D’où la frustration de l’écrivain. (Encore que… Si, dans l’exercice de son art, le poète ressent fortement la frustration de la pureté, je me demande si certains musiciens ne ressentent pas parfois la frustration du sens, Wagner par exemple…)

    Jouve exprime merveilleusement cette conception de la musique comme Art pur dans ces vers de Ténèbre: «La plus grande vertu s’attache à la musique (…) Il est alors une puissance d’être Par le son absolue et sans objet, beauté Nouvellement beauté sans toucher notre vie Propre sinon la fibre obscur du noir cœur». La musique est une pensée qui chante, bien supérieure à la pensée qui argumente (une hiérarchie que La Fontaine désignait déjà par le «parler doux» bien supérieur au «parler vrai»). Et l’on comprend pourquoi Jouve, dès 1921, a renié son œuvre parce qu’elle ne «chantait» pas assez. Il voulait une poésie qui chante, non une poésie qui «signifie»: «Le poète en moi a toujours envié les musiciens», avoua-t-il.

    Si la musique peut convoquer en chacun de nous du réel – des images, des souvenirs – elle le fait surgir du «noir cœur», selon l’expression de Jouve, mais sa fonction n’est pas de le désigner objectivement. Comme le prétend Philippe Jaccottet: «La beauté musicale nous paraît à la fois la plus haute et la plus dérobée. On ne peut s’interdire pour autant de relever ce défi, de risquer des approches, des images (il le faut bien!), quitte à les jeter ensuite par-dessus bord, non sans avoir exaspéré les vrais musiciens». Car les «vrais musiciens», selon Jaccottet, sont précisément ceux qui refusent à la musique tout référent au réel, qui opèrent une césure radicale entre la note et le sens. Et le poète vaudois de préciser que certaines œuvres musicales nous procurent cette sensation intense d’être enfin parvenus «à la maison, dans la patrie, comme si on avait trouvé la demeure parfaite». Si, comme le prétend Proust, l’homme n’a de rapport au monde que par l’Art, qu’au travers de l’Art, alors la musique est la médiatrice par excellence, mais d’un monde sublimé.

    La tentation de la musique donc, c’est la tentation de l’art pur, l’élévation de Baudelaire, l’azur de Mallarmé. Une expérience d’un monde hors du monde – anywhere out of the world – hors «du domaine de la lutte». Le poète, lui, sait que son art n’est pas pur, et que toute tentative de pureté par les mots – même si l’on exclut «les mots de la tribu» – est vouée à l’échec. Offrez à un écrivain le talent musical en contrepartie et je parie qu’il renoncera aux mots pour les notes. L’écrivain est un musicien raté…

                                                ******************

    Pour tout dire, c’est la lecture du dernier roman d’Alain Bagnoud, Rebelle, qui a initié cette réflexion. Un village valaisan – Saint-Luc – où ont échoué une galerie de personnages en échec dont un écrivain oublié et aigri, Joseph Dalin, et un musicien de blues à la gloire flétrie, Bob Marques. Entre les deux, entre les mots et les notes, un jeune journaliste, Jérôme Saint-Fleur – à la dérive lui aussi – en quête d’un père qu’il n’a pas connu. Mais Saint-Luc ne signifie rien. Pour Jérôme, la véritable maison, l’unique patrie, «la demeure parfaite» selon la métaphore de Jaccottet, reste la musique (il avait «un groupe de musique qui a foiré»). Journaliste, Jérôme est pourtant du côté des mots, mais les mots mènent à l’impasse (il est sur le point d’être licencié – la presse se meurt – et Dalin – autre incarnation des mots – a sombré dans l’oubli – la littérature se meurt aussi). Les mots, et la pseudo vérité qu’ils pourraient colporter, Jérôme finira par les brûler. C’est du côté de la musique que vient l’ouverture: invité par Marques à des sessions, puis à une tournée, Jérôme, qui subit son existence et le poids que font peser sur elle ses deux femmes – sa mère et son amie – retrouve enfin, la guitare en mains, enthousiasme, vitalité et raison de vivre: «Mes soucis se sont évanouis dès que j’ai replongé dans la musique. Immersion, puis navigation, le périscope dressé, pour former l’escadre». Le périscope dressé! L’escadre! Le mâle castré par ses deux femmes, le temps d’une session, la main sur le manche d’une Gibson, a rejoint «sa demeure parfaite». Car la véritable quête pour Jérôme, bien davantage que celle du père, est celle d’un rapport au monde par l’art. Entre l’écriture et la musique, son choix est fait. Et par-delà la jouissance du narrateur décrivant par le menu, et jusqu’à l’orgasme, cette sorte de partouze musicale qu’est la session avec Marques, c’est celle de l’écrivain Bagnoud que l’on devine: «J’ai fait sonner des accords de septième qui leur ont servi d’ancrage. Ils ont tourné autour de moi avant de se relancer (…) M’enhardissant, j’ai secondé la guitare de Bob quand est venue une période où il se cherchait. La basse grognait, pleine d’une fureur attentiste. Ça s’est déchaîné encore. Marques nous a jeté un coup d’œil pour introduire le point d’orgue final…» Bagnoud s’en rend-t-il compte? Lorsqu’il s’attarde avec délectation sur une longue description d’une blues session, ce n’est pas seulement le personnage narrateur mais toute l’écriture qui se métamorphose: plus sexuelle, plus tendue, plus énergique, s’édifiant sur un champ lexical évocateur qu’on ne retrouve pas ailleurs. Pas de doute! En parlant musique – et bien davantage qu’à Saint-Luc – Alain Bagnoud a rejoint sa "demeure parfaite". Serait-il lui aussi écrivain parce qu’il est un musicien raté?

    D’autant plus que, dans un roman précédent, Le Blues des vocations éphémères, Bagnoud nous livre un schéma identique. Et même si le narrateur, ici, ne joue pas au côté d’une ancienne gloire du blues qui fut à la fois son idole et un substitut de figure paternelle, même s’il doit se contenter d’un orchestre de bal local à jouer des standards de rock, il éprouve la même jouissance à plaquer des accords ou à enchaîner les solos tout en matant les filles qui dansent. Car la guitare, c’est un membre en érection, «périscope dressé» on en jouit comme de son sexe: «Puis je ne regarde plus rien car c’est mon grand moment: le solo de guitare. Déchaîné forcément. Pythiatique. Ça marche. Je le prolonge, alignant des effets (…) Accords finals. Applaudissements du public. Je me dis que c’est en mineur ce que je pourrais vivre plus tard quand je serai sur une vraie scène devant une assistance déchaînée.» La musique ou l’écriture? A la fin, contrairement à Jérôme, le narrateur choisira les mots «puisque la magie et le sens sont dans la langue. Que sans elle, la vie est livrée à l’informe et au temps…» Il aurait pu ajouter: «puisque je suis un musicien raté». Il ignorait alors que le véritable sens réside dans la pensée qui chante, pas dans celle qui «signifie». Jérôme, lui, l’a compris…

    Alain Bagnoud a sûrement dû faire sienne cette phrase de Pierre Jean Jouve et s’avouer un jour, comme je l’ai fait moi-même, que «l’écrivain en lui a toujours envié les musiciens». A la lecture de Rebelle, aux passages où il est question de musique – et je suis convaincu que cette conclusion plaira à Bagnoud – c’est cette phrase de Michel Schneider (in Glen Gould, piano solo) qui m’est venue à l’esprit et qui, comme une suite d’échos, a prolongé la présente réflexion: «La musique en nous est ce qui n’est pas tout à fait au monde. Pas même le monde dénué, dénudé: l’absence de ce monde». Pour le moins, cette citation aux accents mallarméens devrait convenir au narrateur de Rebelle

    Alain Bagnoud, Rebelle, éditions de l’Aire, 2017

  • Un drame silencieux (Vincent Aubert)

    par Jean-Michel Olivier

    Unknown-1.jpegVincent Aubert est comédien, amateur de musique et de grands textes. Il a fait le clown (sous le nom de Roberto) sur les scènes d'une bonne partie de la planète, a créé avec le contrebassiste Jacques Siron un duo mémorable, et anime de voix de maître les belles soirées de la Compagnie des Mots, qui se tiennent le premier mardi de chaque mois à l'Auberge du Cheval-Blanc à Carouge. En plus, ne soyez pas jaloux, c'est un excellent danseur de tango !

    Mais Vincent Aubert a également cinq livres à son actif (voir le site www.ecrire-etc.ch) — et non des moindres. 

    Je viens de terminer la lecture de Murmures sous la neige*, un récit poignant qui reconstitue un drame survenu il y a quelques années dans le Jura. Unknown-2.jpegUne bande de jeunes gens décident d'aller faire la fête dans un chalet d'alpage, mais au retour, surpris par une tempête de neige, quatre d'entre eux se perdent dans la nature et meurent de froid. À partir de ce noyau tragique, Aubert donne la parole aux témoins, un garde-forestier, un pasteur, la mère ou le père d'une victime, l'organiste de l'église, l'unique rescapé de cette randonnée mortelle. Tout un village, frappé au cœur, murmure sa douleur sous la neige. En quelques pages denses et bouleversantes, on revit le drame comme de l'intérieur, dans la colère et l'incompréhension. Le style est sobre et d'une grande efficacité. La nature est à la fois grandiose et toute-puissante (Aubert est un grand connaisseur du Jura). 

    « Ces Murmures appartiennent  aux témoins du drame, aux parents, aux amis. Personne ne les a vraiment entendus. Ils ont été susurrés dans un moment de grâce et de douleur. Puis tout s'est refermé. »

    Il y a quelque chose de biblique dans ce récit sobre et poignant, dont la musique silencieuse accompagne le lecteur longtemps après qu'il a refermé le livre.

    * Vincent Aubert, Murmures sous la neige, écrire-etc.ch, 2016.

  • écrire ou vivre?

    antonin moeri

     

    Avant le sexe triste que Michel Houellebecq met en scène avec tant de délectation dans ses romans, il y eut ce qu’on pourrait appeler la dépossession de soi que l’amour assouvi peut entraîner... Je ne cessais de songer à cette idée schopenhauerienne en lisant un texte bref (56 pages) que Beckett écrivit en 1945 mais ne fit paraître qu’en 1970 aux Editions de Minuit.

    Un narrateur plutôt anorexique essaie de se souvenir. Comment les choses se sont-elles passées la première fois qu’il fut entraîné dans le tourbillon? Allongé sur un banc après la mort de son père, le voilà obligé de plier les genoux pour laisser la place à une inconnue qui lui a dit: «Faites-moi une place!». Cette inconnue revient le lendemain et le surlendemain. Elle lui demande de poser ses pieds sur ses genoux à elle. L’homme sent une légère excitation sexuelle. «Quand on n’est plus soi-même on est n’importe qui, plus moyen de s’estomper».

    Cette dépossession, il la vit à contre-coeur. Il ne peut résister à une force qui le pousse vers un but qui n’est pas le sien mais celui de la nature. Pour essayer de se préserver, il va se réfugier dans une vieille étable abandonnée remplie de bouses de vache. C’est exactement le lieu où le sentiment amoureux envahit notre étrange narrateur. Sentiment dont il a entendu parler à l’école, au bordel, à l’église, dans les romans... Ne sachant s’il aime vraiment cette Lulu qu’il décide d’appeler désormais Anne, il revient au banc public. Anne est là, chaudement vêtue à cause du froid... Il pleure en regardant son manchon. Il s’assied à côté d’elle. Elle chante une vieille chanson.

    En rédigeant son texte, il se rappelle qu’il y était question de citronniers, dans cette chanson... Un autre détail lui revient: il est retourné au banc quelques semaines plus tard, alors qu’il pleuvait. Ils marchent de long en large. Il lui prend le bras. Il regarde sa figure «comme suspendue entre la fraîcheur et le flétrissement». Elle lui parle de son p’tit apparte sympa en haut d’une vieille maison. Elle se déshabille lentement. Il remarque qu’elle louche. Il va dans l’autre pièce, sort les meubles pour les empiler dans le couloir. Il garde le sofa. Elle lui apporte des draps.

    Il se réveille le lendemain, les draps en désordre, Anne à côté de lui, nue naturellement. «Ce qu’elle avait dû se dépenser! (...) Ce fut ma nuit d’amour». Sa vie s’organise dans la maison. Une fois par jour, elle vide la marmite (dans laquelle il fait ses besoins). Elle nettoie la chambre une fois par moi. Il l’entend chanter dans l’autre pièce. Un jour, elle a le culot de lui annoncer qu’elle est enceinte de quatre ou cinq mois (de ses oeuvres à lui, au narrateur). Avortez! Avortez! Voyons!

    «A partir de ce jour-là, les choses allèrent mal dans cette maison, pour moi, de plus en plus mal... Elle venait tout le temps m’assassiner avec notre enfant, me montrant son ventre, ses seins, me disant qu’il allait naître d’un moment à l’autre, elle le sentait qui bondissait déjà (...) Ce qui m’acheva, ce fut la naissance (...) Les hurlements défiaient toute concurrence. Ils me poursuivirent jusque dans la rue». Où il contemple les étoiles.

    A la sympathique vie des chaumières, l’étrange narrateur préfère un autre exil. Il préfère chercher au ciel les chariots que son père, le premier, lui avait montrés. Il préfère jouer avec les cris du nouveau-né qu’il entend au loin. Il préfère s’avancer, s’arrêter, s’avancer, s’arrêter. Le bruit de ses pas lui fait du bien. Il aura cédé au génie de l’espèce mais refusera de se ranger au modèle commun. La musique et le jeu prennent le dessus sur l’accommodement et les contingences.

    Le lecteur pourra méditer longuement sur ce choix. Et sur ce bref texte dans lequel on découvre, avec quel plaisir, des thèmes qui seront développés dans Molloy, Malone meurt, Godot, Fin de Partie etcetera...

     

    Samuel Beckett: Premier amour, Minuit, 1970

  • La mort en ce miroir (Roland Jaccard)

       par Jean-Michel Olivier

    Unknown-1.jpegOn ne présente plus Roland Jaccard, le plus célèbre vaudois de Paris, auteur de L'Exil intérieur* et de La Tentation nihiliste**, entre autres, de nombreux essais et d'innombrables (vrais ou faux) journaux intimes (Jaccard s'inscrit dans la lignée d'Amiel et de Benjamin Constant). Dans le paysage désertique de la littérature française, c'est l'un des seuls écrivains, il me semble, à tenir sa ligne, et avec style. Après avoir longuement tourné autour, il nous donne aujourd'hui un roman tragique et drôle, où il prend plaisir à multiplier les jeux de miroir. 

    Cela s'appelle Station terminale***, et c'est un bonheur de lecture.

    images.pngD'emblée, comme dans un miroir, le narrateur se dédouble. C'est l'idée de génie : deux frères, que tout sépare et oppose à première vue, mènent deux vies parallèles. L'un enseigne à Lausanne, il est marié, il a des enfants : sa vie est rangée comme une armoire appenzelloise. L'autre, au contraire, mène à Paris une vie du genre dissolue, il court le monde en quête d'émotions amoureuses, il écrit, il est fasciné par les jeunes filles asiatiques, les franges sur le front et Louise Brooks (suivez mon regard!). Il passe son temps à le perdre en jouant du ping-pong et en allant se dorer la pilule dans diverses piscines (Pully, Deligny). 

    Un jour, ce frère de mauvaise vie meurt dans un accident de voiture. Vrai accident ou suicide maquillé ? Personne n'est capable de le dire. C'est son frère bien-pensant, accouru de Lausanne, qui va découvrir, à Paris, le journal de ce vieux débauché. Malaise. Perplexité. En lisant les pages écrites son frère, il va trembler de rage, de colère et d'indignation, car celui-ci ne cache aucun détail de sa vie sulfureuse (au contraire, il semble ravi d'exhiber ses défauts). Il annote les passages qui le scandalisent. Il essaie de se protéger des poisons prodigués par ce frère trop libre et trop intelligent.

    Mais cette vie de liberté l'oblige aussi à se poser des questions. N'aurait-il pas rater quelque chose ? La vraie vie ne serait-elle pas ailleurs, comme le disait Kundera ?

    Alors, pour ternir l'image de ce frère écrasant, l'homme rangé décide de livrer au public ces pages sombres et pleines de poison. C'est la vengeance qu'il choisit : révéler la vraie nature de ce frère qu'il envie en secret. Mais cette vengeance, il le sait, risque bien de se retourner contre lui.

    « La question que se pose Marie, c'est : comment vais-je vivre ?

    La question que je me pose quotidiennement, c'est : comment vais-je disparaître ? »

    Un roman drôle et caustique, où Jaccard entreprend, en bon disciple d'Amiel, son propre procès. Au lecteur de livrer son verdict !

    * Roland Jaccard, L'Exil intérieur, PUF, 1975.

    ** RJ, La tentation nihiliste, PUF, 1989.

    *** RJ, Station terminale, roman, Serge Safran éditeur, 2017.

  • Vernissage, ce soir, de Regards croisés sur Genève (Slatkine)



    Unknown.jpeg

    Vingt et un auteurs vous entraînent à travers Genève. Grâce à ces textes drôles, engagés, rêveurs, haletants, nostalgiques ou critiques, vous découvrirez des quartiers, des rues de Genève mais aussi les secrets, les traces d’histoires passées, les flux et les reflux qui agitent une ville.

    Alain Bagnoud, Olivier Beetschen, Pierre Béguin, Laurence Boissier, Anne Brécart, Daniel de Roulet, Jean-François Duval, Catherine Fuchs, Silvia Härri, Joseph Incardona, Max Lobe,  Antonin Moeri, Jean-Michel Olivier, Georges Ottino, Michaël Perruchoud, Valérie Poirier, Guillaume Rihs, Marina Salzmann, Aude Seigne, Luc Weibel, Jean-Michel Wissmer, tous écrivains vivant à Genève nous donnent à lire leur ville, accompagnés par les encres inédites de Pierre Wazem.

    Puisse cette promenade littéraire inciter les lecteurs à ouvrir tout grand leurs yeux dans le sillage des écrivains dont ils partagent le quotidien !


    Préface de Darius Rochebin

  • Un plaisir trop bref

    Par Pierre Béguin

     

    Je me délecte toujours à la lecture des correspondances d’écrivains. Tout d’abord parce qu’elles constituent à leur manière une sorte d’autobiographie bien plus éloquente que les traditionnelles biographies parfois convenues et ennuyantes. Ensuite parce que leurs postures sont aussi variées que révélatrices. Certains écrivains, dans l’intimité, restent si imprégnés de la conscience d’être plus tard publiés et lus par le grand nombre qu’on les sent retenus, circonspects, attentifs, pour ne pas dire policés, voire carrément poseurs, traquant le mot juste tout en feignant la spontanéité (je pense par exemple à Samuel Johnson ou à André Gide pour lequel la correspondance devait assurer son immortalité autant que son œuvre). Ceux-ci mettent dans leur correspondance le moins possible d’eux-mêmes sous des apparences de sérieux et de profondeur.

    D’autres ne se préoccupent pas du «grand art épistolaire» (selon la formule de Samuel Johnson), plongeant avec délice et naturel, en toute hâte et sans jamais adopter la moindre pose, dans cet univers de réjouissances et de plaisirs, aussi futile puisse-t-il paraître parfois. C’est le cas de la correspondance que je suis en train de lire ces jours-ci: «Ce mot en toute hâte, lcapote3 (4).jpga poste ferme dans dix minutes» écrit Truman Capote – puisque c’est de lui qu’il s’agit – à un ami. Et plus loin: «Quel plaisir trop bref que vos lettres!» exacte définition de ce que sont les siennes, un plaisir trop bref. Lui qui polissait sans relâche la moindre phrase parue sous sa signature s’est livré à l’exercice épistolaire avec un naturel et une spontanéité étonnante, parlant sans retenue de ses blessures, de ses succès, de ses échecs. Comme s’il ne croyait pas une seconde que ses lettres pussent être publiées un jour…

    Truman Capote adorait les commérages – en écouter autant qu’en colporter. Et ce penchant, il faut bien l’admettre, convient parfaitement au genre épistolaire, lui apportant cette saveur que la futilité du contenu pourrait rendre insipide: «Envoyez-moi encore une de ces lettres pleines de vos merveilleux commérages. J’ai l’impression qu’on est ensemble à boire un martini». Car la correspondance est un plaisir partagé. Ainsi, le célèbre auteur de De Sang froid n’hésite pas à ordonner, voire à quémander, lorsque la paresse ou l’indifférence de son correspondant vient à le priver de ce partage de midi attendu: «Monsieur – Pourquoi ne répondez-vous pas à ma lettre? Je n’en écris que pour avoir le plaisir d’en recevoir en échange. Veuillez considérer que c’est donnant donnant» écrit-il à John Malcolm Brinnin, poète et professeur d’université, le 15 juillet 1950. – Je me souviens que, étudiant à Londres, j’écrivais de très longues lettres dans le seul espoir d’en recevoir de plus longues encore, espoir souvent déçu; mais contrairement à Truman Capote, je n’ai jamais osé m’en plaindre aux intéressés. Comme tout enfant en manque d’affection, le romancier américain aimait ses amis sans réserve mais exigeait d’eux le même engagement. Se sentant très vite trahi ou abandonné, il ne pardonnait pas à ceux qui l’avaient offensé. Et une lettre sans réponse pouvait constituer une offense à ses yeux…

    Pour obliger ses correspondants les plus paresseux à lui écrire, il avait inventé un jeu: le CLI – Chaîne de Liaisons Internationales. L’enjeu est de dresser une liste de noms en s’arrangeant pour que chacun de ceux qui y figurent ait un lien avec celle ou celui qui le précède. Le jeu consiste à avancer le plus loin possible dans la chaîne tout en aboutissant au nom le plus ahurissant. Sa combinaison préférée permettait, en partant de Cab Calloway, d’arriver à Adolph Hitler. Selon les calculs de Truman Capote, et c’est ce qui le délectait, seuls trois noms s’intercalaient entre le plus célèbre jazzman et l’incarnation du mal absolu.

    «Une lettre dont le seul but est de transmettre une information ou de faire plaisir à son destinataire n’est pas une vraie lettre. Une vraie lettre peut atteindre ces deux objectifs par surcroît, mais sa fonction première est d’exprimer la personnalité de celui qui l’écrit» prétend l’écrivain et critique anglais Lytton Strachey. Voilà pourquoi j’aime lire la correspondance des écrivains, voilà pourquoi j’aime celle de Truman Capote.

    Et dire que les sms, les mails, les réseaux sociaux – tout ce qui tue le véritable échange épistolaire – risquent fort de priver les futures générations du plaisir trop bref de lire des correspondances d’écrivains!

    Un plaisir trop bref, Truman Capote, 10/18, 2007

     

     

  • Un père reste un père (Alain Bagnoud)

    par Jean-Michel Olivier

    images.jpegC'est un roman dense et complexe, qui revisite les années 70, mais aussi notre époque, que nous donne Alain Bagnoud avec Rebelle*, son quatorzième livre.

    Tout commence, ici, dans un bistrot valaisan, où le nouveau venu (Jérôme Saint-Fleur, un journaliste à la dérive) est tout de suite intégré à la communauté bruyante, joyeuse et avinée des piliers de bar. C'est en sortant du bistrot, la tête levée vers la Grande Ourse, sa bonne étoile, que Jérôme va tomber sur Bob Marques, un guitariste de blues, qui était son idole, autrefois. Cette rencontre — à la fois retrouvailles avec sa jeunesse perdue et besoin de reconnaissance — va bouleverser sa vie dans les mois qui vont suivre.

    Unknown.jpegLe roman de Bagnoud est construit sur une série de rencontres et d'interrogations. Autour de cette ancienne gloire du blues gravitent deux femmes, Marylou et Carole. Tandis que la première ne quitte pas Marques d'un pas, la seconde aime les marches en montagne et fréquente assidûment une secte (qui fait penser, bien sûr, à l'Ordre du Temple Solaire). Jérôme est invité à jouer de la guitare avec Marques. Le résultat est concluant. Une tournée est organisée. Jérôme est parvenu à se faire reconnaître de son idole, ancienne figure paternelle. 

    Et désormais le roman de Bagnoud touche à son centre névralgique : la recherche du père. En bon journaliste, Jérôme va poursuivre son enquête sur le terrain. Il ne va pas tarder à retrouver deux anciens compagnons de sa mère : Joseph Dalin et Frank Rivet. Le premier, après avoir été prof, est écrivain et le second est un politicien en vue qui semble avoir renié les idéaux de sa jeunesse. L'un et l'autre pourraient être le père que Jérôme n'a pas connu…

    Cette enquête, on le voit, qui est une quête des origines, tourne entièrement autour d'un personnage mystérieux : Luce, la rebelle indomptable, qui voulait un changement de vie total. « Des fleurs, de l'herbe et de la musique. » Luce est la mère de Jérôme et vit à l'écart du monde. images-1.jpegDevenue artisane, elle a coupé les ponts avec son passé contestataire — et ses anciens amants. Jérôme l'oblige à remuer les braises, à s'expliquer, à révéler les secrets qu'elle garde jalousement. On revisite ainsi les belles années du Flower Power, la liberté, les utopies. Même si le mouvement a été rattrapé par la réalité du monde de l'argent (le libéralisme, la globalisation), les rêves qu'il a semés ne sont pas totalement oubliés.

    Roman dense et complexe, qui se passe presque entièrement en Valais (avec quelques incursions à Genève !) et brosse une galerie impressionnante de personnages, Rebelle poursuit une quête de vérité qui est d'abord une interrogation des origines : si la mère est unique et prend beaucoup de place, les pères (imaginaires) sont nombreux et se bousculent même au portillon (Marques, Dalin, Ravet, Kapoff) ! On laissera au lecteur le soin de découvrir le fin mot de l'affaire…

    Ce qui est sûr, avec Alain Bagnoud, c'est que l'affaire est loin d'être classée !

    * Alain Bagnoud, Rebelle, roman, éditions de l'Aire, 2017.

  • bambiland

    antonin moeri

     

    Me souviens du malaise éprouvé lorsque je voyais à la télé les images de missiles lancés depuis les navires de guerre, le résultat des terribles explosions, les véhicules blindés de l’armée américaine fonçant dans le désert, les carcasses de camions irakiens qu’on venait de napalmiser avec des cris de joie... nausée aggravée lorsque je voyais les speakers, tout feu tout flamme (si j’ose dire), nous apprendre avec des airs de grands connaisseurs le prix et la composition chimique des Tomahawks, nous montrer les engins en gros plans, nous expliquer l’importance de cette mission civilisatrice: non seulement renverser un horrible tyran sanguinaire et paranoïaque, mais contribuer à l’édification des masses en amenant dans ce pays-là ce que les journalistes formatés ne cessent d’invoquer avec des trémolos de grenouilles agenouillées: la Démocratie. C’est ce malaise que met en mots Jelinek dans «Bambiland»: comment une guerre est perçue sous nos latitudes, comment elle est interprétée et assimilée dans nos exemplaires démocrarties occidentales.

    En vérité, c’est le comportement du consommateur devant son écran (télé, ordi ou smart), cette passivité d’un sujet qui se rince l’oeil en fixant la trajectoire festive des Tomahawks, en voyant Bagdad brûler, en admirant le bon boulot effectué par les soldats de leurs majestés Bush, Rumsfeld, Cheney etc, à la fois mangeurs de pognon et seuls bergers à connaître Dieu, à connaître le Bien, à connaître le véritable Père..., ce sont ce comportement et cette passivité qui sont interrogés dans une «trame oscillante où le fondu enchaîné semble être la règle», trame conçue pour le théâtre. Mais qui parle dans ce fleuve verbal imaginé après lecture de la tragédie «Les Perses» d’Eschyle?

    Il y a un NOUS qui pourrait être celui d’une majorité bien pensante, qui pourrait représenter les Occidentaux ou les soldats américains dans leurs blindés ou les experts en géopolitique habitués des plateaux télé... Il y a un JE qui pourrait représenter un téléspectateur ou l’auteure assise sur un canapé, maniant la télécommande et prenant des notes, ou une journaliste de CNN qui est aux premières lignes pour faire vibrer le quidam européen désormais conscient que cette guerre est juste, qu’elle est voulue par Dieu..., notre Dieu à tous; ou un militant du mouvement pour la paix, «premier messager de la souffrance qui entend dévoiler toute l’étendue du désastre», ou un retraité qui tente, devant son p’tit écran, de saisir... de comprendre... de savoir..., ou un opposant au régime qui veut «précipiter dans la poussière l’immensité de la richesse de Saddam», ou un crâne rasé texan pressant sur le champignon de l’emblématique Humvee, ou l’ingénieur qui mit au point le BGU-28, la bombe perceuse de bunkers, ou une femme musulmane (voilée de noir) qui voudrait voir la couleur des pétro-dollars mais qui ne peut que crier et se lamenter hors-champ.

    C’est bien la croisade menée contre les musulmans d’Irak par l’inénarrable Bush Junior élu de Dieu (qui lui a ordonné d’écraser Saddam et ses troupes), c’est bien cette croisade aux accents fondamentalistes que Jelinek questionne, un fondamentalisme qui, sous couvert de défense des valeurs morales, cache des objectifs implacables, des intérêts très précis... Dans le registre grave et sérieux, l’exercice tournerait au pensum. En jouant avec les mots qui se téléscopent et les phrases dont nous perdons la trace de l’énonciateur, l’auteur s’amuse à mimer l’éternelle logorrhée qui nous assaille dès qu’on allume une radio ou une télé, logorrhée pourtant calibrée où les barbares sont clairement désignés: «nègres des sables, assassins et violeurs», «engeance satanique qui ignore la civilisation», monstres qui brandissent un drapeau blanc avant de tirer sur le brave guerrier blond ou latino.

    En explorant, en décortiquant la rhétorique des communicants et en imbriquant des bribes de cette logorrhée dans un texte inclassable, Jelinek poursuit le travail entrepris par un autre contempteur des discours avilis, des jargons techniques, journalistiques, scientifiques..., satiriste hors pair que le mauvais usage de la langue inquiétait au plus haut point et qui montra, avec une rare vitalité subversive, comment on peut se servir du verbe (et aujourd’hui des images) pour maintenir les foules dans un état d’enfance, pour les rendre dociles..., satiriste qui montra dans une pièce de théâtre comment la presse libérale autrichienne de l’époque instilla dans les esprits l’idée que la guerre était inéluctable. Jelinek se reconnaît dans la critique du langage de Karl Kraus (1874-1936).

    Elfriede Jelinek: Bambiland, éditions Jacqueline Chambon, 2006

  • Sur une image (Jacques Pugin)

    Unknown.jpeg

    Ouvrons les yeux : la nature, comme le disait Baudelaire, n’est pas seulement ce temple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles. C’est d’abord un théâtre avec ses tréteaux, ses chausse-trappes et ses jeux de lumière, sa mise en scène et ses masques. 

    Comme théâtre, Jacques Pugin a choisi la montagne — le plus grandiose des théâtres. 

    Le photographe est un chasseur d’image, un arpenteur, un randonneur. Il recherche une scène primitive : un décor à la beauté sauvage qu’aucun acteur n’aurait encore habité. Nous sommes ici juste après le lever du rideau : le plateau est nu, le silence est profond, pas âme qui vive dans ce cirque de glace. Au premier plan, des draperies qui pourraient être des suaires, ou des fantômes : si la chair dépliée est sans secrets, la montagne, sur cette image, exhibe ses plaies et ses cicatrices, ses failles et ses séracs, comme les reliefs d’une catastrophe. 

    En même temps, ce drapé somptueux laisse entrevoir un coin de ciel délavé, et l’ombre d’une montagne qui surveille toute la scène.

    Il y a, dans cette image, comme dans toutes les photographies de Jacques Pugin, une scénographie très étudiée : le jeu des couleurs, les plis et replis de la glace, le drapé des montagnes. Tout renvoie, ici, à un théâtre d’avant les hommes et d’avant la parole. La pièce n’est pas écrite (ou peut-être est-elle déjà jouée). 

    La montagne est sacrée. Si l’homme n’est qu’un accident de l’Histoire, elle conserve, dans ses plis, la mémoire des remous du passé. Glissements, replis, fonte inopinée des neiges. Nouvelle glaciation. Qui est le maître d’œuvre ? Quel est le plan final ? Le temps de la nature n’est pas celui des hommes. C’est un temps long qui, aujourd’hui, s’affole et s’accélère, alors que la planète s’épuise en gesticulations. 

    Au fil des jours et au hasard des randonnées, le photographe recueille des images, les creuse, les interroge, les modifie parfois pour en extraire le sens. Le paradoxe de ces images dépouillées, où l’homme n’a pas sa place, c’est qu’elles nous parlent et nous regardent. Que recèlent ces plis, ces draps gelés, ces ombres grises ? Qui se cache sous cet effondrement ? 

    Quel cri est prisonnier des glaces ?

    Seul le silence répond à nos questions.

    Jean-Michel Olivier

    @ photo de Jacques Pugin