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  • poe à l'époque de twitter

     

     

     

    par antonin moeri

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    On retrouve dans les nouvelles de Poe un schéma récurrent: un homme (le narrateur) commet un crime, il ne peut vivre avec ce secret, il attire l’attention des gens sur l’endroit où se trouve le cadavre. Dans «Le coeur révélateur», cet homme (qu’on imagine en prison quand il rédige son texte) avoue au lecteur qu’il est très nerveux, qu’il a un sens de l’ouïe surdéveloppé. Il est au service d’un homme riche, dont l’un des yeux ressemble à celui d’un vautour. «Chaque fois que cet oeil tombait sur moi, mon sang se glaçait». Il décide alors de tuer ce vieil homme pour se délivrer de cet oeil diabolique.

    Chaque nuit, vers minuit, il entre dans la chambre du vieux, dirige la lumière de sa lanterne sur celui qui dort et dont l’oeil est, par conséquent, fermé. Il ne pourra accomplir son oeuvre que la huitième nuit. Dans un état d’extrême excitation, il rit. Le vieux se réveille. Le narrateur voit l’oeil grand ouvert, «d’un bleu terne et recouvert d’un voile hideux qui glaçait la moelle dans mes os». Il entend le battement de coeur du vieux. Ce bruit jette en lui une terreur monstrueuse et devient de plus en plus fort. Le narrateur précipite le vieux par terre et le tue en renversant le lit sur lui. Il lui coupe la tête, les bras et les jambes qu’il dissimule sous les planches du parquet. Il efface toutes les traces.

    A quatre heures, trois policiers se présentent. Un cri avait été entendu. «Le cri c’est moi! Le vieux est en voyage». Le narrateur les conduit dans la chambre où le crime a été commis. Il installe sa chaise «sur l’endroit même qui recouvre le corps de la victime». Un tintement se fait entendre. Le son augmente. L’assassin essaie de le couvrir en parlant fort et beaucoup. Il se demande si les gendarmes l’entendent, ce bruit infernal. Il est sûr qu’ils l’entendent. Il n’en peut plus. «Arrachez les planches! C’est là!»

    Adopter le point de vue du criminel pour raconter ce genre de folie est efficace. Ce n’est pas la confession du crime qui importe ici. Ce qui importe, c’est la minutie avec laquelle Poe décrit le processus menant au crime. Ce procès saisit le lecteur à la gorge et l’entraîne tout au bord d’une falaise, où la pulsion de mort vous aspire dans le gouffre. C’est «la violence du conflit qui s’agite en nous», à l’instant où l’ombre l’emporte sur la lumière, qui intéresse Poe. En quoi il nous rappelle que la littérature a quelque chose à voir avec le MAL et qu’elle ne peut se contenter de tisser des liens sympa avec l’autre, rôle que jouent à la perfection Internet, ses réseaux sociaux, la fête des voisins, celle des vignerons et celle du livre.