Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

françois jacob

  • Une grande perte pour Genève

    images-4.jpeg

    par Jean-Michel Olivier

    La nouvelle, bien sûr, n'a pas fait la une des journaux — ni même un entrefilet, pourtant elle est d'importance : François Jacob, l'éminent directeur de l'Institut et du Musée Voltaire, aux Délices, vient de démissionner de son poste, lassé par les bâtons qu'on a mis dans ses roues depuis quatre ans (tracasseries administratives, réduction de budget, intrigues diverses).  

    Fondé par Theodore Besterman, l'Institut Voltaire a été dirigé longtemps par Charles-Ferdinand Wirz de 1973 à 2002, puis par François Jacob qui lui a redonné éclat et dynamisme, en mettant en valeur son extraordinaire bibliothèque (25'000 volumes !) et en consacrant à Voltaireimages-5.jpeg
    plusieurs ouvrages essentiels, dont une savoureuse (et savante) biographie, parue cette année chez Gallimard (voir ici) dans la collection Folio.

    Le grand Voltaire doit se retourner dans sa tombe !

    Et pour Genève, c'est indéniablement une grande perte. images-6.jpeg
    D'abord parce que François Jacob (à gauche sur la photo) — par ses compétences, son esprit, son dynamisme  —  était la personne idéale pour diriger l'impressionnante voilure de l'Institut Voltaire. Ensuite parce que l'on ne remplace pas facilement un homme d'une telle envergure. Et que laisser partir un tel oiseau rare relève de la bêtise ou de l'incompétence (mais nous sommes à Genève !)…

    François Jacob retourne en Franche-Comté, où il enseignera à l'Université de Besançon. Nous lui souhaitons le meilleur pour sa nouvelle vie.

  • La vérité sur l'affaire Voltaire (François Jacob)

    images-4.jpeg

    par Jean-Michel Olivier

    Sur Monsieur de Voltaire — né François-Marie Arouet, puis devenu Arouet de Voltaire — on croyait tout savoir grâce aux biographie de René Pomeau, Max Gallo, Pierre Lepape, Jean Orieux, Pierre Milza (et j'en passe). Eh bien non ! Il manquait un livre qui conjugue avec bonheur le récit d'aventure et l'érudition…

    Ce petit livre, que l'on doit à la plume savoureuse et savante de François Jacob*, nous permet d'emmener Voltaire où qu'on aille et de le suivre dans les péripéties d'une vie qui donne plus d'une fois le tournis. Cela commence, comme on sait, par une date de naissance imprécise (21 février ou 22 novembre 1694 ?) et une ascendance contestée. François-Marie ne peut être le fils de son père, ancien notaire au Chatelet : il se rêve de noble lignée. L'adolescent fait ses humanités au Lycée Louis-le-Grand, chez les jésuites. Il commence à écrire. Déjà son caractère impétueux provoque des remous : il passera quelques mois à la Bastille, dans un « appartement d'une extrême fraîcheur ». Puis, très vite, les premiers succès au théâtre et en poésie. Il se fait bastonner par le duc de Rohan, envoyer une seconde fois à la Bastille et décide de s'exiler en Angleterre.

    Le plus fascinant, dans la vie de Voltaire, c'est sa capacité de transformer ses défaites en victoires, et ses malheurs en bonheur (on appelle aujourd'hui cela la résilience). Là-bas, il apprendra l'anglais en quelques semaines, lira tout Shakespeare, Pope, Chaucer, et se liera d'amitié avec Jonathan Swift, l'auteur des Voyages de Gulliver, qui lui donnera le goût des contes.

    Retour en France, nouveaux succès. Voltaire se révèle un maître en placements financiers (voire en spéculation). Il s'enrichit, écrit à tour de bras. Ses pièces sont acclamées à la Comédie Française. Surtout, il rencontre la charmante (et brillante) Émilie du Chatelet. C'est avec elle qu'il va se retirer au château de Cirey, où il passera désormais son temps à écrire et à faire toute sorte d'expériences de physique, dans le sillage d'Isaac Newton, dont il admire les livres. François Jacob nous fait revivre les épisodes tumultueux de cet amour, qui se terminera en tragédie : madame du Chatelet meurt six jours après avoir donné naissance à une fille (qui n'est pas de Voltaire). Le philosophe est inconsolable. Il quitte Cirey et se tourne vers la Prusse, où Frédéric II l'appelle depuis longtemps. La bonne entente ne dure pas : Voltaire est un penseur imprévisible, un vif-argent qui ne tient pas en place, et n'est pas dépourvu de défauts, qui sont aussi ses qualités (jalousie, susceptibilité, versatilité, goût de la provocation, ironie mordante).

    Fin 1754, il s'installe aux Délices, à Genève, où l'on peut encore visiter sa belle maison et son Institut (que dirige François Jacob). images-3.jpegIntense période de création (poèmes, pièces de théâtre, pamphlets divers). C'est là qu'il écrira son fameux Poème sur le Désastre de Lisbonne (1756), puis Candide (1758). Mais les relations avec le Consistoire genevois, qui ne goûte guère le théâtre, sont difficiles. Tensions, disputes. Voltaire fait ses bagages et va s'installer à Ferney, dans le pays de Gex, où il devient « le seigneur du village ». Polémique avec Rousseau, bien sûr, mais aussi incessant défilé, au château, de ses admirateurs venus de toute l'Europe. Il écrit son Traité sur la tolérance (1763) et met une dernière main à son Dictionnaire philosophique (1765), son grand livre. Il entretient une correspondance avec Catherine II, impératrice de Russie (comme son ennemi Rousseau, Voltaire est fasciné par le pouvoir).

    images-2.jpegLouis XVI a remplacé Louis XV : Voltaire espère sortir de sa disgrâce parisienne, mais cela ne se fera pas tout de suite. Il décide de braver l'interdiction qui lui est faire de se rendre dans la capitale et arrive à Paris en février 1778. Il connaît un dernier triomphe à la Comédie Française et meurt le 30 mai, vers onze heures du soir, quelques semaines à peine avant son grand rival Rousseau.

    Grâce à François Jacob, Voltaire nous est restitué dans toute sa richesse et sa complexité. Son petit livre, qu'on peut glisser dans sa poche, se lit comme un roman d'aventure, avec surprises et coups de théâtre, rencontres intempestives, bastonnade et fuite en carrosse. Sans oublier les incises facétieuses d'un homme qui, décidément, a du style.

    * François Jacob, Voltaire, Folio biographies, Gallimard, 2015.