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Les Infortunes de la vertu, par le Marquis de Sade

Alain Bagnoud


428px-Sade-Biberstein.jpgOn reparle beaucoup du Marquis de Sade, dans ces régions, à cause du dernier livre de Jacques Chessex, Le dernier crâne de M. de Sade, que l'on trouve en piles dans toutes les librairies, sous cellophane publicitaire, et qui se vend avec abondance.

C'est le cas où deux écrivains se soutiennent mutuellement. La notoriété actuelle de Chessex, celle de Sade se réunissent et se conjuguent. Deux écrivains, car Sade, seigneur arrogant et libertin impie qui a donné un nom commun à la langue française, était surtout un auteur, qui se voulait tel, et qui avait deux faces.

Il a publié pendant la Révolution des oeuvres officielles signées et des oeuvres anonymes et clandestines, bien plus intéressantes que les autres. Je n'avais pas pensé grand bien des Crimes de l'amour. J'ai trouvé magnétique Les Infortunes de la vertu, première version (1787) de Justine ou les Malheurs de la vertu. Ce livre, écrit quand il était encore en prison sous la royauté, lui a valu la prison sous la Révolution puis l'enfermement chez les fous.

Parce qu'il est obscène, mais surtout subversif. La pauvre Justine veut faire le bien et ne récolte que tourments et malheurs alors que les méchants sont récompensés. Des dissertations rousseauistes démontrent que le mal est dans la nature et qu'il lui est indifférent. Zadig de Voltaire est cité pour prouver qu'il n'est pas de mal dont il ne naisse un bien.

Toute la machinerie fantasmatique est assez voilée dans Les Infortunes. Les pratiques elles-mêmes sont éludées, signalées simplement, paraphrasées, mais pas décrites explicitement comme le marquis s'acharnera à le faire au fur et à mesure des versions successives qui dilateront le texte. Le texte se construit sur des oppositions. Entre vertus publiques et vices privés, entre le désordre de la débauche et l'ordre des endroits où elle se pratique, maisons bourgeoises ou, emblématiquement, couvent réglé parfaitement, avec une minutie et une organisation qui accusent ce qu'on y fait.

C'est une question de mise en scène, mais aussi une démarche artistique. Il y a une figure de style qu'on peut accoler à cette esthétique, et c'est elle qui donne à la prose de Sade cette flamboyance: c'est l'oxymore.

Jacques Chessex, Le dernier crâne de M. de Sade, Grasset
Sade, Les Infortunes de la vertu, GF

Publié aussi dans Le blog d'Alain Bagnoud


Commentaires

  • Les dieux sont-ils vraiment indifférents? Justine a trop de malheurs pour qu'on y croie. La foudre finale, n'est-ce pas celle de Jupiter? Les dieux aiment plutôt ceux qui suivent leurs penchants instinctifs, aux yeux de Sade. Saint Augustin accusait Jupiter et Vénus d'être débauchés et d'avoir été inventés pour justifier la débauche. Sade semble dire: non, ils n'ont pas été inventés, c'est vraiment ainsi que fonctionne l'univers.

  • Et le livre de Chessex, no comment? J'ai vu l'autre jour un chauve au regard furtif l'acheter à la FNAC. On aurait dit un client de sex shop.
    J'espère que tu me parleras de l'opus. Il semblerait que son admiratrice du matin ne l'ait pas apprécié, l'opus.

  • Car sauf erreur c'était la grande révolution philosophique des décennies précédentes qui prétendait d'une manière plus globale que justement les vices individuels concouraient paradoxalement mais naturellement à une amélioration de la société.

  • Je n'ai pas encore lu le Chessex, tomoto. Quant aux vices, Libou, Sade affirme qu'il y a la même quantité de bien et de mal dans le monde, et que faire le mal, c'est donc produire indirectement un bien quelconque quelque part.

  • Mais ailleurs! Ailleurs que là où on est. Et charité bien ordonnée...

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