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l'art antique du conteur

 

 

par antonin moeri

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Dans ses nouvelles, Maupassant fait honneur à l’art antique du conteur. Prenons “La chevelure”, texte publié dans un journal le 13 mai 1884. Un narrateur-témoin se trouve dans la cellule d’un asile d’aliénés, “petite pièce claire et sinistre”. Un médecin lui apprend que le fou “assis sur une chaise de paille” est atteint de folie érotique et macabre. Le médecin soumet à l’attention du narrateur un journal que le “fou” a rédigé.

Jusqu’à l’âge de trente-deux ans, le “fou” vit tranquillement. Il aime les meubles anciens et les vieux objets. Il imagine les femmes qui ont touché ces vieilleries. Il pleure des nuits entières sur les femmes de jadis, “si belles, si tendres, si douces”. Rôdant un jour dans Paris, il aperçoit un meuble du XVIIe siècle qui le trouble, “l’envahit comme ferait un visage de femme”. Il fait porter le meuble chez lui et trouve une cachette, au fond d’un tiroir, contenant une natte de cheveux blonds. Il se pose mille questions au sujet de cette relique. Après une promenade dans les rues, il reprend la natte pour la humer et la manier. Tous les jours désormais, il ressent le besoin de la palper. Heureux et torturé, il y enfonce ses lèvres, la mord, l’enroule autour de son visage. Une nuit, il l’emporte dans son lit et fait l’amour à cette femme “grande, blonde, grasse, les seins froids, la hanche en forme de lyre”. Il lui fait l’amour toutes les nuits. “Nul amant ne goûta des jouissances plus ardentes!” Il la promène en ville, la conduit au théâtre. “On me l’a prise et on m’a jeté dans une prison”.


Dans le cabinet du médecin, le narrateur demande si cette natte existe. Le médecin la lui montre en disant: “L’esprit de l’homme est capable de tout”. Le procédé est bien connu: l’écrivain enchâsse un récit dans un autre récit. Maupassant en use très souvent. Ainsi par exemple le grand Allemand tuberculeux, assis sur un banc à Menton, raconte-t-il à un inconnu la nuit passée auprès du cadavre de Schopenhauer et comment le travail de décomposition a fait jaillir le dentier de sa bouche. Carver en use parfois. Ainsi la serveuse Rita, assise dans la cuisine de sa copine, lui raconte-t-elle sa rencontre avec un client obèse, et un représentant en livres scolaires nous rapporte-t-il l’histoire d’adultère que son père lui a racontée une année auparavant, dans le bar d’un aéroport. Maupassant et Carver, comme souvent les grands conteurs, usent de ce procédé efficace pour capter l’attention du lecteur et l’entraîner dans leur métro émotif.

 

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