Bertrand Schmid, Saison des ruines
Il y a dans la littérature romande une tradition du pessimisme qui remonte en tout cas à Ramuz, et à sa conception du réalisme. Elle ne se résume bien entendu pas à cette voie. D'autres traditions viennent de Cendrars par exemple (le récit de voyage), de Rousseau ou du protestantisme (l'introspection), etc.
Mais si j'évoque cette tradition du pessimisme, c'est qu'elle est très présente dans le roman réussi de Bertrand Schmid. Il met en parallèle deux histoires très différentes qui se passent entre mai et décembre, dont le lien est justement donné par cette idée: tout va mal, tout ne peut aller que toujours plus mal.
En Angleterre, une jeune impertinente termine l'école. Mère seule, alcoolisée, ramenant des amants du pub, situation financière difficile. La fillette se sent détenir un pouvoir grâce à sa jeunesse et à son corps, mais va dégringoler rapidement jusqu'à finir sur le trottoir.
Très loin de là, en Valais, un gardien d'alpage et son apprenti fraternisent. La montagne est belle, le travail satisfaisant, mais un accident et l'arrivée du tourisme et de la modernité vont précipiter la vie des personnages dans la détresse.
On peut soupçonner Bertrand Schmid d'éprouver une sorte de jouissance à voir ses personnages sombrer. Il met son talent et son écriture souple à animer ce festival d'échecs avec un rien de shadenfreude. Je l'ai suivi cependant avec plaisir dans ses évocations de personnages riches, bien campés, reliés à leur environnement, et en proie aux tourments d'un destin sur lequel ils n'ont aucune prise.
Bertrand Schmid, Saison des ruines, roman, L'Age d'Homme