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Pourquoi nous sommes médiocres !

images.jpegPrenez le train, l'avion, le paquebot! N'ésitez pas à passer les frontières ! Quittez votre fauteuil cossu pour aller respirer l'air du dehors, ailleurs, loin de vos Alpes…

Où que vous soyez, en France ou en Océanie, à New York ou à Tombouctou, on vous posera toujours la même question (on me l'a posée 300 fois depuis novembre) : y a-t-il de bons écrivains en Suisse ? Et si oui, lesquels ?

Au début, la question étonne et interpelle. Puis elle consterne.

— Bien sûr ! dites-vous, l'air offusqué. Et vous commencez à énumérez les Saintes Ecritures : Ramuz (le Z ne se prononce pas), Haldas (le S se prononce), Chessex (le X ne se prononce pas), Bouvier, Chappaz (le Z ne se prononce pas), Corinna Bille, Monique Laederach, etc. Et vous continuez avec les écrivains vivants : Sprenger, de Roulet, Layaz, Bagnoud, Albanese, Kramer, Béguin, Bimpage, Comment, Safonoff, Moeri, etc.

Au bout d'une heure, votre interlocuteur marque une pointe de lassitude. Il vous coupe la parole.

— Mais alors, ricane-t-il, pourquoi ne sont-ils pas connus ?

Bonne question. À laquelle, bon prince, vous prenez la peine de répondre.

— Si nous sommes si médiocres, si nous n'existons pas à l'étranger, c'est essentiellement pour deux raisons.images-1.jpeg

1) Malgré tous les efforts des éditeurs, qui sont modestes, les livres d'auteurs suisses sont mal distribués en France. Voire, le plus souvent, pas distribués du tout. Faute de moyens financiers, d'abord. Faute aussi d'aide confédérale ciblée. Pro Helvetia, qui devrait favoriser la diffusion de la littérature suisse à l'étranger, fait très mal son travail. Sur ce plan, c'est un échec complet. Tous les auteurs vos le diront. Les éditeurs itou. Pas de diffusion, pas de ventes, ni de lecture.

2) Si la litttérature de ce pays est si mal connue hors des frontières, c'est aussi qu'elle est très mal défendue. Par certains journalistes locaux, d'abord, qui l'ignorent ou la boudent, victimes du préjugé selon lequel cette littérature ne peut être qu'ennuyeuse et vaine. Mal défendue, ensuite, par celles et ceux qui, à Pro Helvetia ou dans les journaux de « référence », devraient la soutenir et qui ne font rien, par incompétence ou par paresse. Allez faire un tour, par exemple, au Centre Culturel suisse de Paris et vous serez consterné : hormis les livres d'architecture et de design, il n'y a pratiquement aucun livre suisse à la bibliothèque du CCs ! Impossible de faire connaître une littérature sans passerelles ou passeurs d'exception, tels que furent, en leur temps, Bertil Galland et Vladimir Dimitrijevic. Et ces passeurs, aujourd'hui, n'existent plus. Un gang de fonctionnaires, peu versés en littérature et particulièrement inefficaces ou méprisants, les a remplacés.

images-2.jpegQue faire alors ? Multiplier les passerelles. Ouvrir des brèches (comme les blogs, par exemple). Briser cette conjuration étrange du silence et de l'incompétence. Le complot triste des éteignoirs. Lire et faire lire les ouvrages qu'on aime.

Voyager. Traverser les frontières.

Toujours un livre à la main.

 

 

Commentaires

  • Comme je suis touché cher JMO que tu daignes citer mon nom dans la liste des auteurs de qualité. En effet, après mon séjour au Carlton de St Moritz, je nourris de grands doutes quant à mes élans littéraires. L'allusion à ce que je produis, sous ta plume, me donne des ailes.

  • "Que faire alors ?"

    Si l'obstacle est infranchissable, contourne le.

    Je suggère donc aux auteurs suisses, à l'instar d'Albert Cohen, de tenter leur chance auprès de Gallimard ou auprès d'une autre grande maison de renomée.

  • Analyse très juste, hélas.

  • Qui décide de qui est ou pas un écrivain romand ? Je veux dire quels sont les critères ? Je pense à André Klopmann, ou à Jean-Marc Pasquet par exemple, dont certains livres se sont vendus davantage, à ma connaissance, que ceux de plusieurs des auteurs cités ici. L'oeuvre de Jean-Marc a même suscité des interventions universitaires outre-Atlantique.
    Si ce n'est pas le critère des ventes, alors, lequel ? Cela pourrait nous éclairer sur votre questionnement. Certes la mauvaise distribution en France des auteurs suisses est une calamité. Mais dans la mesure où nous écrivons en Français, et à l'heure de l'Internet, n'est-il pas un peu anachronique de se définir comme "auteurs romands" ? Ne vaudrait-il pas mieux travailler à convaincre des éditeurs français, ou appuyer les éditeurs d'ici dans leur conquête du marché francophone ?
    Je ne sais pas si cela peut passer par Pro Helvetia. Une approche commerciale dynamique me paraîtrait plus opportune qu'une action dans les centres culturels.

  • @ Philippe : l'idéal serait que les livres les plus vendus soient les meilleurs. Hélas (ou heureusement), ce n'est pas vrai. Si l'on se fiait exclusivement aux best-sellers, on ne lirait plus que Marc Lévy et Paulo Coelho. Quelle catastrophe ! Le « marché », comme on dit, est souvent aveugle et stupide. Les Fleurs du Mal se sont vendus à 250 exemplaires. Quand à La Chartreuse de Parme, elle est passée totalement inaperçue en son temps. Le succès est très relatif. J'en ai fait moi-même l'expérience. Grâce à L'Amour nègre (et à mon éditeur parisien) j'ai pu toucher un public très important (près de 60'000 lecteurs). Mais est-ce vraiment mon meilleur livre? Je n'en suis pas sûr. Les autres, qui se sont moins vendus, étaient (peut-être) meilleurs. Même si ce n'est pas à moi de le dire…
    Cela dit, l'approche commerciale (que les éditeurs parisiens connaissent bien) n'est pas à dédaigner. Sur ce point, les éditeurs suisses sont très mauvais…

  • Nous sommes bien d'accord, un best-seller n'est pas forcément un bon livre. Mais ce n'est pas non plus parce qu'un livre se vend mal, ou même pas du tout qu'il est bon... Outre qu'il faudrait définir le "bon". D'où ma question, quels sont les critères donnant droit au label "écrivain romand" ? Ou écrivain tout court d'ailleurs ?
    Pour le reste, il y a effectivement une réflexion globale à mener, sur la diffusion des oeuvres écrites ici. Sur le meilleur moyen de les diffuser et de les rentabiliser. Ce qui n'est pas forcément la même chose, mais passe forcément par la case marketing et promotion...
    C'est là où le bât blesse, dans bien des domaines culturels d'ailleurs. Ce n'est pas parce qu'une oeuvre est bien promue qu'elle est bonne et une oeuvre carrément mauvaise, même bien promue, souffrira malgré tout. Mais sans promotion, une oeuvre, même très bonne, risque de ne jamais émerger. Ou alors après la mort de son auteur... Ce qui est certes gratifiant pour l'ego du défunt mais ne ravit vraiment que ses héritiers.

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