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  • Les éternels dindons de la francophonie

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    par Jean-Michel Olivier

    Difficile de l'ignorer : les XIIIème Sommet de la Francophonie s'ouvre ce week-end à Montreux. Comme on le sait, il devait se tenir à Madagascar. Mais comme l'île est sujette aux violences politiques, les Malgaches ont renoncé à organiser la manifestation. Ce sont les Québéquois, alors, qui ont proposé la Suisse comme nouvel organisateur. Et Micheline Calmy-Rey, avec courage, a accepté le défi de mettre sur pieds, en quelques semaines, une manifestation qui regarde tout de même près de 220 millions de personnes dans le monde.

    Alors, bien sûr, ça sent l'impro à plein nez. Des tables rondes ont été convoquées au titre extraordinairement excitant: « La viabilité mondiale : Comment faire face aux défis globaux en matière de développement durable, de changements climatiques et de biodiversité ? ». Ou encore : « Face à la crise alimentaire : Etats, privés, organisations internationales : quels rôles et responsabilités ? ». Sans parler de cette « Journée thématique sur les droits humains et les 10 ans de la Déclaration de Bamako ». En d'autres termes, francophonie rime d'abord avec géopolitique, faim dans le monde, virus HIV et développement durable…

    Et l'autre francophonie, me direz-vous ? La vraie. C'est-à-dire l'usage, la jouissance, le lien social, le patrimoine culturel que représente cette langue commune à près de 220 millions d'êtres humains : le français. Et plus précisément celles et ceux qui chantent cette langue, qui l'écrivent, qui la servent, qui en font une arme et un trésor ? En un mot : les artistes.

    images-3.jpegCe sont les grands absents de ce XIIIè Sommet. À croire qu'il n'y en a pas — ou qu'ils sont quantité négligeable. Bien sûr, la chanson francophone est vaguement à l'honneur. Quand je dis vaguement, c'est qu'on a ressorti de leur malle, après des semaines d'âpres négociations, la fine fleur de la chanson francophone d'antan. Julien Clerc, Diane Dufresne, Laurent Voulzy, Maurane. Et pour la Suisse, puisqu'il fallait un Suisse : Jérémie Kisling. Il va sans dire que je n'ai rien contre ces chanteurs, qui sont tous admirables. Mais n'y avait-il pas d'autre choix ? La chanson francophone s'est-elle arrêtée de chanter dans les années 80 ? Et Stress ? Et Polar ? Et Carla Bruni alors ?!

    Si la chanson est mal représentée (toujours l'amateurisme des organisateurs), la littérature, elle, n'est même pas représentée du tout. Aucune rencontre, aucune table ronde, aucune discussion sur la création littéraire au Québec, en Algérie, en Belgique, en Suisse romande, en France ? Rien. En Suisse, nous avons l'habitude du silence des universités, qui brillent toujours par leur inexistence. Mais là, c'en devient affolant. Y a-t-il un poète dans la salle ? Qu'il sorte immédiatement ! Un écrivain ? Qu'on l'expulse manu militari ! Un philosophe ? Qu'il ferme sa gueule ! Cet « oubli », qui n'en est pas un, est révélateur de la place accordée aujourd'hui par les politiques aux créateurs de toute sorte. Même pas un strapontin lors des grands raouts internationaux. Ce n'est certes pas à l'honneur de Micheline Calmy-Rey (dont le premier métier, pourtant, fut de diffuser des livres!). Mais, en Suisse, cela n'étonnera personne.