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Les perdants magnifiques

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par Jean-Michel Olivier

Journaliste, écrivain, éditeur, Pascal Rebetez aime les gens. De préférence les gens de l’ombre, les oubliés, les humiliés, les taciturnes ou les bavards, les orgueilleux et les dépossédés, ceux qui vivent à côté de nous, exclus des vanités mondaines et dans la marge ardente. Il va à leur rencontre. Il les observe et les écoute. Il s’imprègne de leur souffle. Il restitue leur voix singulière et muette. Les contours d’une présence.

L’écrivain et journaliste jurassien, établi à Genève depuis des lustres, a eu la bonne idée de réunir en volume* une vingtaine de ces portraits, tous issus d’une rencontre mémorable. Veuf inconsolé ou clochard dormant à la belle étoile, écrivain réfugié chez sa mère ou peintre de hauts-reliefs où se mélangent les os de chats et de souris, comédien de théâtre à la dérive ou agrégée de philosophie jouant les Mères Teresa à Ouagadougou, ce sont tous des perdants magnifiques. La vie les a laissés en rade. Ou ils ont refusé de monter dans le train du succès ou de l’amour. Depuis, ils hantent les marges. Ils dorment dans les jardins publics. Ils écument le zinc des bistrots (c’est là que l’auteur, très souvent, les rencontre, autour d’un verre de vin partagé).

Autant de « vies minuscules », de destins fracassés, de paroles avortées ou restées dans l’œuf. Ces vies modestes, silencieuses, singulières, nous les côtoyons chaque jour. Le plus souvent sans nous en apercevoir. Elles sont toutes proches, à portée de voix et de main. Pourtant, nous les laissons passer sans ouvrir la bouche, ni faire un geste pour les retenir. Ce sont tous nos prochains.images-3.jpeg

Parti à leur rencontre, Pascal Rebetez restitue nous seulement leur voix, mais aussi leur présence. Chacun des portraits qu’il brosse dans son livre est vivant et contrasté, comme ces instantanés qui saisissent à la fois les couleurs et les parfums, les visages et les voix. De l’ensemble se dégage une humanité chaleureuse et souffrante. Une fraternité secrète qui, comme les îles disséminées d’un archipel, nous relierait en profondeur sous la mer.

C’est à travers les autres que Pascal Rebetez se cherche. Depuis toujours. Et quelquefois se reconnaît dans le reflet à peine tremblé de ces visages entraperçus dans le brouhaha d’un bistrot ou le silence des montagnes, l’espace d’une rencontre.

 

* Pascal Rebetez, Les prochains, éditions d’autre part, 2012.

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