Rien ne s'oppose à la nuit, surtout pas le DIP
Par Pierre Béguin
Ainsi donc, les prestations des psychologues psychothérapeutes, jusqu’à maintenant remboursées par l’assurance de base que si le ou la thérapeute se trouve sous la surveillance d’un médecin psychiatre qui l’emploie, serait dès lors facturables à charge de l’assurance de base à titre indépendant.
Il y a dans cette reconnaissance de Berne faite aux psychologues un aveu implicite: le confinement a des répercutions importantes sur le psychisme d’une partie de la population, des conséquences qui méritent une prise en charge. Dans les conditions actuelles, il était difficile pour le Conseil fédéral de refuser une demande que les psychologues ont formulée depuis longtemps.
J’imagine aisément que les assurances maladies vont s’emparer de cet élargissement de la Lamal pour justifier l’importante et scandaleuse augmentation des primes qui nous attend les automnes prochains. Je me suis déjà exprimé à ce sujet dans Blogres, je n’y reviendrai pas. Pas davantage que je ne m’exprimerai sur les éventuels effets positifs qu’une thérapie peut apporter – ou non – à l’état de confinement. Là n’est pas mon propos aujourd’hui.
Je veux simplement faire remarquer ceci:
Si l’on admet officiellement, bien qu’implicitement, que le confinement produit des dommages collatéraux d’ordre psychique, qu’en est-il des grands courants de pensée qui nous traversent comme des vents fous et qui soufflent systématiquement sur les braises de la peur et de la culpabilisation des masses?
Le champ est vaste. J’aimerais concentrer mon tir sur une seule cible, le DIP, que je connais tout de même un peu pour en avoir fait partie pendant 35 ans. C’est maintenant en tant que père que j’y suis confronté, ayant une fille en dernière année du Cycle et une autre au Collège.
A titre d’exemple, la semaine dernière, dans la même matinée, ma fille cadette fait face à une épreuve d’anglais dont le texte de compréhension (en anglais donc) développe, comme une liturgie, un condensé de la doxa réchauffiste, sans une once de recul ou d’esprit critique. Toutes les questions auxquelles elle doit répondre ne font qu’entériner cette doxa, un peu comme si on lui demandait d’écrire son catéchisme en anglais. On en viendrait presque à regretter The Brown's family, John, Mary, susan and Toby, the dog, si chers à André Thomann. Après la pause, rebelote: cours de géographie sur le réchauffement climatique (on nous prévoit – que dis-je – on nous assure des catastrophes à la chaîne, huit degrés de plus à Genève et la montée des eaux un peu partout dans le monde d’ici la fin du siècle, au meilleur des cas). Tous les jours ou presque, c’est la même rengaine.
Et ce n’est pas tout. La liturgie réchauffiste se gonfle de la liturgie féministe genre pour former ce merveilleux cocktail écolo féministe genre dont s’abreuve le DIP. Dans chaque établissement scolaire du secondaire, on a créé un poste dédié à la cause féministe, une sorte de commissaire du peuple au féminin qui surveille et dénonce les moindres dérives ou organise, pour les collégien(e)s des manifestations «en faveur de la cause». Et quand on connaît l’incroyable capacité de notre époque à créer du sexisme là où il n’y en pas, on imagine que, dans certains établissements, la Stasi n’est pas loin. Je connais des enseignants qui se sont élevés contre ce formatage systématique, ou qui ont simplement osé présenter des opinions contradictoires, ils s’en sont tirés difficilement après des mois de procédure moyennant vingt mille francs de frais d’avocats. On comprend qu’ils font maintenant profil bas.
Comprenez-moi bien. J’accorde à tout le monde le droit d’habiller son âme ou son intellect de n’importe quel courant de pensée au même titre qu’on adopte une mode vestimentaire, même la plus loufoque. Comme on dit dans certains pays d’Amérique latine: chacun peut faire de son cul un tambour. Mais est-ce vraiment le rôle de l’instruction publique d’encourager officiellement la doxa dominante, quand bien même cette dernière ferait partie de la liturgie bien pensante?
C’est pourtant ce qu’a fait notre DIP en permettant officiellement aux élèves d’aller manifester l’année dernière – pour le coup, au mépris de toutes les recommandations sanitaires – en faveur des thèses réchauffiste et féministe genre. Celles ou ceux qui débitent dans l’institution scolaire ce véritable matraquage idéologique, au nom du Bien et en l’absence de tout recul critique, se sont-ils questionnés sur ses conséquences, ses dommages collatéraux, parmi une population qu’on devrait ouvrir à la complexité du monde, et non formater à son expression la plus élémentaire. Et notre cheffe du DIP, a-t-elle élargi ses préoccupations au-delà de celles qui concernent sa réélection?
Quel avenir offre-t-on à des jeunes qu’on abreuve de peurs cataclysmiques? Quels effets sur la perception de leur avenir et l’investissement qu’ils seraient censés lui accorder? Quels genres de rapports hommes-femmes prépare-ton à la génération montante en déclinant un monde constitué pour moitié de pauvres victimes innocentes, et de l’autre de prédateurs aussi imbéciles que primaires (et encore, je simplifie)? Dans cette tare de l’humanité que constitue le cisgenre – dont il paraît qu’il coûterait cent milliards de moins à la planète s’il se convertissait au genre qu’il n’a pas – il y a une grande majorité de pères aimants, attentionnés, qui prennent très au sérieux leur rôle, qui ne ménagent pas leur investissement, et je revendique le mérite d’en faire partie. Quelle image en donne-ton à leur fille? (A ce propos, je me souviendrai toujours de ce slogan brandi dans les rues de Paris par des femmes activistes du mariage pour tous: «Une paire de mères vaut mieux qu’un père de merde»; le slogan, pour amusant qu’il soit au niveau du jeu de mot, n’en constitue pas moins une insulte pour tous les pères, et tomberait en conséquence sous le coup des lois anti sexistes).
Je vois venir bon train les commentaires. Sauf que, à observer mes filles, je ne laisse pas de m’inquiéter. Elles tiennent parfois à l’égard des garçons, sur le ton le plus naturel qui soit, des propos d’une radicalité et d’un mépris que je n’ai jamais, de ma vie, entendu proféré dans l’autre sens (penser que ce n’est qu’une phase normale de l’adolescence serait éluder le problème). Le sexisme, définitivement, n’est plus vraiment là où on le stigmatise. Quelle image de l’homme sont-elles en train de se former? Ou plutôt, est-on en train de leur inculquer? Le constat demeure: même en tout bien tout honneur, il semble que les genres ne se mélangent plus.
Si Berne admet officiellement que le confinement à des conséquences psychologiques, alors oui, il faudrait aussi admettre que le formatage (le matraquage) écolo-féministe en a aussi. Tout spécialement sur la jeunesse. Pour celles et ceux qui en tirent les ficelles, c’est évidemment l’objectif. A nous de résister.
Mais, je le répète, le DIP n’a pas à prendre position par rapport à ces nouvelles religions sans Dieu auxquelles on nous demande d’adhérer ou de brûler en enfer. Le rôle de l’école, c’est aussi d’apprendre à penser, non pas d’apprendre ce qu’on doit penser, n’en déplaise à la cheffe du département. Les modélisations et les soi-disant statistiques, auxquelles on réduit ces courants de pensée, sont de formidables machines à simplifier et à abrutir les masses sous couvert de science. Le climat est une chose très complexe, en l'état trop complexe pour l'entendement humain, aucun scientifique actuellement, même le plus affûté, ne peut se targuer d’en avoir compris le tiers du quart. La psychologie humaine, les genres, les rapports hommes-femmes, le sont tout autant. Personne ne devrait s’arroger le droit de manipuler de tels concepts autrement qu’avec une infinie humilité. Notre époque fait tout le contraire. Elle est animée par une arrogance inouïe qui lui donne le sentiment légitime de brandir en toute subjectivité des vérités définitives, de pratiquer à l’envi le révisionnisme le plus grossier, et de renvoyer à l’obscurantisme des siècles de culture et de civilisations. La mission essentielle du DIP serait précisément de lutter contre cette arrogance. En réalité, elle lui fait son lit.
Si la cheffe du DIP – ou l’un des nombreux représentants de sa garde prétorienne – me lit, il serait bon qu’elle réfléchisse à cette problématique. Les pères, les parents, pourraient bien un jour demander des comptes. Dans deux ans, par exemple...
Quant aux psychologues, puisque j’ai commencé par eux et qu’ils peuvent maintenant se prononcer en toute indépendance, il serait bon qu’ils se manifestassent sur cette question de la destruction systématique de l’image de la virilité et de ses conséquences sur l’identité des adolescent(e)s. Leurs honoraires, c’est bien, mais sur ce sujet aussi, on aimerait les entendre...