« Le nègre du DIP »
Par Antonin Moeri
On dit habituellement d’un peintre qu’il a « un bon coup de patte ». Cependant, j’ai entendu dire à propos d’un écrivain : « Il a une sacrée patte ». Parlant d’un polémiste avec un enthousiasme appuyé, Sollers disait à la radio « Quelle papatte ! ». En lisant attentivement la chronique de Pascal Décaillet parue dans la Tribune de Genève (où il reproche aux auteurs de l’initiative 134 de recourir aux juges pour régler un problème d’ordre politique), je fus agréablement surpris en découvrant les expressions « un plumitif de l’entourage de Charles Beer » et « le nègre putativement malveillant du DIP ». Le terme « plumitif » (lorsqu’il désigne un bureaucrate ou un mauvais écrivain) recèle, si j’ose dire, une dose d’agressivité qu’on préférerait gommer par temps d’euphémisation galopante. Mais la nuance la plus fine est véhiculée par une savoureuse création adverbiale : « putativement ». Le nègre existe (on ne saurait imaginer notre ministre dit de l’Instruction publique accomplir cette tâche), et ce sont précisément les intentions de ce nègre que Décaillet pointe d’un doigt à la fois tremblant et ironique. Ouf ! Car l’ironie se fait de plus en plus rare. La manier relèvera bientôt du crime contre l’humanité.
Commentaires
"Prendre les enfants en otage" prend ici tout son sens! Dans son cas, les crimes d'Etat constituent bel et bien un crime contre l'humanité!
Oooooh ! On ne dit pas "un nègre", mais "un écrivain de couleur", Bwana !
:o)
Oulala,Blondesen! Vous allez vous faire censurer par M. Mabut. "Nègre" n'est pas à prendre au sens littéral...
D'accord avec l'auteur du billet : "l’ironie se fait de plus en plus rare. La manier relèvera bientôt du crime contre l’humanité" et pour reprendre un mot de Victor "deux poids, deux mesures", tout dépend de qui la pratique.
Si l'ironie est un crime contre l'humanité, je revendique le droit à être jugé par un tribunal international!... Et je plaiderai coupable!
Oui, coupable et sans circonstances atténuantes, car, à mon sens, l'humour noir et grinçant est le dernier bastion de résistance au monde de la politique inique des copains et des coquins de tous bords, Et bien que je parle de "bords", les centristes sont compris dans le lot!
Signé; Un plumifif lambda-moins
L'humour et l'ironie restent et resteront les dernières formes de résistance à tout ce qui veut nous écraser. Donc allons-y.
Serais assez partisan de réaliser un vieux fantasme : fonder une association pour la défense et la propagation de l'ironie.
Cher Yves Scheller,
merci de votre commentaire. Mais le problème le plus aigu avec l'ironie c'est qu'en littérature elle est difficile à manier de nos jours. Trop souvent, elle a servi à établir, entre l'auteur et le lecteur, une sorte de connivence tout à fait désagréable.
J'ai appris que vous lisiez avec jubilation Festivus festivus du regretté Muray. Il y a évidemment là une ironie cinglante. Elle est tellement particulière qu'elle ne rate pas sa cible. Je voudrais dire que l'ironie dépend de celle ou celui qui la manie. C'est un truisme. Un peu comme si je disais Il n'y a pas deux hommes semblables. Il faudra que je trouve d'autres mots pour mieux exprimer ma pensée.