Sexe, Père Noël et Cie
Par Pierre Béguin
A passé huit ans, elle y croit, ma fille. Elle y croit encore au Père Noël. Plus vraiment celui qui vient à la maison avec sa hotte sur le dos avant le repas de famille parce que, lui, il n’a pas les vrais souliers du Père Noël et il porte une fausse barbe. Mais celui qui vient durant la nuit de Noël, auquel on a transmis les souhaits de cadeaux, celui qu’on ne voit jamais et qu’on aimerait bien surprendre en flagrant délit de cheminée. A celui-ci, elle a laissé un mot avec une tranche de panettone. Et ce Père Noël là, le vrai, a mangé la tranche de panettone avant de déposer sous le sapin les cadeaux qu’elle désirait…
La petite souris, elle y croit et elle n’y croit plus. Tout de même, une petite souris qui apporte la nuit quelques pièces qu’elle pose à côté de la dent, c’est étrange! Elle doute, oui, mais puisqu’il faut croire pour avoir quelques pièces, alors croyons!
Le Père Fouettard, peut-être fait-elle semblant d’y croire pour se donner des frayeurs. Elle ne l’a jamais vu, mais quelqu’un a dû lui dire que c’était un vieux monsieur barbu qui venait fouetter les enfants la nuit avec un martinet. Au fond, elle n’a pas peur. Jamais le Père Fouettard n’est entré dans la maison, et elle sait qu’il n’y entrera jamais. Papa veille…
Oui! Le Père Noël, la petite souris, le Père Fouettard, elle y croit et elle n’y croit plus. Elle doute. Elle croit quand ça l’arrange… Mais le sexe, maintenant, elle sait. Elle sait que le pénis des messieurs durci, se tend, pour mieux pénétrer dans le vagin et déposer les spermatozoïdes qui vont féconder l'ovule et qui donneront des bébés. Elle a été choquée quand le psychologue lui a expliqué ce phénomène à l’école au cours d’éducation sexuelle. C’est dégoutant! qu’elle nous a lancé en rentrant à la maison, moi, je ne veux pas que ça m’arrive! Pas de quoi s'inquiéter, certes. Et d'ailleurs, je ne m'inquiète pas, je m'interroge...
A moi, on m’avait expliqué les mêmes choses, avec des dessins, en première année du Cycle. J’avais treize ans. C’est fou ce que les enfants ont mûri depuis! De nos jours, c’est en 5P (anciennement, pour nous, 3e primaire) qu’on leur tient à peu près ce langage. Les années précédentes, c’était un peu plus tard dans le cursus primaire, mais il paraît – selon les psychologues – que ce n’était pas assez tôt. Huit ans, neuf ans, ce doit être le bon âge…
Personnellement, j’ignore quel est le bon âge, s'il y en a un. Mais je sais – parce que le simple bon sens me l’enseigne – qu’il existe des mondes incompatibles entre eux, des mondes qu'il faudrait éviter d'interconnecter. Et un monde où peuvent exister le Père Noël, la petite souris et le Père Fouettard n’a que faire de celui où le pénis des messieurs durci, se tend, pour mieux pénétrer dans le vagin… La virginité, la vraie, celle de l’ignorance, c’est le dernier cadeau du Père Noël. Que le DIP soit bien certain de ne pas en priver les enfants trop tôt!
Ce volume est le deuxième d'une trilogie : comment se compose-t-elle, comme évolue-t-elle ? En d'autres termes, considères-tu les trois volumes comme les trois chapitres d'un seul texte ou se veulent-ils différents, et en quoi ?
uste pour le lecteur. Ensuite, je dois reconnaître que si je lisse beaucoup le travail de la langue, les idées, je les laisse venir comme elles veulent, je prends ce qui monte. Par exemple, la mariée morte, c'est une ancienne terreur nocturne, je l'ai mise là, espérant m'en débarrasser, mais que faire de tout cela ? Les aventures de Solal, c'est un capharnaüm bien étrange dont certains recoins sont obscurs à moi-même et le côté maniaque de l'écriture, grammaticalement si complexe que l'ordre est parfois à la limite du compréhensible, c'est comme pour montrer que la barrière contre des forces noires et violentes à l'oeuvre sans cesse sous la surface est fragile. Des fois, j'ai l'impression qu'écrire Solal, c'est presque une tentative de soigner quelque chose chez moi.



Le premier roman de Julien Sansonnens, Jours adverses, décrit la vie d'un trentenaire actuel. On y retrouvera les processus, les tics, les ambiances, les non-valeurs de la société actuelle. On y repérera aussi une recherche de sens, qui saisit Sam, le personnage principal, emblématique de cette génération, et perdu dans un labyrinthe carriériste absurde. Porté par une écriture contemporaine qui joue sur les niveaux de langue, le roman fonctionne bien et sa tentative de faire le portrait critique et ample d'une génération est réussie.
Deuxième partie, très différente. Sam choisit de reprendre une buvette d'alpage au Crêt-Meuron, au-dessus de Neuchâtel. C'est un nouveau départ, qui semble lui réussir. Nouvelle fiancée, contacts humains, rencontre d'un vieux militant ouvrier, ancien horloger, avec qui il parle politique, lui, un ancien du Front Révolutionnaire Internationaliste des Travailleurs Solidaires, un mouvement trotskiste, dans lequel il a d'ailleurs rencontré un certain Julien Sansonnens, dont il n'a pas gardé un très bon souvenir. « Le pire c'était encore Julien Sansonnens, dont on lisait qu'il était l’étoile montante de notre organisation : ce petit merdeux se la jouait Che Guevara alors que ses parents étaient prof, son grand-père pharmacien et son arrière-grand-père directeur de banque ! Tu te rends compte ? »
