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Arnaud Maret, Rusalka

Par Alain Bagnoud

 

Arnaud Maret, RusalkaArnaud Maret sait mener un récit. Ses livres (deux jusqu'à présent) s'inscrivent dans la catégorie des page turner. Ils forment le début d'une série : on retrouve dans Rusalka, qui vient de paraître, un personnage des Ecumes noires, son premier roman publié il y a quelques années chez le même éditeur (L'Aire).

 

À quoi tient cette technique que Maret maîtrise ? La gestion des informations tout d'abord.

 

Le prologue, déjà, pose des énigmes et retient leur explication. Il met en scène Julien Kelsen (le héros du précédent livre) et crée quelques mystères. Kelsen se remémore que la jeune femme avec laquelle il va travailler est... « Non, mieux valait essayer de ne pas y penser... » Plus loin, il se souvient que « vingt-trois ans avaient passé ». Depuis quoi ? Réponse cent ou deux cents pages plus loin...

 

Cette manière de retenir les informations se retrouve dans la mise en scène des événements. La découverte du corps, par exemple. Car évidemment, il y a un corps, déchiqueté, mordu (serait-ce un loup ? On est en Valais), nu, vieux, qui serre une photo passée d'un jeune couple devant une église (Saint-Nicolas, dans le quartier de Mala Strana à Prague, mais on ne le saura bien entendu que plus tard.)

 

Arnaud Maret, RusalkaMaret, avant de nous montrer le cadavre, suit le policier Valérien de Roten, 27 ans, de Sion, qui présente sa fiancée à ses parents. (Eléonore von Allmen, historienne chargée de cours à l'Université de Fribourg). Puis le flic est prévenu. Mais c'est dix-huit pages plus tard, après une approche bien décrite, qu'il voit le cadavre.

 

Autre force de Maret : les ambiances liées au lieu. Le barrage de Mauvoisin, en Valais. Fribourg. Prague : on se balade.

 

Et enfin, comme dans Les Ecumes noires : il s'agit d'Histoire. La petite histoire policière (cadavre inconnu, fiancée qui disparaît, voyage transgressif du policier, rencontre avec Kelsen, etc.) recouvre ici un fait divers qui éclaire un moment fort de l'Europe : l'écrasement du Printemps de Prague, le pouvoir de la police secrète, les conséquences sur des générations entières...

 

Récit dont on a, comme il se doit, envie de tourner les pages. L'écriture (phrases courtes, descriptives, souvent nominales, vocabulaire accessible) ne gêne en rien ce désir. Et d'autant plus que Maret, depuis son dernier opus, a appris à maîtriser la longueur de ses descriptions : juste assez présentes pour créer une atmosphère, pas trop afin de ne pas lasser.

 

Arnaud Maret, Rusalka, Editions de l'Aire

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