Bernadette Richard, prix Rod 2018
Une chaux-de-fonnière récompensée
par Corine Renevey
C’est le samedi du jeûne que le jury du Rod décerne chaque année son prix. Le soleil est toujours au rendez-vous et chauffe agréablement la terrasse du café de la Poste à Ropraz où vous accueillent, amusés, deux bustes monumentaux de l’artiste Perret-Gentil exposé à la Fondation de l’Estrée. C’est dans ce lieu polyvalent qui sert également de salle d’exposition, de théâtre et de concert que l’auteur Bernadette Richard est célébrée. Ça tombe bien, le décor est en place pour un prochain spectacle de l’Américain Edward Albee, Zoo Story ! Nous sommes ainsi progressivement transportés dans l’ambiance new-yorkaise de Central Park, justement la ville tant aimée de la lauréate.
Avec Heureux qui comme, publié aux Éditions d’autre part, le jury récompense une écrivaine confirmée, près de 30 livres à son actif (romans, nouvelles, pièces de théâtre, livres pour enfants). Bien qu’elle ait consacré sa vie à l’écriture, elle reste en marge des réseaux littéraires. « C’est normal, dit-elle, je suis toujours en voyage à l’étranger. Il est difficile de me contacter, j’ai déménagé 57 fois ! » Pourtant c’est à son dernier domicile que l’auteur apprend la nouvelle. « J’ai cru faire un arrêt cardiaque », confie-t-elle.
Au départ, ce livre était une commande de la ville de Neuchâtel. Comment parler de cette région avec bienveillance, alors qu’on a cherché toute sa vie à y échapper ? Elle décide de relever le défi, fouille dans 40 cartons de notes et de carnets accumulés depuis 1964 qui la suivent dans tous ses déplacements. Elle y retrouve le regard adolescent et des impressions liées à quelques endroits particulièrement marquants. Elle revisite les lieux : le Creux du Van, la Brévine, le lac de Taillères. Ces coins si proches de son enfance lui plaisent à nouveau infiniment. Ils entrent en résonnance avec les lointaines contrées admirées lors de ses escapades. Elle nous livre finalement des pages d’une extrême beauté notamment lorsqu’elle compare son petit lac au lac Baïkal. D’une géographie à l’autre, il s’agit de la même flore, de la même faune, de la même vibration. Le constat est sidérant. Pourquoi voyager quand « on a tout au fond de son jardin » ?
Paru dans Le Courrier http://le-courrier.ch/ropraz-bernadette-richard-prix-rod-2018/
© Jean-Claude Boré