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  • Le virus malin de l'information

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    par Jean-Michel Olivier

    S'il met à mal l'économie mondiale, ce maudit #coronavirus est une bénédiction pour les chaînes d'information publique, qui n'ont jamais connu une telle audience. La radio, comme la télévision, peuvent donner le maximum de leurs forces (qui sont immenses) dans la journaux télévisés et les émissions spéciales. À ce propos, on ne remerciera jamais assez les journalistes qui vont sur le terrain prennent des risques et surmontent des montagnes d'obstacles pour remplir leur devoir d'informer. 

    En revanche, on le sait, la presse écrite vit des jours difficiles. Certains journaux — surtout régionaux et associatifs — sont près de déposer leur bilan (les salaires ne seront plus assurés en avril). Pourtant, comme les radios et télévisions de Service public, ils font de l'excellent travail. Alors pourquoi ?

    images.jpegCe satané virus a mis à mal des pans entiers de l'économie. Certains s'en réjouissent : cela marque une pause dans notre désir de croissance effrénée et permet à la nature (et à l'homme) de reprendre ses droits. D'autres s'en inquiètent, car ils en voient les conséquences.

    Le problème, c'est que dans une société de plus en plus interconnectée, sans règle, ni frontières, tout le monde est aussi interdépendant.

    rendez-vous-majeur-qui.jpgPrenons un exemple simple : l'annulation du Salon de l'auto. Les écolos ont applaudi des deux mains, comme les ennemis jurés de la voiture. Or, ce Salon génère, bon an, mal an, près de 250 millions de retombées économiques. Le Salon de l'auto apporte une manne publicitaire indispensable aux journaux de la place (le mois de mars est habituellement le meilleur mois de l'année pour la publicité). Or, cette année, rien, pas un placard, pas une annonce. Perte sèche abyssale. Les cafetiers, hôteliers, taxis, etc. connaissent la même pénurie, comme beaucoup d'indépendants.

    Dans le domaine culturel aussi, l'arrêt brutal de toute activité (théâtre, opéra, danse, concerts, expositions) entraîne logiquement l'annulation de toute publicité. Et donc, à moyen ou long terme, la mort des journaux papiers.

    Une fois passée l'angoisse virale, nous pourrons réfléchir aux moyens d'aider cette presse qui se bat pour nous informer et qui est devenue aussi précieuse que notre pain quotidien. Voulons-nous encore des journaux de qualité ? En avons-nous vraiment besoin ? Les questions sont nombreuses. Mais il ne faudra pas attendre trop longtemps pour se les poser.

  • Josette Bauer, femme fatale en cavale (Pierre Béguin)

    par Jean-Michel Olivier

    Unknown-2.jpegPierre Béguin aime les affaires au carrefour du droit, du fait divers et de la littérature. Il s'était déjà penché sur l'affaire Jaccoud, qui défraya la chronique judiciaire dans les années 50, et en avait tiré un très bon roman, Condamné au bénéfice du doute*, couronné par le Prix Édouard-Rod en 2016. Ensuite, il s'était inspiré d'un fait divers colombien, mêlant trafic d'organes et guerre des gangs, pour nous donner un roman baroque, Et le mort se mit à parler**. Aujourd'hui, il réinvente, à la suite d'une enquête minutieuse, la fameuse « affaire Josette Bauer », dont certains Genevois se souviennent encore.

    Le résultat ? La Scandaleuse Madame B.***, un roman sulfureux et détonant, très au-dessus de ce qui se publie d'ordinaire en Suisse romande.

    detective-n-740-du-02-09-1960-josette-bauer-rehabilitation-de-pierrre-jaccoud-1007653656_ML.jpgRappelons les faits : en 1957, Josette Bauer, une jeune femme genevoise qui aime les fêtes et la belle vie, se voit accuser de complicité dans le meurtre, assez atroce, de son père. Ce n'est pas elle qui l'a tué, mais son mari, Richard Bauer, un homme très faible, mais amoureux, pris à la gorge par ses soucis financiers. A l'heure du meurtre, Josette se trouve dans une boite de nuit de Rolle en train de faire la bamboula avec son amant. Josette n'a pas tué, mais très vite elle va devenir, aux yeux des jurés et des journalistes, l'instigatrice du meurtre, celle qui a incité son mari à tuer son père. Après une longue enquête, dont Béguin reconstitue minutieusement chaque détail, le couple est arrêté. Le mari passe aux aveux. Déjà condamnée par la vox populi, Josette écope de plusieurs années de prison. Elle sera emprisonnée en Suisse alémanique et purgera, en détenue modèle, la presque totalité de sa peine. Pourquoi « presque » ? Eh bien, à quelques mois de sa libération, Josette s'évade !

    La plus grande erreur de sa vie, avoue-t-elle. Mais aussi le début d'une fantastique épopée…

    Pendant plusieurs années, on perd la trace de la « scandaleuse Madame B. ». Josette vit en cavale, se fait refaire le visage (l'opération de chirurgie esthétique, réalisée clandestinement à Paris, tourne à la boucherie), vit d'expédients. Béguin suit cette femme ordinaire au destin extraordinaire à la trace, comme s'il vivait dans son ombre. L'Algérie, puis l'Espagne : autant d'étapes d'une cavale douloureuse. A chaque fois, dirait-on, l'histoire se répète : alors qu'elle tâche de refaire sa vie dans le milieu de l'équitation (elle a toujours eu la passion des chevaux), Josette est obligée de fuir, en perdant tout à chaque fois, comme si un destin funeste s'acharnait sur elle.

    On retrouve sa trace aux États-Unis, en Floride plus précisément, dans les années 60, où l'audacieuse Genevoise est arrêtée, avec son complice, alors qu'elle transporte, cachés dans son corset, deux kilos d'héroïne. Nouveau procès (expéditif). Nouvelle condamnation. Unknown-3.jpegJosette — qui entretemps a changé d'identité et s'appelle maintenant Jean Baker ! — conclut un marché avec la police américaine à qui elle livre les noms de plusieurs trafiquants de drogue européens — des gros bonnets qui forment le fameux réseau de la French Connection (rien que ça!). Une fois encore, Josette s'évade pour recommencer sa vie ailleurs, dans l'anonymat et la clandestinité. L'histoire n'est pas finie. Elle connaîtra encore bien des rebondissements. Mais j'en ai déjà trop dit…

    Le roman de Béguin est écrit à deux voix. Deux styles. Deux rythmes différents. La voix du narrateur, factuelle et sûre d'elle-même. Et la voix suraiguë, un peu flûtée,  très vite reconnaissable, de l'écrivain américain Truman Capote qui se passionne pour cette affaire. Deux styles, donc, deux voix et deux rythmes. Tandis que le narrateur fonce et enchaîne les faits sur un rythme soutenu, la voix de Truman Capote marque une pause, un temps de réflexion, une méditation sur le destin de Josette et l'œuvre à venir (car Capote rêve d'écrire LE grand livre sur l'affaire Bauer, un livre qui établira définitivement son génie d'écrivain). images.jpegC'est le tour de force de ce livre que de faire alterner ces deux voix si différentes, chacune allant sa propre allure. Le narrateur décrit les faits, comme un policier ou un historien, et Capote les éclaire, les interroge, les passe au scanner de son propre regard. Réussite absolue. Pour nous faire entendre la voix de Capote, Béguin nous livre une partie (inventée) de sa correspondance. Capote écrit à ses amis, nous fait part de ses soucis de santé et tient au vitriol la chronique de ses sorties mondaines. C'est un délice que de le suivre à travers le monde (Capote voyage beaucoup) et de croiser au fil des pages Jackie Kennedy, les Rolling Stones, la famille Agnelli et quelques autres people

    __multimedia__Article__Image__2020__9782226444974-j.jpgAvec La scandaleuse Madame B., Pierre Béguin nous donne sans doute son meilleur livre, le plus abouti, le plus inventif et le plus ambitieux. Il place la barre très haut et relève brillamment le défi de raconter le destin extraordinaire d'une « petite » Genevoise, insouciante et délurée, dont la vie est une perpétuelle fuite en avant — une tentative désespérée de se sauver. Car au cœur du roman de Béguin, il y a la question du crime et de la rédemption. Peut-on se racheter d'un crime que l'on n'a pas commis ? (Josette a toujours nié est coupable du meurtre de son père) ? Comment refaire sa vie ? A-t-on droit à une seconde chance ? Et au droit à l'oubli ?

    Pierre Béguin brasse toutes ces questions et laisse le lecteur décider par lui-même du verdict de cette scandaleuse affaire.

    * Pierre Béguin, Condamné au bénéfice du doute, roman, Bernard Campiche éditeur, 2016.

    ** Pierre Béguin Et le mort se mit à parler, roman, Bernard Campiche 2017.

    *** Pierre Béguin, La scandaleuse Madame B., roman, Albin Michel 2020.

  • Manifeste pour l'égalité

    Par Pierre Béguin

    En ce dimanche 8 mars, jour de la femme, il nous semble judicieux d’apporter notre contribution au combat pour l’égalité par une modeste proposition à Sandrine Salerno, comme le fit en son temps Jonathan Swift à la Cour d’Angleterre.

    Comment pourrions-nous oublier la merveilleuse initiative de notre militante visant, par une féminisation des panneaux de signalisation, à une meilleure appropriation par les femmes du domaine public? Si cette initiative a rapidement bouleversé notre perception du problème et fait littéralement bondir la cause des femmes au point que nous pouvons d’ores et déjà parler d’un avant et d’un après Salerno, il appert que notre élue a oublié le remplacement d'un panneau essentiel au louable objectif qu'elle s'est fixé d’atteindre enfin une réelle égalité homme femme dans l’espace public. Omission que nous nous proposons de réparer par ce modèle - vous en conviendrez - d'une sobriété exemplaire:

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    Ce panneau - tel est notre voeu - doit rappeler à tout le monde cette scandaleuse injustice qui voit les hommes occuper sans partage les travaux de terrassement. Oui, car derrière chaque pioche, chaque pelle, chaque marteau-piqueur ou bétonneuse, dans chaque chantier, chaque percement de tunnel, que des hommes! Aucune femme. Cette appropriation honteuse de l’espace public par le mâle, cet immonde acte d’ostracisme d’une moitié de la population aux dépens de l’autre, n’aura échappé à personne, comme nous espérons qu’elle n’a pas échappé à Sandrine Salerno. Puisse ce panneau réparer une injustice qui ne saurait se prolonger, en incitant toutes les femmes animées d’un idéal égalitaire à embrasser une profession pour l’instant entièrement phagocytée par une caste virile de toute évidence cisgenre, venue avec enthousiasme et parfois de très loin goûter égoïstement aux privilèges et à la fierté de construire la Genève de demain!

    Oui! La véritable égalité se mesure à l’aune de toutes les professions, ne l’oublions pas! Ne serait-il pas temps, à l’aube du XXIe siècle, que les femmes aient enfin le droit de participer à la construction et à l’entretien des routes, des tunnels, des chemins de fer qu’elles empruntent, ou des maisons – parfois luxueuses – qu’elles habitent, voire, pour certaines, des fitness ou des piscines où elles vont parfaire leur(s) forme(s)! 

    Il serait tout de même regrettable, dans la mouvance progressiste qui nous traverse, que des femmes ne sussent saisir une telle opportunité d'exercer un travail aussi primordial au bien-être de la cité et de ses citoyens, et ne pussent participer à une mission aussi essentielle au développement futur de notre pays en se voyant interdire d'investir massivement ces beaux métiers du terrassement qui nous font toutes et tous rêver, mais que seuls des hommes ont l’outrecuidance d’occuper.

    Oui! Comme le titre judicieusement Le Courrier sur ses manchettes, «L’heure du féminisme a sonné!». En ce sens, nous formulons le souhait que notre apport sémiologique contribuera à l’avènement de ce Grand Soir qui verra enfin l’égalité de tous les êtres dans l’espace public, sexes, genres ou nationalités confondues, et nous sommes convaincus que Sandrine Salerno, en tant qu’élue de gauche particulièrement sensible à tout forme d’inégalité, pour le moins donnera une suite concrète à notre modeste proposition, pour le mieux imposera rapidement des quotas dans ces intolérables bastions machistes que sont les métiers du terrassement– peu importe ce qu’il en coûtera aux contribuables. Sur ce plan, nous lui faisons entièrement confiance. Qu’elle en soit d'avance remerciée!

  • L'affaire Polanski nous rend fous (et folles) !

    par Jean-Michel Olivier

    images.jpegL'affaire Polanski rend fou : elle concentre en elle bien des passions incandescentes. Le néoféminisme, d'abord, teinté de misandrie et de politique, mais aussi la pédophilie, les violences sexuelles, sans oublier un élément déterminant, l'antisémitisme. Cela fait beaucoup pour un seul homme ! Mais cela explique aussi les vagues de haine, d'incompréhension et de bêtise que suscite cette « affaire » sur les réseaux sociaux. 

    On l'oublie bien sûr, car notre époque est amnésique, mais l'« affaire » a déjà fait un mort — au moins. Rappelez-vous, en octobre 2009, l'écrivain Jacques Chesseximages.jpeg (©photo de Patrick Gilliéron Lopreno), pris à partie, au sujet de Roman Polanski par un médecin du nord-vaudois (qui a courageusement pris la fuite), s'écroulait dans la bibliothèque du gymnase d'Yverdon, victime d'une crise cardiaque…

    À cette époque, j'avais consacré une chronique à cette « affaire » (lire ici), puis encore deux autres. Jamais je n'ai eu autant de commentaires (au total une centaine), mélangeant tous les aspects du scandale présumé, mais portant avant tout sur la question des violences pédophiles (d'innombrables témoignages de victimes abusées). Bien avant la vague #MeToo. Preuve que la parole des victimes ne demandait qu'à être entendue.

    Pendant dix ans, l'« affaire Polanski » s'est faite oublier. Or le feu couvait sous la braise. Le réalisateur a beaucoup travaillé. Mais il a fallu attendre J'accuse, un-poster-du-film-j-accuse-de-roman-polanski-photo-prise-le-13-novembre-2019_6251358.jpgun film magnifique qui tout à la fois dénonce l'antisémitisme et célèbre le courage de l'homme qui a osé défendre Dreyfus, pour qu'un nouveau scandale éclate. Je ne reviendrai pas sur ce nouveau lynchage qui a permis à certaines féministes excitées de réclamer qu'« on gaze » Polanski…IMG_3898-2.JPG

    Aujourd'hui, lors d'une misérable cérémonie des Césars, on se moque de sa taille (« un nain»), on écorche son nom (Jean-Pierre Daroussin), on oblige un comédien à faire le salut nazi sur scène (!). Pour rire, bien sûr. Une écrivaine néo-punk à la dérive, amoureuse des frères Kouachi, crache son venin dans Libération sur un réalisateur de films dont le talent la dépasse. On en revient aux bonnes vieilles méthodes en vigueur en Allemagne ou en URSS il n'y a pas si longtemps. Et cela ne scandalise personne…

    Vite ! Passons à une autre « affaire » !

    Par exemple l'affaire Josette Bauer, bien plus intéressante !

  • Le souvenir est un poète

    Par Pierre Béguin

    Ce mois de février très chaud a ravivé les mémoires. Et chacun de se souvenir avec nostalgie de ces périodes de février aux paysages blancs jusqu'en plaine, et d'agiter l'inévitable spectre de l'urgence climatique...

    Petit rappel donc: une connaissance m'envoie ces photos, toutes prises au même moment - en février - et au même lieu - Les Crosets, en dessus de Champéry, à 1675 mètres d'altitude, sur la piste de la pointe de l'Au pour être précis. Jugez-en!                                                                                

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    La dernière photo a été prise le 24 février 2020, au pic de chaleur. Imaginez qu'elle l'ait été le 26 février, après les fortes chutes de neige!

    Photos, mémoire... Le souvenir est un poète, comme l'écrivait Paul Géraldy. Dommage que le catastrophisme ambiant en fasse un mauvais historien!