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Arnaud Desplechin adapte Philip Roth

par Corine Renevey

Desplechiin, TromperiePour entrer dans l’univers de Desplechin il faut accepter un certain nombre de codes, car l’œuvre est affaire de conventions. La tromperie n’est d’ailleurs pas que le sujet du livre adapté à l’écran, elle est la métaphore de toute création artistique.

Il y a artifice quand l’excellent Podalydès, qui incarne l’écrivain Philip Roth à l’écran, malgré une ressemblance capillaire, n’a rien du Juif new-yorkais de Newark, ni Léa Seydoux d’une Anglaise et encore moins, Emmanuelle Devos d’une Américaine. L’astuce de Desplechin est d’associer l’univers d’un livre qui oscille entre les villes de Londres, Prague et New York avec l’art du marivaudage, profondément français.

Desplechin, TromperieIl y a ruse quand le réalisateur nous fait croire qu’il y a une ambivalence entre fiction et autobiographie, alors qu’il y a une réalité qui, une fois montrée à l’écran, est pur fantasme. C’est le moment de bascule avec l’épouse bafouée qui découvre les infidélités de son mari après avoir lu son carnet de notes : son mari est-il un séducteur impénitent à l’écoute des femmes dont il transcrit les paroles ou un mythomane qui finit par croire aux récits envoûtants dont il se donne le beau rôle ? Les spectateurs ont compris que l’homme ment alors que le créateur fabule. La preuve sont les faits : la maîtresse est bien réelle. Elle lui rend visite dans son studio londonien, arrangé comme un cabinet de psychanalyste. Les amants dialoguent, font l’amour, allongés sur un divan ou parterre sur un tapis de yoga. Lui audiophile, elle oracle. Ainsi, ils engendrent le livre à venir.

Il y a imposture quand les amants comparent leur livre à l’Odyssée : il est Ulysse, le héros, elle est Homère, celle qui dicte. La place fantasmée de la femme est-elle de créer à la place de l’autre, alors que c’est quand même lui, Philip, qui a le dernier mot ?

Desplechin, TromperieIl y a fantasme quand le romancier se croit l’élu de ses maîtresses. L’amour et l’amitié comptent peu, mais le signe d’élection autorise le cynisme aussi bien que l’indifférence. Sinon, comment expliquer la présence du romancier au chevet d’une ex qui se croit mourir d’un cancer et qui a encore besoin de lui pour espérer en la vie ?

Or, si l’on doit distinguer l’homme du romancier, le film d’Arnaud Desplechin brouille les frontières, et adhère unilatéralement à l'univers de Roth.

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