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Saint Genet, comédien et martyr, par Jean-Paul Sartre

Par Alain Bagnoud

Genet2.jpgCe livre, rédigé pour servir d’introduction aux œuvres complètes de Genet, a provoqué chez Genet l’impossibilité de continuer à écrire des romans. C'est lui-même qui l'a dit. Pendant dix ans, bloquage complet. Puis il s’est voué au théâtre, si on excepte son récit posthume, Un captif amoureux, sur les Palestiniens.

On peut croire Genet ou pas. Il était probablement arrivé au bout d'un cycle romanesque, il cherchait à se renouveller, l'analyse de Sartre a hâté la crise.

En tout cas,Saint Genet, comédien et martyr est une formidable machine à décortiquer la personne et les oeuvres de Genet, qui passent à travers la moulinette de la pensée sartrienne, scrutées par cette magistrale intelligence dans une démonstration minutieuse. 690 pages serrées.

Tout au long du livre, Sartre semble défaire patiemment une montre très complexe. Il examine chaque rouage, le décrit, explique à quoi il sert. Grâce à la succession des causes et des effets, finalement, il devrait n’y avoir plus aucun mystère.

Tout le caractère, toute la sexualité, toute la littérature de Genet sont décortiqués, motivés, nécessités par les circonstances de cette existence, et par la volonté de Genet d’assumer ce dont on l’accuse tout en respectant les valeurs de ses ennemis. Car ce serait là où s’exprimerait la liberté de Genet, cette liberté chère à Sartre, qui veut dans cet essai « montrer les limites de l’interprétation psychanalytique et de l’explication marxiste ».

Un livre impressionnant. Une vision large, complète, un système subtil, convaincant, qui, désormais qu'il n'est, et de loin, plus majoritaire, éclaire et étonne.

Mais derrière, malgré tout, il reste des ombres. Par exemple dans la démonstration que Sartre voulait faire : « prouver que le génie n’est pas un don mais l’issue qu’on invente dans les cas désespérés ».

Elle ne persuade pas tout à fait. D’autres se sont trouvés dans la même situation que Genet, et ne se sont pas retrouvés grand écrivain français du XXème siècle. Et malgré toute l'intelligence de Sartre, il reste des questions là-dessus. Le génie, c'est quoi? Ça vient d'où? Ça fait quoi?

Jean-Paul Sartre, Saint Genet, comédien et martyr, Gallimard

(Publié aussi dans Le blog d'Alain Bagnoud.)

Commentaires

  • Mais peut-être que la pensée de Sartre peut aussi être expliquée par la nécessité liée aux conditions de son existence. Et peut-être que son livre sur Genêt est dans le même cas, de telle sorte que loin de dire quelque chose du sujet qu'il aborde, il parle d'abord de Sartre même. On dirait que durant le XXe siècle, quelque chose de curieux s'est produit : si l'art a été réduit, après Taine, à ce qui le déterminait au sein de l'Existence, la science et la philosophie appliquée (comme est la critique littéraire) ont semblé, elles, échapper à toute détermination préalable, et n'être venues que d'un Néant illuminateur de l'Être. N'y a-t-il pas ici quelque présomption ? Ou au moins, contradiction ? Quelle distance, vraiment, entre le style qui est une méthode, et la vérité qui est censée s'en dévoiler ? Ou du moins, quelle solution de continuité ? Le postulat qu'il y en a une est précisément la manière dont la philosophie appliquée cherche à échapper au principe de nécessité qu'elle impose aux artistes.

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