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  • Pandémie: parlons chiffres

    Par Pierre Béguin

    ...En l’occurrence ceux de l’Office fédéral de la statistique dont on peut supposer qu’ils sont fiables.

    L’OFS a recensé les décès survenus en Suisse jusqu’à la 19e semaine de l’année 2020, soit jusqu’au dimanche 10 mai. On en comptabilise à cette date 26590, contre 26190 pour la même période en 2019, soit 400 décès de plus. Précisons qu’en 2019, on recensait 67307 personnes décédées en Suisse, toutes causes confondues.

    En général, la courbe des décès en 2020 est inférieure à celle de 2019 jusqu’à la 11e semaine, soit jusqu’au 14 mars. Ensuite, et ce n’est pas une surprise, elle devient systématiquement supérieure jusqu’à la 17e semaine, soit jusqu’au 25 avril, avec une différence de 1531 décès. Ensuite, elle retombe, et même de manière assez nette durant la 19e semaine avec 183 décès en moins dans cette seule période du 4 au 10 mai.

    Toujours à cette même date du 10 mai, on recensait officiellement 1631 personnes décédées du covid en Suisse, soit 6,13% des décès, contre 27900 guérisons. Il faut préciser que, sur ces 1631 cas, le 70% concerne des personnes âgées de plus de 80 ans, soit une tranche de vie qui correspond à l’espérance de vie moyenne de la population. Ce qui veut dire que 543 personnes âgées de moins de 80 ans sont décédées du virus, soit 2,04% des décès (a-t-on par ailleurs déterminé si elles étaient mortes du – ou avec le – virus?).

    Cela dit, la raison d’être des statistiques, c’est justement de vous donner raison. Chacun trouvera donc dans ces chiffres de quoi conforter son opinion. Certains y verront la preuve de l’utilité d’un confinement qui a considérablement limité «la casse». D’autres, la preuve de l’aberration de mesures qui ont mis à mal des pans entiers de l’économie et précarisé des dizaines de milliers de personnes pour lutter contre une pandémie finalement pas si dévastatrice si l’on s’en tient aux chiffres, et qui, pour l’essentiel, ne concernait que des retraités. Quand bien même un mort, un seul s’il vous est proche, c’est déjà la terre entière… et ça n’a pas de prix!

    «Les statistiques sont vraies quant à la maladie, et fausses quant au malade; elles sont vraies quant aux populations, et fausses quant à l’individu», disait judicieusement Léon Schwartzenberg. Le vivant échappera toujours aux mathématiques, contrairement à ce qu’essaient de nous faire croire des modalisations alarmistes qui jouent sur la peur. Et les chiffres ne parlent pas la même langue selon l’angle par lequel on les interroge. Qu’on s’en souvienne quand, inévitablement, sonnera l’heure des comptes!

    En attendant – et c’est la seule opinion que j’émettrai dans ces lignes -, un peu de modestie ferait le plus grand bien à tous ces gourous de la science qui, opportunément ou habilement, - et quelle que soit leur religion – nous assènent leurs vérités contradictoires avec l’assurance d’une parole divine. Cette étrange période a élu ses idoles du prêchi-prêcha. Puissent-elles retourner dans l’oubli en même temps que la pandémie!

    Ah oui ! Puisqu’on parle opportunisme et chiffres, mais d’une toute autre nature, ceux-là, il me faut encore mentionner ce fait: sans surprise, on déplore dans le canton de Vaud les premières arnaques aux crédits coronavirus accordés aux entreprises. J’avais déjà entendu un type affirmer qu’il empocherait les 200.000,- francs accordés en prêt sans intérêt à son entreprise, qu’il mènerait grand train pendant une année ou deux avant de se mettre en faillite… et de repartir le cas échéant sous une autre raison sociale. Ce scénario va se généraliser dans toute la Suisse, c'est écoeurant mais c'est une certitude. A ce niveau, j’ai toujours trouvé nos autorités d’une consternante naïveté, malgré l’urgence. La garantie d’Etat, en l’occurrence, ce sera le contribuable…

     

     

  • Paradoxe... ou les Compagnies d'assurance maladie au temps du coronavirus

    Par Pierre Béguin

    «Le paradoxe est le moyen le plus tranchant et le plus efficace de transmettre une vérité aux endormis et aux distraits», affirmait un écrivain espagnol du siècle dernier (Miguel de Unamuno).

    Supposons qu’il ait raison. Et développons ce billet sur la base d’un paradoxe qu’il nous est facile d’observer: jamais au paroxysme de cette pandémie qui nous occupe à plein temps depuis deux mois les cabinets médicaux et les hôpitaux n’auront fonctionné si loin de leur capacité maximale; et, donc, jamais au pire temps de la maladie et du confinement que nous venons de traverser les assurances maladies n’auront fait autant d’économies.

    Quand ils ne furent pas simplement fermés, les cabinets médicaux fonctionnèrent entre 10 et 30% de leur capacité, les cliniques, et même les hôpitaux, à guère plus de 50%. Depuis deux semaines que les médecins ont reçu l’autorisation de pratiquer à temps plein, tous celles et ceux que j’ai interrogés – et cela fait un certain nombre – me disent la même chose: les patients potentiels sont encore frileux et les cabinets tournent à environ 50%. Et il faudra du temps pour qu’ils fonctionnent à 100%.

    D’autres constats sont encore plus surprenants. Ainsi a-t-on remarqué que les décès dus à des causes cardiaques ont diminué de moitié durant cette période (aurait-on, en partie du moins, imputé au virus la différence?). Et on pourrait allonger la liste de nos exemples. Le fait est que jamais la santé du citoyen suisse, en apparence et si l’on s’en tient aux seuls chiffres des consultations, n’a été aussi bonne qu’au temps du coronavirus.

    Ce paradoxe amène à nous questionner sur deux problématiques essentielles qu’il nous faudra bien empoigner avec l’énergie de la révolte, si nos politiques ne le font pas:

    1. Les économies vertigineuses effectuées par les compagnies d’assurance maladie, économies qui se prolongeront encore quelques mois, devraient logiquement aboutir, en fin d’année, à une baisse tout aussi vertigineuse de nos primes d’assurance, pour le moins à une ristourne significative. Dans le cas contraire, il y aurait à l’évidence escroquerie, qui plus est escroquerie couverte par la sphère politique.
    2. Les sommes hallucinantes qui constituent les fameux fonds de réserve plus ou moins occultes des assurances – et dont j’ai toujours prétendu qu’ils finiront par exploser dans un énorme scandale – devraient être, cette fois, sérieusement remises en question. On pouvait jusqu’alors justifier de leur importance par l’avènement de temps difficiles comme ceux que nous traversons en ce début d’année. Mais si l’expérience nous montre clairement l’inutilité de ces milliards de réserve face au problème même par lequel on justifie leur existence – car, j’en fais le pari, on ne prélèvera pas un rouge liard sur ces fonds de réserve, même pour éponger des primes que beaucoup de citoyens ne peuvent plus payer – lesdits citoyens devront logiquement se questionner sur la légitimité de ces fonds de réserve. Et sur le rôle joué par bon nombre d’élus dans ce qui menace de plus en plus de tourner un jour au scandale national.

    Et puisque j’ai commencé ce billet par une citation sur le paradoxe, je conclurai de même en citant cette fois Diderot: «Ce qui est aujourd’hui un paradoxe pour nous sera pour la postérité une vérité démontrée». A cette nuance près qu’il ne s’agira pas ici de «postérité». C’est aux citoyens suisses actuels, dans leur ensemble, y compris «les endormis et les distraits», qu’il faudra donner rendez-vous en fin d’année. Et cette fois, ce ne sera pas pour applaudir le corps médical, mais pour s’accorder un très sérieux droit d’inventaire…